samedi 16 juin 2018

C'était dans l'air vendredi avec Jean Jouzel et Louis Bodin, chez Bruce Toussaint

Parfois la télé nous offre de bonnes surprises avec des émissions d'information dignes de ce nom, ce fut le cas vendredi en fin d'après-midi avec Bruce Toussaint qui avait invité quatre intervenants pour son émission C dans l'air dont voici la présentation sur le site de la chaine :
Ciel gris, fortes averses, éclairs, coulées de boue, inondations…Des orages particulièrement violents s’abattent, depuis le début du mois de mai, sur la France, et beaucoup de départements sortent un peu sonnés de cet épisode orageux que Météo France qualifie de « remarquable ». Aucune région en effet n’y a échappé, des Hauts-de-France à l’Occitanie, en passant par l’Ile-de-France ou la Bretagne, et les dégâts causés sont considérables. Des milliers d’hectares de vignes ont notamment été ravagés par la grêle dans le Bordelais, en Gironde. Dans le Finistère, l’équivalent d’un mois de pluie s’est abattu en une demi-heure sur Morlaix, le 3 juin, submergeant le centre-ville. En Loire-Atlantique, il est tombé en une heure lundi dernier 33 mm d'eau. Cela fait près de quarante ans que l'on n'avait pas vu cela à Châteaubriant. En Indre-et-Loire, des niveaux d'intempéries vieux de quinze ans ont été battus. Des rues sont devenues des torrents et le hall d'une gare une pataugeoire. Mardi après-midi, c'est la Normandie qui a été durement touchée, et notamment le département de l'Orne. En Ile-de-France où tous les records de pluie pour un mois de juin ont été battus, une rame du RER B s’est renversée. Hier soir, dans le Haut-Rhin, plusieurs petits villages ont vu leurs routes détruites par les pluies diluviennes et les coulées de boue. Et si la fin de semaine s'annonce plus calme, quatre départements sont néanmoins toujours en alerte pour inondations. Violents orages de grêle, impressionnantes trombes d'eau… Depuis plus d’un mois, les alertes orange de Météo France se succèdent sur une bonne partie de l'Hexagone qui connait des phénomènes aux allures tropicales et des niveaux de précipitations inédits dans certaines régions. Alors comment expliquer ce phénomène ? Notre climat se détraque-t-il ? La France se tropicalise-t-elle ? L’urbanisme et le territoire sont-ils adaptés à ces épisodes météorologiques ? Enfin à quoi faut-il s'attendre cet été ? Invités : - Louis Bodin, météorologue - Magali Reghezza, géographe, spécialiste des risques naturels et des questions environnementales - Jean Jouzel, climatologue et glaciologue - Stéphane Penet, directeur des assurances de biens et de responsabilité de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA).
Tout d'abord disons-le tout de suite, aucun climatosceptique sur le plateau, le journaliste n'avait pas cru bon d'inviter un Benoit Rittaud ou un François Gervais, tous les intervenants étaient convaincus du réchauffement climatique et de ses effets négatifs sur la planète, même si le côté « anthropique » n'a pas vraiment été abordé.

Bruce Toussaint introduisant le sujet de l'émission.

De gauche à droite : Stéphane Penet, Jean Jouzel, Bruce Toussaint, Louis Bodin et Magali Reghezza.

Je me permets à ce stade d'insérer un témoignage tout personnel, qui n'engage donc que moi mais qui me parait quand même significatif. Un artisan d'une ville voisine est intervenu chez moi pour me proposer un devis afin de réparer (ou remplacer) une porte-fenêtre qui ne ferme plus suite aux mouvements de terrain causés par les épisodes de sécheresse exceptionnelle de ces dernières années (la commune a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour ce motif) ; sans que je lui suggère quoi que ce soit cet artisan m'a dit que chez lui il avait vu des maisons multiséculaires dont les huisseries avaient suffisamment bougé pour provoquer des problèmes de fermeture inconnus jusqu'à présent ; il n'était donc pas étonné outre mesure par les quelques fissures que je lui montrais, par ailleurs en me renseignant sur internet je suis tombé sur cet article de juillet 2011 dans lequel on apprend que d'après le réassureur Swiss Re et l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) « de nombreuses régions en Europe seront touchées par des pluies plus sporadiques et un assèchement des sols. En conséquence, les sinistres dus aux mouvements de terrain vont augmenter considérablement. » ; et ils ajoutent « Dans certaines régions, la sinistralité potentielle due à la subsidence pour la période de 2021 à 2040 est susceptible d'augmenter de plus de 50 % par rapport à la situation actuelle. »

Les mouvements de terrain dus à la sécheresse vont se multiplier en France et en Europe (source bioaddict)

Ce court intermède pour expliquer 1) que je me sens personnellement concerné par le changement climatique qui a actuellement des effets sur mon existence, ce qui explique en partie mes motivations, et 2) que les assureurs sont eux-aussi concernés par le changement climatique, mais pour des raisons autres que les miennes, car comme l'explique Stéphane Penet dans l'émission de Bruce Toussaint, depuis environ une dizaine d'années les sinistres se succèdent sans discontinuer, alors qu'avant 2008 il y avait des années où les assureurs pouvaient « souffler » un peu et reconstituer leur trésorerie ; aujourd'hui, non seulement il y a d'importants sinistres tous les ans, mais la situation est générale, sur toute la planète, ce qui explique les soucis des réassureurs comme Swiss Re qui auparavant pouvaient opérer des compensations régionales, certaines parties de la planète étant touchées et d'autres pas, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

La géographe, Magali Reghezza, a bien expliqué que l'aménagement urbain et rural ne faisait qu'empirer les choses, l'eau ruisselant sur des terres bétonnées et/ou gorgées d'eau et incapables d'en absorber davantage, d'où les débordements catastrophiques auxquels nous assistons de plus en plus souvent.

Louis Bodin (dont je parlerai du livre Les pourquoi de la météo dans un prochain billet) a insisté sur le fait qu'il était incapable de prédire la météo à plus de 7 jours et que par conséquent il ne fallait pas compter sur lui pour dire si le temps bizarre que nous connaissons depuis début mai allait continuer jusqu'en juillet ; en fait on n'en attendait pas moins de sa part, car s'il s'était aventuré sur ce terrain glissant il aurait définitivement grillé sa crédibilité pour le restant de ses jours !

Quant à Jean Jouzel il a apporté la caution scientifique indispensable en matière de climatologie pour ce genre d'émission grand public où on espère qu'il y a au moins un spécialiste du sujet ; je l'ai trouvé très prudent, voire excessivement précautionneux, en refusant d'attribuer la moindre responsabilité au réchauffement de la planète sur ces événements extrêmes…

J'en connais d'autres, Le Guardian par exemple, reprenant en 2016 une étude de James Hansen prévoyant une montée des eaux pire qu'attendue (Climate guru James Hansen warns of much worse than expected sea level rise), qui n'ont pas ces pudeurs de jeune fille :
[…] humanity is still pumping out CO2 into the atmosphere at a rate 10 times faster than at any point in the past 66m years, with the resulting sea level rises, extreme weather events, coral bleaching and drought already evidenced around the globe.  
[...] l'humanité expulse toujours du CO2 dans l'atmosphère à un rythme 10 fois plus rapide qu'à n'importe quel moment des 66 millions d'années passées, avec le niveau de la mer qui en résulte, des phénomènes météorologiques extrêmes, le blanchissement des coraux et la sécheresse partout dans le monde.
Alors est-ce que le Guardian et James Hansen sont excessivement catastrophistes, ou Jean Jouzel excessivement prudent ? Telle est la question que je vous pose, saurez-vous y répondre ?

2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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    1. Quand l'âne Onyme s'exprime, son commentaire est à lire là où vous savez.

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