vendredi 4 août 2023

Banquise antarctique et température des océans

 Il y a actuellement deux phénomènes climatiques exceptionnels qui pourraient bien être liés, l'un entrainant l'autre. Il s'agit de la température élevée des océans ainsi que de la très faible extension de la banquise antarctique en cette période de l'année.

Les deux sujets ont été évoqués par le New York Times dans deux articles :

Les deux articles ne font pas clairement la relation entre les deux phénomènes mais comment ne pas penser que les deux soient liés d'une façon ou d'une autre ?

Commençons par quelques graphiques concernant la température des océans.

Voici la carte mondiale des anomalies de températures pour le mois de juillet de cette année :

Anomalie de température de surface de la mer le 31 juillet 2023


Il est vrai que les fortes anomalies ne se trouvent pas du côté de l'Antarctique, on les voit essentiellement

  • au large de l'Amérique du Sud (El Niño) et du Nord dans le Pacifique
  • au sud du Groenland et toute la côte Est des USA
  • autour du japon
  • au nord de la Russie
L'Antarctique, lui, semble épargné, mais est-ce bien le cas ? Ne serait-ce pas plutôt dû à un manque (ou défaut) de mesures dans cette partie de la planète ? Car si la banquise est peu étendue il doit bien y avoir une raison...

Continuons sur la statistique du mois de juillet avec ce graphique parlant :

Source : Climate Reanalyzer, Climate Change Institute de l'Université du Maine, sur la base des données de l'Optimum Interpolation Sea Surface Temperature (OISST) de la NOAA. Note : Les températures moyennes de surface de la mer pour les zones océaniques situées entre 60 degrés de latitude nord et 60 degrés de latitude sud sont indiquées.


La courbe en pointillés montre la moyenne 1991-2020, celle en bleu indique l'année 2023, le dernier point représentant le 31 juillet avec une température moyenne de 69.8°F, soit 21°C.

A noter qu'il s'agit des températures relevées entre les 60° nord et sud, donc l'Antarctique n'est pas couvert puisque le 60° sud est la frontière de l'océan Austral avec le reste des océans :

Carte terrestre (projection polaire centrée sur le pôle sud) indiquant l'océan Austral en bleu foncé. Le 60e parallèle sud est la ligne délimitant l'océan Austral (source Wikipédia)


Le mois de juillet ainsi que la plus grande partie du début de l'année 2023 semblent donc se démarquer très nettement des années précédentes. Et à moins d'être conspirationniste et croire que toutes les mesures ont été « fabriquées » afin de faire peur aux gens et/ou récolter davantage de taxes on peut faire confiance à la réalité des choses, d'autant plus que bien d'autres épiphénomènes vont dans le même sens (incendies records au Canada, chaleurs extrêmes dans le bassin méditerranéen mais aussi en Chine, etc.)

Qui plus est, et afin de faire un clin d'oeil aux climato-irréalistes qui ne croient pas aux modèles climatiques qui d'après eux ne peuvent pas « prévoir » le climat du futur, voici que le mois de juillet semble dépasser toutes les attentes :

Source : Zeke Hausfather, à partir des données des modèles climatiques du Lawrence Livermore National Laboratory, accessibles via le KNMI Climate Explorer de l'Organisation météorologique mondiale. Remarque : le graphique montre la fourchette très probable des projections de 40 modèles climatiques dans le scénario SSP2-4.5.

Le mois de juillet 2023 se situe donc dans le haut de la fourchette des possibles calculée par un ensemble de 40 modèles climatiques basés sur le scénario SSP2-4.5.

Le site carbone4 nous explique :
le SSP2-4.5 est une trajectoire d’émissions de GES, dont les hypothèses socio-économiques sont compatibles avec un scénario tendanciel (SSP2). Cette trajectoire d’émissions induit un forçage radiatif de 4.5W/m2 en 2100, soit un niveau de réchauffement d’environ 2,7°C par rapport à la période préindustrielle.
Il s'agit d'un scénario intermédiaire qui a de grandes chances d'être l'heureux élu :

Trajectoires de réchauffement planétaire selon les cinq scénarios SSPx-y retenus dans le résumé pour décideur du GIEC[5] (source carbone4)


Nous devons par conséquent nous attendre à quelques (mauvaises) surprises si cet écart par rapport aux projections du GIEC devait se répéter un peu trop dans l'avenir...

Une explication (assez logique si l'on y réfléchit bien) peut être apportée avec ce graphique :

Source : von Schuckmann, et al, Earth System Science Data. Remarque : le graphique n'indique pas la marge d'incertitude. En 2020, le système total avait accumulé 381 zettajoules d'énergie thermique, avec une plage d'incertitude de +/- 61 zettajoules.


Je pense que cela pourrait se passer de commentaire, je ferai simplement remarquer que la capacité d'accumuler de la chaleur par l'atmosphère fait pâle figure par rapport à celle des océans. Pour le dire autrement, si les océans étaient beaucoup moins étendus la température de l'atmosphère augmenterait bien plus vite que ce qu'elle fait actuellement. Il faut cependant avoir à l'esprit que la chaleur emmagasinée par les océans sera tôt ou tard en partie restituée à l'atmosphère...

Maintenant reste à savoir si tout cela a l'impact observé sur la banquise antarctique :

L'étendue de la glace de mer dans l'Antarctique est bien inférieure à ce qu'elle devrait être en hiver.

La courbe en pointillés montre l'extension moyenne entre 1979 et 2010.

La carte de l'Antarctique nous montre les endroits où les écarts sont les plus visibles :

La banquise ne s'étend pas aussi loin dans la mer de Ross qu'elle le fait habituellement.


L'étendue moyenne entre 1981 et 2010 est matérialisée par la ligne en pointillés.

Et cela ne devrait pas s'arranger avant mi-2024 au minimum :
Even when Antarctic sea ice reaches its maximum extent around September, it could remain at a record low for that time of year, said Xiaojun Yuan, a research scientist at Columbia University’s Lamont-Doherty Earth Observatory, who maintains a seasonal forecast of Antarctic sea ice. Dr. Yuan’s forecast shows less sea ice than usual around most of Antarctica at least through early 2024.
Même lorsque la banquise antarctique atteindra son étendue maximale vers le mois de septembre, elle pourrait rester à un niveau historiquement bas pour cette période de l'année, a déclaré Xiaojun Yuan, chercheur à l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l'Université de Columbia, qui gère les prévisions saisonnières de la banquise antarctique. Selon les prévisions de M. Yuan, la glace de mer sera moins importante que d'habitude dans la majeure partie de l'Antarctique, au moins jusqu'au début de l'année 2024.


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