La canicule montre le bout de son nez, clairement amplifiée par le réchauffement climatique, mais on trouve encore des gens dans le déni, par exemple voyez ce fil Twitter avec un commentaire éloquent :
Nous sommes potentiellement à l’aube d’un événement historique sur le sud-ouest de la #France. Près de 27°C à 850 hPa (1500m) vendredi, un niveau extrêmement rare, même en plein été. Au sol, maximales >40°C (loc. +) généralisées sur le Bassin Aquitain. Run ICON (0z) - #canicule
luce @luce_bellin 58m
ce n'est pas la première fois sur Terre que le climat change.
La dénommée Luce est peut-être une fidèle lectrice du blog de Benoit Rittaud dans lequel le mème « le climat a toujours changé » fait figure d'étendard. Si c'est le cas elle a dû lire le dernier opus du désinformateur adjoint Rémy Prud'homme qui officie quand le maitre est fatigué ou a d'autres chats à fouetter. Dans Le climat et la mort Prud'homme tient à rassurer la petite Luce en lui susurrant ceci à l'oreille :
Pour ceux qui aiment autant les données que les raisonnements, on a cherché à savoir si le modeste mais réel réchauffement des 20 dernières années se traduisait bien dans les faits par une diminution (absolue ou relative) de la production agricole, et par l’aggravation de la faim dans le monde. Les Nations-Unies entretiennent une institution spécialisée dans l’agriculture et l’alimentation, la FAO. Cette organisation produit des données chiffrées qui sont à la fois crédibles et facilement accessibles sur internet (FAOSTAT). Que nous disent-elles ?
Ben oui, que nous disent-elles ces données « facilement accessibles sur internet », hein ?
Prud'homme aurait pu aider ses lecteurs en leur donnant un lien, mais non, il affirme « des choses » et les laisse se démerder sachant qu'ils sont trop fainéants pour aller vérifier par eux-mêmes ; il leur raconte son histoire à lui :
Que la production agricole mondiale par habitant est pour 2000-2020 en augmentation constante. Elle a augmenté pour les céréales de 11% ; pour l’alimentation de 19% ; pour le lait de 21%. En d’autres termes, la production agricole augmente indiscutablement plus vite que la population. En conséquence, rapporte la FAO, la sous-alimentation est passée de 13% à 9% (de la population totale), soit une diminution de 30%.
Je suis allé chercher sur FAOSTAT où notre bon ami avait bien pu trouver ces données mais j'ai vite abandonné, il y a énormément de statistiques et autant chercher une aiguille dans une botte de foin, ce qui bien sûr arrange notre boni-menteur qui s'en tire à bon compte ; j'ai cependant tenté une sélection parmi les milliers qui sont proposées et voici ce que cela donne pour les rendements mondiaux de céréales :
Rendements des céréales au niveau mondial (source FAOSTAT) |
Moi ce que je constate ici c'est qu'entre 2000 et 2020 les rendements ont bien augmenté, mais qu'ils marquent nettement le pas depuis plusieurs années ! Et comme Prud'homme évoque une production « par habitant » voici cet autre graphique évocateur :
Production mondiale de céréales par habitant (source FAOSTAT) |
Tout le monde pourra vérifier avec ce graphique que « par habitant » la production mondiale de céréales à plutôt tendance à fléchir, alors que notre artiste nous serine que « la production agricole mondiale par habitant est pour 2000-2020 en augmentation constante » ; évidemment j'ai sélectionné uniquement les céréales, mais il se trouve que celles-ci sont cruciales pour éviter les famines comme nous sommes en train de le vérifier actuellement avec le blocus russe en mer Noire...
Donc je laisse mes (in)estimables lecteurs chercher, et si possible trouver, les données de Rémy Prud'homme avec ses pourcentages précis qui ne doivent pas sortir de son chapeau. Si ?
Mais allons plus loin avec la FAO qui d'après notre climato-acrobate constaterait une diminution de 30% de la sous-alimentation dans le monde ; que nous dit-elle la FAO dans FAO - Nouvelles: Changement climatique et nourriture: 10 faits et chiffres ; je ne vais pas tout reprendre, seulement quelques parties révélatrices avec mes commentaires pour pimenter le plat :
Ces 10 faits et chiffres soulignent l’impact du changement climatique sur notre capacité à produire des aliments pour nous nourrir.
L'« impact du changement climatique sur notre capacité à produire des aliments pour nous nourrir », est-ce que ce passage aurait échappé à Rémy Prud'homme ? Ou bien s'il l'a lu l'aurait-il dérangé au point qu'il l'aurait instantanément effacé de sa mémoire ? Continuons :
Aidez-nous à diffuser le message au sujet des répercussions du changement climatique sur la sécurité alimentaire mondialeJe ne suis pas sûr que Rémy Prud'homme soit la personne la plus qualifiée pour « aider la FAO à diffuser son message », mais je peux me tromper. Poursuivons :
La FAO estime que la production vivrière mondiale doit augmenter de 60 pour cent environ pour nourrir une population plus nombreuse. Le #changementclimatique compromet cet objectif.Mince alors, ça n'a pas l'air d'aller dans le sens que certains souhaiteraient, il y aurait donc un changement climatique qui compromettrait l'objectif de nourrir une population plus nombreuse, diantre, il faut avertir au plus tôt Rémy Prud'homme afin qu'il fasse passer le message chez Rittaud, il y a urgence ! Enchainons :
Selon #IPPC - le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les baisses de rendement de10 à 25 pour cent pourraient devenir chose courante d’ici 2050 en raison du #changementclimatique.Fichtre, ça se complique, voilà maintenant qu'on nous dit qu'il va y avoir des baisses de rendement significatives en raison du changement climatique, et 2050 c'est dans moins de 30 ans, bref c'est demain, les nouveaux-nés d'aujourd'hui auront 28 ans en 2050 si je compte bien, mais Rémy Prud'homme sera probablement mort, alors, hein ! Terminons enfin avec ceci :
La hausse des températures devrait entrainer une baisse de 40 % des captures de la plupart des espèces de poisson.
Modification des rendements moyens potentiels pour le maïs, les pommes de terre, le riz et le blé en 2050 |
La légende des couleurs est la suivante :
Gain supérieur à 5% en vert, gain ou perte entre 0 et -5% en jaune et pertes supérieures à 5% en orange. |
Climate change may actually benefit some plants by lengthening growing seasons and increasing carbon dioxide. Yet other effects of a warmer world, such as more pests, droughts, and flooding, will be less benign.
Le changement climatique peut en fait profiter à certaines plantes en allongeant les saisons de croissance et en augmentant le dioxyde de carbone. Mais d'autres effets d'un monde plus chaud, tels que l'augmentation des parasites, des sécheresses et des inondations, seront moins bénins.
Par rapport aux espèces cultivées, la variabilité génétique des espèces sauvages leur confère une capacité plus importante d’adaptation à de nouvelles conditions climatiques. Différents travaux ont montré que, dans un contexte d’augmentation de la teneur en CO2, avec un système photosynthétique identique, les adventices semblent généralement avantagées. En revanche, les espèces cultivées en C3 comme le riz, le soja et la luzerne seront très compétitives vis-à-vis des adventices C4.
les adventices, qui ne sont pas gênées par les animaux, développent un système racinaire profond et accèdent plus facilement à l’eau et aux nutriments, en particulier en cas de sécheresse. Si elles bouclent leur cycle de reproduction, leur importance s’accroît dans la pâture », met en garde Florent Cotten. En conclusion, une maîtrise insuffisante du pâturage, comme un temps de séjour prolongé ou un chargement inadapté, poussent « les animaux à sélectionner de façon permanente les plantes les plus appétantes et digestes. Au final, la flore initiale se dégrade au profit des espèces indésirables. »
Variation de la production mondiale en millions de tonnes |
The effects of global warming on food production are complex, and are a combination of increased CO2 concentrations in the atmosphere, higher temperatures, fluctuations in rainfall and solar radiation, and pests and diseases.
Les effets du réchauffement de la planète sur la production alimentaire sont complexes et résultent de la combinaison de l'augmentation des concentrations de CO2 dans l'atmosphère, de la hausse des températures, des fluctuations des précipitations et du rayonnement solaire, ainsi que des parasites et des maladies.
The ‘fertilizing effect’ of elevated CO2 concentrations on crop yields will decline slightly because of the negative effects of rising temperatures.
L'"effet fertilisant" des concentrations élevées de CO2 sur le rendement des cultures diminuera légèrement en raison des effets négatifs de la hausse des températures.
- 9/07/2019 : Climate change is affecting crop yields and reducing global food supplies (theconversation.com)
Farmers are used to dealing with weather, but climate change is making it harder by altering temperature and rainfall patterns, as in this year’s unusually cool and wet spring in the central U.S.
Les agriculteurs ont l'habitude de composer avec les conditions météorologiques, mais le changement climatique leur complique la tâche en modifiant les schémas de température et de précipitations, comme ce fut le cas cette année avec un printemps exceptionnellement frais et humide dans le centre des États-Unis.
We found that climate change has affected yields in many places. Not all of the changes are negative: Some crop yields have increased in some locations. Overall, however, climate change is reducing global production of staples such as rice and wheat.
Nous avons constaté que le changement climatique a affecté les rendements dans de nombreux endroits. Tous les changements ne sont pas négatifs : Les rendements de certaines cultures ont augmenté à certains endroits. Dans l'ensemble, cependant, le changement climatique réduit la production mondiale de denrées de base telles que le riz et le blé.
we found that decreases in consumable food calories are already occurring in roughly half of the world’s food insecure countries, which have high rates of undernourishment, child stunting and wasting, and mortality among children under age 5 due to lack of sufficient food.
nous avons constaté que la diminution des calories alimentaires consommables se produit déjà dans près de la moitié des pays en situation d'insécurité alimentaire, qui présentent des taux élevés de sous-alimentation, de retard de croissance et d'émaciation chez les enfants, ainsi que de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans en raison d'une alimentation insuffisante.
L’agriculture est à la fois responsable et victime du réchauffement climatique. La sécheresse, les inondations, la hausse des températures sont autant de phénomènes qui affectent la production agricole. Pourtant, les agriculteurs se doivent de répondre à une demande mondiale.
L’augmentation des températures entraîne le développement de parasites et de mauvaises herbes. Avec le changement climatique, les risques d’attaques de ravageurs dans les cultures augmentent.
Le changement climatique affecte les précipitations. Ces variations météorologiques engendrent un risque accru de mauvaises récoltes à court terme, mais surtout d’une baisse de la production sur le long terme.
Les rendements des cultures telles que le blé ou le maïs pourraient diminuer en moyenne de 2% par décennie. La cause ? Une adaptation difficile. L’augmentation de 1% de la température fait diminuer les rendements de blé de 6%. En Asie du Sud, la baisse des rendements des cultures irriguées risque d’être importante à terme.
- 11/11/2020 : Global crop yields projected to drop as temperatures rise, new study finds - Alliance for Science (cornell.edu)
The warmer temperatures associated with climate change are projected to significantly reduce yields of the world’s staple food crops, a new analysis finds.
The study, published this week in Nature Sustainability, estimated that yields of soy, maize, rice and wheat are all likely to decrease as the planet warms. Projected — but uncertain — benefits from elevated CO2 levels may mitigate the losses somewhat. The four crops comprise more than 60 percent of the calories produced globally.
Selon une nouvelle analyse, le réchauffement des températures associé au changement climatique devrait réduire considérablement les rendements des cultures alimentaires de base dans le monde.
L'étude, publiée cette semaine dans Nature Sustainability, estime que les rendements du soja, du maïs, du riz et du blé sont tous susceptibles de diminuer avec le réchauffement de la planète. Les avantages prévus - mais incertains - de l'élévation des niveaux de CO2 pourraient atténuer quelque peu ces pertes. Ces quatre cultures représentent plus de 60 % des calories produites dans le monde.
- 1/04/2021 : Anthropogenic climate change has slowed global agricultural productivity growth | Nature Climate Change
Our baseline model indicates that ACC has reduced global agricultural TFP by about 21% since 1961, a slowdown that is equivalent to losing the last 7 years of productivity growth.
Notre modèle de base indique que le CCA (Changement Climatique Anthropogénique) a réduit le FPT (Facteur de Productivité Totale) agricole mondial d'environ 21 % depuis 1961, un ralentissement qui équivaut à la perte des sept dernières années de croissance de la productivité.
- 4/04/2021 : Réchauffement global : voici l'impact déjà constaté sur la productivité agricole (sciencepost.fr)
Pour la première fois, l’impact du réchauffement déjà observé sur la productivité agricole a été évalué à l’échelle mondiale. Tandis que les résultats indiquent une réduction moyenne de la croissance depuis 1961, ils confirment aussi que les pays situés dans la bande tropicale sont les plus touchés. L’étude a été publiée dans la revue Nature Climate Change ce début avril.
Les seuls pays où le TFP est positif sont le Canada, la Russie et l’Islande, pour des raisons assez évidentes. En résumé, notre agriculture globale devient de plus en plus vulnérable aux aléas climatiques.
Climate change may affect the production of maize (corn) and wheat as early as 2030, according to a new NASA study.
Selon une nouvelle étude de la NASA, le changement climatique pourrait affecter la production de maïs et de blé dès 2030.
“Even under optimistic climate change scenarios, where societies enact ambitious efforts to limit global temperature rise, global agriculture is facing a new climate reality,” Jägermeyr said. “And with the interconnectedness of the global food system, impacts in even one region’s breadbasket will be felt worldwide.”
"Même dans des scénarios optimistes de changement climatique, où les sociétés mettent en œuvre des efforts ambitieux pour limiter l'augmentation de la température mondiale, l'agriculture mondiale est confrontée à une nouvelle réalité climatique", a déclaré M. Jägermeyr. "Et avec l'interconnexion du système alimentaire mondial, les impacts dans le grenier d'une seule région seront ressentis dans le monde entier."
Et en bonus pour vous cher lecteur qui le méritez bien :
La production agricole française est touchée par la canicule, et ce d'autant plus que celle-ci suit un hiver au cours duquel une brutale chute de température avait endommagé de nombreuses cultures, et un printemps exceptionnellement sec dans la majorité des régions : la moisson est avancée et les rendements diminuent fortement.
Les récoltes d'automne (ensilage de maïs, moisson de tournesol, soja, maïs, vendanges) se déroulent un peu partout avec un mois d'avance. Dans plusieurs départements, des phénomènes de grêle ont suivi la canicule, endommageant certaines cultures (maïs et vigne en particulier). Une production vinicole d'excellente qualité est cependant attendue, en raison des fortes températures ayant accéléré la maturation des grains.
Le foin et l'ensilage sont très touchés, provoquant une grave pénurie de fourrage pour le bétail dans de nombreux départements français.
Conséquence directe de la canicule, plusieurs millions de volailles meurent dans les poulaillers industriels non climatisés.
Les conséquences économiques de la sécheresse et de la canicule sont estimées par les syndicats agricoles à 4 milliards d'euros de pertes de chiffre d'affaires ; 59 départements français demandent la mise en place du fonds d'aide calamités agricoles. Selon l'INRA, les pertes occasionnées par les effets de la canicule peuvent atteindre 50 % dans certaines régions et pour certaines cultures ou récoltes fourragères. Les régions les plus touchées sont le Massif central, le sud-ouest et l'est de la France.
« La sécheresse favorise la hausse des cours des céréales », au point que durant la canicule il a dépassé le prix atteint en 2000. Le prix du blé par tonne est ainsi passé de 100 €, en mars, à 130 €, en septembre33.
Voilà, maintenant si vous préférez ingurgiter la bouillie pour chats de Rémy Prud'homme c'est vous qui voyez, mais ne venez pas après vous plaindre d'avoir été mal informé.
Et en super bonus parce que vous le valez bien :
C'est merveilleux de voir à quel point certains individus peuvent être clairvoyants à l'insu de leur volonté.
Bonjour, La loi de Brandoli que je découvre en vous lisant rejoint un peu la maxime de Mark Twain : « Il est beaucoup plus facile de tromper les gens, que de les convaincre ensuite qu’ils ont été trompés ». Ça s’applique d’autant plus aux foules, mais aussi à l’individu. La honte d’avoir été dupé si longtemps peut être bloquant chez certains dont l’égo est mal géré. [...]