mardi 7 avril 2020

Les jours d'après le Codiv-19

Il ne fait aucun doute que nous sortirons de cette crise, quand et dans quel état, là c'est une autre affaire.

On peut aussi aller plus loin que l'immédiat après-crise, avec sa période de déconfinement agrémentée de mesures qui restent encore à définir, en se projetant notamment beaucoup plus loin dans le futur et en se demandant ce que nous pouvons tirer comme leçons de ce qui nous est arrivé afin non seulement qu'une telle pandémie soit mieux gérée, mais également, pourquoi pas, que d'autres problèmes peut-être beaucoup plus graves soient aussi approchés de la bonne manière.

Personnellement j'ai plutôt tendance sur ce plan à être un tantinet pessimiste, à mon avis l'humain n'apprend jamais de ses erreurs qu'il reproduit assez systématiquement avec quelques variantes ; la seconde guerre mondiale n'était pas tout à fait identique à la première, mais elle a quand même eu lieu alors qu'en 1918 on disait « plus jamais ça ! »

Il y a toutefois des gens qui réfléchissent à la question sans faire pourtant preuve d'un optimisme débridé ; ainsi Bruno Latour invité récemment sur France Inter par Nicolas Demorand.


Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c'est gâcher une crise.

Le site de France Inter titre donc Bruno Latour : "Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise" en mentionnant quelques extraits de l'entretien que je reprends ci-après avec mes commentaires en bleu :
Ce n’est pas une situation surprenante pour ceux qui ont travaillé sur l’histoire de la médecine, quand on laisse les microbes faire leur petit travail de globalisation.
Bruno Latour rappelle que dans le passé il y a eu le cas du choléra ou de la peste et que la situation actuelle n'est pas complètement surprenante, le phénomène de mondialisation n'ayant eu pour effet que d'étendre la pandémie à l'ensemble de la planète alors qu'avant seule une petite partie était touchée.
Chaque pays donne, à cause de son système de santé et sa préparation, une virulence à ce virus. La virulence varie considérablement. La nouveauté, c’est la capacité qu’a le virus de profiter de la globalisation. Imposer un régime de viralité à M. Trump et M. Macron en quelques semaines c’est assez stupéfiant.
Ici Latour pointe du doigt l'hétérogénéité des systèmes de santé qui explique que le virus fera plus ou moins de dégâts selon le pays qu'il touchera ; par exemple la situation en Corée du Sud n'a strictement rien à voir avec celle que connaissent les Italiens. De la même manière tout le monde, petit ou grand, est touché, ainsi le pays le plus puissant de la planète en fait actuellement l'amère expérience après avoir fait preuve d'un indécent déni par la voix-même de son président.
On a un arrêt général brusque et il serait terrifiant de ne pas en profiter pour infléchir sur le système actuel. On disait qu’il était impossible de tout arrêter, on l’a fait en deux mois. On se rend compte que brusquement, on peut tout arrêter et que les États peuvent s'imposer. Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour voir ce qu’on garde ou pas, c’est gâcher une crise, c’est un crime.
Voilà le point clé à mon avis des propos de Latour : les Etats ont été capables non seulement de dégager immédiatement des sommes colossales mais également de prendre des mesures autoritaires, notamment en bloquant leur activité économique par les mesures de confinement que l'on connait, alors que jusqu'à présent « on » nous disait ET qu'il n'y avait pas d'argent ET que les Etats ne pouvaient pas se mêler de ce qui appartenait à la sphère privée, tout spécialement le domaine réservé des entreprises qu'il fallait à tout prix « laisser faire et laisser aller » avec le moins de contraintes (réglementaires, fiscales et autres) possibles. En réalité on voit bien que ce sont les politiques qui ont le pouvoir de décider, à condition bien sûr qu'ils le veuillent bien, c'est-à-dire dans le cas présent quand ils ne peuvent pas faire autrement « à cause des circonstances ».
En décembre, on allait vers une autre catastrophe qui est la mutation écologique. Malgré la situation tragique que nous vivons, elle est moins tragique pour les gens qui s’intéressent à la mutation écologique.
Avec la « mutation écologique » Bruno Latour fait référence au changement climatique, à la perte de biodiversité, à la pollution galopante (due aux plastiques, aux pesticides, etc.) qui représentent à ses yeux des risques bien plus importants que la pandémie actuelle pour le devenir de notre civilisation.

Bruno Latour a aussi écrit un article dans Le Monde du 25 mars, intitulé Bruno Latour : « La crise sanitaire incite à se préparer à la mutation climatique », dans lequel il développait la même approche, avec notamment :
Je fais l’hypothèse, comme beaucoup, que la crise sanitaire prépare, induit, incite à se préparer à la mutation climatique. Encore faut-il tester cette hypothèse.
Dans cette courte phrase il semble faire le pari que l'humanité, ou plus précisément notre civilisation essentiellement basée sur la consommation et donc la production soutenue par des énergies diverses dont les fossiles constituent une large part, va se remettre en question, va « être incitée » à se préparer à la « mutation climatique » en particulier (il ignore ici les autres formes de mutations) ; mais on sent bien qu'il y a un peu de doute chez lui, puisqu'il dit qu'il faut « tester cette hypothèse », et c'est là où à mon avis le test sera vite effectué ; dès que le pire sera passé et qu'il faudra remettre la machine en route, renvoyer les chômeurs involontaires dans les usines, les bureaux et locaux divers où ils sont aujourd'hui étrangement absents, afin que la production, et donc la consommation qui va avec, reparte de plus belle et qu'on retrouve les niveaux de PIB et boursiers d'avant la crise, alors on verra ce qu'il en est des belles envolées lyriques du genre « plus jamais ça ! »

En début d'émission Nicolas Demorand citait un autre article de Bruno Latour publié sur le site AOC (Analyse Opinion Critique) intitulé Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise ; on devine le parallèle entre les gestes barrières que nous acceptons tous de faire pour éviter de propager le virus (distanciation sociale, lavage des mains, port du masque) et ceux qui seraient nécessaires pour ne pas retomber dans les travers d'avant mais qui sont bien plus compliqués à mettre en oeuvre.

En fait d'entrée de jeu Latour nous expose l'alternative qui va se présenter à nous :
Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.
Plus loin il nous explique que c'est le facteur temps qui différencie la crise sanitaire et les crises écologiques diverses qui nous attendent au tournant et qui sont autrement plus importantes :
En effet, la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n’en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l’une sur l’autre. En tout cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d’autres moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.
Une crise est toujours passagère, quelle que soit son intensité, et les choses reviennent peu à peu à la normale quand elle est passée, par contre la mutation écologique est appelée à durer avec un caractère irréversible à l'échelle humaine. Dans cent ans la crise actuelle ressemblera à ce que représente pour nous aujourd'hui la grippe dite « espagnole » de 1918, mais dans cent ans, si la température globale a dépassé les trois degrés par rapport à l'ère préindustrielle et continue sur sa lancée vers les quatre, cinq...x degrés...alors qu'on sait très bien qu'elle ne redescendra pas de sitôt, nos petits-enfants seront confrontés à des soucis bien plus considérables qu'une simple pandémie.

Mais on retrouve toujours les idiots habituels qui ne comprennent pas les enjeux et travestissent les propos de Bruno Latour comme ils l'ont déjà fait avec ceux de Jean Jouzel ou de François-Marie Bréon ; ainsi nous avons eu droit récemment à un inepte billet (Bruno Latour : comparé au climat, le covid-19 est « un minuscule petit problème ») de l'imbécile de service qui se fait connaitre sous le sobriquet de Lecteur Discret dans lequel celui-ci se contentait, comme à son habitude, de reprendre quelques extraits bien choisis de ce qu'il avait écouté, mais pas compris, le matin même sur France Inter (on se demande bien ce qu'il va faire sur cette radio qui manifestement ne convient pas à son niveau intellectuel, il devrait se cantonner à Sud Radio et citer les éructations de Pascal Praud qui sont davantage à sa hauteur) ; ah si quand même, soyons honnête, notre Lecteur Egaré (permettez que je le renomme) nous sort cette introduction :
Poussée de fièvre climatique le matin du 3 avril 2020 sur France Inter, où plusieurs intervenants ont tenté de minimiser la gravité de la crise sanitaire actuelle face à l’urgence d’un effondrement futur.
Je vous l'avais dit, il n'a absolument rien compris de ce qu'expliquait Bruno Latour, qui n'a pas vraiment tenté de « minimiser la gravité de la crise sanitaire actuelle » mais l'a replacée dans un contexte qui de toute évidence échappe totalement à la vision de myope de notre apprenti critique littéraire. Celui-ci se permet même de déformer ce que dit Latour dans ce passage :
En janvier, on voyait une société entièrement folle (…) qui allait dans une espèce d’inconscience émouvante, bouleversante vers une catastrophe que l’on sait simplifier très bien par la question de la température du climat mondial.
Evidemment il fallait entendre « la question de la température, du climat mondial », mais la virgule était presque inaudible et puis il était si tentant de faire passer Latour pour un imbécile, n'est-ce pas ? Et ça n'a pas manqué :
Le 5 avril 2020 à 6 h 56 min, andqui a dit :

1- Sublime la notion de « température du climat »: on voit là la maîtrise du bonhomme en physique (qui, entre parenthèses se vantait d’en apprendre à Einstein sur la relativité),
Sublime, effectivement ! Un comique de plus qui déforme les propos de Latour, lequel a écrit très exactement, dans Esquisse d’un parlement des choses :
Les faits, les idées, les théories, bref le contenu scientifique demeure hors d’atteinte. On saura tout des conflits de générations dans lesquels se trouve pris Einstein, mais rien de la théorie de la relativité. On saura tout des pédologues, mais rien des sols. 
On comprend à partir de ces quelques exemples les problèmes d'illettrisme de tous ces abrutis, à moins évidemment que la déformation des propos ne soit voulue, ce qui est une autre possibilité.

Pour le dénommé andqui on peut se poser la question, car il continue ainsi :
2- Effrayant ce désir fou, délétère, morbide et qui suinte à chaque phrase, de voir arriver l’apocalypse et la mort, cette promesse du pire: un nouveau St Paul,
3- Intéressante la trajectoire du mec, Torquemada de comptoir, de la folie rouge du grand soir radieux à la bêtise verte du jugement dernier, qui n’est en fait qu’un appel à la transcendance.

On est du même âge (71 pour moi, 73 pour lui), on a vécu les mêmes époques, les mêmes évènements et je me sens à des années-lumière de ce pauvre type. Décidément, je n’ai pas la fortune que je mérite!
Bruno Latour aurait un « désir fou, délétère, morbide […] de voir arriver l'apocalypse et la mort », rien que ça ! Au passage andqui ne sait même pas ce que signifie vraiment l'apocalypse, qui est non pas quelque chose de terrible assimilable à la mort mais une révélation, bref passons, on n'est pas là pour parler de religion, on admirera seulement la comparaison avec Torquemada, encore une fois un rapprochement plus que douteux qui nous montre qu'andqui n'a aucune notion de ce que pouvait être l'Inquisition. Pour finir il nous dit qu'il a le même âge que Latour et qu'ils ont « vécu les mêmes époques, les mêmes événements », preuve s'il en est qu'il y en a qui n'apprennent jamais rien de l'Histoire avec un grand H, ce que j'ai déjà dit plus haut (oui je radote un peu, mais j'insiste pour certains de mes lecteurs, qui se reconnaitront peut-être, bien que ce ne soit pas sûr) et me fait fortement douter que « nous » tirerons les leçons de cette crise.

Anqui finalement n'est que du menu fretin, même pas visible au microscope, mais il a précisément le même profil que des gens comme Trump, Johnson (qui doit en baver en ce moment) ou Morrison, pour lesquels le climat ou les autres petits problèmes écologiques ne doivent pas entraver la bonne marche de l'économie et de la finance.

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C'est vrai qu'il a une sale tête, on lui souhaite quand même de s'en sortir sans trop de bobos.


11 commentaires:

  1. Pour ma part j'ai découvert Latour avec ce que l'on a appelé "l'affaire Sokal" (puis avec la lecture de "Impostures Intellectuelles", de Sokal et Bricmont (ouvrage dans lequel vous trouverez la référence du texte ou Latour se demande s'il n'a pas appris quelque chose à Einstein alors qu'il avait surtout étalé son incompréhension grossière de sa théorie sur le relativité du temps). J'ai aussi lu de nombreuses tribunes écrites par Latour. En ce qui me concerne, je n'ai jamais trouvé das ses écrits ou ses interventions quoi que ce soit qui le sauve. Au mieux je suis (parfois) d'accord avec les conclusions qu'il tire ou les buts qu'il estime devoir être suivis (la belle affaire).

    Dans les larges extraits que vous citez, quels sont les éclairages intéressants qu'il apporte sur la situation actuelle ? Je n'en trouve aucun. Au contraire,ce ne sont pour moi que des analogies infondées et de la sagesse de pacotille.

    Ainsi Latour voit dans l'arrêt de l'économie la "preuve" que l'on pouvait le faire et qu'on doit le faire (pour le climat). Si je dis "contre ceci, arrêtez de respirer pendant 40 secondes, cela vous sera inconfortable mais votre hoquet pourrait être stoppé", que la personne le fait, est-ce que pour autant cela peut permettre à quelqu'un d'en déduire que voilà, il suffit de s'arrêter définitivement de respirer pour éviter tel autre problème et ce que vous avez fait pour le hoquet montre bien que c'est possible ? Le prendriez-vous au sérieux ?
    Lorsque Latour s'oppose à ce que l'on fasse repartir le plus vite possible l'économie (c'est mal l'économie, ça pollue et ce n'est que vile consommation), se met-il dans la position de choisir qui doit garder son emploi et qui doit le perdre (avec ce que cela engendre pour le futur chômeur et sa famille) ? Parce que c'est de cela entre autre qu'il s'agit concrètement (entre autre car une faible activité économique implique aussi de fortes réductions des moyens de l'état, ce qui a aussi des conséquences, qu'il faut aussi assumer).

    Vous objecterez peut-être que ce sont des raccourcis qui confinent à la caricature, que la pensée de Latour est plus complexe. Je ne demande qu'à entendre les arguments soutenant cela.

    Comme l'avaient relevés Sokal et Bricmont, les théories de Latour sont (trop souvent) conçues pour se lire de deux manières : une manière révolutionnaire mais fausse et une manière juste mais triviale (dans laquelle il est toujours possible de se réfugier une fois la fausseté de la manière révolutionnaire dévoilée).

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    1. Le sujet de mon billet était la réflexion sur « les jours d’après » et je me suis servi de Bruno Latour qui n’est pas, je dois l’avouer, un auteur dont je garde les livres sur ma table de chevet.

      Sur ce sujet je considère son point de vue intéressant et à considérer sérieusement, cependant comme je l’ai dit je suis très sceptique sur ce qui va réellement se passer après la crise : d’après moi nous repartirons comme avant.

      Concernant ce qu’a pu dire Latour dans certains de ses ouvrages, c’est tellement abscons et empli de termes et tournures compliqués que je me garderai d’apporter le moindre jugement, notamment sur ce qu’il a pu écrire sur Einstein et la relativité, bien que je pense d’après le peu que je connaisse qu’il ne remet pas vraiment la théorie de la relativité en question mais qu’il traite la question sous l’angle sociologique, exercice périlleux dont je lui laisse la responsabilité (apparemment il semble avoir un peu empiété sur un domaine qu’il ne maitrise pas vraiment, probablement emporté par sa fougue littéraire et philosophique…)

      Il a quand même raison, et je le rejoins entièrement sur ce point, quand il dit qu’on a pu tout arrêter alors qu’avant la crise cela aurait semblé impossible ; c’est pour cela qu’il propose de profiter de cette crise pour réfléchir « au coup d’après » et je ne vois pas en quoi il aurait tort.

      Maintenant il reste à construire des solutions réalistes et Latour est parfaitement conscient que ce ne peut pas être facile et rencontrera certainement de nombreux obstacles ; dans un de ses textes il cite notamment l’exemple d’un producteur hollandais de tulipes qui voit toutes ses fleurs dépérir car tout est bloqué et elles ne peuvent pas être livrées, il dit qu’on peut ressentir de la compassion pour les malheurs de cet entrepreneur mais qu’il faut aussi se poser des questions sur le processus qui fait que l’on cultive en masse des fleurs que l’on va ensuite livrer sur toute la planète à l’aide d’avions ; ne faudrait-il pas changer de système et, par exemple, adopter un peu plus de « locavorisme » ? En faisant cela notre producteur de tulipes hollandais devrait certainement se reconvertir, mais est-ce vraiment une mauvaise chose pour la planète ?

      Mais ne vous inquiétez pas, cela n’arrivera pas, notre producteur de tulipes reprendra son boulot comme si de rien n’était et il continuera à livrer ses fleurs par avion comme dans le bon vieux temps.

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    2. "Il a quand même raison, et je le rejoins entièrement sur ce point, quand il dit qu’on a pu tout arrêter alors qu’avant la crise cela aurait semblé impossible ; c’est pour cela qu’il propose de profiter de cette crise pour réfléchir « au coup d’après » et je ne vois pas en quoi il aurait tort."
      On peut aussi se demander en quoi il a raison ou, plutôt, en quoi c'est pertinent ou intéressant (car cela peut aussi être vrai et parfaitement dénué d'intérêt). Je vais y revenir sur l'exemple du marchand de tulipes.

      "il dit qu’on peut ressentir de la compassion pour les malheurs de cet entrepreneur mais qu’il faut aussi se poser des questions sur le processus qui fait que l’on cultive en masse des fleurs que l’on va ensuite livrer sur toute la planète à l’aide d’avions ; ne faudrait-il pas changer de système et, par exemple, adopter un peu plus de « locavorisme » ? En faisant cela notre producteur de tulipes hollandais devrait certainement se reconvertir, mais est-ce vraiment une mauvaise chose pour la planète ?"
      Alors "profiter de la crise pour réfléchir au monde d'après" ce serait réaliser que l'on peut se passer de tulipes (de fleurs en général) et encore plus de les transporter (surtout par avion) ? Impressionnant ! c'est vrai qu'il fallait bien une crise comme celle que nous connaissons pour envisager les choses sous cet angle. Que ferait-on sans des penseurs de cette envergure ?

      Donc, plus de tulipes transportées à travers le monde. Un peu plus de "locavorisme". La planète ira mieux. Et voilà, une leçon de tirée.
      Quant aux gens qui tomberont dans la misère, bah tant pis, il leur suffisait pourtant de se reconvertir, s'ils ne l'ont pas fait ou qu'ils n'ont pas réussi, c'est que quelque part ils sont responsables (ils n'ont pas voulu faire l'effort, ou quelque chose d'approchant). En tant que "penseur", il n'y a pas à avoir cette misère sur les mains. Hmmmm en y pensant, est-ce qu'il n'y a pas d'autre courants de pensée (économiques) qui raisonnent de la même manière ? Pourtant en général avec beaucoup moins d'indulgence du public, surtout des "défenseurs de l'environnement" (qui constituent une population très hétérogène, j'en conviens, mais qui sont rarement "libéraux").

      Bon, désolé pour mon ironie facile. Je suis tout à fait prêt à entendre des arguments montrant la profondeur ou l'intérêt des propos de Latour (à part la caution prestigieuse que l'on peut ainsi adosser à des idées plus ou moins partagées).

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    3. « Quant aux gens qui tomberont dans la misère, bah tant pis »

      Le « progrès technologique » a toujours fait des victimes parmi ceux qui ne pouvaient pas se recycler, rien de nouveau à cela, et comme nous allons continuer comme avant il n'y aura donc aucun changement sur ce plan-là, donc repenser notre modèle en revenant vers davantage de local, ce qui peut aujourd'hui être considéré comme le nouveau « progrès », fera tout autant de malheureux que si nous continuons sur notre lancée.

      « Un peu plus de "locavorisme". La planète ira mieux. »

      Cela semble vous paraitre une bêtise, je me trompe ? Pour moi la planète irait effectivement mieux s'il y avait moins de circulation de biens et de personnes, mais je vous l'ai dit, cela n'arrivera pas. Ou plutôt cela arrivera probablement dans un lointain futur quand nous y serons contraints et forcés (quand le pétrole viendra à manquer les déplacements seront plus problématiques)

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    4. Je sais que c'est un point qui vous pose problème (votre réception de Pinker sur ce même blog) mais pourtant, globalement, quel que soit l'indicateur que vous regardiez (espérance de vie, alphabétisation, crimes...), les humains se portent globalement mieux et vont même de mieux en mieux. Donc le "progrès technologique" a certainement fait et fera des des victimes mais :
      1) jusque là le gain est très nettement positif
      2) si l'on critique le "progrès technologique" au nom de ces victimes, on ne peut se proposer de sacrifier des gens "au nom de sa cause" (bonne ou pas, ce n'est pas la question) sans passer pour un hypocrite ou un inconséquent. Surtout (pour en revenir à Latour) si l'on se part des atours du penseur.

      Ne vous méprenez pas : je pense également que à moyen terme les effets du réchauffement climatique seront de nature à inverser ceux du progrès technique sur la qualité de vie (au sens large) des habitants de cette terre. Pour autant, est-ce que cela permet d'ignorer ou de traiter avec dédain les conséquences immédiates de politiques que l'on entend prôner hic et nunc et imposer à tous ? Conséquence immédiates (humaines parfois insupportables) justifiées par des gains hypothétiques à moyen terme ? La moindre des choses serait tout de même d'anticiper (au mieux de nos possibilités) et d'annoncer les conséquences de ce que l'on veut instaurer. Sutout si l'on se pare des atours etc. (bis repetita).

      Concernant ma tirade sur le "localisme", vous ne placez pas l'ironie au bon endroit. Je ne tourne pas en dérision le localisme (qui a ses limites, bien sûr) mais les propos de ce grand penseur de Latour qui, arrive a extirper d'une situation extraordinaire (le confinement actuel) une conclusion d'une insignifiante banalité, un poncif de notre époque qui flatte le bon sens.

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    5. En fait vos commentaires ne font que me conforter dans mon sentiment que nous ne ferons strictement rien dans l'immédiat (ou même le moyen terme) pour traiter ce qui est pour l'instant hors de portée et que nous refusons de considérer parce que, effectivement, si nous y apportions les solutions idoines cela affecterait notre économie, notre niveau de vie, etc.

      Par ailleurs dire que l'espérance de vie a augmenté, l'alphabétisation, etc. et que cela est dû au progrès technologique passé, cela je ne le nie pas, j'en profite même comme tout un chacun ; mais en déduire que cela continuera ad vitam aeternam…

      Quant au locavorisme avancé par Latour pourquoi n'aurait-il pas le droit de donner son avis ? Il enfonce peut-être pour vous une porte ouverte, mais de toute évidence le message ne passe pas chez beaucoup de gens, et c'est encore une fois pour cela que je pense qu'on ne fera pas beaucoup de progrès sur ce plan-là, la mondialisation est tellement ancrée dans nos habitudes que nous n'allons pas nous en défaire du jour au lendemain, il nous faudra des événements et des situations exceptionnels pour nous contraindre à « locavorer », mais ce n'est pas pour tout de suite (je ne verrai certainement pas ça de mon vivant)

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  2. Depuis le confinement je suis devenu plus locavore encore ; j'achète mon pain bio à ma voisine :P

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  3. Géd, à moins que vous soyez dans votre dernier tour de piste, vous risquez tout à fait de connaître les premières phases de turbulences. M'est avis que la longue érosion sera entrecoupée de petites falaises de Sénèque, or elle a déjà débuté.

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    1. Il y a les falaises de Sénèque et les fadaises de ces mecs, à ne pas confondre.

      Autrement oui, la bourse est un bon exemple, elle chute rapidement et met « un certain temps » pour se refaire une santé, par exemple le CAC40 n'a pas encore retrouvé son niveau...de l'an 2000 ! (Cf https://www.abcbourse.com/graphes/eod.aspx?s=PX1p)

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  4. J'aime bien cette ancienne traduction de la lettre n°91 dz Sénèque.
    https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=609970273166076&id=100024593258385

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