vendredi 31 mai 2019

97%, oui, mais pas de ce à quoi vous pensez !

Il y a quand même de sacrés numéros qui n'ont pas peur du ridicule (non je ne parle pas de moi), par exemple celui-ci qui nous prévoyait, parmi tant d'autres rigolos, que nous allions nous geler les arpions incessamment sous peu dans 97% de chance d’une ère glaciaire d’ici 4 ans ; cet article a été publié en novembre 2016, « d'ici 4 ans » signifie qu'en novembre 2020, dans un an et demi donc, nous allons devoir nous emmitoufler dans nos doudounes afin de faire face à un froid polaire.

Un autre rigolo que nous connaissons bien avait relayé la même information foireuse dans Crise climatique : Un nouveau « petit âge glaciaire » a déjà commencé !, là c'était en janvier dernier et pour lui ça avait « déjà commencé », il est vrai qu'il faisait un peu frisquet en début d'année, on était en hiver et il faisait plus froid qu'en plein été, alors vous voyez bien qu'il n'avait pas tout à fait tort.

Je ne sais pas d'où notre premier comique a sorti les 97% qu'il nous livre dans le titre de son épitre, il est quand même cocasse de constater la similitude de ce pourcentage avec celui qui est censé représenter le consensus scientifique sur le réchauffement climatique qui, à mon humble avis, doit plutôt approcher les 100% si l'on ne prend en compte que les climatologues, c'est-à-dire les seuls scientifiques habilités à publier des études ayant un quelconque rapport avec le climat ; en effet, à part quelques individualités comme Lindzen ou Curry et quelques autres (en supposant qu'ils ne soient pas payés par qui-vous-savez, ce qui les éliminerait d'office) l'immense majorité des climatologues est d'accord dans les grandes lignes, seuls quelques détails restent encore en discussion (rôle des nuages ou valeur de l'ECS par exemple)

Mais le petit farceur qui nous prédit pour fin 2020, avec 97% de chance de gagner, que les températures vont chuter drastiquement (cela me rappelle un autre guignol qui s'était lui aussi égaré dans ce genre de prédiction fumeuse), nous dit le plus sérieusement du monde, à son propos, que
l’idée principale derrière ce site est de susciter la réflexion authentique par un contenu permettant la remise en question du statu quo officiel.
Ben oui ça c'est ben vrai ça, le « statu quo officiel » nous dit que les températures montent parce que nous émettons des gaz à effet de serre, alors il faut combattre cette « pensée unique » parce que
[c]ultiver le discernement et avoir un regard le plus objectif qui soit sont, me semble-t-il, des impératifs de notre époque hyper médiatisée où la surinformation règne.
On est bien d'accord là-dessus, la « surinformation règne » et, surtout, la désinformation dont ce tartuffe remplit son site à l'envi, par exemple :
« Réchauffement climatique » oblige : l’hémisphère nord sous une vague de froid sans précédent le 4 janvier 2018, avec cette magnifique introduction :
De l’Europe au Mexique, la transition de 2017 à 2018 se fait sous le signe des bouleversements climatiques. Non dans le sens du GIEC qui, au nom des carbo-dollars, prônent que la Terre se réchauffe, mais bien rapidement en vue d’une ère glaciaire. « On nous dit que la Terre se réchauffe, mais il neige et on a froid. On nous dit même que c’est de notre faute et on y croit…« .
« Réchauffement » climatique oblige : 30 degrés sous les normales saisonnières au Kazakhstan le 22 novembre 2016, où l'on apprend qu'il peut faire froid au Kazakhstan, ce dont on ne se serait jamais douté et ce qui, bien entendu, invalide le réchauffement climatique !
La science « établie et sûre » du réchauffement climatique anthropique fond comme neige au soleil le 25 juin 2016, en reprenant des passages de pitres tels que James Delingpole , Bjorn Lomborg ou Vincent Courtillot et en faisant référence à des graphiques de Bob Tisdale !
Un totalitarisme climatique mondial s’instaure le 9 avril 2016, pour se plaindre que les climatosceptiques soient considérés comme des « négationnistes » et qu'on envisage de les poursuivre en justice, non mais, si on ne peut plus raconter de conneries où va-t-on ma bonne dame !
« Réchauffement » climatique – Fraude scientifique par omission : l’effet du soleil et ère glaciaire à venir le 5 octobre 2015, où l'on apprend que les scientifiques nous cachent l'horrible vérité !
« Le réchauffement climatique est devenu la nouvelle religion » le 11 juillet 2015, parce que bien évidemment les scientifiques sont des grands prêtres qui sacrifient des petits enfants afin de lire l'avenir dans leurs entrailles alors que les climatosceptiques sont des gens rationnels à qui on ne raconte pas d'histoires, non mais ! Et notre gugusse de citer un autre pitre dont j'ai déjà parlé ici.
« Réchauffement » climatique oblige : les États-Unis se préparent à des records de froid le 5 janvier 2014, où cela devient une habitude, quand il fait froid aux Etats-Unis, surtout en plein hiver, cela réfute formellement la thèse du réchauffement climatique, n'est-ce pas ?
Il y a une catastrophe climatique majeure en route et rien n’est dit : lien entre taches solaires et refroidissement global actuel le 23 novembre 2013, où l'on voit qu'il n'y a pas que les médias généralistes qui se révèlent « catastrophistes », on vous l'a dit et répété il va faire super froid, préparez-vous à vous geler les miches, la boule de cristal de Benoit Rittaud vous l'avait d'ailleurs clairement annoncé dès 2010 !
Mais notre humoriste en herbe ne se contente pas de causer du climat, il a un champ de connaissances tellement étendu que cela en devient vertigineux (tout comme la bêtise d'un certain chroniqueur), la preuve :
Un scientifique découvre une [autre] preuve allant contre la théorie de l’évolution… et s’en retrouve licencié le 5 décembre 2014, comme quoi il ne faut pas croire tous ces scientifiques dévoyés qui n'hésitent pas à se débarrasser d'un collègue un peu trop...encombrant !
Mais vous n'avez pas tout vu, il y a ce scoop planétaire passé complètement inaperçu (on se demande encore pourquoi dans toutes les chaumières) :
Nouveau-Mexique : des empreintes humaines vieilles de 290 millions d’années le 19 septembre 2011, en citant l'incomparable site ufoetscience afin d'argumenter de tout son poids et en vous fournissant la preuve incontestable de ce qu'il avance avec cette magnifique photo :
Etat du monde état d'être c'est le pied ! Et ta sœur ?

Nous avons affaire là à une véritable pointure, je vous le dis !


jeudi 30 mai 2019

Climactualités - mai 2019

ENSO

Le 30/05/2019 : climate.gov/enso

A weak El Niño is underway in the tropical Pacific, and it's likely to continue through summer (70% chance) and fall (55-60% chance). Weak events can still produce moderate or strong impacts in some places, but such impacts are less likely overall. 
Un faible El Niño est en cours dans le Pacifique tropical, et il est probable qu'il se poursuivra tout au long de l'été (70% de chances) et de l'automne (55-60% de chances). Les événements faibles peuvent encore produire des impacts modérés ou forts à certains endroits, mais ces impacts sont moins probables dans l'ensemble.

Synopsis:  El Niño is likely to continue through the Northern Hemisphere summer 2019 (70% chance) and fall (55-60% chance).

During April, above-average sea surface temperatures (SSTs) persisted across most of the equatorial Pacific Ocean [Fig. 1], reflecting the ongoing El Niño. All of the latest weekly Niño indices were near +0.8°C, except for Niño-1+2 index, which was at +0.3°C [Fig. 2]. While surface indicators were relatively unchanged during the month, the anomalous upper-ocean subsurface temperatures (averaged across 180°-100°W) decreased through April [Fig. 3]. Subsurface temperature anomalies remained positive close to the surface across the equatorial Pacific Ocean, but were increasingly negative at depth [Fig. 4]. Suppressed tropical convection was evident near Indonesia and enhanced convection continued near the Date Line, though weaker compared to the last two months [Fig. 5]. Low-level wind anomalies were weak over the tropical Pacific Ocean, with easterly anomalies evident over the western Pacific. Upper-level wind anomalies were easterly over the western Pacific and westerly over most of the eastern Pacific. Overall, oceanic and atmospheric conditions were consistent with El Niño.

Moyenne des anomalies de températures de surface pour la semaine entourant le 1er mai 2019 (par rapport à la moyenne de référence 1981-2010)

Moyenne des anomalies de températures de surface dans les différentes régions El Niño (par rapport à la moyenne 1981-2010)

Moyenne des anomalies de températures de l'océan supérieur dans le Pacifique équatorial. L'anomalie du contenu calorifique est calculée en partant de la moyenne des pentades de la période de base 1981-2010.

Section de la longitude et de la profondeur des anomalies de température (C°) du haut océan pacifique équatorial (0-300m) centrées sur la pentade du 28 avril 2019. Les anomalies sont des écarts par rapport aux moyennes des pentades de la période de base 1981-2010.

Moyenne (W/m²) des anomalies du rayonnement en ondes longues sortantes (OLR) pour la période du 3 avril 2019 au 28 avril 2019. Les anomalies OLR sont calculées à partir de la moyenne des pentades de la période de base 1981-2010)

Blog climate.gov

Température mensuelle de la surface de la mer dans la région Niño 3.4 du Pacifique tropical pour 2018-19 (ligne violette) et pour toutes les autres années El Niño depuis 1950. Graphique Climate.gov basé sur les données de température ERSSTv5.

*****

GISS L-OTI anomalies de températures vs 1881-1910

Le 30/05/2019 : data.giss.nasa.gov

Anomalies de températures pour le mois d'avril 2019 par rapport à la période de référence 1881-1910.

Rappel périodes précédentes (à partir de 2016, année la plus chaude) :
  • mars 2019 : 1.42
  • février 2019 : 1.20
  • janvier 2019 : 1.31
  • année 2018 : 1.08
  • année 2017 : 1.17
  • année 2016 : 1.26

*****

Coral Reef Watch

Le 30/05/2019 : coralreefwatch.noaa.gov

NOAA Coral Reef Watch's most recent Four-Month Coral Bleaching Heat Stress Outlook is below. This figure shows the distribution of the lowest heat stress levels predicted by at least 60% of the model ensemble members. In other words, there is a 60% chance that the displayed heat stress levels will occur.

*****

Climate Prediction Center 

Le 30/05/2019 : cpc.ncep.noaa.gov

Prévisions de tempêtes tropicales.

*****

Polar Science Center

Le 30/05/2019 : psc.apl.uw.edu
The year 2018 finished out with an annually averaged sea ice volume that was the 5th lowest on record with 13,860 km 3 , with a 1,000 km3 gain over the record year of 2017. While 2018 started relatively low, relatively little melt during the summer and rapid growth in the fall (Fig 8) brought the ice volume in the same area as recent low years (2011,2012,2016, 2017).
L'année 2018 s'est terminée avec un volume moyen annuel de glace de mer qui était le 5e plus bas jamais enregistré avec 13 860 km 3, avec un gain de 1 000 km3 par rapport à l'année record 2017. Bien que 2018 ait commencé à être relativement faible, la fonte a été relativement faible durant l'été et la croissance rapide à l'automne (figure 8) a fait en sorte que le volume de glace se situe dans la même région que les années faibles récentes (2011, 2012, 2016, 2017).
Average Arctic sea ice volume in April 2019 was 22,400 km3. This value is the 3rd lowest on record about 1800 km3 above the April record that was set in 2017 with ~20600 km3 and about 1000 km3 above last year’s number. Monthly ice volume was 37% below the maximum in 1979 and 27% below the mean value for 1979-2018. April 2019 ice volume falls above the long term trend line with 0.38 sigma.
En avril 2019, le volume moyen de glace de mer dans l'Arctique était de 22 400 km3. Cette valeur est la troisième plus basse jamais enregistrée à environ 1800 km3 au-dessus du record d'avril établi en 2017 avec ~20600 km3 et environ 1000 km3 de plus que l'an dernier. Le volume mensuel de glace était de 37 % inférieur au maximum en 1979 et de 27 % inférieur à la valeur moyenne pour 1979-2018. Le volume de glace d'avril 2019 se situe au-dessus de la ligne de tendance à long terme avec 0,38 sigma.

Fig.1  Arctic sea ice volume anomaly from PIOMAS updated once a month. Daily Sea Ice volume anomalies for each day are computed relative to the 1979 to 2018 average for that day of the year. Tickmarks on time axis refer to 1st day of year. The trend for the period 1979- present  is shown in blue. Shaded areas show one and two standard deviations from the trend. Error bars indicate the uncertainty of the  monthly anomaly plotted once per year.

Fig. 2 Total Arctic sea ice volume from PIOMAS showing the volume of the mean annual cycle, and from 2011-2019. Shaded areas indicate one and two standard deviations from the mean.

Fig.3 Monthly Sea Ice Volume from PIOMAS for April and Sep.

Fig 8 Comparison of Daily Sea Ice Volume Anomalies relative to 1979-2018.

*****

Arctic Data archive system (ADS) 

Le 30/05/2019 : ads.nipr.ac.jp (nouvelle version : ads.nipr.ac.jp/vishop/#/extent)

Evolution de la banquise arctique.
Evolution de la banquise antarctique.
Evolution globale des deux banquises arctique et antarctique.

Historique des Climactualités (l'Arctique est mentionné en premier ; en bleu les valeurs minimales, en jaune les maximales ; la valeur entre parenthèses est la variation avec l'année précédente) 

Mai 2019 : 10,88 + 10,18 = 21,06 (-0,61)
Avril 2019 : 12,56 + 6,66 = 19,22 (+1,07)
Mars 2019 : 13,73 + 3,83 = 17,56 (+0,19)
Février 2019 : 14,02 + 2,44 = 16,46 (+0,47)
Janvier 2019 : 13,48 + 3,01 = 16,49 (+0,35)
Décembre 2018 : 11,85 + 6,07 = 17,92 (-0,97)
Novembre 2018 : 10,54 + 13,26 = 23,8 (+0,48)
Octobre 2018 : 7,18 + 17,09 = 24,27 (-0,82)
Septembre 2018 : 4,68 + 18,01 = 22,69
Août 2018 : 4,8 + 17,7 = 22,5
Juillet 2018 : 6.67 + 16.44 = 23.11
Juin 2018 : 9.19 + 14.59 = 23.78
Mai 2018 : 11.02 + 10.65 = 21.67
Avril 2018 : 12.82 + 6.33 = 18.15
Mars 2018 : 13.87 + 3.50 = 17.37
Février 2018 : 13.68 + 2.31 = 15.99
Janvier 2018 : 12.68 + 3.46 = 16.14
Décembre 2017 : 11.76 + 7.13 = 18.89
Novembre 2017 : 10.07 + 13.25 = 23.32
Octobre 2017 : 7.82 + 17.27 = 25.09
Septembre 2017 : pas de stats

Moyenne des années 1980 à la même date : 12,65 + 11,30 = 23,94
*****

Spécial Le Chat ce mois-ci !

On ne vise personne, mais suivez son regard.

Oui mais ils seront morts depuis longtemps, alors ils s'en foutent comme de l'an 40 !
Tout est relatif comme aurait dit l'autre.
Chauffe Marcel, chauffe !

lundi 27 mai 2019

Est-ce le froid qui tue, ou le trop chaud ?

Un mythe (parmi bien d'autres) régulièrement répandu par la gent climatosceptique est celui qui consiste à prétendre que la hausse des températures (quand ils acceptent qu'il y ait une hausse, ce qui n'est pas le cas de tous…) ne peut qu'être bénéfique parce que soi-disant ce ne serait que le froid qui serait mortel, et donc plus il ferait chaud et plus ce serait bon pour la santé des populations exposées ; ce mythe permet notamment de justifier les émissions de CO₂ et autres gaz à effet de serre puisque la chaleur (présumée selon la plupart d'entre eux) qu'ils génèreraient serait alors exonérée de toute responsabilité.

Au passage disons que ce n'est pas tellement la chaleur qui serait absoute, mais plutôt les hommes qui émettent lesdits gaz à effet de serre ; si vous émettez une substance et que celle-ci s'avère bénéfique pour les gens, que peut-on vous reprocher ?

Donc la hausse des températures serait une aubaine pour l'humanité en améliorant notre qualité de vie et en nous préservant de nombreuses maladies…

Sans blague !

Il est bien évident que le froid tue, personne de sensé ne peut remettre ce fait en question, mais la question vraiment intéressante est de savoir si le réchauffement climatique en cours, qui n'est pas près de s'arrêter, va se révéler bénéfique ou néfaste non pas pour le quidam au coin de ma rue mais pour tous les hommes habitant sur la planète Terre.

Nous sommes bien d'accord que les gens qui habitent près des pôles ou très haut en altitude ne peuvent que considérer, à première vue, que la hausse des températures ne leur veut que du bien, alors que le sentiment de ceux qui vivent à l'équateur ou sous les tropiques est très probablement plus que mitigé sur la question.

Ainsi cette étude intitulée ADAPTATION AND THE MORTALITY EFFECTS OF TEMPERATURE ACROSS U.S. CLIMATE REGIONS nous explique dans son introduction :
[…] northern, cooler regions will generally bear lower mortality costs or even benefit from climate change relative to warmer regions.
[…] les régions septentrionales, les plus froides, supporteront généralement des coûts de mortalité plus faibles ou bénéficieront même du changement climatique par rapport aux régions plus chaudes.
J'aurais tendance à ajouter qu'on s'en serait un peu douté et qu'il s'agit là d'une évidence ; mais il faut lire l'ensemble de la phrase contenue dans l'introduction, et nous avons ceci :
In the most comprehensive application of this approach, Hsiang et al. (2017) estimate that excess mortality will account for about 70 percent of end-of-century climate damages in the United States but find that northern, cooler regions will generally bear lower mortality costs or even benefit from climate change relative to warmer regions.
Dans l'application la plus complète de cette approche, Hsiang et ses collaborateurs (2017) estiment que la surmortalité représentera environ 70 % des dommages climatiques de fin de siècle aux États-Unis, mais ils constatent que les régions du Nord, plus fraîches, supporteront généralement des coûts de mortalité inférieurs ou bénéficieront même du changement climatique par rapport aux régions plus chaudes.
L'« approche » dont il est question est la suivante :
[…] to estimate economic damages as a function of weather and then calculate climate damages using shifts in the future weather distribution predicted by climate models (Deschênes and Greenstone, 2011).
[…] estimer les dommages économiques en fonction des conditions météorologiques, puis calculer les dommages climatiques à l'aide des changements dans la distribution future des conditions météorologiques prévue par les modèles climatiques (Deschênes et Greenstone, 2011).
Donc cette étude confirme que les « gens du nord » ne peuvent que se satisfaire du réchauffement climatique, de là à dire que les climatosceptiques se recrutent essentiellement dans ces régions il n'y a qu'un pas que je serais bien tenté de franchir, sachant d'expérience (quelques lecteurs ici même ayant apporté leur contribution de leur plein gré…) que l'homme (un peu moins la femme) s'occupe d'abord de ses oignons en se fichant pas mal du reste de l'humanité dont il n'a pas grand chose à faire, sauf s'il peut en tirer un quelconque bénéfice.

Mais les choses sont bien plus compliquées que ce que certains pensent, comme nous l'indique l'étude dans la suite de l'introduction :
However, these climate damage estimates and their qualitative implications rely on the strong assumption that the relationship between temperature and mortality is uniform across regions and constant over time. That is, they fail to allow for regional heterogeneity in the current temperature-mortality relationship or adaptation to future changes in climate.
Toutefois, ces estimations des dommages climatiques et leurs implications qualitatives reposent sur l'hypothèse forte que la relation entre la température et la mortalité est uniforme dans toutes les régions et constante dans le temps. En d'autres termes, ils ne tiennent pas compte de l'hétérogénéité régionale de la relation température-mortalité actuelle ou de l'adaptation aux changements climatiques futurs.
L'étude en question se focalise non seulement sur le territoire des Etats-Unis mais aussi sur la population âgée (ou plutôt qui sera âgée à la fin de ce siècle) ; une constatation intéressante concernant le présent est que les effets d'une chaleur additionnelle sont plus importants dans les régions froides que dans les chaudes (The effects of hot days are much larger in cool regions than in warm regions) mais aussi que les effets d'un froid additionnel sont moins graves dans les régions froides que dans les chaudes (cold days are much less harmful in cool regions than in warm regions), bref pour résumer en simplifiant à l'extrême :
  • là où il fait déjà froid davantage de chaud tue ;
  • là où il fait déjà chaud davantage de froid tue.
Nous voyons bien que l'affirmation selon laquelle c'est le froid qui tue et non le chaud ne fait pas vraiment dans la subtilité.

L'étude interprète d'ailleurs ses constatations ainsi :
We interpret this geographic heterogeneity as evidence of historical adaptation. As one potential channel for this adaptation, we find that nearly all of the cross-sectional differences in heat-related deaths can be explained by differential residential air conditioning (AC) adoption.
Nous interprétons cette hétérogénéité géographique comme une preuve d'adaptation historique. Comme canal potentiel de cette adaptation, nous constatons que presque toutes les différences transversales dans les décès liés à la chaleur peuvent s'expliquer par l'adoption différentielle de la climatisation résidentielle (AC).
Mais le problème auquel vont être confrontées nos générations futures, parmi lesquelles figureront nos personnes âgées en devenir (vous, moi, nos enfants surtout…) est résumé ainsi :
Our analysis reveals that while regions have become adapted to temperatures they face frequently, neither warm nor cool regions are well-adapted to temperatures they encounter infrequently.
Notre analyse révèle que si les régions sont devenues adaptées aux températures auxquelles elles sont fréquemment confrontées, ni les régions chaudes ni les régions froides ne sont bien adaptées aux températures qu'elles rencontrent peu fréquemment.
Eh oui, au cours des âges nous nous sommes tous adaptés, sur notre planète, à des régimes climatiques auxquels nous nous sommes habitués, en construisant par exemple un certain type d'habitations ou en nous habillant et en nous alimentant d'une certaine manière, mais le réchauffement brusque que nous avons provoqué va nous prendre de court et cela aura des conséquences.

De nombreux graphiques figurent dans l'étude, en voici un de particulièrement révélateur :
Panel A plots estimates from a daily ZIP code level regression of 3-day mortality on daily average temperature where temperature bins are interacted with an indicator for whether the ZIP code is in the coolest, middle, or warmest third of ZIP codes based on 30-yar average cooling degree days (see Equation 1). The temperature estimates for each climate region reflect excess mortality from a given temperature day relative to a day in the mortality-minimizing temperature category for that region: 55°F-60°F, 65°F-70°F, and 75°F-80°F for the coolest, middle, and warmest regions, respectively. Estimates are reported and indicated with a marker for temperature bins comprising at least 0.05 percent of daily ZIP code observations (about two days every ten years, on average) in that climate region. The dashed curves are 5th order polynomials fit to the reported estimates for each tercile and fit to all temperature bins. Panel B plots estimates from an analogous regression where the bin coefficients are assumed to be the same across all ZIP codes (see Appendix Equation A1). The estimate for each bin reflects excess mortality associated with replacing a day in the reference category (65°F-70°F) with a day in the specified bin. Regressions in both panels include ZIP code by day of year fixed effects, state by year fixed effects, and flexible controls for temperature in the preceding 2 and 6 days and subsequent 2 days. Regressions are weighted by population and shaded regions report 95 percent confidence intervals based on standard errors clustered at the county level.

Explication de la légende : dans le panneau A chaque courbe représente un tercile, en bleu les régions les plus froides et en rouge les plus chaudes ; on constate aisément que c'est dans les régions les plus froides que les hautes températures tuent nettement plus, surtout en extrapolant les courbes vers des températures qui ne sont pas encore connues dans ces régions mais auxquelles elles devront probablement faire face dans un futur plus ou moins proche ; la moyenne figurant dans le panneau B est donc trompeuse et cache des détails très instructifs.

Nous pouvons donc en conclure que les gens qui vivent dans des régions froides et qui s'imaginent naïvement que le réchauffement climatique sera tout bénéfice pour eux se trompent et auront des surprises dans leurs vieux jours (s'ils vivent assez longtemps) puisque les températures vont continuer à monter, ainsi que le nombre de jours présentant de très fortes températures comme l'indique ce graphique :
This graph plots in solid orange the number of days exposed to 90-degree or higher average temperature for a typical Medicare beneficiary, for each year in the sample. Annual exposure is computed by calculating the number of days each beneficiary is exposed to 90+ degree average temperature based on ZIP code of residence and then averaging across beneficiaries. The heavy-dashed gray line and lightly-dashed blue line describe the three-year moving average and a best fit linear trend of this time series, respectively.

Entre 1992 et 2011 le nombre de jours à plus de 90°F (32,22°C) a plus que  doublé en moyenne, passant de près de 1 à 2 exactement avec un pic à 3 jours et demi en 2011 ; à noter qu'il s'agit de jours par bénéficiaire de Medicare, le système américain de santé qui concerne les plus de 65 ans.

Un très instructif graphique nous est également présenté :
This figure presents coefficients from separate regressions for each of three outcome variables: 3-day, 7-day, and 28-day mortality. The regression specification is that of Equation (A1), but with temperature leads expanded to included average temperature in the 6 and 27 days following the event day.

Ainsi la mortalité « post fait générateur » est essentiellement celle causée par le froid quand elle se produit 28 jours après l'événement avec un maximum de 3,5 pour cent mille pour une température inférieure à 10°F (-12°C), mais on constate que la mortalité quasi immédiate (à 3 jours) est relativement faible à cette température (un peu plus de 0,5 décès pour cent mille personnes) alors qu'elle monte en flèche à partir de 80-90°F (27-32°C) pour atteindre près de 2 pour cent mille à plus de 95°F (35°C) ; à noter que les trois courbes se superposent pour les valeurs extrêmes, donc que ce soit à 3, 7 ou 28 jours après un événement climatique extrême impliquant de fortes températures, au-delà de 90°F (32°C) la mortalité excédentaire est exactement la même à peu de choses près.

Maintenant en détaillant par catégories plus fines d'âges nous voyons clairement que ce sont les plus âgés qui vont souffrir le plus des fortes températures :
This figure plots estimates from a daily ZIP code level regression of 3-day mortality on daily average temperature bins (see Equation A1) separately for individuals in each of 5 age groups: 65-69, 70-74, 75-79, 80-84, and 85-100. The estimate for each bin reflects excess mortality associated with replacing a day in the reference category (65°F-70°F) with a day in the specified bin. All regressions include state-by-year and ZIPcode-by-day-of-year fixed effects and also controls flexibly for temperature leads/lags by fully interacting three sets of 5-degree average temperature bins for the preceding 2 and 6 days and subsequent 2 days. Regressions are weighted by population and standard errors are clustered at the county level.

Est-ce vraiment une surprise ?

Mais le plus surprenant (quoique) est le graphique suivant qui nous montre la perte en espérance de vie en fonction de l'âge et de la température :
This figure plots estimates from a daily ZIP code level regression of life years lost (LYL) due to 3-day mortality on daily average temperature bins (see Equation A1) separately for individuals in each of 5 age groups: 65-69, 70-74, 75-79, 80-84, and 85-100. The estimate for each bin reflects additional loss of life years associated with replacing a day in the reference category (65°F-70°F) with a day in the specified bin. LYL is computed by assigning individuals their expected life years remaining based on age and gender using Social Security Administration life tables, and then summing over those alive on any ZIP-code-day to get the total number of remaining life years and then estimating equation (A1). The regression includes state-by-year and ZIP-code-by-day-of-year fixed effects and also controls flexibly for temperature leads/lags by fully interacting three sets of 5-degree average temperature bins for the preceding 2 and 6 days and subsequent 2 days. The regression is weighted by population and standard errors are clustered at the county level.

Je dois avouer que je suis moi-même surpris par l'importance de la perte en espérance de vie causée par une surmortalité à 3 jours due à une chaleur anormale, on parle de 15 à 20 années de perdues pour des températures de 95°F (35°C) tout de même ! Mais c'est pour cent mille individus, ce que j'ai un peu de mal à convertir en quelque chose de concret…


Pour en revenir à l'actualité récente et mettre celle-ci en parallèle avec ce que nous venons de voir, Marshall Shepherd, dans 3 Things To Know About The Memorial Day Heat Wave In The Southeast publié dans Forbes (le magazine écolo-communiste bien connu) le 24 mai dernier, nous montre ce graphique :
Accidents mortels dus aux intempéries en 2018.

Hum…

Il nous dit notamment ceci :
When I give public lectures, I always ask the audience what weather event kills more people in the U.S. each year. I usually get answers like tornadoes, hurricanes, or lightning. People are often surprised to learn that extreme temperature, particularly heat, is the deadliest form of weather.
Quand je donne des conférences publiques, je demande toujours à l'auditoire quel événement météorologique tue le plus de gens aux États-Unis chaque année. J'obtiens habituellement des réponses comme des tornades, des ouragans ou des éclairs. Les gens sont souvent surpris d'apprendre que les températures extrêmes, en particulier la chaleur, sont la forme de météo la plus mortelle.
Comme Shepherd est météorologue, professeur à l'université de Georgie et qu'il fut en 2013 président de l'American Meteorology Society, on peut je pense écouter ce qu'il dit avec attention et le croire sur parole quand il évoque le climat ou la météo ; par exemple quand il nous montre ce graphique mettant en parallèle la perception du problème climatique entre d'une part les climatologues et d'autre part le public (c'était en 2013 et cela n'a pas dû beaucoup changer depuis) :
Tuer les zombies, par Marshall Shepherd le 29 mai 2013 (source youtube)

Pour ce qui concerne la vague de chaleur prévue pour le Memorial Day (c'est-à-dire actuellement) elle est due à de fortes pressions persistantes sur quasiment l'ensemble du pays :
So what's causing the extreme heat wave in the Southeast? The simple answer is that a strong upper level ridge of high pressure will remain in place for several days. A dome of high pressure (see opening graphic) will be prevalent over the region. Typically, a prolonged high pressure system results in heat wave conditions because formation of clouds is difficult and air sinks. Sinking air is compressed and warms (adiabatic compression). Whenever I see prolonged periods of heat, I also worry about drought conditions and an uptick in wildfires.
Quelle est la cause de la vague de chaleur extrême dans le sud-est ? La réponse simple est qu'une forte crête de haute pression de niveau supérieur restera en place pendant plusieurs jours. Un dôme de haute pression (voir le graphique d'ouverture) sera présent dans la région. Généralement, un système à haute pression prolongé produit des vagues de chaleur parce que la formation de nuages est difficile et que l'air s'enfonce. L'air qui coule est comprimé et se réchauffe (compression adiabatique). Chaque fois que je vois des périodes prolongées de chaleur, je m'inquiète aussi des conditions de sécheresse et d'une augmentation des feux de forêt.

A dome of high pressure with sinking air is often associated with heat waves. NOAA

Il nous précise que les Américains doivent s'attendre à ce que cette vague de chaleur persiste, mais aussi que cette chaleur est anormale pour cette période de l'année :
Such extreme heat is not normal for this time of year. If you are thinking, "isn't it a bit early to see heat this extreme?" The answer is yes. Legendary South Carolina meteorologist Jim Gandy tweeted, 
Eight days ago was only the second 90-degree day of the year. It has been 90+ every day since with today the hottest so far this year. Now we are in a heat wave that will see record high temperatures next week.
Une telle chaleur extrême n'est pas normale à cette période de l'année. Si vous vous dites : "N'est-il pas un peu tôt pour voir une chaleur aussi extrême ?" La réponse est oui. Jim Gandy, météorologue légendaire de Caroline du Sud, a tweeté,  
Il y a huit jours, c'était seulement le deuxième jour à 90 degrés de l'année. Il a fait plus de 90 tous les jours depuis ce temps et c'est aujourd'hui qu'il y a eu le plus de chaleur cette année. Nous sommes maintenant dans une vague de chaleur qui connaîtra des températures record la semaine prochaine.

Pour le 10 juin prochain voici les prévisions du site lachainemeteo :
Prévisions pour l'après-midi du 10 juin (source lachainemeteo)

On peut éventuellement considérer que cette prévision est fantaisiste, cependant en conditions anticycloniques persistantes comme c'est le cas actuellement la probabilité de réalisation est plus forte que lorsque l'air est plus agité.

Voici d'autres façons de voir le même événement :
Memorial Day Weekend Heat Wave Sets All-Time May Records, Could Last Through Thursday in Southeast (source weather)

A heat wave is scorching the Southeast this Memorial Day weekend (source edition.cnn)

Unrelenting Heat Wave to Continue Breaking Records in Southeast Over Memorial Day Holiday (source blackchristiannews)

Mais Trump est au Japon, pas folle la guêpe !

Mais qu'est-ce que je fous là ? Et puis c'est qui ce type aux yeux bridés ? Encore un qui veut émigrer chez nous ! (source ktar)