samedi 23 septembre 2017

L'équation de Kaya

Certains commentateurs du site climatosceptique Skyfall m'étonneront toujours par leur inaptitude à se documenter correctement ; ainsi le dénommé JC nous démontre sa grande incapacité à comprendre un concept qui pourtant est d'une simplicité quasiment effrayante :

http://www.skyfall.fr/2016/03/04/bistrot-du-coin-20161/
  • 2810.  JC | 22/09/2017 @ 18:52  
    • J’avais cru avoir écrit cela, mais le message a disparu :
    • Ce n’est pas moi qui le dit, cela s’appelle équation de Kaya.
      Dans une équation il y a une inconnue d’un côté et autre chose de l’autre côté du signe égale.
      Ici on a l’inconnue (CO2) de chaque côté du signe égale.
      On a donc tendance à résoudre l’équation qui nous mène immédiatement à CO2 = CO2, puisque chaque élément de « l’équation » se simplifie par lui-même, ce qui est absurde. Je n’ai jamais vu cela dans aucune formule !
      Prenons d’autres formules :
      – par exemple E=MC2 : là, rien à simplifier, je rentre des paramètres connus dans la formule puis j’en déduis l’inconnue.
      – autre exemple vitesse (km/h) = distance (km) / temps (h) : là aussi il n’y a pas deux fois le même élément que je pourrais immédiatement supprimer : j’ai une vitesse, une distance et un temps. Cette formule sert à qqchose.
      Maintenant si j’écris la formule de la vitesse à la sauce Kaya, cela deviendrait: vitesse = vitesse x d/t x t/d ce qui n’a aucun intérêt.
      N’oublions pas l’équation de Kaya c’est quand même d’après Wikiwand : CO2 = POP/POP x PIB/PIB x E/E X CO2
      Je pense donc qu’il s’agit d’un canular.
C'est un peu ce que l'on pourrait appeler confondre la queue du chien avec son museau ; JC prend l'équation entière et la résout pour arriver à CO2 = CO2, puis en tire la conclusion qu'il s'agit d'un canular ; il ne lui viendrait pas à l'idée qu'au contraire il faut partir de CO2 = CO2 puis ajouter les autres paramètres chaque fois en divisant et multipliant par la même valeur afin que l'équation demeure toujours valable ; il me semble qu'il s'agit là de mathématiques très élémentaires, même si personnellement je n'ai jamais été doué dans cette matière...

Il parait, d'après Wikipédia, que c'est Jean-Marc Jancovici qui aurait popularisé cette équation en France :
  • En France, l'équation de Kaya a été popularisée par Jean-Marc Jancovici qui l'a utilisée pour montrer les contraintes qui pèsent sur la réduction des émissions de CO2. Ainsi, si la croissance de la population et du niveau de vie se poursuit au rythme actuel (2010), le PIB mondial sera multiplié par 3 d'ici à 2050 :
    • POP : x 1,33 en 40 ans
    • PIB/POP : + 2% par an, soit x 2,2 en 40 ans
  • Pour diviser par 3 les émissions de CO2 à cet horizon, il faudrait donc diviser par 9 l'ensemble des deux autres termes de l'équation, intensité énergétique du PIB et contenu en CO2 de l'énergie. Or, au vu de leur évolution actuelle, une division par 9 n'est pas réaliste. Il en conclut que la division par 3 des émissions de CO2 « a toutes les chances (si l'on peut dire) de provenir d'une baisse des termes POP et/ou PIB/POP, et cela sera d'autant plus vrai que nous aurons tardé à prendre le taureau par les cornes pour "décarboner l'économie" »[5].
Oui parce qu'il faut préciser, quand même, que cette équation sert avant tout à voir comment on peut arriver à diviser nos émissions de CO2 de l'année 2010 par 3 à l'horizon de quelques décennies, disons avant 2050, si l'on veut limiter la hausse des températures à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle.

En ce qui me concerne, même si j'aime bien Janco, j'ai trouvé que les explications de Sébastien Ménecier (Maitre de conférence à l'Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand) étaient bien plus claires ; en effet, celui-ci décortique l'équation et en explique simplement chaque composante.

Pour résumer et aller à l'essentiel, reprenons d'abord l'équation en entier (d'après Wikipédia) :

Equation de Kaya.

La définition de chaque terme est la suivante :
  • CO2 : émissions anthropiques mondiales de CO2,
  • POP : population mondiale,
  • PIB : PIB mondial,
  • E : consommation d'énergie primaire mondiale.
Chez Sébastien Ménecier l'équation est représentée différemment, E est remplacée par Tep (Tonnes équivalent pétrole) mais il s'agit évidemment de la même chose ; il définit la Tep comme « l'unité d'énergie qui sert généralement à comparer les processus de création, de production d'énergie ».

Il faut remarquer à ce stade que dans l'équation figurent des termes plus ou moins "objectifs" ; par exemple la population mondiale, si l'on met de côté les limites des recensements effectués dans chaque pays, est une donnée relativement fiable et ne faisant pas l'objet de grosses controverses ; par contre on peut se poser des questions sur le PIB qui est une valeur "marchande" (production totale des biens et services d'un pays) qui englobe des choux, des carottes et des navets et fait l'objet de certaines critiques (il n'intègre pas notamment les dégâts causés à l'environnement, entre autres) ; cependant même si le PIB est imparfait (pour ne pas dire faux...) cela ne remet pas en cause l'équation puisqu'on multiplie et divise par la même valeur, qu'elle soit juste ou fausse ne change rien à son intégrité.

Ce qui est intéressant dans l'équation de Kaya, comme l'explique Ménecier, c'est qu'elle mêle des domaines différents :
  • l'économie, avec le pouvoir d'achat (PIB/POP) ou l'énergie à dépenser (i.e. intensité énergétique) pour assurer la "richesse" d'un pays (E/PIB)
  • la démographie (POP)
  • la nuisance de l'énergie (CO2/E) 
L'équation se présente en fait comme ceci en fonction de ce qui a été dit sur la limitation à 2°C et la division par 3 de nos émissions de CO2 : CO2 (2050) = 1/3 CO2 (2010)

Voici le défi pour arriver à limiter le réchauffement climatique à 2°C avant 2050.
On comprend tout de suite (mais pas sûr que JC y arrive) qu'il s'agit d'un "outil" et rien d'autre qui permet de voir sur quels facteurs on va devoir (ou pouvoir ?) peser pour arriver à nos fins ; pour diviser nos émissions de CO2 par 3 en pratique on commence par diviser tous les termes de l'équation par 3 et on regarde ce qui est possible et ce qui ne l'est pas.

Ménecier continue en commençant par la population (POP) ; il est assez peu probable que cette valeur puisse être divisée par 3, il faudrait pour cela que de véritables cataclysmes s'abattent sur la Terre, ce qui n'est pas forcément souhaitable...

En fait la population devrait au contraire augmenter d'environ un facteur 1,6, donc il faut reporter cette augmentation sur les autres paramètres, soit 3 x 1,6 = environ 5 ; donc les autres membres de l'équation (PIB et E) devraient être divisés par 5.

La population devrait augmenter d'un facteur 1,6...

En ce qui concerne le pouvoir d'achat (PIB/POP par tête de pipe ou PIB au niveau global) il parait là-aussi très improbable qu'il fasse l'objet de la moindre diminution, au contraire Ménecier nous dit qu'il devrait augmenter de 2% par an ce qui ferait que les deux paramètres restants devraient être divisés d'un facteur...de 10 !

Le pouvoir d'achat devrait augmenter de 2% par an...
Nous en sommes à ce stade rendus à ce constat :

Que devraient être la nuisance de l'énergie et l'intensité énergétique...?
La nuisance de l'énergie a stagné depuis 1970 ; quant à l'intensité énergétique, si elle a un peu baissé depuis 1970 on voit bien qu'elle aussi s'est mise à stagner depuis quelques années.

Donc...

Voici ce qu'il faudrait faire...
Ce qui n'est guère rassurant...

En fait si l'on veut diminuer la nuisance de l'énergie (CO2/E) « il faut changer le mix énergétique, c'est-à-dire avoir une énergie qui soit moins carbonée » ; d'où le « développement des énergies dites vertes et renouvelables ».

Quant au dernier paramètre, l'intensité énergétique (E/PIB), « on va pouvoir l'améliorer soit en améliorant les procédés énergétiques, soit en développant les notions de sobriété énergétique. » ; d'où le fameux slogan (c'est moi qui ajoute cela, pas Ménecier) « la meilleure énergie est celle qu'on ne consomme pas ».

Au vu de tout ce qui précède on peut estimer que c'est le susnommé JC qui est un canular à lui tout seul ; évidemment s'il pense, pardon, s'il croit que le réchauffement climatique est un canular, alors bien sûr tout ce qui se réfère à ce réchauffement est canular : quand son seul outil est un marteau, tous les problèmes sont des clous, et JC semble être un charpentier assez expérimenté (pour le reste...)

*****

Pour aller plus loin avec Kaya :



2 commentaires:

  1. Ils en tiennent toujours une sacré couche les neuneus de chez Skyfall... Le niveau ne risque hélas pas d'augmenter avec le temps..

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    1. Oui effectivement, au fil du temps qui passe les couches semblent s'accumuler et personne pour faire un ménage décent...

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