mercredi 30 novembre 2016

Fillon, le renouveau de l'économie française ? La bonne blague !

Fillon a été désigné pour représenter la droite et le centre (du moins une partie de la droite et du centre) aux prochaines présidentielles.

Il est difficile de dire de combien de décennies l'élection de Fillon en mai 2017 nous ferait revenir en arrière, peut-être même que sur certains sujets, notamment sociétaux, on en reviendrait au début du siècle dernier, juste avant la séparation de l’Église et de l’État...


Voyons un peu ce qu'il propose comme mesures purement économiques en consultant son propre site (extraits des 15 mesures « phare » plutôt que « phares » :
  • 100 milliards d’euros d’économies en 5 ans sur les dépenses publiques.
  • 40 milliards de baisse des charges pour les entreprises et 10 milliards d’allégements sociaux et fiscaux pour les ménages.
  • Fin des 35 heures dans le secteur privé et retour aux 39 heures dans la fonction publique.
  • Suppression de l’ISF pour aider au financement des entreprises
  • Recul de l’âge de la retraite à 65 ans et unifier tous les régimes de retraite pour maintenir le pouvoir d’achat des retraites
  • 12 milliards d’euros de plus dans la sécurité, la défense et la justice, et création de 16 000 places de prison, pour que les condamnations soient exécutées. 
Fillon est donc bien un libéral (néo ou ultra ou simple(t) peu importe) qui pense apparemment sincèrement que réduire les dépenses de l’État et les charges des entreprises, tout en faisant travailler davantage les salariés tout au long de leur vie, va comme par miracle doper notre économie et satisfaire sa première priorité : la libération de l'économie !

Fillon n'a de toute évidence pas lu Joseph Stiglitz qui, dans son dernier livre L'euro, comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe, nous dit page 247 :
Et page suivante :
  • [...] quand on réduit les dépenses publiques, on aboutit à des réductions du PIB qui sont un multiple du montant des coupes effectuées dans les dépenses.
On ne pourrait retenir que ce graphique pour visualiser l'effet de restrictions budgétaires sur la croissance et le chômage :

On ne peut pas dire que cela soit vraiment convainquant pour soutenir l'argumentation fillonesque selon laquelle la réduction des dépenses publiques « libèrerait notre économie » ; du moins on peut se demander « qui » serait réellement libéré avec un tel programme...

Mais plutôt que de se fier au FMI et à ses études (après tout le FMI s'est bien planté, cependant il a eu le mérite de reconnaitre ses erreurs) on peut essayer de raisonner simplement à notre humble niveau de citoyen lambda.

Tout d'abord comment peut-on un seul instant imaginer qu'en allongeant la durée de travail des salariés (augmentation de la durée hebdomadaire de 35 à 39 heures, plus report de l'âge de la retraite à 65 ans) on va arriver à réduire le chômage ? C'est faire fi du fait que sans croissance (sans hausse du PIB) il ne peut pas y avoir création d'emplois, et qu'avec les gains de productivité ajoutés au progrès technique tendant à davantage de robotisation et d'automatisation dans les process (industriels mais aussi commerciaux ou de services) la tendance est clairement à employer de moins en moins de gens pour effectuer les mêmes tâches ; dans ces conditions le plan Fillon ne peut que grossir le nombre des demandeurs d'emplois.

Ensuite, comment imaginer que réduire les dépenses publiques en supprimant notamment 500 000 postes de fonctionnaires (ce n'est pas explicitement dit dans ses mesures phare, cependant il le détaille ailleurs) va améliorer quoi que ce soit ? Supprimer 500 000 postes cela veut dire, puisqu'on ne peut pas licencier un fonctionnaire, ne remplacer aucun départ à la retraite pendant une (longue) durée indéterminée ; cela veut dire n'embaucher aucun fonctionnaire pendant cette durée, ce qui signifie que tous les jeunes qui auraient normalement postulé dans le public se retrouveront automatiquement sur le marché de l'emploi privé ! Et tout cela avec quelques conséquences :
  • augmentation du chômage des jeunes
  • baisse des salaires à l'embauche (les employeurs ne se priveront pas, avec la surabondance de candidats...)
  • augmentation de l'âge moyen dans le secteur public (imaginez un instant que vous êtes très malade, à l'hôpital, et qu'une infirmière de 60 ans soit en charge de vous et de tout l'étage où vous avez été admis...)
Et que dire des cadeaux faits aux entreprises et aux « riches» ?
  • 40 milliards de baisse des charges pour les entreprises et 10 milliards d’allégements sociaux et fiscaux pour les ménages.
  • Suppression de l’ISF pour aider au financement des entreprises
J'ai déjà expliqué  que réduire les charges des entreprises et leur faire confiance pour « créer » des emplois était illusoire ; si leur carnet de commandes est raplapla pour cause de demande anémiée, il ne faut pas compter sur elles pour investir et/ou embaucher du personnel (et non créer des emplois, ce qu'une entreprise est incapable de faire à son niveau) ; quant à supprimer l'ISF « pour aider au financement des entreprises » cela me fait tordre de rire tellement c'est niais, comme si les entrepreneurs (les vrais, pas les managers intéressés par les profits à court terme) étaient limités par l'ISF pour faire leur business !

Et pour finir que penser de cette proposition à mi-chemin entre économie et société :
  • 12 milliards d’euros de plus dans la sécurité, la défense et la justice, et création de 16 000 places de prison, pour que les condamnations soient exécutées. 
Ainsi Fillon veut diminuer les dépenses de santé et d'éducation, mais augmenter celles relatives à notre « sécurité » en remplissant notamment nos prisons ; peut-être veut-il faire concurrence aux États-Unis qui possèdent 23% de la population carcérale dans le monde alors que nous n'en sommes qu'à un malheureux 1% ?

 Comme le dit Jean-Marie Harribey :
  • Après quarante années de politiques néolibérales instaurées pour asseoir la domination de la finance capitaliste mondiale et nous ayant menés à une crise inédite, la droite française vient de se doter d’un chef qui promet d’aller encore plus loin : deux points de plus de TVA sur les pauvres, suppression de l’ISF sur les riches, rétrécissement de la couverture santé par la Sécurité sociale, augmentation de la durée du travail, retraite à 65 ans, voire 67 ; 110 milliards de baisse de la dépense publique, 500 000 fonctionnaires en moins, etc.
C'est l'esprit olympique du « plus vite, plus haut, plus loin » qui doit inspirer François Fillon, par ailleurs amateur de courses automobiles ; mais qui ne se rend pas compte que son programme ne peut qu'envoyer son bolide dans le mur.




1 commentaire:

  1. Le problème est beaucoup plus vaste que ça. Notre société de consommation a atteint ses limites et les jeunes devront inventer un nouveau modèle basé sur la sobriété.

    Au passage, la population mondiale a doublé en un peu plus de 50 ans mais la courbe de l'emploi n'a pas suivi (efficacité énergétique et progrès technologique obligent).

    Robert

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