Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit sur Benoit Rittaud, à vrai dire je pense que c'est parce que j'ai quasiment tout dit sur le loulou et que je ne voyais pas utile d'en rajouter, d'autant plus qu'une certaine lassitude à réfuter les âneries des climato(ir)réalistes ne m'a pas vraiment encouragé à persister.
Mais voilà que je reçois une "alerte Benoit Rittaud" émanant de Google et que la curiosité me conduit devinez où, mais bien sûr, vers le média d'extrême droite Valeurs Actuelles où le sieur Rittaud a son rond de serviette. D'ailleurs il ne peut s'exprimer que sur ce genre de torchon, que ce soit VA, TVLiberté, Breizh info, France Soir, Sud radio entre autres. Et encore je ne cite pas tous les médias dans lesquels il n'est pas intervenu mais qui reprennent ses paroles d'oracle mathématimancien.
Ce qui m'a incité à prendre (ou perdre) un peu de mon temps dominical c'est que notre ami Benoit s'est attaqué à beaucoup plus gros que lui en la personne de l'AMOC, ce courant complexe atlantique dont le célèbre Gulf stream n'est qu'une partie.
C'est dans Le Gulf Stream sent le réchauffé que vous trouverez notamment ce passage que je ne peux pas résister à vous montrer :
De façon regrettable, le magazine [il s'agit de Science et Avenir] ne mentionne pas deux autres études sur le même sujet, publiées coup sur coup en janvier et février 2025 dans la revue Nature. La première (Terhaar et al.), propose une analyse critique des données disponibles ainsi qu’une reconstruction de l’Amoc dans une certaine zone (à 26,5° de latitude nord). Son résultat principal est qu’aucun affaiblissement n’est constatable sur la période considérée, qui s’étale de 1963 à 2017. Encore plus affirmative, la seconde (Baker et al.) insiste sur la résilience de l’Amoc.
Il est vrai qu'on voit un peu de tout au sujet de l'AMOC depuis quelque temps, certains prédisant un arrêt de celui-ci, voire même son retournement, d'autres affirmant, avec Benoit Rittaud, que nous n'avons rien à craindre et que, comme il le dit si bien dans son papier, « On a donc ici affaire à un nouveau cas d’école d’exagération ».
Personnellement, tout comme Rittaud, je n'y connais rien, mais à la différence de notre soi-disant réaliste je me garde bien de donner mon sentiment sur le sujet étant donné que les scientifiques experts en océanographie ne sont pas d'accord entre eux et qu'il n'y a donc pas consensus, loin s'en faut.
Si j'ai cité le passage ci-dessus c'est surtout parce que Rittaud nous donne à lire deux études récemment parues et qui semble devoir nous rassurer. Sauf que...
Sauf que Rittaud nous fait ici ce que l'on appelle du cherry picking en ne mentionnant que ces deux études et en ignorant toutes les autres. Or si l'on consulte Google Scholar on s'aperçoit que le thème de l'AMOC nous donne quelques 26 000 résultats dans lesquels il faut piocher. Si on limite la recherche à l'année 2025, soit un peu plus de deux mois, on obtient quand même 483 résultats.
Benoit Rittaud aurait par exemple pu citer, au hasard, l'étude The impact of a weakened AMOC on European heatwaves parue en janvier dernier dans laquelle on nous dit dès les premières lignes :
In our changing climate we expect an increase in the frequency of heatwaves, which are extreme events that can have severe consequences for human health, ecosystems, and economies.
Dans notre climat en évolution, nous nous attendons à une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, qui sont des événements extrêmes pouvant avoir de graves conséquences pour la santé humaine, les écosystèmes et les économies.
Mais comme cela ne va pas dans le sens du narratif de Rittaud, bien au contraire, il ne faut pas rêver et s'imaginer qu'il pourrait y faire ne serait-ce qu'allusion. Non non, seules les études qui peuvent le rassurer ont droit de cité, et c'est pourquoi il nous sort les deux seules études qu'il a pu trouver, sur les 483 disponibles, qui le caressent dans le sens du poil.
Mais il y a encore plus cocasse quand on regarde attentivement ce que disent les études en question.
La première, Atlantic overturning inferred from air-sea heat fluxes indicates no decline since the 1960s, dans Nature Communications, nous dit en substance :
Here, we use 24 Earth System Models from the Coupled Model Intercomparison Project Phase 6 (CMIP6) to demonstrate that these temperature anomalies cannot robustly reconstruct the AMOC.
Nous utilisons ici 24 modèles du système terrestre issus de la phase 6 du projet de comparaison de modèles couplés (CMIP6) pour démontrer que ces anomalies de température ne peuvent pas reconstruire de manière robuste l'AMOC.
Quant à la deuxième, Continued Atlantic overturning circulation even under climate extremes, dans Nature, on peut y lire :
However, climate model projections from the Coupled Model Intercomparison Project Phase 6 (CMIP6) vary widely1,3,4, so its future evolution is uncertain10.
Toutefois, les projections des modèles climatiques issues de la phase 6 du projet de comparaison des modèles couplés (CMIP6) varient considérablement, de sorte que son évolution future est incertaine.
Avouez que c'est du plus haut comique quand on sait ce que pensent les climato(ir)réalistes dont Benoit Rittaud est le président fondateur en France. Par exemple dans Rencontre avec un climatoréaliste, à la question « Comment jugez-vous, en tant que mathématicien, les modèles de prévision climatique ? » voici ce qu'il répond :
De même qu’une carte n’est pas le territoire, un modèle n’est pas le réel, et encore moins un oracle. C’est un bricolage. Y avoir recours, c’est admettre en creux qu’on n’a pas compris le fond des choses. Il est vrai qu’avec le système climatique, on a affaire à forte partie : atmosphère, biosphère, cryosphère, hydrosphère, lithosphère et leurs interactions le rendent fondamentalement complexe et instable.
On peut aussi aller consulter le site des CR et trouver par exemple Les modèles ne peuvent rendre compte d’un système chaotique dont la conclusion est sans appel :
Car manifestement, tout repose sur des modèles à qui on fait dire ce qu’ils ne peuvent pas dire.
Vous en voulez un petit dernier pour la route ? Alors allons voir sur Amazon ce qu'on nous dit de son bouquin Le mythe climatique :
Pas la peine d'en rajouter je pense.Ciblant sa critique sur quelques points-clés, il expose en termes simples et accessibles les faiblesses, notamment statistiques, de certains arguments longtemps considérés comme décisifs : reconstitution de l’histoire de la température globale, analyse des carottes glaciaires, fiabilité des modèles climatiques…
Que dire de plus ?
Rien, car j'ai justement d'autres chats à fouetter et j'y vais de ce pas.
Pauvre bête (je parle du chat) |
Bonjour,
RépondreSupprimeron peut également ajouter cet "article" très intéressant sur le site RealClimate écrit par un scientifique qui mène des études et qui publie sur ce phénomène depuis de nombreuses années (tout comme Rittaud non ??? ^^) : How will media report on this new AMOC study?
Les conclusions sont, qu'au final, quand on connait bien le sujet et les articles publiés dessus, l'article de Nature ne change pas tellement la donne...
Merci pour votre estimable contribution !
SupprimerVous voulez parler je pense de l'article de Stefan Rahmstorf : https://tinyurl.com/mph4ja4c
Cet article, que je n'avais pas lu avant d'écrire mon billet (la honte alors que j'ai RealClimate parmi mes favoris !) démolit l'argumentation de Rittaud puisqu'il évoque la deuxième étude mentionnée par celui-ci en écrivant notamment ceci :
« confusing messages conveyed in the title of the paper and in press releases about it by the journal Nature and by the Met Office [...] give the impression that new model results suggest that the AMOC is more resilient than previously thought. That’s (unfortunately!) not the case. »
Traduction : les messages confus véhiculés dans le titre de l'article et dans les communiqués de presse de la revue Nature et du Met Office [...] donnent l'impression que les nouveaux résultats des modèles suggèrent que l'AMOC est plus résistant qu'on ne le pensait auparavant. Ce n'est (malheureusement !) pas le cas.