Le programme d'Emmanuel Macron est connu, on peut notamment le consulter sur le site du Monde et le comparer éventuellement à celui des autres candidats éliminés.
Comme tous les programmes d'un candidat devenu président il sera respecté pour une (petite) partie seulement, car il y a toujours loin de la coupe aux lèvres et on ne voit pas pourquoi celui de Macron ferait exception.
A chacun d'imaginer quelles parties de son programme seront réalisées et quelles parties tomberont dans les oubliettes de la politique et/ou du principe de réalité :
- Respecter le principe de réalité consiste à prendre en compte les exigences du monde réel, et les conséquences de ses actes. Le principe de réalité désigne avant tout la possibilité de s'extraire de l'hallucination, du rêve, dans lesquels triomphe le principe de plaisir et d'admettre l'existence d'une réalité, insatisfaisante ou non conforme à son idéalisation.
Comme disait Pasqua « les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent » et Henri Queuille était plus explicite encore quand il disait qu' « il n'est aucun problème assez urgent en politique qu'une absence de décision ne puisse résoudre. » ; combien de chefs d’État et de Premiers ministres ont pu leur donner raison...!
Il n'est pas question pour moi de décortiquer en détail le programme de Macron, je voudrais seulement m'attarder un instant sur son aspect économique et social, et plus particulièrement sur son désir de réformer rapidement, dès cet été, le droit du travail afin de « libérer » les entreprises.
Le fait que Pierre Gattaz soutienne franchement Emmanuel Macron devrait faire réfléchir sur les conséquences d'une refonte des relations entre salariés et employeurs...
- Côté patronal, le Medef applaudit avec enthousiasme les projets du président Macron. «Nous sommes sur un nuage, pour l'instant, Emmanuel Macron fait un sans-faute», a même lancé sur CNews son président, Pierre Gattaz.
Cela dit Gattaz et son Medef ne représentent qu'une très petite partie des entreprises, environ 11% si l'on en croit Michel Offerlé, professeur de sciences politiques, enseignant à l'Ecole normale supérieure :
- Il estime que 350 000 entreprises adhérent au Medef, ce qui fait en pourcentage 11% des entreprises.
Et on peut se poser la question de savoir en quoi une simplification du droit du travail améliorerait de quelque façon que ce soit la compétitivité des entreprises, leur capacité à embaucher, leurs perspectives de croissance, etc.
Dans l'Express de cette semaine Nicolas Bouzou, grand libéral devant l’Éternel (l’Éternel Dieu de l'argent il faut croire) nous dit dans son éditorial :
- [...] la relance de la croissance passe elle-même par une libéralisation du marché du travail qui permettra aux entreprises de produire et d'innover davantage.
Il s'agit là d'une affirmation sans aucune argumentation ni explication, Bouzou nous assène qu'il faut « libérer » le marché du travail, c'est-à-dire en fait « libérer » les entreprises, et comme par enchantement celles-ci vont se mettre à innover et produire davantage, bien sûr en embauchant à tour de bras.
Pour faire simple il y a deux sortes de politiques économiques qui s'opposent frontalement (et idéologiquement) depuis quelques décennies :
- la politique de l'offre, qui consiste à aider les entreprises en leur fichant la paix, par exemple en facilitant les licenciements, en libérant les salaires (i.e. en les soumettant à la concurrence, i.e. en les baissant) ou en les taxant beaucoup moins, cela dans l'espoir de les voir embaucher et investir ;
- la politique de la demande, également appelée politique (néo)keynésienne, qui favorise la consommation en augmentant les dépenses publiques et en baissant les impôts (tous les impôts, pas seulement ceux des entreprises...) ; l'idée est de dire que 1) les dépenses publiques vont créer de l'activité et donc des embauches, et que 2) s'il y a davantage d'argent pour consommer les entreprises ne pourront qu'en bénéficier car elles vendront plus.
Chacune de ces politiques a des qualités et des défauts et ne devrait être appliquée que moyennant un subtil équilibre entre les deux qui dépend des circonstances économiques du moment ; comme je ne suis pas assez doué en économie je suis dans l'embarras pour dire laquelle de ces deux politiques devrait être privilégiée au moment présent, mais ce qui est sûr c'est que pour Macron c'est la politique de l'offre qui va primer.
Cela-dit je suis étonné quand j'entends certains dire que le code du travail serait trop compliqué, ce qui freinerait la compétitivité des entreprises :
- Lorsque le sujet de la compétitivité des entreprises est abordé, il est souvent question de pouvoir d'achat, de fiscalité et charges sociales. En revanche, il est rarement question de droit du travail. Pourtant, je rencontre de nombreux dirigeants qui affichent un ras-le-bol de la paperasse et de l'incompréhension des textes", clame François Taquet, avocat et professeur à l'Iéseg, école supérieure de commerce.
Lorsque le sujet de la
compétitivité des entreprises est abordé, il est souvent question de
pouvoir d'achat, de fiscalité et charges sociales. En revanche, il est
rarement question de droit du travail. Pourtant, je rencontre de
nombreux dirigeants qui affichent un ras-le-bol de la paperasse et de
l'incompréhension des textes", clame François Taquet, avocat et
professeur à l'Iéseg, école supérieure de commerce.
Retrouvez cet article sur : www.chefdentreprise.com - "Droit du travail français : un frein à la compétitivité des entreprises ?"
Retrouvez cet article sur : www.chefdentreprise.com - "Droit du travail français : un frein à la compétitivité des entreprises ?"
Oui je suis étonné quand on sait que bon nombre d'entreprises, surtout de grande taille, ont les moyens de se payer les services de fiscalistes qui vont leur optimiser l'impôt sur les sociétés afin qu'elles payent un minimum, et on veut nous faire croire qu'elles auraient des difficultés « de paperasse et d'incompréhension des textes », alors que les textes fiscaux sont tout aussi compliqués sinon plus que les textes afférents au droit du travail !
En ce qui concerne les entreprises de plus petite taille elles n'ont en principe pas les mêmes besoins que les grosses, et les services de leur expert comptable leur suffisent amplement pour gérer les quelques cas qui se présentent à elles, et si ce n'est pas assez il existe d'excellents avocats spécialisés en droit du travail pour traiter des affaires « compliquées ».
De plus, le recours au CDD (Contrat à durée déterminée) est relativement aisé et souple, la durée peut aller jusqu'à 36 mois soit 3 ans, ce qui est en principe largement suffisant, pour une entreprise qui voit son activité augmenter ou a des perspectives intéressantes de croissance, pour juger de la compétence du salarié et de l'utilité qu'il peut avoir à l'avenir, avec donc la possibilité de l'embaucher de manière définitive ; si ce n'est pas le cas alors cela veut dire que l'activité n'est pas si bonne que prévue, mais cela n'a rien à voir avec les difficultés éventuelles pour embaucher le salarié.
Enfin s'il s'agit de débaucher un salarié cela n'est pas particulièrement compliqué si l'on a affaire à une baisse d'activité, on pratique alors un licenciement pour motif économique, qui ne se fait certes pas sur un claquement de doigts mais est quasiment toujours accepté par l'inspection du travail.
De mon expérience passée (qui commence à dater mais j'ai quand même un peu de mémoire...) les entrepreneurs que je conseillais au tout début de ma carrière ne se plaignaient pas de la paperasse ou des textes incompréhensibles mais simplement de payer trop d'impôts, ce qui est un autre problème. Je ne pense pas que les choses aient vraiment beaucoup changé aujourd'hui, si l'entreprise est suffisamment bien épaulée par son expert-comptable ou en interne par son service comptable et/ou des ressources humaines alors elle peut gérer les péripéties de la vie quotidienne, et les informations dans les journaux nous montrent amplement que les entreprises arrivent plutôt bien à gérer leurs plans sociaux, en tout cas la confrontation entre patrons et salariés s'apparente le plus souvent à la lutte du pot de terre contre le pot de fer (devinez qui est qui)
Si un patron a des projets et qu'il va voir son banquier pour obtenir un prêt, on lui demandera un plan de financement à 5 ans ainsi que diverses autres informations permettant au prêteur de juger de la solidité du dossier ; il ne lui sera pas demandé s'il a des difficultés à embaucher ou licencier ses salariés, ou a établir leur paye et à payer leurs cotisations sociales, ou plus généralement à gérer les relations avec le personnel. S'il n'obtient pas son prêt ce sera parce que le banquier n'est pas assez confiant dans les perspectives de croissance avancées par l'entrepreneur et parce que les chiffres qui lui auront été montrés ne l'auront pas convaincu.
Le véritable moteur d'un chef d'entreprise c'est son carnet de commandes, si celui-ci est à plat rien ne peut avancer, par contre s'il est bien fourni est-ce que de simples contraintes administratives peuvent freiner un entrepreneur digne de ce nom ?
Il existe une situation dans laquelle un entrepreneur peut hésiter, plus ou moins à juste titre, c'est quand l'effectif de son entreprise se situe juste au dessous d'un seuil et que l'embauche de salariés supplémentaires lui ferait dépasser ce seuil, qui peut être de 11, 20 ou 50 salariés, entrainant ainsi certaines obligations qui peuvent paraitre disproportionnées, du moins à court terme si l'entreprise a des difficultés pour s'adapter aux nouvelles contraintes. Je n'ai pas l'impression qu'il existe dans le programme de Macron quelque chose destiné à régler ce problème, je n'ai vu qu'une proposition destinée à simplifier les instances de représentation du personnel, ce qui n'est déjà pas si mal, mais rien concernant les seuils, à moins que ce ne soit bien caché quelque part...
La composition du gouvernement a été rendue publique aujourd'hui. Elle penche clairement à droite dans le domaine de l'économie et des finances publiques avec Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, donc je ne m'attends pas à des miracles et ne serais pas étonné si la courbe du chômage conservait une tête hollandaise...
Mais dans l'ensemble le gouvernement est plutôt de qualité, on a connu bien pire, en tout cas je souhaite aux nouveaux ministres de réussir dans leur mission et si au bout de cinq ans la situation de la France était significativement meilleure que ce qu'elle est aujourd'hui je m'en réjouirais et serais prêt à reconnaitre que la politique suivie était la bonne.
Qui vivra verra.
Gouvernement de com en attendant le remaniement à l'issue des législatives
RépondreSupprimerRobert
Si LR ou FI est majoritaire au Parlement Macron sera bien obligé de changer son gouvernement, par la force des choses, par contre si c'est lui qui est majoritaire pourquoi le ferait-il ?
SupprimerSi un de ses ministres est battu aux législatives, il devra quitter le gouvernement.. Quant à la majorité à l'assemblée, c'est pas gagné. Il ne faut pas oublier que Macron a bénéficié du vote utile (anti Le Pen) et que les législatives ne sont pas les présidentielles.
SupprimerRobert
Je sais bien tout cela, mais je sais aussi que pas grand monde n'aurait parié sur Macron il y a 6 mois, pas plus que pour Mélenchon d'ailleurs.
SupprimerLR et le PS se sont effondrés ou ont été grandement déstabilisés, de plus les législatives ont un caractère local qui fait qu'il est très difficile de savoir ce que vont faire les électeurs au regard de tous les bouleversements qui ont eu lieu pour la présidentielle, c'est très ouvert et si vous connaissez le gagnant du coup c'est vous qui devriez vous reconvertir dans l'astrologie ;)
Pour ma part j'espère évidemment que Mélenchon et la FI feront un bon score, mais c'est pas gagné d'avance.
Je pense que malheureusement le FN risque de gagner des sièges, quant aux partis classiques LR et PS il est difficile d'estimer ce qu'ils vont perdre face à EM.
Honnêtement je ne ferais aucun pari sur ces législatives, je croise seulement les doigts (même si ça ne sert strictement à rien)
Les gens qui parient sont souvent peu au courant. La non candidature de Hollande était une évidence depuis la sortie de son livre pourtant peu "d'experts" politiques (à rapprocher des économistes) l'ont compris. Il ne restait plus à Hollande qu'à mettre son poulain sur les rails en ne le faisant pas passer par le primaire qu'il savait dévastatrice.
SupprimerOn peut ajouter que Fillon lui a donné un sérieux coup de pouce involontaire.
Robert
Il me semble que vous allez un peu vite...
SupprimerJusqu'au premier tour Hollande soutenait Hamon, pas Macron, donc dire que « Il ne restait plus à Hollande qu'à mettre son poulain sur les rails en ne le faisant pas passer par le primaire qu'il savait dévastatrice » est assez aventureux, à moins que vous ne soyez dans la tête de Hollande pour savoir ce qu'il pense vraiment ; il n'est pas interdit de croire qu'Hollande avait déjà avant la primaire dans l'idée qu'il soutiendrait finalement Macron, mais à mon avis c'est peu probable, car fin janvier on donnait encore Fillon contre Le Pen et Macron arrivait en troisième position : « NFO RTL - Si Marine Le Pen et François Fillon sont les mieux placés pour accéder au second tour, Emmanuel Macron consolide son statut de troisième homme, selon un sondage Kantar Sofres-Onepoint pour RTL » (http://www.rtl.fr/actu/politique/presidentielle-2017-le-pen-en-tete-au-1er-tour-macron-talonne-fillon-7786982543)
Pour la non-candidature de Hollande c'était effectivement une forte possibilité, mais sûrement pas une évidence, et je vous rappelle qu'à l'époque, début décembre 2016, c'est Manuel Valls qui paraissait le favori de la primaire.
A l'époque également on ne savait pas si Bayrou allait se présenter et, évidemment, on ne savait rien de l'affaire Pénélope...
Il est facile aujourd'hui de dire que c'était « évident » que Macron avait toutes les chances de gagner quand on connait, maintenant, son parcours quasiment sur le bout des doigts, mais il y a quelques mois il y avait tant d'inconnues que tout le monde était dans le flou, y compris les experts de tout poil.
Géd @
SupprimerJe n'ai jamais dit que Macron avait toutes les chances de gagner, j'ai dit que Hollande a fait tout ce qu'il pouvait pour. Le soutien de Hamon n'était qu'un soutien de façade (Hollande a de la mémoire). Quant aux sondages leur fiabilité est quasi nulle.
Robert
Il me semble que le véritable poulain de Hollande était Valls plutôt que Macron, d'ailleurs les deux hommes ont des idées assez proches, la preuve c'est que Valls a essayé de rejoindre Macron, comme quoi il se sent parfaitement Macron-compatible.
SupprimerHollande a certainement été déçu de l'élimination de Valls et en a été réduit à soutenir Hamon du bout des lèvres, mais il ne pouvait pas faire autrement, Hamon étant le candidat issu du PS.
Ce n'est qu'après le premier tour que Hollande a clairement soutenu Macron, mais si Fillon avait été présent il aurait appelé à voter pour lui contre Le Pen.
En ce qui concerne votre opinion sur les sondages je vous ai répondu dans mon prochain billet.