dimanche 30 octobre 2022

Climactualités - octobre 2022

 Concentration de l'atmosphère en CO₂

Global Monitoring Laboratory - Carbon Cycle Greenhouse Gases (noaa.gov)

Moyenne mensuelle récente du CO₂ à l'observatoire de Mauna Loa.

Variation de la concentration en CO₂ depuis 1960.

Les lignes et symboles rouges représentent les valeurs moyennes mensuelles, centrées sur le milieu de chaque mois. Les lignes et symboles noirs représentent les mêmes valeurs, après correction pour le cycle saisonnier moyen.

 

Taux de croissance annuel moyen du CO₂ au Mauna Loa.



Le tableau et le graphique montrent les taux de croissance annuels moyens du dioxyde de carbone pour Mauna Loa. Dans le graphique, les moyennes décennales du taux de croissance sont également représentées sous forme de lignes horizontales pour les années 1960 à 1969, 1970 à 1979, et ainsi de suite.



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Divers graphiques montrant l'évolution du CO2 (et de la température) au cours des âges.


Changement en parties par million par 1000 ans (Source Climate Central)


Source Graphic: The relentless rise of carbon dioxide – Climate Change: Vital Signs of the Planet (nasa.gov)


Concentrations de l'atmosphère en CO2 depuis 500 millions d'années (source Earth.Org)


Evolution (estimation) de la température durant les 500 millions d'années passées (source Earth.Org)


Attention ! L'échelle des abscisses des deux derniers graphiques n'est pas la même !


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ENSO



CURRENT STATUS:

LA NIÑA ADVISORY

Forecasts indicate a 75 percent chance that La Niña—the cool phase of the ENSO climate pattern—will persist across the tropical Pacific for the third winter in a row.

Les prévisions indiquent qu'il y a 75 % de chances que La Niña - la phase froide du cycle climatique ENSO - persiste dans le Pacifique tropical pour le troisième hiver consécutif.
Index ENSO de 2013 à 2022 (source weather.plus)

Index ENSO de 1950 à 2022 (source weather.plus)

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Données de températures de la NOAA

Climate Change: Global Temperature | NOAA Climate.gov.

Température annuelle de surface comparée à la moyenne de 1880 à 2021.


FAITS MARQUANTS

  • La température de la Terre a augmenté de 0,14° Fahrenheit (0,08° Celsius) par décennie depuis 1880, mais le taux de réchauffement depuis 1981 est plus de deux fois supérieur : 0,32° F (0,18° C) par décennie.
  • L'année 2021 a été la sixième année la plus chaude jamais enregistrée sur la base des données de température de la NOAA.
  • Moyennée sur les terres et les océans, la température de surface de 2021 était de 1,51 °F (0,84 °Celsius) plus élevée que la moyenne du vingtième siècle de 57,0 °F (13,9 °C) et de 1,87 ˚F (1,04 ˚C) plus élevée que la période préindustrielle (1880-1900). 
  • Les neuf années de 2013 à 2021 se classent parmi les 10 années les plus chaudes jamais enregistrées.

Voir aussi l'évaluation du climat mondial en 2021 : Assessing the Global Climate in 2021 | News | National Centers for Environmental Information (NCEI) (noaa.gov)


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Elévation du niveau moyen des mers

Mean Sea Level: Aviso+ (altimetry.fr)

Niveau moyen global de référence (GMSL) basé sur les données des missions TopEx/Poseidon, Jason-1, Jason-2 et Jason-3 de janvier 1993 à aujourd'hui, après élimination des signaux annuels et semi-annuels et application d'un filtre de 6 mois. En appliquant la correction du rebond postglaciaire (-0,3 mm/an), l'élévation du niveau moyen des mers a ainsi été estimée à 3,5 mm/an avec une incertitude de 0,4 mm/an (mis à jour le 2/04/2022)


Sur les 10 dernières années :



Sur les 10 dernières années : 4,36 mm / an (source Aviso)


Sur les 5 dernières années :

 
Sur les 5 dernières années : 4,56 mm / an (source Aviso)


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GISS L-OTI anomalies de températures vs 1881-1910

data.giss.nasa.gov

Anomalies de températures pour le mois de septembre 2022 par rapport à la période de référence 1881-1910.


Rappel des années précédentes (à partir de 2016, année la plus chaude) avec leur classement :

  • année 2021 : 1.11 => 5
  • année 2020 : 1.24 => 2
  • année 2019 : 1.21 => 3
  • année 2018 : 1.08 => 6 
  • année 2017 : 1.17 => 4 
  • année 2016 : 1.26 => 1


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Polar Science Center

psc.apl.uw.edu

Evolution du volume de la banquise arctique de PIOMAS par rapport à la moyenne de la période 1979-2021.


Fig 11. Moyenne annuelle du volume de glace de mer de PIOMAS


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Arctic Data archive system (ADS)

ads.nipr.ac.jp/vishop/#/extent


Evolution de l'étendue de la banquise arctique.

Evolution de l'étendue de la banquise antarctique.

Evolution globale des deux banquises arctique et antarctique.

Historique des Climactualités (l'Arctique est mentionné en premier ; en bleu les valeurs minimalesen jaune les maximales ; la valeur entre parenthèses est la variation par rapport à l'année précédente)


Moyenne des années 1980 à la même date : 9,78 + 17,43 = 27,22 (+2,43)

Octobre 2022 : 8,10 + 16,69 = 24,79 (-0,15)
Septembre 2022 : 5,01 + 17,97 = 22,97 (-0,11)
Août 2022 : 5,06 + 17,51 = 22,57 (-1,05)
Juillet 2022 : 6,74 + 15,88 = 22,62 (-1,15)
Juin 2022 : 9,32 + 13,36 = 22,68 (-1,22)
Mai 2022 : 11,60 + 10,49 = 22,08 (-0,87)
Avril 2022 : 12,84 + 7,50 = 20,34 (-0,96)
Mars 2022 : 13,79 + 4,16 = 17,95 (-1,20)
Février 2022 : 14,14 + 2,17 = 16,31 (-0,44)
Janvier 2022 : 13,70 + 3,00 = 16,69 (-0,23)
Décembre 2021 : 12,50 + 6,32 = 18,82 (-0,32)
Novembre 2021 : 10,79 + 13,48 = 24,27 (+0,37)
Octobre 2021 : 7,97 + 16,98 = 24,94 (+0,99)
Septembre 2021 : 5,04 + 18,04 = 23,08 (+0,20)
Août 2021 : 5,05 + 18,57 = 23,62 (+1,14)
Juillet 2021 : 6,38 + 17,39 = 23,77 (+1,48)
Juin 2021 : 9,09 + 14,81 = 23,90 (+0,33) 
Mai 2021 : 11,29 + 11,66 = 22,95 (+0,54)
Avril 2021 : 12,82 + 8,48 = 21,3 (+0,78)
Mars 2021 : 13,62 + 5,53 = 19,15 (+0,65)
Février 2021 : 13,73 + 3,02 = 16,75 (-0,35)
Janvier 2021 : 13,43 + 3,50 = 16,92 (-0,13)
Décembre 2020 : 12,07 + 7,07 = 19,14 (+0,23)
Novembre 2020 : 9,71 + 14,19 = 23,90 (+0,77)
Octobre 2020 : 6,02 + 17,94 = 23,95 (-0,33)
Septembre 2020 : 4,08 + 18,81 = 22,88 (+0,22)
Août 2020 : 4,06 + 18,43 = 22,48 (+0,26)
Juillet 2020 : 5,78 + 16,51 = 22,29 (-0,17)
Juin 2020 : 9,18 + 14,39 = 23,57 (+0,80)
Mai 2020 : 10,83 + 11,58 = 22,41 (+1,35)
Avril 2020 : 12,60 + 7,92 = 20,52 (+1,30)
Mars 2020 : 13,56 + 4,94 = 18,50 (+0,94)
Février 2020 : 14,30 + 2,81 = 17,10 (+0,64)
Janvier 2020 : 13,63 + 3,42 = 17,05 (+0,56)
Décembre 2019 : 12,26 + 6,65 = 18,91 (+0,99)
Novembre 2019 : 9,85 + 13,27 = 23,13 (-0,67)
Octobre 2019 : 7,06 + 17,21 = 24,28 (+0,01)
Septembre 2019 : 4,31 + 18,35 = 22,66 (-0,03)
Août 2019 : 4,34 + 17,89 = 22,23 (-0,27)
Juillet 2019 : 6,08 + 16,39 = 22,46 (-0,65)
Juin 2019 : 9,09 + 13,68 = 22,77 (-1,01)
Mai 2019 : 10,88 + 10,18 = 21,06 (-0,61)
Avril 2019 : 12,56 + 6,66 = 19,22 (+1,07)
Mars 2019 : 13,73 + 3,83 = 17,56 (+0,19)
Février 2019 : 14,02 + 2,44 = 16,46 (+0,47)
Janvier 2019 : 13,48 + 3,01 = 16,49 (+0,35)
Décembre 2018 : 11,85 + 6,07 = 17,92 (-0,97)
Novembre 2018 : 10,54 + 13,26 = 23,8 (+0,48)
Octobre 2018 : 7,18 + 17,09 = 24,27 (-0,82)
Septembre 2018 : 4,68 + 18,01 = 22,69
Août 2018 : 4,8 + 17,7 = 22,5
Juillet 2018 : 6.67 + 16.44 = 23.11
Juin 2018 : 9.19 + 14.59 = 23.78
Mai 2018 : 11.02 + 10.65 = 21.67
Avril 2018 : 12.82 + 6.33 = 18.15
Mars 2018 : 13.87 + 3.50 = 17.37
Février 2018 : 13.68 + 2.31 = 15.99
Janvier 2018 : 12.68 + 3.46 = 16.14
Décembre 2017 : 11.76 + 7.13 = 18.89
Novembre 2017 : 10.07 + 13.25 = 23.32
Octobre 2017 : 7.82 + 17.27 = 25.09
Septembre 2017 : pas de stats


jeudi 27 octobre 2022

Comment prendre les gens pour des cons en une leçon avec Andy May sur Watts Up With That

Décidément ils n'abandonnent jamais. 

« Ils » ce sont les habituels désinformateurs professionnels qui sont donc payés pour faire gober aux gogos que, par exemple, le Groenland ne perd pas de glace et qu'au contraire il aurait tendance à en gagner !

Aujourd'hui je vous présente Andy May, appointé chez Anthony Watts pour faire le boulot avec ce monument titré Greenland Mass Balance dans lequel il fait mine de donner des informations exactes, mais pour mieux tromper son monde.

Il donne ainsi quasiment dès le début des définitions qui semblent correctes :
The ‘Surface’ Mass Balance (SMB) is just one of three components when it comes to determining an ice sheet’s overall ‘health’ –its ‘Total’ Mass Balance (TMB)– with the others being the ‘Marine’ Mass Balance (MMB) and the “Basal’ Mass Balance (BMB).
Le bilan de masse "de surface" (SMB) n'est que l'un des trois éléments permettant de déterminer la "santé" globale d'une calotte glaciaire - son bilan de masse "total" (TMB) - les autres étant le bilan de masse "marin" (MMB) et le bilan de masse "basal" (BMB).
Las, plus loin voici ce qu'il lance à son auditoire ébahi :
The TMB (red line) did indeed decrease between 1996 to 2012; however, the trend has very clearly shifted since then, to one of overall growth. This is more clearly depicted in the next chart (which doesn’t yet include 2022’s higher reading):
Le TMB (ligne rouge) a effectivement diminué entre 1996 et 2012 ; toutefois, la tendance a très clairement changé depuis lors, pour devenir une croissance globale. Cette évolution est illustrée plus clairement dans le graphique suivant (qui ne tient pas encore compte de la hausse de 2022) :

Figure 3. Le TMB (ligne rouge) a effectivement diminué entre 1996 et 2012 ; toutefois, la tendance s'est très clairement infléchie depuis lors, pour devenir une croissance globale.


Vous la voyez l'embrouille ? Elle est grosse comme le nez au milieu de la figure et tient essentiellement en deux points : 
  1. Faire croire que le graphique ci-dessus est issu de l'étude dont il est question (mankoff_2021.pdf (kenmankoff.com))
  2. Présenter le graphique de telle façon qu'il fasse croire à une récupération récente de la glace groenlandaise.
Alors levons le doute sans plus tarder.

Ce graphique ne figure évidemment pas dans l'étude, tout au plus peut-on le rapprocher de celui-ci mentionné dans l'annexe A :

Annexe A de l'étude mankoff_2021

Ce qui est cocasse c'est que RCM signifie Regional Climate Model, soit Modèle Climatique Régional, et quand on sait que les gens comme Andy May et tous ceux qui gravitent autour de Watts and co n'apportent aucun crédit aux modèles climatiques, on se dit que soit May n'a rien compris de ce qu'il raconte, ce qui est peu probable, soit il prend ce qui l'arrange pour servir aux niais ce qu'ils veulent bien ingurgiter parce que c'est raccord avec leur idéologie.

Si vous observez bien le graphique produit par May et celui du haut (repéré avec la lettre a) dans l'étude Mankoff 2021, vous verrez que les hauts et les bas correspondent parfaitement et que l'échelle du temps est identique dans les deux cas, allant de 1985 à 2021. Or que dit la légende du (a) ? Elle dit ceci :
(a) Annual MB for the entire time series.
(a) MB (Balance de Masse) annuelle pour l'ensemble de la série chronologique.
Et l'on constate que si certaines rares années cette balance de masse a pu être légèrement positive, la plupart du temps elle est carrément très négative !

D'ailleurs un autre graphique dans la même étude ne laisse aucun doute sur le devenir de la calotte glaciaire du Groenland puisqu'il nous montre l'évolution de la masse...en valeur cumulée :

Figure 4. Comparaison entre cette étude et d'autres séries chronologiques de bilan massique. 

On note donc plusieurs choses :
  1. Il y a donc plusieurs études qui montrent une perte de masse régulière du Groenland.
  2. La perte de masse continue bon train ces dernières années...
  3. Depuis 1980 cette perte de masse équivaut à une quinzaine de millimètres de hausse du niveau de la mer !
Heureusement un lecteur a pointé l'arnaque en reprenant le graphique en question :
bdgwx
 October 24, 2022 6:57 pm

Cap Allon said: “The TMB (red line) did indeed decrease between 1996 to 2012; however, the trend has very clearly shifted since then, to one of overall growth.”

Except…the red line in the graph isn’t TMB. It is TMB/yr. And it quite clearly has not shifted “to one of overall growth”. The last data point is -100 Gt/yr. That’s a negative number. Negative numbers mean that TMB declined. In other words, TMB did the opposite of grow; it shrunk.

Here is a graph of the actual TMB (not TMB/yr) directly from the source being cited [Mankoff et al. 2021].

Cap Allon a déclaré : "Le TMB (ligne rouge) a effectivement diminué entre 1996 et 2012 ; cependant, la tendance a très clairement changé depuis, pour devenir une croissance globale."

Sauf que... la ligne rouge du graphique n'est pas le TMB. C'est TMB/an. Et il est clair qu'elle ne s'est pas déplacée "vers une croissance globale". Le dernier point de données est -100 Gt/an. C'est un chiffre négatif. Les nombres négatifs signifient que le TMB a diminué. En d'autres termes, le TMB a fait le contraire d'une croissance, il a diminué.

Voici un graphique du TMB réel (et non du TMB/an) provenant directement de la source citée [Mankoff et al. 2021].
Le dénommé Cap Allon est en fait l'individu qui a produit la bouse reprise sur WUWT par Andy May (voir How The Greenland Ice Sheet 'REALLY' Fared This Year - Electroverse

Inutile de dire que ce Cap Allon est à mettre dans la même catégorie qu'Andy May, Antony Watts et consorts.



dimanche 16 octobre 2022

Bo(u)zo(u) le clown

 Il y a de nombreux soi-disant experts qui s'expriment sur les chaines de télévision, je ne vais pas tous les lister, autrement j'y passerais le reste de la semaine, mais force est de constater que quand on n'est pas soi-même spécialiste sur un sujet donné on est quand même bien obligé de leur faire confiance, dans une certaine mesure bien sûr.

Mais quand on connait bien un domaine et qu'un de ces « experts » raconte manifestement n'importe quoi là ça pique un peu les yeux et/ou les oreilles.

Il se trouve que Nicolas Bouzou participait vendredi à l'émission 24h Pujadas sur LCI et qu'il a montré à l'occasion que ses connaissances en comptabilité étaient plus que modestes, ce qui la fout mal quand on se prétend économiste et qu'on ne sait pas comment fonctionne un compte de résultat (on disait un compte de pertes et profits jusqu'en 1984 quand le « nouveau plan comptable » est entré en vigueur)

Nicolas Bouzou en représentation (pour le compte du grand patronat) sur LCI.

Le passage intéressant est le suivant :

A partir de 2:58 : Alors on pourrait dire oui les dividendes augmentent en France, ce qui est vrai, les entreprises elles versent de plus en plus de dividendes mais les dividendes ils viennent pas en concurrence des salaires, les dividendes c'est une part des profits, vous avez les profits et les salaires et une fois que vous avez cette distribution à l'intérieur des profits il y a des dividendes donc les dividendes viennent pas en concurrence des salaires, ils viennent en concurrence beh des profits qui restent dans l'entreprise.

Il y a dans ce qu'il raconte à la fois des choses justes et du grand n'importe quoi mélangé dans une sauce indigeste qui reste sur l'estomac. Et dire que ce gars est « directeur d'études et enseignant au sein du Master 2 et Master of Business Administration droit des affaires et management-gestion de l'école de droit et de management à l'université Paris-Panthéon-Assas » selon sa fiche Wikipédia !

Evidemment, au cas où vous auriez des doutes, les salaires et les dividendes sont bien en concurrence les uns avec les autres, et c'est très facile de le démontrer.

Petite parenthèse avant de passer aux explications (j'aime faire durer le suspense) Bouzou admet (comment pourrait-il le nier ?) que les sociétés en France versent de plus en plus de dividendes alors que les salaires ont plutôt tendance à stagner, et sa « démonstration » tient en peu de choses, à savoir que les dividendes n'y sont pour rien (puisqu'ils ne concurrencent pas les salaires, vous suivez ?) mais que, je le cite, « la faiblesse de nos salaires vient de la faiblesse de nos performances économiques » !

On admirera le sophisme qui consiste à dire que la faiblesse de nos performances économiques empêche nos salaires de monter mais n'a aucune influence sur les dividendes qui peuvent augmenter sans aucun souci ; autrement dit les actionnaires peuvent continuer à se gaver malgré nos performances économiques médiocres mais les salariés n'ont pas d'autre solution que de se serrer la ceinture...

Et je précise que je ne suis pas marxiste-léniniste et que j'ai un faible pour l'économie de marché régulée intelligemment (si c'est possible) par les pouvoirs publics.

Venons-en aux explications que vous attendez tous. Ne vous inquiétez pas ce ne sera ni long ni compliqué.

Les dividendes, comme le dit Bouzou, sont prélevés sur les profits générés par les entreprises (celles dont le capital est composé d'actions), et ils sont partie-prenante du partage de leur valeur ajoutée ; à ce sujet voici un graphique permettant de visualiser en quoi consiste cette valeur ajoutée :

Source Cours fsjes



On voit déjà avec ce schéma que les salaires sont bien en concurrence avec les dividendes (i.e. les profits distribués) puisqu'à valeur ajoutée identique si les salaires augmentent il faut bien que ça baisse ailleurs, et ce ne peuvent être que les dividendes ou les réserves (i.e. l'épargne) qui vont en faire les frais ; inversement si la masse salariale diminue cela se fera au profit (sic) des dividendes et des réserves, en tenant compte du fait que les impôts seront également impactés ; en effet, si les charges baissent le résultat augmente mécaniquement et la base taxable est en principe plus importante.

Prenons les choses dans l'ordre : le résultat (bénéfice ou perte) d'une entreprise est la différence entre ses produits et ses charges, et il se trouve que ses charges comprennent...roulement de tambour...la masse salariale, c'est-à-dire les salaires et toutes les charges qui y sont afférentes (pour faire simple, les cotisations sociales)

Le bénéfice sur lequel d'éventuels dividendes seront prélevés (ce n'est pas une obligation, l'entreprise peut décider de tout affecter en réserves) sera d'autant plus important que soit les produits (principalement les ventes) seront élevés, soit les charges seront faibles, pas besoin d'être comptable pour comprendre cela.

Or comme les salaires font partie des charges de l'entreprise amenant à la constitution d'un bénéfice sur lequel des dividendes pourront être prélevés, nul besoin de sortir de Saint-Cyr pour piger que des salaires bas entrainent un résultat plus élevé que s'ils étaient plus importants, monsieur de la Palice n'aurait pas dit mieux.

On comprend d'ailleurs pourquoi les dirigeants s'échinent à faire baisser la masse salariale par exemple en externalisant tout ce qui peut être transféré vers des sociétés de services, de cette façon on diminue la valeur ajoutée sans trop toucher au résultat final, tout cela bien entendu au « bénéfice » des actionnaires qui pourront donc toucher des dividendes plus élevés. Pour ceux qui se demanderaient pourquoi la valeur ajoutée diminuerait sans que le résultat final soit impacté il faut comprendre qu'il s'agit d'un système de vases communicants : ce qui ne figure plus dans les salaires se retrouve dans les « consommations externes » qui ne font pas partie de la valeur ajoutée, mais qui permettent toutefois de calculer celle-ci ; en effet, la valeur ajoutée peut être calculée de deux manières : la première est déductive, la seconde est cumulative :

  1. Méthode déductive : c'est la différence entre d'une part la production de l'entreprise (pour faire simple ses ventes) et d'autre part toutes ses consommations en provenance de tiers (les achats de biens et de services auprès d'autres entreprises)
  2. Méthode cumulative : c'est la somme des salaires et charges sur salaires payées à des organismes sociaux, des impôts et taxes payés à l'Etat et aux collectivité locales, des intérêts versés aux établissements bancaires et de financement, et enfin de ce qui revient aux propriétaires de l'entreprise, soit sous la forme de réserves (qui augmentent la situation nette de l'entreprise donc en principe sa valeur), soit, vous ne l'auriez pas deviné si je ne vous l'avais pas dit, sous la forme...de dividendes !
Nicolas Bouzou n'a donc pas compris ces principes élémentaires de comptabilité, et dans ce cas il n'est pas un économiste sérieux, ou alors il les connait parfaitement mais tourne les choses de manière vicieuse et dans ce cas...il n'est pas un économiste en qui on peut faire confiance !

Cela-dit Nicolas Bouzou est comme une montre arrêtée qui donne l'heure exacte deux fois par jour, parfois il doit probablement dire des trucs intéressants et justes, le seul problème c'est de savoir quand.


mercredi 12 octobre 2022

Un prix Nobel pour l'économie de la panique, par Paul Krugman

 Avant-hier j'évoquais dans La poule et l'oeuf le prix Nobel d'économie qui venait juste d'être décerné à trois économistes, dont Ben Bernanke, celui qui est le plus connu.

Aujourd'hui c'est au tour de Paul Krugman, lui-même prix Nobel d'économie (en 2008), de donner son opinion dans un billet paru dans le New York Times, intitulé A Nobel Prize for the Economics of Panic.

Etrangement (en fait non) Krugman lui non plus n'évoque à aucun moment une quelconque crise énergétique ayant pu entrainer les crises financières que le monde a eu à connaitre dans le passé. C'est quand même bizarre tous ces prix Nobel d'économie qui ignorent ce que Jancovici et quelques autres ont compris alors que leurs connaissances en économie restent encore à démontrer...

Je vous livre ci-après la traduction en français du texte de Krugman afin de vous en faire profiter.


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OPINION

Un prix Nobel pour l'économie de la panique

11 oct. 2022

Illustration par le New York Times ; images par vanbeets et Bettmann via Getty Images

Opinion Columnist


Les gens lisent-ils encore le "Si" de Rudyard Kipling ? Même si vous ne l'avez pas lu, vous savez probablement comment il commence : "Si vous pouvez garder votre tête quand tout le monde autour de vous perd la sienne ..." Refuser de paniquer, affirmait Kipling, était une grande vertu.

Mais pendant un bank run [i.e. une panique bancaire], refuser de paniquer peut aussi être un moyen de perdre tout son argent.

Lundi, le prix Nobel d'économie a été attribué à un nom connu de tous, Ben Bernanke, et à deux économistes pour économistes [ma traduction de economists’ economists], Douglas Diamond et Philip Dybvig, en grande partie pour des articles qu'ils ont publiés il y a près de 40 ans. Parlons donc de leur travail et de la raison pour laquelle, malheureusement, il reste trop pertinent.

Une parenthèse : je rencontre parfois des personnes qui insistent sur le fait que le prix d'économie n'est pas un "vrai" Nobel, car il s'agit simplement d'une récompense décernée par des Suédois, contrairement aux autres prix, qui sont ... des récompenses décernées par des Suédois. Oui, je parle peut-être en connaissance de cause, puisque j'ai moi-même reçu un de ces prix en 2008, mais il est difficile de nier l'importance des travaux économiques que les Suédois viennent de récompenser.

De toute évidence, Bernanke, Diamond et Dybvig n'ont pas été les premiers économistes à remarquer que les paniques bancaires se produisent. Mais Diamond et Dybvig ont fourni la première analyse vraiment claire des raisons pour lesquelles elles se produisent - et pourquoi, aussi destructives soient-elles, elles peuvent représenter un comportement rationnel de la part des déposants bancaires. Leur analyse était également riche en implications pour la politique financière. Dans le même temps, Bernanke a démontré l'importance des paniques bancaires et, bien qu'il ait évité de le dire directement, la raison pour laquelle Milton Friedman s'est trompé sur les causes de la Grande Dépression.

Diamond et Dybvig ont proposé un modèle stylisé mais perspicace de ce que font les banques. Ils ont fait valoir qu'il existe toujours une tension entre le désir de liquidité des individus - un accès facile aux fonds - et le besoin de l'économie de faire des investissements à long terme qui ne peuvent pas être facilement convertis en espèces.

Les banques résolvent la quadrature de ce cercle en prenant l'argent des déposants qui peuvent retirer leurs fonds à volonté - ce qui rend ces dépôts très liquides - et en investissant la majeure partie de cet argent dans des actifs non liquides, tels que des prêts aux entreprises.

Par conséquent, le secteur bancaire est une activité productive qui enrichit l'économie en conciliant des désirs de liquidité et d'investissement productif par ailleurs incompatibles. Et il fonctionne normalement parce que seule une fraction des déposants d'une banque souhaite retirer ses fonds à un moment donné.

Cela rend toutefois les banques vulnérables aux paniques. Supposons que, pour une raison quelconque, de nombreux déposants croient que beaucoup d'autres déposants sont sur le point d'encaisser leurs fonds, et qu'ils essaient de devancer le mouvement en retirant leurs propres fonds. Pour répondre à ces demandes de liquidités, une banque devra vendre ses actifs illiquides à des conditions de liquidation [i.e. à vil prix], ce qui peut conduire à la faillite une institution qui devrait être solvable. Si cela se produit, les personnes qui n'ont pas retiré leurs fonds se retrouveront sans rien. Ainsi, en cas de panique, la chose rationnelle à faire est de paniquer avec tout le monde.

Il y a eu, bien sûr, une énorme vague de paniques bancaires en 1930-31. De nombreuses banques ont fait faillite, et celles qui ont survécu ont accordé beaucoup moins de prêts commerciaux qu'auparavant, préférant conserver des liquidités, tandis que de nombreuses familles ont évité les banques, plaçant leurs liquidités dans des coffres-forts ou sous leur matelas. Le résultat a été un détournement de la richesse vers des utilisations improductives. Dans son article de 1983, Bernanke a démontré que ce détournement a joué un rôle important dans l'entrée de l'économie dans une dépression et a retardé la reprise qui a suivi.

Comme je l'ai dit, il s'agissait d'un rejet tacite de Milton Friedman. Dans l'histoire racontée par Friedman et Anna Schwartz, la crise bancaire du début des années 1930 a été préjudiciable parce qu'elle a entraîné une baisse de la masse monétaire - monnaie plus dépôts bancaires. Bernanke a affirmé que ce n'était tout au plus qu'une partie de l'histoire ; son article était en fait intitulé "Effets non monétaires de la crise financière dans la propagation de la Grande Dépression".

Que peut-on faire pour atténuer le risque de panique auto-réalisatrice ? Comme Diamond et Dybvig l'ont noté, un filet de sécurité gouvernemental - soit une assurance des dépôts, soit la volonté de la banque centrale de prêter de l'argent aux banques en difficulté, soit les deux - peut court-circuiter les crises potentielles. En effet, le simple fait de savoir qu'il existe un filet de sécurité peut souvent mettre fin à une ruée sur les banques ; il n'est pas nécessaire que de l'argent change de mains.

Mais la mise en place d'un tel filet de sécurité soulève la possibilité d'abus ; les banques peuvent prendre des risques excessifs parce qu'elles savent qu'elles seront renflouées si les choses tournent mal. Un exemple concret : les coûts énormes pour les contribuables du renflouement d'acteurs irresponsables lors de la crise des caisses d'épargne et des prêts dans les années 1980. Les banques doivent donc être réglementées et bénéficier d'un soutien. Comme je l'ai dit, l'analyse de Diamond-Dybvig a eu des implications remarquablement importantes pour la politique.

Une autre implication de leur travail, qui n'a malheureusement pas été prise en compte pendant des décennies, est que nous devons réfléchir soigneusement à ce que nous entendons par "banque". Il ne s'agit pas nécessairement d'un grand bâtiment en marbre avec des rangées de guichets. D'un point de vue économique, la banque est toute forme d'intermédiation financière qui offre aux gens des actifs apparemment liquides tout en utilisant leur richesse pour faire des investissements illiquides.

Cette intuition a été validée de manière spectaculaire lors de la crise financière de 2008. Les banques conventionnelles n'ont, pour la plupart, pas été touchées par la panique ; il n'y a pas eu d'exode massif des dépôts bancaires. Toutefois, à la veille de la crise, le système financier reposait largement sur le "shadow banking", c'est-à-dire sur des activités bancaires qui n'impliquaient pas de dépôts bancaires classiques. Par exemple, de nombreuses entreprises avaient pris l'habitude de placer leurs liquidités non pas sous forme de dépôts, mais sous forme de "repo", c'est-à-dire de prêts à un jour utilisant des titres adossés à des créances hypothécaires comme garantie. Ces arrangements offraient un rendement plus élevé que les dépôts conventionnels. Mais ils n'étaient pas assortis d'un filet de sécurité, ce qui ouvrait la porte à une ruée vers les banques et à une panique financière à l'ancienne.

Et la panique est arrivée. La masse monétaire mesurée de manière conventionnelle n'a pas plongé en 2008 comme dans les années 1930, mais les pensions et autres engagements monétaires des intermédiaires financiers l'ont fait :

La ruée vers le shadow banking.Crédit...FRED

Heureusement, Bernanke était alors président de la Réserve fédérale. Il a compris ce qui se passait, et la Fed est intervenue à grande échelle pour soutenir le système financier.

Enfin, une sorte de méta-point sur le travail de Diamond-Dybvig : Une fois que vous avez compris et reconnu la possibilité de crises bancaires auto-réalisatrices, vous prenez conscience que des choses similaires peuvent se produire ailleurs.

La crise de l'euro de 2010-2012 a sans doute été le cas le plus marquant dans un passé relativement récent. La confiance des marchés dans les économies du sud de l'Europe s'est effondrée, entraînant des écarts considérables entre les taux d'intérêt des obligations portugaises, par exemple, et ceux des obligations allemandes. À l'époque, l'idée reçue - surtout en Allemagne - était que les pays étaient punis à juste titre pour s'être endettés de manière excessive. Mais l'économiste belge Paul De Grauwe a fait valoir qu'il s'agissait en réalité d'une panique auto-réalisatrice, c'est-à-dire d'une ruée sur les obligations des pays qui ne pouvaient pas fournir de garantie parce qu'ils n'avaient plus leur propre monnaie.

Bien sûr, lorsque Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne à l'époque, a finalement fourni un filet de sécurité en 2012 - il a prononcé les mots magiques "quoi qu'il en coûte", laissant entendre que la banque prêterait de l'argent aux gouvernements en difficulté si nécessaire - les spreads se sont effondrés et la crise a pris fin :

" Quelque soit le prix à payer ", c'est tout ce qu'il fallait. Crédit...FRED

Voici donc un Nobel bien mérité qui reste malheureusement d'actualité.


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Accessoirement ce texte pourra servir afin d'éduquer ceux qui croient que les économistes peuvent être comparés à des astrologues...