mercredi 3 septembre 2025

La guerre de relations publiques de la Russie contre l'Occident

 Je ne suis pas (ou plutôt plus) abonné au New York Times mais je reçois quotidiennement le "Morning Briefing, Europe Edition" qui me permet d'un coup d'oeil de voir les principaux titres de l'actualité mondiale vue par un journal classé à gauche, c'est-à-dire ayant un penchant démocrate certain et assumé. Ainsi l'édition de ce jour traitait essentiellement de la Russie avec Putin’s Propaganda War.

Je précise au passage que pour ne pas avoir qu'un seul son de cloche je reçois également une lettre quotidienne de The Epoch Times qui est, elle, carrément pro-trumpienne même si parfois les sujets sont traités plutôt objectivement, mais quand on lit les commentaires des lecteurs abonnés (si l'on n'est pas abonné on ne peut pas commenter) le doute n'est plus permis quant au positionnement du journal en ligne que le site Media Bias/Fact Check qualifie de "source douteuse" (questionable source).

Pour en revenir au sujet de ce billet je vous livre la traduction de la lettre d'aujourd'hui consacrée à la façon dont la Russie communique avec sa population mais aussi avec les peuples "amis" tels que les Chinois pour ne citer qu'eux.


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Ce qu'une station de métro de l'enfer dit de la guerre en Ukraine


Lorsque j'ai parlé à mon collègue Ivan Nechepurenko de l'énorme festival qui a envahi Moscou cet été, sa description d'un pavillon m'a marqué : une expérience immersive du métro de New York.

Sur les images qu'Ivan m'a envoyées, des néons clignotent dans un tunnel lugubre. Le sol est sale. Des eaux usées s'accumulent dans un coin. "Bienvenue en Amérique", crie en anglais un acteur personnifiant un arnaqueur aux yeux sauvages qui vend de faux sacs de marque.

Après avoir traversé cet enfer, vous débouchez sur une station de métro moscovite. Cette station, toute de marbre et de miroirs, est impeccable et ordonnée, sans aucun fou en vue.

Ivan a écrit un excellent article sur la façon dont les autorités russes submergent les Moscovites de divertissements pour les distraire de la guerre en Ukraine. Vous pouvez regarder ma conversation avec lui ci-dessus. (c'est ici, mais à condition d'être abonné)

Mais je voudrais me concentrer sur un autre objectif de ce festival. Les autorités russes l'utilisent pour présenter Moscou - et, par extension, la Russie - comme un endroit où il fait meilleur vivre qu'en Occident.

Le message est essentiellement le suivant : "L'Occident veut vous faire croire que la Russie est arriérée, sombre et dangereuse, mais regardez ce qu'il en est réellement", m'a dit Ivan. Et c'est également ce message qui façonne la guerre.


Des récits contradictoires


La Russie met en scène sa propre résilience. Ce faisant, elle envoie un message interne : nous pouvons continuer en Ukraine jusqu'à ce que nous puissions mettre fin à la guerre selon nos propres termes. Mais cela fait également partie d'une stratégie plus large visant à faire comprendre au monde extérieur que les promesses de l'Occident s'estompent.

Ce message s'adresse, entre autres, aux 2,7 millions de touristes qui ont visité Moscou l'année dernière, pour la plupart originaires de pays non occidentaux. C'est le même message qui est régulièrement délivré par RT, le média d'État russe qui diffuse des émissions mettant en avant les démocraties occidentales en déroute.

Une partie de la force de ce récit vient du fait qu'il repose sur une certaine vérité : de nombreux pays occidentaux sont en plein désarroi. En juillet, 57 % des Russes interrogés par un institut de sondage indépendant se sont déclarés satisfaits de leur vie - le chiffre le plus élevé depuis le début de ces sondages en 1993, deux ans après la dissolution de l'Union soviétique.

Le message de la Russie est-il donc bien reçu ? Les sondages réalisés depuis l'invasion de l'Ukraine révèlent un fossé croissant dans l'opinion publique mondiale. Une étude a montré que la grande majorité des personnes vivant dans des démocraties libérales ont une opinion négative de la Russie, mais que c'est l'inverse qui est vrai dans la plupart des autres pays du monde. Parmi les 6,3 milliards de personnes qui ne vivent pas dans des démocraties libérales, la plupart ont une opinion positive de la Russie et sont sceptiques à l'égard de la démocratie.


« Des conflits politiques brûlants »


Quel est le rapport avec l'Ukraine ?

Je me suis entretenu avec Charles Kupchan, ancien conseiller en politique étrangère du président Obama et professeur à l'université de Georgetown. Je voulais savoir pourquoi les efforts du président Trump pour mettre fin à la guerre avaient donné si peu de résultats.

Ce n'est pas seulement que Trump n'a pas préparé sa rencontre avec Vladimir Poutine, a déclaré M. Kupchan. C'est aussi que le monde a changé. Les États-Unis ne peuvent plus imposer leur volonté sans contrôle. La Russie a les moyens de résister, avec l'aide d'autres pays comme la Chine, l'Inde et la Turquie, qui achètent son pétrole et l'aident à contourner les sanctions occidentales.

La diminution de l'influence de l'Amérique est principalement due à la diffusion du pouvoir et au déclin économique relatif de l'Occident. Mais elle est également due à des facteurs plus subtils. L'Occident était autrefois un club ambitieux. Aujourd'hui, les grandes démocraties occidentales, comme l'a dit Kupchan, sont "de véritables gâchis politiques". Et pour ceux qui vivent en dehors de ces démocraties, "il n'est pas évident que la démocratie soit la voie à suivre".

Ce sentiment percolant est-il la raison pour laquelle Poutine a été accueilli à Tianjin ce week-end ? Ce n'est pas quelque chose que l'on peut mesurer directement. Mais il convient de noter que pendant que Poutine tenait la main de Narendra Modi et de Xi Jinping, le gouvernement français était au bord de l'effondrement (une fois de plus) et Donald Trump promettait d'envoyer davantage de troupes dans les grandes villes américaines. Moscou, quant à elle, prépare son festival d'hiver. 


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Combien de temps durera tout ce cirque ?

La fédération de Russie a du plomb dans l'aile mais semble encore loin de l'effondrement, même si celui-ci peut arriver plus vite que ce que l'on pense (cf. l'URSS que l'on croyait éternelle dans les années 1980...)

La seule chose à faire pour le moment est d'aider autant que possible l'Ukraine à tenir. Elle a derrière elle les pays dits "occidentaux" (qui incluent le Japon ou l'Australie...) qui représentent quand même bien plus que la moitié du PIB mondial, face à la Russie dont l'economie est quasiment entièrement dédiée à l'effort de guerre, ce qui est intenable à long terme.

De plus l'Ukraine s'est en grande partie autonomisée pour ce qui est de ses vecteurs ciblant les infrastructures russes telles que les raffineries de pétrole. A ce jour environ 17% de la capacité de raffinage russe a été détruite à l'aide de drones à longue portée ou de missiles de croisière pour la très grande majorité fabriquée en Ukraine (pour les drones c'est 96%, pour le Flamingo de Fire Point c'est 100%)

Il est encore trop tôt (je me répète) pour savoir comment tout cela va finir, mais si l'on raisonne en termes de probabilités les chances de l'Ukraine sont loin d'être nulles, quant à celles de la Russie elles se rapprochent plus du zéro que du cent pour cent.


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