samedi 11 août 2018

Les feux en Californie, c'est la faute des écolos !

La Californie est en train de connaitre (et de combattre) actuellement le pire incendie de son histoire comme nous le disent les médias dont la principale tâche est de nous désinformer, par exemple :
Le moins que l'on puisse dire est que ces médias manquent cruellement d'imagination…

On remarquera aussi que le dernier cité parle de « l'un des pires feux », cela voudrait donc dire qu'il y en a eu de plus importants encore que celui d'aujourd'hui ? Ah mais non, « l'un des pires feux » était celui de...2009, le papier avait donc prévu que 2018 serait encore bien pire !

Heureusement que nous avons, pour démentir toutes ces fake news, le pourvoyeur en chef de la planète en informations de première main destinées à rétablir la vérité si bafouée par nos journalistes véreux, j'ai nommé Donald Trump, aka The Donald !

Celui-ci a en effet déclaré solennellement, pardon, a twitté :
California wildfires are being magnified & made so much worse by the bad environmental laws which aren’t allowing massive amounts of readily available water to be properly utilized. It is being diverted into the Pacific Ocean.
Les feux de forêt en Californie sont amplifiés et aggravés par les mauvaises lois environnementales qui empêchent l'utilisation massive de quantités d'eau facilement accessibles. Elles sont détournées [les quantités d'eau, pas les lois environnementales] dans l'océan Pacifique.
Si l'on en croit Politifact cette affirmation peut être considérée comme possiblement...crédible :

Le tableau de bord PolitiFact (source politifact)
Entre les demi-vérités (half true) et les mensonges éhontés (pants on fire) notre POTUS vénéré totalise 84%, ce qui, mathématiquement, nous laisse 17% (ben oui faut tenir compte des arrondis) que l'on peut considérer comme vrai (true) ou surtout vrai (mostly true) ; sur le coup on peut lui faire confiance et faire porter le chapeau des incendies de Californie aux écolos qui sont responsables des « mauvaises lois environnementales » qui font rien qu'à nous embêter en nous empêchant de faire nos petites affaires en toute tranquillité.

 Bon évidemment tout le monde n'est pas d'accord avec Trump (et avec Breitbart au passage ) et Politifact nous donne son point de vue :
President Trump claimed in a tweet that California’s wildfires are "made so much worse by the bad environmental laws" which prevent firefighters from accessing water. He added in the tweet that water "is being diverted into the Pacific Ocean."Trump appears to have conflated the state’s real water controversy between farmers and environmentalists with the unrelated issue of firefighting. The state’s fire agency, CalFire, said it has not had problems accessing water. And fire experts said it’s the state’s hot and bone-dry conditions, not environmental laws, that are making blazes more extreme.We rated Trump’s claim False.
Le président Trump a affirmé dans un tweet que les incendies de la Californie étaient « tellement aggravés par les mauvaises lois environnementales » que celles-ci empêchent les pompiers d’accéder à l’eau. Il a ajouté dans le tweet que l'eau « est détournée dans l'océan Pacifique ».
Trump semble avoir confondu la véritable controverse de l’Etat entre les agriculteurs et les environnementalistes sur la question de la lutte contre les incendies. L’agence d’incendie de l’état, CalFire, a déclaré qu’elle n’avait pas de problème pour accéder à l’eau. Et les experts en incendie ont déclaré que les conditions chaudes et extrêmement sèches de l’État, et non les lois sur l’environnement, rendent les incendies plus intenses.
Nous avons évalué l'affirmation de Trump comme étant fausse.
Mais voilà, Politifact n'est pas le seul empêcheur de faire du business en rond, il y a aussi, spécialisé dans la lutte non pas contre les incendies mais contre la désinformation en matière de climat, le site Climate Feedback, qui juge inexact (inaccurate) le gazouillis du plus puissant homme de la planète élu par une minorité de son électorat et dictant sa loi aux autres pays ; les réviseurs sont Daniel Swain et Eric Kennedy, deux dangereux activistes payés par Greenpeace afin de discréditer l'homme le plus honorable que les Etats-Unis aient connu depuis Richard Nixon, c'est dire. En résumé nos deux agitateurs extrémistes résument l'affirmation de Trump comme suit :
Factually inaccurate: There is no connection between the management of California's surface water supply and wildfires. There is no restriction on the use of water to fight fires, and the dryness of wildlands depends solely on weather, as they are not irrigated. 
Inexact dans les faits : il n'y a pas de lien entre la gestion de l'approvisionnement en eau de surface de la Californie et les incendies de forêt. Il n’y a pas de restriction à l’utilisation de l’eau pour lutter contre les incendies, et la sécheresse des terres sauvages dépend uniquement des conditions météorologiques, car elles ne sont pas irriguées.
Et pour enfoncer le clou ils nous précisent :
California's wildfires are the result of hot, dry weather that has left the landscape dry and vulnerable to ignition. Wildlands are not irrigated, so water supply policy has no relation to wildfires. Climate trends have contributed to make fires more likely and more extreme in California, as have past fire-fighting practices. The continued development of land for homes and cities has also placed more buildings in areas of risk.
You can see a deeper discussion of climate change's role in recent California fires here
Les incendies de Californie sont le résultat d'un temps chaud et sec qui a laissé le paysage sec et vulnérable au départ de feu. Les terres sauvages ne sont pas irriguées, de sorte que la politique d'approvisionnement en eau n'a aucun lien avec les incendies de forêt. Les tendances climatiques ont contribué à rendre les incendies plus probables et plus extrêmes en Californie, tout comme les anciennes pratiques de lutte contre les incendies. Le développement continu des terrains pour les maisons et les villes a également placé davantage de bâtiments dans des zones à risque.
Vous pouvez voir une discussion plus approfondie sur le rôle du changement climatique dans les récents incendies en Californie ici.

Pour redevenir un peu sérieux (c'est un blog sérieux ici, qu'on se le tienne pour dit) il ne s'agit pas de tout mettre sur le dos du réchauffement climatique et affirmer que c'est celui-ci qui a causé les incendies que la Californie connait actuellement.

En fait la question « le réchauffement climatique a-t-il provoqué des incendies en Californie? » est très mal posée, la véritable et plus honnête question à formuler est celle-ci : « le réchauffement climatique a-t-il augmenté la probabilité ou la gravité des incendies de forêt tardifs en Californie ? »

En effet il y a bien d'autres facteurs qui entrent en considération, par exemple, pour n'en citer que deux qui me viennent à l'esprit (j'en oublie certainement) :
  • urbanisation galopante accroissant le risque d'incendies « accidentels » (mais cela entraine aussi une meilleure prise de conscience et une prévention plus efficaces, à condition que l'urbanisation ne soit pas anarchique comme c'est le cas en Grèce…)
  • mauvaise gestion des forêts (pas de nettoyage, plantation d'arbres plus inflammables, etc.)
Par ailleurs les statistiques qui nous montrent une diminution des incendies sont trompeuses ; Cliff Mass par exemple prétend que les incendies sont en diminution en nous soumettant ces beaux  graphiques :

Schémas décennaux des incendies USFS et CalFire.

Heureusement il y a des sites un peu plus fiables que les autres, comme par exemple Tamino ou Carbon Brief ; Tamino démonte les sophismes de Cliff Mass dans Cliff Mass puts a brown paper bag on your doorstep … sets it on fire … and rings the doorbell :
Cliff Mass has joined the ranks of those who want you to believe that California’s wildfire problem isn’t getting worse.
Cliff Mass a rejoint les rangs de ceux qui veulent vous faire croire que le problème des feux de forêt en Californie ne s’aggrave pas.
Dans ce billet Tamino prend Mass à son propre jeu en continuant la série montrée par ce dernier qui s'arrête opportunément en 2016, car les données de 2017 ne sont toujours pas disponibles, selon Mass ; mais Tamino rétorque qu'on connait, tant pour 2017 que 2018, la situation a minima des incendies pour la Californie, et donc en tenant compte des chiffres forcément les plus bas (i.e. qui ne peuvent qu'être supérieurs au final) on obtient une tendance significative à la hausse !

Et Tamino, ironiquement, conclut :
Climate scientists say that climate change is a big factor in the increase of California wildfire. The leaders of CalFire say that climate change is a big factor in the increase of California wildfire. The veteran firefighters on the ground, the ones risking their lives, say that climate change is a big factor in the increase of California wildfire. Cliff Mass — the guy who “suspects” there’s no significant trend — tells me “area burned has not been increasing”.
Les climatologues affirment que le changement climatique est un facteur important dans l’augmentation des incendies de forêt en Californie. Les dirigeants de CalFire disent que le changement climatique est un facteur important dans l’augmentation des feux de forêt en Californie. Les pompiers vétérans sur le terrain, ceux qui risquent leur vie, disent que le changement climatique est un facteur important dans l’augmentation des feux de forêt en Californie. Cliff Mass - le gars qui "soupçonne" qu'il n'y a pas de tendance significative - me dit que "la superficie brûlée n'a pas augmenté".
Sur Carbon Brief c'est Zeke Hausfather qui nous dit Factcheck: How global warming has increased US wildfires :
Recently, some commentators have tried to dismiss recent increases in the areas burnt by fires in the US, claiming that fires were much worse in the early part of the century. To do this, they are ignoring clear guidance by scientists that the data should not be used to make comparisons with earlier periods.
Récemment, certains commentateurs ont tenté de ne pas prendre au sérieux les récentes augmentations dans les zones brûlées par les incendies aux États-Unis, affirmant que les incendies étaient beaucoup plus graves au début du siècle. Pour ce faire, ils ignorent les directives claires des scientifiques selon lesquelles les données ne devraient pas être utilisées pour faire des comparaisons avec des périodes antérieures.
En effet les données antérieures à 1983 ne peuvent pas être considérées comme fiables, pour différentes raisons (doubles comptages, feux volontairement provoqués pour faire place nette aux cultures et à l'élevage, etc.) et deux graphiques doivent être confrontés :

Ensemble des données de la National Interagency Fire Center concernant les feux des terres en friche.

Surfaces de terres en friche brûlées pendant la période de données fiables.

Randy Eardley, du NIFC, explique au sujet des données avant 1983 : 
I wouldn’t put any stock in those numbers. To try and compare any of the more modern data to that earlier data is not accurate or appropriate, because we didn’t have a good way to measure [earlier data]. Back then we didn’t have a reliable reporting system; for all I know those came from a variety of different sources that often double-counted figures. When you look at some of those years that add up to 60 or 70 million acres burned a lot of those acres have to be double counted two or three times. We didn’t have a system to estimate area burned until 1960, but it was really refined in 1983.
Je n'ai pas confiance dans ces chiffres. Essayer de comparer l'une des données les plus modernes à ces données antérieures n'est pas exact ou approprié, car nous n'avions pas un bon moyen de mesurer [ces données antérieures]. À l’époque, nous n’avions pas de système de reporting fiable ; pour autant que je sache, ceux-ci provenaient de différentes sources qui doublonnaient souvent des chiffres. Lorsque vous examinez certaines de ces années où plus de 60 ou 70 millions d'acres ont été brûlés, beaucoup de ces terres doivent être comptées deux ou trois fois. Nous n'avions pas de système pour estimer la superficie brûlée avant 1960, mais cela a été vraiment amélioré en 1983.
Mais de toute façon, essayer de corréler la hausse des températures avec le nombre et l'intensité des incendies est, comme je le disais dans Un peu de désinformation sur la situation actuelle, « un exercice périlleux » :
[…] une baisse éventuelle des incendies de forêts ne peut en aucun cas signifier une diminution des températures, mais ce qui est certain c'est qu'une hausse des températures ne peut que faciliter un départ de feu et la propagation de celui-ci, qu'il soit naturel ou criminel.
Pour se convaincre que des températures élevées ne sont pas forcément synonymes de davantage de feux de forêts, il n'y a qu'à constater la situation actuelle en France où, malgré la canicule ayant perduré pendant au moins deux bonnes semaines, avec des conditions particulièrement favorables aux départs de feux, aucun incendie important n'est pour l'instant à regretter sur notre territoire, du moins pas à ma connaissance.

Ainsi on apprend avec news.yahoo que 
François Pradon, chef d'état-major des sapeurs-pompiers du sud de la France, a prévenu mercredi 8 août sur franceinfo, que si la France est épargnée pour l'instant, "il faudra être très vigilant au mois d'août s'il ne pleut pas plus et qu'il y a du vent".
« Il faudra être très vigilant », voilà donc peut-être le secret de moins d'incendies malgré des températures plus élevées que la moyenne, même si François Pardon reconnait que la France a eu la « chance » de ne pas avoir trop de vent contrairement au Portugal ; mais voilà, en France nous commençons à avoir l'habitude, les gens sont de plus en plus sensibilisés et la densité des populations fait que les départs de feux sont vite repérés et par conséquent que les services de secours sont plus vite mobilisés, ce qui n'est certainement pas le cas au Portugal ou en Californie où d'importantes zones boisées sont encore insuffisamment surveillées ; et quand un feu démarre et qu'il n'est pas rapidement attaqué, avec un vent fort il devient très difficile, voire impossible à maitriser.

Mais nous n'en avons pas fini avec les éternels faux-sceptiques pour qui le réchauffement climatique n'est responsable de rien (et d'ailleurs il n'y a pas de réchauffement climatique, na !)

H/T thestar


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