mercredi 10 janvier 2018

Benoit Rittaud se tire une balle dans le pied, une fois de plus...

Vous allez me dire encore un billet sur Benoit Rittaud !

Ce n'est quand même pas ma faute s'il a décidé, au lieu de se consacrer à ce pour quoi il a été formé, c'est-à-dire les mathématiques, et notamment la recherche et l'enseignement (voir son CV sur Futura Sciences), de divaguer de manière régulière depuis quelque temps avec des apparitions "publiques" (certes dans des médias "privés" comme CNews et LCI) ainsi que des billets de blogs (7 depuis le début de l'année sur son blog personnel...)

Et comme à chaque prestation nous assistons à un festival de grand n'importe quoi il est difficile de résister à la tentation de relever les énormités qu'il déblatère en toute tranquillité.

La dernière en date est remarquable, il s'agit d'un billet de blog intitulé Encore l’exponentielle dans lequel  il se moque d'un gugusse qui, comme lui, est...climatosceptique !

Il faut le voir pour le croire et je vous invite à lire attentivement son billet.

Le gugusse en question n'est autre qu'un certain Guy McPherson que je n'avais pas l'honneur de connaître, ou dont le nom m'avait échappé tellement l'individu est insignifiant.

Insignifiant ?

Ben oui, comme le disait Talleyrand, « tout ce qui est excessif est insignifiant », et le gars en question (McPherson, pas Talleyrand) est diablement insignifiant !

En me renseignant un peu (il suffit de quelques secondes pour taper sur Google et avoir immédiatement les bons résultats disponibles) je tombe sur le site planet3.org qui m'informe que McPherson a acquis un certain savoir en...permaculture, mais qu'il n'y connaît goutte en matière de...climat !

Le proprio du site planet3.org est un certain Michael (non, pas Mann) Tobis que je connaissais déjà et qui a l'avantage de posséder, d'après son profil disponible sur son blog, un doctorat de l'université de Wisconsin-Madison en sciences atmosphérique et océanique, ce qui a priori semble le qualifier pour parler avec un certain discernement de tout ce qui touche au climat, contrairement aux sieurs Guy McPherson et Benoit Rittaud, dont apparemment le passe-temps favori est la désinformation qui consiste à faire dire aux véritables spécialistes à peu près l'inverse de ce qu'ils avancent.

Le billet de Michael Tobis est long et argumenté, je ne vais pas le commenter ou le résumer, seulement mentionner qu'il fait référence à un autre site, fractalplanet.wordpress.com, dans lequel un certain Scott Johnson, un hydrogéologiste enseignant en géoscience, contributeur à arstechnica, taille un magnifique costume à McPherson avec force détails.

A la lecture de ce site dont j'ignorais l'existence, je (re)découvre un autre site que j'avais initialement mis dans ma blog-list (vous savez, le truc à droite où certains d'entre vous vont parfois se balader) mais que j'ai enlevé il y a un moment déjà parce que je le trouvais trop...catastrophiste ! Il s'agit de arctic-news où l'on peut admirer ce magnifique dessin à faire baver d'envie Benoit Rittaud tellement il rêverait de le mettre dans son palmarès du Climakhon :

Will humans be extinct by 2026?

Et oui, la légende du dessin en question se pose la question existentielle « Est-ce que les humains vont disparaître en 2026 ? »

Vous comprenez maintenant pourquoi je me suis débarrassé de ce blog encombrant.

Nous avons donc, avec Sam Carana et Guy McPherson, deux exemplaires de "millénaristes" qui voient la fin du monde arriver dans une ou deux décennies tout au plus.

Mais comme le dit Scott Johnson :
  • In many ways, McPherson is a photo-negative of the self-proclaimed “climate skeptics” who reject the conclusions of climate science. He may be advocating the opposite conclusion, but he argues his case in the same way. The skeptics often quote snippets of science that, on full examination, doesn’t actually support their claims, and this is McPherson’s modus operandi. The skeptics dismiss science they don’t like by saying that climate researchers lie to keep the grant money coming; McPherson dismisses inconvenient science by claiming that scientists are downplaying risks because they’re too cowardly to speak the truth and flout our corporate overlords. Both malign the IPCC as “political” and therefore not objective. And both will cite nearly any claim that supports their views, regardless of source— putting evidence-free opinions on par with scientific research. (In one example I can’t help but highlight, McPherson cites a survivalist blog warning that Earth’s atmosphere is running out of oxygen.) 
    • À bien des égards, McPherson est un photo-négatif des « sceptiques du climat » autoproclamés qui rejettent les conclusions de la science du climat. Peut-être préconise-t-il la conclusion inverse, mais il argumente de la même manière. Les sceptiques citent souvent des bribes de science qui, lors d'un examen complet, ne soutiennent pas réellement leurs revendications, et c'est le mode de fonctionnement de McPherson. Les sceptiques rejettent la science qu'ils n'aiment pas en disant que les chercheurs sur le climat mentent pour garder l'argent de la subvention à venir ; McPherson rejette la science incommode en prétendant que les scientifiques minimisent les risques parce qu'ils sont trop lâches pour dire la vérité et bafouer nos grands patrons d'entreprise. Les deux calomnient le GIEC comme étant « politique » et donc pas objectif. Et tous les deux citeront presque n'importe quelle affirmation qui soutient leurs points de vue, quelle que soit la source - mettant des opinions exemptes de preuves au même niveau que la recherche scientifique. (Dans un exemple que je ne peux m'empêcher de mettre en évidence, McPherson cite un blog survivaliste avertissant que l'atmosphère de la Terre est à court d'oxygène.)
C'est fou mais à la lecture de ce passage j'ai l'impression qu'il décrit le modus operandi de Benoit Rittaud, il suffirait de changer quelques mots et on pourrait parfaitement  le lui attribuer :
  • À bien des égards, Benoit Rittaud est un photo-négatif  des « catastrophistes du climat » autoproclamés qui rejettent les conclusions de la science du climat. Peut-être préconise-t-il la conclusion inverse, mais il argumente de la même manière. Les catastrophistes citent souvent des bribes de science qui, lors d'un examen complet, ne soutiennent pas réellement leurs revendications, et c'est le mode de fonctionnement de Rittaud. Les catastrophistes rejettent la science qu'ils n'aiment pas en disant que les chercheurs sur le climat mentent pour garder l'argent de la subvention à venir ; Rittaud rejette la science incommode en prétendant que les scientifiques exagèrent les risques parce qu'ils sont trop lâches pour dire la vérité et bafouer les grands patrons des fabricants d'éoliennes. Les deux calomnient le GIEC comme étant « politique » et donc pas objectif. Et tous les deux citeront presque n'importe quelle affirmation qui soutient leurs points de vue, quelle que soit la source - mettant des opinions exemptes de preuves au même niveau que la recherche scientifique. (Dans un exemple que je ne peux m'empêcher de mettre en évidence, Rittaud cite un blog climatosceptique prétendant qu'il n'y a aucun réchauffement.)
Vous voyez, Rittaud/McPherson, c'est le recto et le verso d'une même feuille de papier toilette, le même portrait à quelques mots près, le même combat en somme, celui contre la science.

En poursuivant la lecture du billet de Scott Johnson on voit bien que le GIEC n'est pas du tout, mais alors pas du tout d'accord avec l'animal McPherson :
  • McPherson leans heavily on claims from people associated with the “Arctic News” blog about a catastrophic, runaway release of methane that supposedly is already underway in the Arctic. Unfortunately (or, rather, fortunately), the data don’t match their assertions. The latest IPCC and NAS assessment reports, in fact, deemed such a release “very unlikely” this century. One reason for that is that the Arctic has been this warm or warmer a couple times in the last 200,000 years, yet that methane stayed in the ground. Another reason is that scientists actually bother to study and model the processes involved.
    • McPherson s'appuie fortement sur les affirmations de personnes associées au blog «Arctic News» au sujet d'une libération catastrophique et incontrôlée de méthane qui serait déjà en cours dans l'Arctique. Malheureusement (ou plutôt, heureusement), les données ne correspondent pas à leurs affirmations. En fait, les derniers rapports d'évaluation du GIEC et du NAS ont jugé qu'une telle émission était "très improbable" au cours de ce siècle. L'une des raisons à cela est que l'Arctique a été aussi chaud ou plus chaud à quelques reprises au cours des 200 000 dernières années, mais que le méthane est resté dans le sol. Une autre raison est que les scientifiques prennent la peine d'étudier et de modéliser les processus impliqués.
Le GIEC ne cautionne donc pas du tout les élucubrations de cet hurluberlu et Benoit Rittaud est complètement à côté de la plaque (comme souvent, pardon, comme toujours) en laissant entendre à ses lecteurs qu'il serait représentatif de la communauté scientifique qu'il brocarde à longueur de billets et d'apparitions radio/télévisées.

Et ça ne manque pas, à voir les commentaires non démentis par le tôlier qui doit se réjouir d'avoir bien bluffé son audience :
  • Le , Phil a dit : Les journalistes auraient donc des excuses quand on lit cela sous la plume d’un scientifique en sciences naturelles . L’intoxication exponentielle …
Ben oui, c'est connu que Sylvestre Huet ou Stéphane Foucart ou Pierre Barthélémy se laissent berner comme Phil par un clown médiatique.
  • Le , Paul Aubrin a dit : +1. Les processus à rétro-action positive sont, dans la pratique, instables et donc éphémères. Et si une cause, les concentrations de CO2 par exemple, peuvent les faire basculer, bien d’autres causes, les poussières d’une éruption volcanique, une oscillation de température océanique, les feront diverger aussi.
Clairement l'ami Paul met dans le même sac McPherson et tous les autres scientifiques, hormis bien entendu les usual suspect Curry, Spencer, etc.
  • Le , Pierre-Luc a dit : Guy McPherson : [Original : He is best known for promoting the idea of near term extinction (NTE), a term he coined about the possibility of human extinction as soon as 2030.] [ Il est surtout connu pour promouvoir l’idée de l’ extinction humaine à court terme, dès 2030 (NTE, un terme qu’il a inventé). ] AMHA, c’est surtout l’université d’Arizona qui risque l’extinction en 2030…
A mon humble avis (je ne suis pas fainéant, moi) c'est surtout le phénomène climatosceptique qui risque l'extinction en 2030...

Bref, Benoit Rittaud qui raille McPherson, c'est l'hôpital qui se fout de la Charité.

Si l'on veut creuser un peu plus les "défaillances" de McPherson, on peut lire les points relevés par Scott Johnson :
  1. Alors que le concept d'un feedback positif (un petit changement déclenche une addition qui fait que le changement est plus grand, déclenchant une autre addition qui ...) ressemble à une boule de neige sans fin, ce n'est pas vraiment le cas ici. Ces rétroactions positives du climat (et il y a des rétroactions négatives, en passant) amplifient le réchauffement, mais seulement dans une certaine mesure. Après tout, ces mêmes processus étaient en jeu lorsque la Terre s'est réchauffée après la dernière glaciation (au cours des 18 000 dernières années), ce qui n'a évidemment pas brûlé la planète. Sans ces rétroactions, les différences glaciaires / interglaciaires seraient beaucoup plus faibles, mais elles ne provoqueraient pas de réchauffement incontrôlé. [...] à quoi ferions-nous face si les rejets de méthane dans l'Arctique augmentaient ? Le chercheur en climatologie, David Archer, montre ici des maths sommaires.  Si la libération augmentait d'un facteur 100 et durait un siècle, cela équivaudrait à augmenter le CO2 actuel de 25 à 90%. Mauvais ? Oui. Extinction ? Non.
  2. Le dernier rapport du GIEC ne prévoit qu'environ 0,3 à 0,7°C de réchauffement d'ici 2035 [...] Le scénario de « statu quo » se traduit par un réchauffement d'environ 2,6 à 4,8°C d'ici à 2100. Les scénarios de Rosier prévoyant des efforts modérés pour stabiliser les gaz à effet de serre produiront un réchauffement d'environ 1,1 à 3,1°C d'ici 2100. Il n'y a précisément aucune étude scientifique prévoyant plusieurs degrés de réchauffement d'ici 2035, comme le prédit McPherson. (En fait, il cite la prédiction puérile d'un blogueur d'une augmentation énorme de 20°C d'ici 2050.)
  3. Alors, quels seraient les impacts d'un réchauffement de 4°C ? Voici un résumé pratique des nombreux impacts décrits dans le rapport 2007 du GIEC [...] Ils comprennent des sécheresses accrues, des pluies extrêmes, une élévation du niveau de la mer, de graves problèmes pour de nombreux organismes océaniques, des problèmes réels pour de nombreuses espèces terrestres, des rendements agricoles réduits ... Ce n'est pas joli, et nous voulons vraiment l'éviter, mais ce n'est pas l'extinction humaine.

A noter que le billet de Scott Johnson date du 17 février 2014 et comme le dernier volet du 5ème rapport n'a été publié qu'en avril 2014 il semblerait qu'il n'ait donc pas eu les informations actualisées, cependant le tout dernier rapport (AR5) ne contredit pas le 4ème sur les points relevés, au contraire il les confirme.

Comme on peut le constater McPherson est donc bien un climatosceptique d'un genre bien particulier qui n'a rien à envier à Benoit Rittaud, et réciproquement.

*****

Il s'avère que McPherson n'est pas le seul, on peut lire cet article dans lequel un certain David Wallace-Well est mis sur la sellette, notamment par...Michael Mann, ainsi qu'une dizaine d'autres scientifiques qui ne sont pas tendres envers l'auteur de l'article paru dans le New York Magazine intitulé The Uninhabitable Earth.

On pourra probablement en trouver quelques autres en cherchant bien.








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