mercredi 29 novembre 2017

Jean-Pierre Bardinet remet (indéfiniment) les couverts

En surfant ici ou là je tombe sur le site linfo.re dans lequel il est question de mortalité prévue pour 2100 à cause du réchauffement climatique, l'article s'intitulant Réchauffement climatique : 75% de l’humanité risque de mourir de chaud en 2100 ; et là, dans les commentaires, qui vois-je ? Jean-Pierre Bardinet !

Bon, l'article est plutôt mauvais, excessivement alarmiste (75% des gens risquant de mourir d'un coup de chaud en 2100, peu crédible, même pour un "réchauffiste" comme moi) et très mal écrit, par exemple :
  • Selon les résultats issus de cette étude parue dans Nature climate change, une personne sur trois risque de mourir de vagues de chaleur. A défaut de réactivité, d’ici 2100, ce chiffre pourrait passer de trois personnes sur quatre.
L'article de sciencesetavenir est un peu mieux ficelé :
  • Un tiers de l'humanité est actuellement exposé à des vagues de chaleur potentiellement mortelles, révèle une étude. [...] si les émissions de carbone continuent d'augmenter au rythme actuel, 74 % de la population mondiale sera exposée à des vagues de chaleur potentiellement mortelles d'ici 2100 !
Etre exposé à une vague de chaleur potentiellement mortelle n'est pas tout à fait la même chose que "x personnes sur y risquent de mourir de vagues de chaleur" ; nous sommes tous exposés à un accident de la route chaque fois que nous prenons notre voiture, de là à paniquer en croyant qu'on a de grandes chances de mourir il y a quand même un fossé assez large.

Mais le problème n'est pas là, je ne vais pas commenter le bien fondé de cette étude qui vaut ce qu'elle vaut et qui est certainement basée sur des données sérieuses (l'étude est ici, on peut la consulter à condition d'être abonné), non, je vais plutôt me pencher sur le commentaire du sieur Bardinet dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises (notamment ici) :
  • « La principale cause du réchauffement climatique est l’émission du dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre directement dégagé par les activités de l’Homme, qui se propage dans l’air ». Plusieurs remarques sur cette phrase, qui est un condensé de propagande réchauffiste, truffée d’erreurs grossières.
    • 1) Il n’y a AUCUNE preuve scientifique que le CO2 ait une action mesurable sur la température.
    • 2) Selon le GIEC, rapport AR5, page 471, figure 6.1, nos émissions de CO2 ne se montent qu’à 5% environ des émissions totales. Donc, même si le CO2 avait une action mesurable sur la température, la contribution anthropique serait marginale.
    • 3) La seule période connue de covariation CO2-T est 1978-1997. Depuis le début des années 2000, il n’y a plus de tendance au réchauffement, malgré une inflation de nos émissions de gaz satanique.
    • 4) Les modèles numériques se plantent lamentablement depuis plus de 20 ans, donc il est certain que leurs projections pour 2100 ne valent pas un clou. Bref, à partir de prémisses fausses ou très peu crédibles on peut prévoir tout et n’importe quoi. C’est ce que font les auteurs de cette étude foireuse.
Ainsi Bardinet reprend une partie de l'article qu'il qualifie de "propagande réchauffiste, truffée d’erreurs grossières" ; nous avons déjà vu que les 22 contre-vérités de Bardinet étaient elles mêmes de la "propagande climatosceptique truffée d'erreurs grossières", nous n'allons pas y revenir dessus mais nous focaliser sur les 4 points qu'il mentionne dans son commentaire qu'il croit assimiler à une argumentation.

1) Il faut s'appeler Bardinet pour oser prétendre qu'il n'y aurait "aucune preuve scientifique que le CO2 ait une action mesurable sur la température" ; 200 ans de science ne lui suffisent pas, on pensait que c'était plié mais non, il y a encore des gens comme lui pour nier que le CO2 soit le principal, pour ne pas dire l'unique responsable de la hausse actuelle des températures (environ +1°C depuis la fin de l'ère préindustrielle)
Pourtant on lui a dit et répété que non le soleil n'était pas en cause, ni le volcanisme sous-marin ou les nains de Blanche Neige, la hausse des températures ne peut s'expliquer QUE par la hausse concomitante du CO2, il y a d'ailleurs une parfaite corrélation entre CO2 et température au cours des âges, avec la grosse différence qu'avant l'intervention humaine c'était la température qui commençait à monter et provoquait la hausse du CO2 qui elle-même entrainait une hausse plus forte de la température par un effet de rétroaction positive (puisque le CO2 est un gaz à effet de serre, n'en déplaise à JPB), puis quand l'Homme s'est mis à balancer du CO2 dans l'atmosphère c'est celui-ci qui a entrainé la hausse de la température que nous connaissons aujourd'hui ; nulle autre hypothèse n'est tenable, en tout cas Jean-Pierre Bardinet n'en a pas à nous présenter et c'est bien normal, puisqu'il n'y en a pas.

2) Je suis aller chercher cette fameuse "figure 6.1" et je suis tombé sur ça :

Figure 6.1 page 471 de l'AR5.
Avec la légende suivante :
  •  Simplified schematic of the global carbon cycle. Numbers represent reservoir mass, also called ‘carbon stocks’ in PgC (1 PgC = 1015 gC) and annual carbon exchange fluxes (in PgC yr–1). Black numbers and arrows indicate reservoir mass and exchange fluxes estimated for the time prior to the Industrial Era, about 1750 (see Section 6.1.1.1 for references). Fossil fuel reserves are from GEA (2006) and are consistent with numbers used by IPCC WGIII for future scenarios. The sediment storage is a sum of 150 PgC of the organic carbon in the mixed layer (Emerson and Hedges, 1988) and 1600 PgC of the deep-sea CaCO3 sediments available to neutralize fossil fuel CO2 (Archer et al., 1998). Red arrows and numbers indicate annual ‘anthropogenic’ fluxes averaged over the 2000–2009 time period. These fluxes are a perturbation of the carbon cycle during Industrial Era post 1750. These fluxes (red arrows) are: Fossil fuel and cement emissions of CO2 (Section 6.3.1), Net land use change (Section 6.3.2), and the Average atmospheric increase of CO2 in the atmosphere, also called ‘CO2 growth rate’ (Section 6.3). The uptake of anthropogenic CO2 by the ocean and by terrestrial ecosystems, often called ‘carbon sinks’ are the red arrows part of Net land flux and Net ocean flux. Red numbers in the reservoirs denote cumulative changes of anthropogenic carbon over the Industrial Period 1750–2011 (column 2 in Table 6.1). By convention, a positive cumulative change means that a reservoir has gained carbon since 1750. The cumulative change of anthropogenic carbon in the terrestrial reservoir is the sum of carbon cumulatively lost through land use change and carbon accumulated since 1750 in other ecosystems (Table 6.1). Note that the mass balance of the two ocean carbon stocks Surface ocean and Intermediate and deep ocean includes a yearly accumulation of anthropogenic carbon (not shown). Uncertainties are reported as 90% confidence intervals. Emission estimates and land and ocean sinks (in red) are from Table 6.1 in Section 6.3. The change of gross terrestrial fluxes (red arrows of Gross photosynthesis and Total respiration and fires) has been estimated from CMIP5 model results (Section 6.4). The change in air–sea exchange fluxes (red arrows of ocean atmosphere gas exchange) have been estimated from the difference in atmospheric partial pressure of CO2 since 1750 (Sarmiento and Gruber, 2006). Individual gross fluxes and their changes since the beginning of the Industrial Era have typical uncertainties of more than 20%, while their differences (Net land flux and Net ocean flux in the figure) are determined from independent measurements with a much higher accuracy (see Section 6.3). Therefore, to achieve an overall balance, the values of the more uncertain gross fluxes have been adjusted so that their difference matches the Net land flux and Net ocean flux estimates. Fluxes from volcanic eruptions, rock weathering (silicates and carbonates weathering reactions resulting into a small uptake of atmospheric CO2), export of carbon from soils to rivers, burial of carbon in freshwater lakes and reservoirs and transport of carbon by rivers to the ocean are all assumed to be pre-industrial fluxes, that is, unchanged during 1750–2011. Some recent studies (Section 6.3) indicate that this assumption is likely not verified, but global estimates of the Industrial Era perturbation of all these fluxes was not available from peer-reviewed literature. The atmospheric inventories have been calculated using a conversion factor of 2.12 PgC per ppm (Prather et al., 2012).
J'ai un peu de mal à voir d'où Bardinet tire ses 5% d'émissions anthropiques par rapport aux émissions totales de CO2 ; il se garde bien d'ailleurs de nous donner le détail de ses calculs, au cas où l'on verrait que ça ne colle pas.

Si je comprends bien le schéma nos émissions anthropiques sont égales à (voir le commentaire de VB pour le calcul correct, le mien se révélant hasardeux...) :
  • charbon, pétrole, gaz, ciment : 7,8
  • utilisation des sols : 1,1
  • ce qui nous donne un total anthropique de 8,9
Si ces 8,9 représentent 5% du total, alors ce dernier est égal à 178, que je vais essayer de reconstituer :
  • émissions anthropiques : 8,9
  • photosynthèse : 14,1
  • océans : 155
  • total : 178
Mais il me semble qu'il faudrait aussi rajouter :
  • respiration des plantes et feux : 11,6
Ce qui nous ferait près de 190, donc les émissions anthropiques seraient en fait de 4,7%, mais il est vrai que Bardinet nous a dit "5% environ", donc on peut présumer qu'il a arrondi au supérieur pour montrer sa grande générosité.

En fait je ne suis pas du tout sûr qu'il faille lire le tableau comme je le fais et mes chiffres sont à prendre avec de grosses pincettes, quoi qu'il en soit même si les émissions anthropiques de CO2 ne représentent que 5% du total des émissions cela ne veut en rien dire qu'elles n'ont aucune influence notable sur la hausse des températures, car il faut également prendre en considération les puits de carbone, c'est-à-dire les flux dans l'autre sens que celui des émissions, puisqu'on parle du cycle du carbone et qu'apparemment Bardinet n'évoque qu'une partie de l'équation.

Tout cela me fait dire que si j'ai du mal à lire le tableau, avec toutes ses flèches et ses chiffres noirs et rouges, notre bon ami Bardinet n'est pas mieux loti que moi, de toute évidence il est pratiquement aussi perdu que moi dans ce labyrinthe, ce qui la fout mal pour un ingénieur de sa qualité. Mais peut-être qu'il maitrise mal l'anglais et n'a pas compris ce passage :
  • Emission of carbon from fossil fuel reserves, and additionally from land use change (see Section 6.3) is now rapidly increasing atmospheric CO2 content.
Eh oui, nos émissions anthropiques "augmentent rapidement le contenu du CO2 atmosphérique", c'est écrit noir sur blanc, on ne parle donc plus de 5%, il faut même comprendre de cette phrase que 100% de l'augmentation du CO2 atmosphérique sont dus exclusivement à l'activité humaine, nous sommes donc très loin des 5% bardinesques !

3) « Depuis le début des années 2000, il n’y a plus de tendance au réchauffement », toujours le même bobard rabâché par Bardinet à longueur de commentaires partout sur la Toile où le réchauffement climatique est évoqué. Par ailleurs la "covariation CO2-T" dont il parle ne peut se mesurer que sur du long terme, car la variabilité naturelle (El Niño ou le volcanisme par exemple) vient troubler le court terme et tromper les neuneus qui gobent les "arguments" de ce type dont Bardinet s'est fait le spécialiste. Si l'on prend un peu de hauteur et qu'on marche sur la tête de Bardinet on peut voir ceci :

Covariation CO2-T.
On peut constater que même durant la période mentionnée par notre ingénieux ingénieur (1978-1997) il n'y a pas vraiment eu, contrairement à ce qu'il prétend, de parfaite adéquation entre les deux courbes, la température faisant le yoyo au gré des variations naturelles, alors que le CO2 monte graduellement et régulièrement, lui (et ne parlons pas du soleil qui est à la ramasse...)

4) La seule chose correcte dans cette partie c'est : « à partir de prémisses fausses ou très peu crédibles on peut prévoir tout et n’importe quoi » ; cela s'applique parfaitement à Jean-Pierre Bardinet.



3 commentaires:

  1. Je me permets de revenir sur le premier argument de Bardinet et votre commentaire.

    Le chiffre de 5% utilisé par les pseudo-sceptiques est correct et démontre leur totale mécompréhension du cycle du carbone (voire refus de comprendre).

    Le chiffre lui-même vient des quantités suivantes :
    Ocean-atmosphere gas exchange : 60,7
    Freshwater outgassing : 1.0
    Total respiration and fire : 107.2
    Volcanism : 0.1
    Total : 169

    Fossil fuels, cement production : 7.8
    Net land use change : 1.1

    Total général : 177.8 dont 8.9 anthropique => 5%

    Mais, le cycle du carbone représente les échanges permanents entre les océans, l'atmosphère, la biosphère et les sols. Il faut donc évidemment tenir compte des flux dans les autres sens. Et que constate-t-on ? Qu'avant une influence anthropique (estimation vers 1750), ces flux s'équilibraient presqu'exactement, ce qui est normal dans un système stable :
    Ocean-atmosphere gas exchange : 60
    Gross photosynthesis : 108.9
    Rock weathering : 0.3
    Total : 169.2

    Bilan, un léger déséquilibre tendant à une absorption de carbone par les océans. La température globale était plutôt en baisse au cours du dernier millénaire, donc ce ne serait pas anormal. Mais c'est aussi dans la marge d'erreur.

    C'est ici que ce chiffre de 5% perd tout son sens. Peu importe que les émissions anthropiques ajoutent 1%, 5% ou 15% au bilan. La concentration de CO2 va augmenter, plus ou moins vite mais uniquement du fait des émissions. Imaginons une baignoire à moitié remplie. On ouvre en même temps l'écoulement et le robinet. La bonde a un débit de 10l/min et on règle le robinet pour fournir également 10l/min. Le niveau d'eau va rester stable. Si on règle le robinet à 11l/min, la baignoire finira par déborder. Même si on le règle à 10.1l/min ou 10.01l/min. Peu importe le pourcentage, la baignoire va déborder du seul fait de l'apport supplémentaire d'eau qui ne peut pas être absorbé par l'écoulement.

    Dans le cas de nos émissions, on peut voir sur la figure (Net ocean flux et Net land flux) que les océans et la biosphère absorbent un peu plus de la moitié de nos émissions, ce qui fait que tout le carbone émis par les activités humaines ne finit pas dans l'atmosphère. Encore heureux. Mais le carbone absorbé par les océans contribue à leur acidification (encore un terme que les pseudo-sceptiques ont du mal à comprendre).

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    1. Je me doutais bien que mes chiffres étaient foireux, en fait seules les émissions anthropiques étaient correctes chez moi, merci donc d'avoir corrigé ma copie avec les bonnes données, j'ai revu le schéma à la lumière de ce que vous m'expliquez et je comprends où se trouvent mes erreurs.

      Mais malgré mon absence de qualification scientifique et ma piètre faculté à lire correctement le schéma, j'avais tout de même pointé l'erreur manifeste de Bardinet qui ne prenait qu'une partie de l'équation en ne retenant que les émissions de CO2 et en passant sous silence les flux inverses.

      Votre image de la baignoire qui se remplit et se vide est parfaite pour illustrer le cycle du carbone, d'ailleurs je sais que le taux de CO2 a été d'environ 280ppm pendant très longtemps sans beaucoup varier, preuve qu'effectivement sa concentration dans l'air était quasiment à l'équilibre, mais quand nous avons commencé à émettre du CO2 par notre activité alors sa concentration a augmenté jusqu'à atteindre plus de 400ppm aujourd'hui ; la baignoire se remplit donc plus vite qu'elle ne se vide, elle déborde et envahit la maison, Bardinet doit avoir des bottes et ne sent pas encore l'eau mais quand elle lui arrivera au cou...bon il sera mort depuis quelques temps et ne se rendra compte de rien, c'est ça qui est rageant...

      D'ailleurs je me demande si des gens comme Bardinet ou Rittaud sont vraiment idiots au point de ne pas comprendre ce que j'arrive à comprendre, ce qui me fait dire qu'en fait ils nous prennent pour des idiots, enfin ils prennent pour des idiots ceux qui veulent bien être pris pour des idiots.

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    2. « le carbone absorbé par les océans contribue à leur acidification (encore un terme que les pseudo-sceptiques ont du mal à comprendre). »

      Effectivement, ils jouent sur le fait que les océans ne sont pas acides et ne le deviendront pas avant longtemps, et ils en profitent pour jeter le bébé avec l'eau du bain en prétendant qu'il n'y a pas de problème, passant sous silence que quand un chimiste parle d'acidification il peut simplement vouloir dire baisse du pH, c'est-à-dire tendance en direction du côté acide quand on se trouve en milieu basique ; les climatosceptiques aiment bien jouer sur les mots, comme avec réchauffement climatique ou changement climatique ou dérèglement climatique, tout cela pour rejeter l'ensemble comme non pertinent.

      Quand on en est réduit à de tels expédients c'est qu'on n'a rien à argumenter en réalité.

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