dimanche 19 août 2018

Nous n'avons besoin que de 60 stations de surface !

Le titre de ce billet est volontairement provocateur.

Bien sûr que plus nous avons de stations pour mesurer les températures et plus notre confiance dans les résultats est élevée.

Cependant, même en réduisant plus ou moins drastiquement le nombre de stations on s'aperçoit que cela ne change pas grand chose en ce qui concerne les anomalies de températures (pour les températures absolues c'est apparemment une autre histoire)

C'est l'excellent site ...and Then There's Physics qui me le rappelle (je l'avais déjà lu quelque part) :
Since surface temperature changes are correlated over distances of about 1000 km (it does depend somewhat on the latitude of the stations), it turns that you only need about 60 stations to produce a reasonable surface temperature dataset. 
Étant donné que les changements de température de surface sont corrélés sur des distances d'environ 1000 km (cela dépend quelque peu de la latitude des stations), il suffit d'environ 60 stations pour produire un ensemble de données de température de surface raisonnable.
Et il fournit l'outil qui permet de s'en rendre compte soi-même, sur le site tools.ceit.uq.edu.au

En fait l'information date d'il y a plus de 3 ans et était disponible sur le site skepticalscience dont la tâche essentielle est de réfuter toutes les tentatives de désinformation de la part de la communauté climatosceptique (avec l'aide financière de qui-vous-savez) ; je pense donc que c'est sur ce site que j'avais déjà pris connaissance de cet outil, mais j'avais oublié qu'il existait.

Un tutoriel de l'outil est disponible sur cette vidéo (en anglais) : youtube

Chacun de vous peut donc se livrer à un petit exercice consistant à sélectionner une seule station, ou les stations d'un pays, ou celles d'une région, et les comparer avec ce que l'on connait des anomalies de températures globales que l'on peut reconstituer avec un autre outil bien connu, woodfortree :

Evolution  des températures depuis 1880 (je présume par rapport à la moyenne 1880-2018) ; source woodfortrees
De ce graphique comprenant les trois sources déjà citées dans mon précédent billet on peut remarquer que depuis 1880 la température globale aurait augmenté grosso modo d'environ un degré et demi (de -0,5 à +1), la hausse étant de près de un degré depuis la fin des années 1970s (de 0 à +1)

Maintenant je vais me livrer à plusieurs « manipulations » de mon outil afin de voir ce que cela donne quand on sélectionne les stations (chaque fois évidemment j'indiquerai les critères de sélection)

Une seule station : Toulouse Blagnac.
Résultat de Toulouse Blagnac : environ +1,5°C depuis les années 1970s

J'ai choisi cette station parce qu'elle est chère à mon cœur, et je m'aperçois de deux choses :
  1. pas de données avant 1950, dommage ;
  2. fortes variations « temporaires » avec une coupure dans les années 1980s
Bon cette station n'est peut-être pas significative, de plus elle est située vraisemblablement dans l'aéroport de Toulouse Blagnac, donc peut-être victime de l'effet de chaleur urbain, bien que celui-ci soit très certainement ajusté (je ne pense pas un moment que les météorologues soient des crétins ou des comploteurs)

Alors voyons une autre station, au hasard (vous pouvez en choisir une autre, be my guest)

Une seule station : Brest.
Résultat de Brest : environ +1°C depuis les années 1970s

Donc Brest est plutôt en ligne avec les données globales qui disent à peu près +1°C depuis les années 1970s, mais on ne saura rien pour les températures depuis au moins le début du siècle, dommage.

Alors traversons la France et allons à Nice :

Une seule station : Nice.

Résultat de Nice : environ +1°C depuis les années 1970s




















Je fais une pause pour simplement signaler que mes estimations sont faites « à vue de nez » en observant les graphiques, rien donc de mathématiquement précis dans les chiffres que je donne, cependant ce qui compte c'est la « vue globale », pas les détails au dixième de degré près ; et jusqu'à présent les graphiques sont plutôt cohérents entre eux, par exemple vous pouvez remarquer à chaque fois ce gros creux entre 1980 et 1990, preuve qu'il devait y avoir à cette époque « quelque chose » que nous allons essayer de confirmer avec une vue d'ensemble du territoire français :

Toutes les stations de France (en n'oubliant pas...la Corse)
Résultat de la France : environ +1°C depuis les années 1970s ; environ +1,5°C depuis 1900.

Et là miracle, nous tombons sur des valeurs très proches des données globales déjà vues plus haut :
[…] la température globale aurait augmenté grosso modo d'environ un degré et demi (de -0,5 à +1), la hausse étant de près de un degré depuis la fin des années 1970s (de 0 à +1)
Et entre 1980 et 1990 on aperçoit bien le fameux « trou » déjà repéré dans les trois précédents graphiques !

Et en poussant le bouchon un peu loin on pourrait presque dire que la station de Nice représente assez bien l'évolution des températures pour l'ensemble du territoire français !

Essayons maintenant de voir ce que cela donne au niveau européen :

Toutes les stations Européennes (en omettant la Russie)
Résultat de l'Europe : environ +1°C depuis les années 1970s ; environ +1,5°C depuis 1900.

Etonnant, non ? Et avec une nette dépression entre 1980 et 1990, tout comme en France et dans les trois stations françaises sélectionnées...

On pourrait continuer ce petit jeu très longtemps, je vais terminer avec une seule station à l'autre bout de la planète, choisie au hasard (je n'en ai pas vérifié d'autres, à vous de vous y coller si l'envie vous prend)

Une seule station : l'ile de Pâques.
Résultat de l'ile de Pâques : environ +1°C depuis les années 1970s.

Tiens donc, et toujours ce « trou » entre 1980 et 1990, comme si l'ile de Pâques était connectée à l'Europe, étrange non ?

Bref nous avons bien la démonstration qu'il n'est nul besoin de parsemer la planète d'une station météo tous les kilomètres carrés pour s'apercevoir que la température globale augmente bel et bien, et que les chiffres qu'on nous donne (on nous dit souvent un degré de plus par rapport à l'ère préindustrielle ou 0,8°C quelque chose par rapport aux années 1970s) ne sont pas particulièrement « catastrophistes » ; ils sont simplement alarmants, alarmants dans le même sens qu'une alarme anti-incendie nous avertit d'un danger que nous avons intérêt à prendre au sérieux.

Le site andthentheresphysics de son côté s'est livré au même genre d'exercice afin de voir les différences dans les tendances et voici ce que cela donne :

4 tendances selon le nombre de stations prises en compte.

Nous avons donc les 5451 stations que compte la planète ainsi que d'autres ensembles plus restreints allant de 544 à seulement 65 stations (dommage que le détail des stations ne soit pas fourni, mais chacun est libre de faire le travail et de vérifier avec ses propres données)

On voit clairement que les droites de tendances ne sont pas significativement éloignées les unes des autres, elles montent toutes d'environ 1 à 1,1°C (de -0,6-0,5 à +0,5-0,6) depuis l'an 1900, mais il faut dire que sur ce graphique on voit assez clairement d'où l'on part et où l'on arrive alors que sur ceux que j'ai montrés auparavant l'absence de droite de tendance empêchait de définir les points de départ et d'arrivée ; en fait il faut minorer mes chiffres, car on voit bien que ces points de départ et d'arrivée ne coïncident pas, ceux des droites de tendances sont situés plus bas que les courbes elles-mêmes, environ 0,4°C plus bas pour l'an 1900 et 0,1 à 0,2°C plus bas pour 2018.

Dans les commentaires on peut lire de véritables experts (pas des rigolos auto-proclamés experts comme on peut en voir sur Skyfall ou WUWT) comme par exemple :

Andrew E Dessler says:
August 18, 2018 at 6:45 pm
Worth explicitly stating that this is true for *anomalies*, but not for absolute temperature. For absolute temperature, you’d need a very very dense network (probably every few 10s of meters, in order to get differences in surface type). That’s why we don’t really know the absolute temperature of the planet, but can nonetheless measure the temperature change very accurately. 
Il est important de dire explicitement que cela est vrai pour * les anomalies *, mais pas pour la température absolue. Pour une température absolue, vous avez besoin d'un réseau très dense (probablement tous les 10 mètres, afin d'obtenir des différences de type de surface). C'est pourquoi nous ne connaissons pas vraiment la température absolue de la planète, mais pouvons néanmoins mesurer très précisément le changement de température.
Andrew Dessler a sa fiche wikipedia qui le qualifie de climatologue (climate scientist) et nous informe qu'il est professeur en sciences de l'atmosphère à l'université du Texas, une toute autre pointure qu'un Jean-Pierre Bardinet qui intervient à tout propos dès que le climat est évoqué sans avoir la moindre compétence (et légitimité) pour le faire.

Victor Venema says:
August 18, 2018 at 2:45 pm
Yes, you do not need that many stations to compute the large-scale long-term trend from station observations.
You do need more stations in praxis, so that you can compare them with each other and remove changes due to changes in the way temperature was measured. Otherwise those 60 stations would not be reliable. #homogenisation
You need more stations for spatial information on how the climate system works. #ElNino
You need more stations for more accurate monthly, seasonal, annual and even decadal averages and to thus avoid even more stupid “hiatus” discussions.
The Global Climate Observing System (GCOS) is working on a plan for a global climate reference station network (similar to the US reference network) with stable measurements at pristine locations. For such a network you do not need that many stations if you use it as the stable backbone of the entire system and use the other stations for higher-resolution spatial and temporal information.
https://rmets.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/joc.5458
Oui, vous n'avez pas besoin de nombreuses stations pour calculer la tendance à long terme à grande échelle à partir des observations d'une station.
Vous avez besoin de plus de stations dans la pratique, de sorte que vous pouvez les comparer les unes aux autres et supprimer les changements dus aux changements de la façon dont la température a été mesurée. Sinon, ces 60 stations ne seraient pas fiables. # homogénéisation
Vous avez besoin de plus de stations pour obtenir des informations spatiales sur le fonctionnement du système climatique. #ElNino
Vous avez besoin de plus de stations pour obtenir des moyennes mensuelles, saisonnières, annuelles et même décennales plus précises et éviter ainsi des discussions encore plus stupides sur le "hiatus".
Le Système mondial d’observation du climat (SMOC) élabore actuellement un plan pour un réseau mondial de stations de référence pour le climat (similaire au réseau de référence des États-Unis), avec des mesures stables dans des endroits immaculés [i.e. non contaminés]. Pour un tel réseau, vous n'avez pas besoin de beaucoup de stations si vous l'utilisez comme épine dorsale stable de tout le système et utilisez les autres stations pour obtenir des informations spatiales et temporelles de résolution supérieure.
Victor Venema appartient à l'institut de météorologie de l'université de Bonn, une autre pointure donc qu'un Frédéric Decker, ce présentateur météo qui se laisse facilement embobiner par le climatosceptique Hacène Arezki.

Eric Steig says:
August 18, 2018 at 3:23 pm
We wrote about this right after the CRU hack in 2009. http://www.realclimate.org/index.php/archives/2009/12/are-the-cru-data-suspect-an-objective-assessment/
You actually only need about 30 stations, as we showed (though the figure has disappeared — I’ll try to find it and get it back up!).
Nous avons écrit à ce sujet juste après le piratage de CRU en 2009. http://www.realclimate.org/index.php/archives/2009/12/are-the-cru-data-suspect-an-objective-assessment/
En fait, vous n'avez besoin que d'environ 30 stations, comme nous l'avons montré (bien que le chiffre ait disparu - j'essaierai de le trouver et de le récupérer!).
Eric Steig est professeur de sciences de la Terre et de l'espace à l'université de Washington et son palmarès au niveau des parutions en matière de climat est d'une toute autre ampleur que les rachitiques productions d'un Benoit Rittaud.

Il est intéressant de lire quasiment tous les autres commentaires (à l'exception notable de ceux de Richard Tol qui n'apportent jamais grand chose) contrairement aux sites climatosceptiques auxquels nous sommes habitués dans lesquels il peut éventuellement exister quelques pépites à extraire de la gangue trollesque (ce qui est d'ailleurs cocasse c'est que les climatosceptiques sont ceux qui trollent le plus leurs propres sites par leur commentaires à côté de la plaque)

Richard Tol, le troll hirsute.

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