mardi 22 janvier 2019

L'Australie, ou ce qui nous attend ?

En novembre dernier, dans L'Australie à l'épreuve du dérèglement climatique, j'écrivais notamment :
[…] l'Australie est un pays complexe qui en soi pourrait être considéré comme une planète en résumé de par sa diversité tant humaine que géographique (et climatique !)
Je faisais mention d'un rapport publié par le Climate Council et intitulé DELUGE AND DROUGHT: AUSTRALIA’S WATER SECURITY IN A CHANGING CLIMATE, qui était focalisé sur les problèmes que rencontre ce vaste pays en matière de sécheresse et de pluies diluviennes.

L'Australie se sent donc tellement concernée par le changement climatique qu'elle a créé un « conseil » spécialement dédié au climat, alors que chez nous, en France, les seuls conseils que je connaisse sont municipaux, départementaux ou destinés à défendre les intérêts d'une corporation comme le conseil de l'ordre des médecins ; d'autres conseils existent, comme le conseil des ministres, mais on ne va pas tous les citer, il suffit de savoir qu'en France il n'y a pas de conseil du climat comme en Australie.

Ah non, pardon, on me souffle dans l'oreillette que Macron a créé récemment, en novembre 2018, le HCC, le Haut Conseil pour le Climat !

Nous avons donc cinq ans de retard sur les Australiens qui ont créé leur Council en 2013, cela serait-il un indice que ce qui leur arrive aujourd'hui nous parviendra dans cinq ans également ?

Bon faut pas trop s'inquiéter, ce pays est traversé par le tropique du Capricorne et la France est à bonne distance de celui du Cancer, mais quand même…

Actuellement si nous nous attendons à une petite vague de froid tout à fait normale pour une fin janvier, c'est-à-dire en plein cœur de l'hiver boréal, là-bas dans le sud c'est l'été austral et le Bureau of Meteorologie du gouvernement australien nous montre cette carte :

Daily maximum temperature for Australia

Si cela ne vous parle pas trop vous pouvez consulter son dernier rapport provisoire (interim statement) daté du 17 janvier dernier (c'est tout...frais…) et intitulé Special Climate Statement 68—widespread heatwaves during December 2018 and January 2019.

En voici le résumé qui tient en quelques points mentionnés au début :
  • An unusual extended period of heatwaves over much of Australia began in early December 2018 and continued into January 2019
  • For nationally averaged mean maximum temperature, Australia had its hottest December day on record and second-hottest for any month
  • Numerous locations reported their highest daily maximum temperature on record for December or January, with some locations exceeding their previous records by large margins
  • It was Australia's warmest December on record
  • Every State and Territory was affected by heatwave conditions at some stage during the event
  • These widespread heatwaves during December and early January followed an extreme heatwave that affected the tropical Queensland coast during late November 2018
  • The current heat event is continuing and this Special Climate Statement will be updated at the end of January 
Pas besoin de connaitre beaucoup de mots anglais pour en comprendre la teneur, je vais cependant donner quelques détails et compléments d'information dans la langue de Molière (qui a connu le petit âge glaciaire mais n'en a pas trop parlé dans ses pièces…) :
  • La vague actuelle de chaleur dure depuis...début décembre 2018 !
  • Cette vague de chaleur n'a pas l'air de vouloir s'arrêter dans les jours qui viennent :
    Source bing
  • Un record a été battu en décembre pour le jour le plus chaud jamais enregistré pour ce mois, ainsi que le deuxième jour le plus chaud tous mois confondus ;
  • De nombreux records locaux ont été battus, certaines températures frôlant les 50°C :
    Table 1: December high maximum temperature records at locations with 40 years or more of data. ACORN-SAT locations are shown in italics. Records for any month are shown in bold. Source bom.gov.au
  • Ce mois de décembre dans son ensemble a été le plus chaud jamais enregistré ;
  • Cette vague de chaleur fait suite à une précédente canicule ayant frappé la côte tropicale du Queensland fin novembre 2018 ;
  • Une mise à jour du rapport sera publiée fin janvier étant donné que la présente canicule est toujours en cours.
L'Australie étant un pays moderne elle est capable de montrer des statistiques fiables depuis au moins un siècle, ainsi pour le nord du pays voici le graphique des anomalies de températures pour le mois de décembre depuis 1910 :

Figure 11: Time series graph of December mean temperature anomalies (differences from average) for northern Australia (north of 26°S inclusive) for the period 1910–2018. Source bom.gov.au

Mais plus intéressant encore, le Climate Council a mis en ligne une vidéo intitulée 2018: Year of Extreme Weather, d'où j'ai tiré ces quelques images qui parlent toutes seules (attachez vos ceintures, ça va secouer) :
Janvier : le 7 la localité de Penrith fut l'endroit le plus chaud de la planète ce jour-là.
Février : deuxième été austral le plus chaud jamais enregistré.
Mars : inondations majeures dans l'Etat du Nord-Queensland.
Mars : des feux de brousse se sont propagés à Tathra, parmi les pires enregistrés dans cette zone.
Avril : le 9 fut le plus chaud jamais enregistré en avril en Australie.
Mai : inondations à Hobart.
Mai : cependant la plupart du continent demeura desséché, avec le mois de mai le plus sec depuis la sécheresse millénaire [de 2001 à 2009].
Juin/juillet : le manque de pluies empira la sécheresse dans certaines régions.
Août : des pluies records ont frappé l'Etat de Victoria avec l'équivalent de trois mois de précipitations tombant en 24 heures.
Août : la totalité du New South Wales déclaré en état de sécheresse.
Août : et des feux de brousse se sont déchainés dans le nord-est de l'Etat EN HIVER (austral)
Août : le sud du Queensland a subi plus de 1000 feux de brousse durant le seul mois d'août.
Septembre : la sécheresse fut incessante, l'Australie subissant son mois de septembre le plus sec jamais enregistré.
et de la grêle, de la pluie et des vents puissants ont « fouetté » le sud-est de l'Etat.
Octobre : des orages supercellulaires ont frappé certaines régions du Queensland, et de la grêle, de la pluie et des vents puissants ont « fouetté » le sud-est de l'Etat.
Novembre : une canicule extrême et des températures records ont précédé des feux de brousse dans le Queensland.
Décembre : ...qui se sont intensifiés à un point tel que même les forêts tropicales brûlaient.

Le dernier point concernant les forêts tropicales qui brûlaient est apparemment sans précédent, du moins avec cette ampleur, si l'on en croit ce site dédié aux oiseaux :
The unprecedented burning of pristine rainforest around Eungella in the central Queensland hinterland is a stark warning of climate change-related environmental challenges that lie ahead. Rainforest has been reduced to ash in and around Eungella National Park, though the full extent of the damage is not yet known.
La combustion sans précédent de forêts tropicales immaculées aux alentours d'Eungella, dans l'arrière-pays central du Queensland, est un avertissement flagrant des défis environnementaux à venir liés au changement climatique. La forêt pluviale a été réduite en cendres dans et autour du parc national d'Eungella, bien que l'ampleur des dégâts ne soit pas encore connue.
Rainforest burned - Pic by Craig Illingworth (source sunshinecoastbirds)

The Guardian a aussi reporté la situation avec un titre « accrocheur » que je vous laisse traduire, 'Like opening a fan oven': Australia's rainforest threatened by bushfires (il va encore y en avoir qui vont dire que l'article est « catastrophiste »...
[…] rainforest should be able to self-protect during fire, with closed canopies that allow little sunlight to the forest floor and that keep the vegetation moist. But the cyclones have shredded the canopies, leaving an excess of fuel from debris on the ground, and a lack of rain meant the forest was dry. 
[…] La forêt pluviale devrait pouvoir se protéger elle-même en cas d’incendie, avec des canopées fermées laissant peu de lumière au sol et préservant l’humidité de la végétation. Mais les cyclones ont déchiqueté les canopées, laissant un excès de carburant à partir des débris, et un manque de pluie explique que la forêt était sèche.
Donc les cyclones paraissent être les véritables causes des incendies ayant touché ces forêts tropicales, or deux cyclones récents particulièrement dévastateurs, dont Debbie en 2017, ont frappé cette partie de l'Australie ; le changement climatique à plusieurs étages en quelque sorte !

Qu'on se rassure, des cyclones touchant les côtes françaises ce n'est pas demain la veille...euh, je ne me souvenais plus des tempêtes de 1999, ni de l'ouragan Ophelia qui a rasé les côtes de l'Irlande après être passé au large du Portugal…

Ça se rapproche, ça se rapproche, mais pas de panique, le génie humain va nous sortir d'affaire, c'est promis.



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