jeudi 2 août 2018

Climat : le point sur l'année 2017

Nous avions déjà eu un aperçu dès le mois de février de cette année avec carbone4 qui nous faisait une synthèse en une douzaine de pages de ce qu'avait été 2017 en matière d'événements météorologiques extrêmes ; il s'agissait notamment, comme indiqué sur la première page, de
  • donner le coût financier des événements extrêmes de 2017 ;
  • fournir la liste des régions les plus touchées ;
  • préciser l'impact sur la société, les infrastructures de transport, l'économie, la production d'énergie, l'environnement.
En matière de coût c'est simple, l'année 2017 se distinguerait des précédentes avec plus de 400 milliards de dollars concernant les désastres météorologiques, dont 300 milliards pour les seuls Etats-Unis :

Figure 1 : Coût des événements naturels extrêmes aux États-Unis par année (NOAA)3

Sur les 400 milliards qui ont pu être estimés (le montant est donc peut-être encore supérieur…) seuls 135 milliards auraient été indemnisés par les assureurs selon le réassureur Munich Ré ; cependant, quand on consulte le site de Munich Ré on trouve des informations différentes… En effet, selon le réassureur et sa publication du 4 janvier 2018 les dommages de 2017 s'élèveraient à 330 milliards de dollars en incluant...les tremblements de terre ! Par contre le montant indemnisé de 135 milliards est correct, sauf qu'il inclut également les tremblements de terre.

Selon Munich Ré l'année 2017 serait la deuxième année la plus coûteuse en matière de dégâts, assurés ou non, après 2011 avec un total de 354 milliards de dollars (en valeur janvier 2018) ; mais lelynx nous disait, le 21 décembre 2017, que les pertes indemnisées s'élèveraient pour 2017 à 136 milliards de dollars, donc similaires au montant fourni peu après par Munich Ré, et que cette année était la troisième année la plus coûteuse depuis 45 ans. Par ailleurs sudouest nous disait, lui, que les 400 milliards de dollars concernaient les catastrophes naturelles aux USA, cependant le site Vox auquel le journal faisait référence publiait en mars 2018 une mise à jour indiquant 306 milliards de dollars de destructions dues aux tempêtes, incendies, inondations et vagues de chaleur pour les seuls Etats-Unis en précisant qu'il s'agissait pour ce pays de l'année la plus coûteuse de tous les temps.

Difficile de s'y retrouver dans toutes ces informations mêlant dommages totaux et dommages indemnisés, ou dommages naturels dus au climat et dommages naturels de toutes sortes, ainsi que premières estimations et montants plus ou moins définitifs, quoi qu'il en soit personne ne peut nier que l'année 2017 a bien été exceptionnelle comme nous l'indique Munich Ré avec cette carte :

Source munichre

Et pour les Etats-Unis Vox nous fournit cette carte :

Source vox

On constate que l'ouragan Harvey se taille la part du lion avec 198 milliards de dollars, et que les deux autres ouragans, Maria et Irma, suivent de près en surpassant largement tous les autres désastres, mais est-ce vraiment une surprise ?

Pour ceux qui auraient eu des doutes sur ces chiffres, le dernier rapport de la NOAA qui vient juste de sortir permet de faire un bilan très détaillé de ce que fut l'année 2017 en matière climatologique.

Près de 500 scientifiques de tous pays ont contribué à ce rapport, la liste est donc très longue et je n'ai pas parcouru tous les noms pour vérifier qu'il ne s'agissait pas de médecins ou d'ingénieurs à la retraite… Apparemment on a affaire à des gens dont le métier est en rapport avec le sujet du climat, on y voit des météorologues, des océanologues, des glaciologues, des « limnologues », des géologues, etc.

J'ai repéré quelques français (en faisant une recherche sur...CNRS ou...France !) mais aussi, plus étonnant, John Christy, de l'université d'Alabama, le confrère de Roy Spencer dont j'ai déjà parlé pas plus tard que mardi dernier pour dire tout le bien que l'on pouvait penser de lui (c'est ici) ; John Christy donc qui participe aux travaux d'un organisme public, la NOAA, décrié à tel point pas les climatosceptiques, dont il fait partie, que certains de ceux-ci, pour ne pas dire la totalité, mettent en cause la validité des données qu'il fournit, et notamment les températures qui seraient, d'après eux, manipulées ; ainsi John Christy participerait à l'opération de manipulation ? Je ne peux pas le croire !

Quoi qu'il en soit à côté de ces près de 500 scientifiques ayant contribué à l'établissement de ce rapport, la liste des références prend pas moins d'une quarantaine de pages (de la page S270 à la page S310)

Quant au sommaire, après une brève introduction il se présente comme suit :
  • Le climat global
  • Les océans
  • Les tropiques
  • L'Arctique
  • L'Antarctique
  • Les climats régionaux
Par ailleurs une section Appendix (page 255 dans le sommaire ou S255 dans la réalité) donne, selon les thèmes classés par ordre alphabétique, les sources ayant été utilisées ; cependant certaines sources présentent des liens cassés et donc inutilisables, comme par exemple en consultant « Lake temperatures » le premier site proposé, earth.esa.int, est introuvable.

Je ne vais évidemment pas faire un résumé de cette somme de travail ayant demandé plusieurs mois à tous les chercheurs impliqués, je ne reprendrai tout d'abord que les deux premiers paragraphes du résumé précédant l'introduction :
In 2017, the dominant greenhouse gases released into Earth’s atmosphere—carbon dioxide, methane, and nitrous oxide— reached new record highs. The annual global average carbon dioxide concentration at Earth’s surface for 2017 was 405.0 ± 0.1 ppm, 2.2 ppm greater than for 2016 and the highest in the modern atmospheric measurement record and in ice core records dating back as far as 800 000 years. The global growth rate of CO2 has nearly quadrupled since the early 1960s.  
With ENSO-neutral conditions present in the central and eastern equatorial Pacific Ocean during most of the year and weak La Niña conditions notable at the start and end, the global temperature across land and ocean surfaces ranked as the second or third highest, depending on the dataset, since records began in the mid-to-late 1800s. Notably, it was the warmest non-El Niño year in the instrumental record. Above Earth’s surface, the annual lower tropospheric temperature was also either second or third highest according to all datasets analyzed. The lower stratospheric temperature was about 0.2°C higher than the record cold temperature of 2016 according to most of the in situ and satellite datasets.
En 2017, les principaux gaz à effet de serre rejetés dans l'atmosphère terrestre - dioxyde de carbone, méthane et oxyde nitreux - ont atteint de nouveaux records. La concentration mondiale annuelle moyenne de dioxyde de carbone à la surface de la Terre pour 2017 était de 405,0 ± 0,1 ppm, 2,2 ppm plus élevée qu'en 2016 et la plus élevée dans les relevés atmosphériques modernes et dans les carottes glaciaires remontant jusqu'à 800 000 ans. Le taux de croissance global du CO2 a presque quadruplé depuis le début des années 1960.  
Avec des conditions ENSO-neutres dans l'océan Pacifique équatorial central et oriental durant la majeure partie de l'année et de faibles conditions de La Niña au début et à la fin, la température globale des terres et des océans se situe au deuxième ou au troisième rang de l'ensemble de données, puisque les enregistrements ont commencé entre le milieu et la fin des années 1800. Notamment, c'était l'année non-El Niño la plus chaude dans le registre instrumental. Au-dessus de la surface de la Terre, la température annuelle de la basse troposphère était aussi la deuxième ou la troisième plus élevée selon tous les ensembles de données analysés. La température basse de la stratosphère était supérieure d'environ 0,2 ° C à la température record enregistrée en 2016, d'après la plupart des données in situ et satellitaires.
Ainsi la concentration en CO2 est bien la plus forte depuis au moins 800 000 ans, et 2017, année sans conditions El Niño, ce qui aurait donc dû la qualifier d'année « froide », se retrouve malgré cela dans le trio de tête des années les plus chaudes au niveau de la température de l'atmosphère (je rappelle encore une fois qu'il y a aussi les océans qui se réchauffent, emmagasinant 93% de la chaleur additionnelle, pour seulement 1% pour l'atmosphère)

Par ailleurs nous constatons que « le taux de croissance global du CO2 a presque quadruplé depuis le début des années 1960 », ce qui est la marque évidente de notre société productiviste que bien peu de gens sont prêts à remettre en question, puisque cela impliquerait de changer radicalement notre mode de vie ; et honnêtement je dois avouer que personnellement je ne fais pas trop d'efforts pour changer mon mode de vie…même si je vais au village à pied alors que j'en vois qui prennent la voiture pour faire moins de 500 mètres !

J'ouvre une parenthèse pour ceux qui prétendent que la climatologie est une affaire essentiellement politique prenant le pas sur la science, il est quand même remarquable de noter la diversité des nationalités des contributeurs à ce rapport ; ainsi l'on apprend dans l'introduction du rapport que Olga Bulygina, membre du Russian Institute for Hydrometeorological Information à Obninsk, est décédée, ce qui au passage tend à nous montrer que c'est plutôt la science qui passe au-dessus de la politique en mêlant des personnalités d'horizons politiques très différents (USA, Chine, Russie, Europe…) ; comment imaginer que ce demi-millier de scientifiques se seraient concertés pour « trafiquer » des données afin de rédiger un rapport convenant...convenant à qui d'ailleurs ? Quel pays en particulier aurait intérêt à noircir le trait, à apparaitre « catastrophiste » et non simplement « réaliste »? On se le demande.

Je ferme la parenthèse pour enchainer avec quatre graphiques parmi les nombreux présentés page S2 :

Pour la période allant de 1950 à 2017 : évolution des anomalies de températures (par rapport à la moyenne 1981-2010) pour (c) l'Arctique, (d) la surface, (e) la basse troposphère et (f) la basse stratosphère.
On remarque d'après ces quatre graphiques que :
  • l'Arctique se réchauffe davantage que le reste de la planète (environ +2°C sur la période) ;
  • les températures de surface et de la basse troposphère présentent des similarités (même évolution d'environ 1°C sur la période), cependant on note dans ces dernières une accentuation des pics El Niño qui sont moins marqués en surface ;
  • les températures de la basse stratosphère diminuent, confirmant ainsi le rôle des gaz à effet de serre : ils augmentent la température de la troposphère et diminuent celle de la stratosphère.
Au sujet de ce dernier point il est utile de se reporter à cette étude intitulée Human and natural influences on the changing thermal structure of the atmosphere (Influences humaines et naturelles sur la structure thermique changeante de l'atmosphère) dans le résumé de laquelle on peut notamment lire :
Consistent signal identification occurs because both internal and total natural variability (as simulated by state-of-the-art models) cannot produce sustained global-scale tropospheric warming and stratospheric cooling. Our results provide clear evidence for a discernible human influence on the thermal structure of the atmosphere. 
Une identification cohérente du signal se produit parce que la variabilité naturelle interne et totale (simulée par des modèles de pointe) ne peut pas produire un réchauffement troposphérique durable à l'échelle globale et un refroidissement stratosphérique. Nos résultats fournissent des preuves évidentes d'une influence humaine perceptible sur la structure thermique de l'atmosphère.
Cette étude est reprise par yaleclimateconnections qui précise :
[...] natural climate forcings like volcanoes, El Niño, and changes in solar activity could not have been responsible for the cooling of the upper atmosphere and warming of the lower atmosphere, and they identify a clear human “fingerprint” to the warming seen over the last 30 years. 
[...] les forçages climatiques naturels comme les volcans, El Niño et les changements de l'activité solaire n'ont pas pu être responsables du refroidissement de la haute atmosphère et du réchauffement de la basse atmosphère, et ils identifient une "empreinte" humaine claire au réchauffement vu au cours des 30 dernières années.
Un intéressant graphique nous est présenté :
Based on data shown in Figure 1 of Santer et al 2013

Pas besoin d'être un grand savant pour comprendre que les forçages naturels n'ont quasiment aucune influence à long-terme, la droite de tendance demeurant aussi plate que la ligne représentant le zéro (moyenne 1861-1870) ; par contre en prenant en compte tous les forçages, donc en incluant les forçages d'origine anthropique, la baisse de température de la basse stratosphère est spectaculaire : un peu plus de 1°C en un siècle environ ! On remarquera quand même que dans le rapport le graphique montre une baisse...de 1 à 2°C...

Mais revenons maintenant à notre rapport.

Il est bien précisé que la plupart des informations sont « fully monitored », ce que l'on peut traduire par « entièrement contrôlées » ; cependant il en existe qui ne sont que « partially monitored » (je vous laisse traduire, vous devriez y arriver) notamment :
  • les propriétés des nuages dans la haute atmosphère ;
  • la composition de l'atmosphère en aérosols et leurs précurseurs ;
  • le CO2 et l'acidité de la surface des océans ;
  • les courants marins et le carbone contenu sous la surface des océans ;
  • divers domaines liés à la surface des terres (humidité, permafrost, glaciers, etc.)
Enfin le rapport souhaite avoir dans le futur des informations plus précises sur
  • le budget radiatif de la surface ;
  • l'état de la surface des océans ;
  • les fonds sous-marins : nutriments, acidité, oxygène ; 
  • la surface terrestre : l'utilisation des eaux, la couverture des sols, l'index de couverture végétale, le carbone du sol.

Pour le reste du rapport je laisse à chacun (du moins ceux qui sont réellement intéressés, pas ceux qui font semblant) le loisir de lire au moins les têtes de chapitre, cela fera progresser leur niveau d'anglais s'ils ont des faiblesses dans cette langue, par contre s'ils ne la maitrisent pas du tout je ne peux que leur conseiller de s'y mettre, car l'essentiel de l'information sur le climat n'est pas rédigé en occitan ou en serbo-croate (on peut le regretter mais c'est comme ça)

Voici pour finir quelques tableaux avec mes commentaires (en bleu).

Tableau 2.1. Les anomalies de température (° C) et les incertitudes (lorsqu'elles sont disponibles) pour 2017 par rapport à la période de référence 1981-2010. Les anomalies de température fournies dans le tableau sont les valeurs centrales d'une gamme d'estimations possibles. Les plages d'incertitude sont représentées en termes d'intervalle de confiance à 95%. Notez que les valeurs de terrain calculées pour HadCRUT4 utilisaient l'ensemble de données CRUTEM.4.6.0.0 (Jones et al., 2012), les valeurs océaniques ont été calculées en utilisant l'ensemble de données HadSST.3.1.1.0 (Kennedy et al., 2011a, 2011b), et la valeur globale Les valeurs terrestres et océaniques utilisaient l'ensemble de données HadCRUT4.6.0.0.

Les températures au-dessus des terres se réchauffent davantage que celles au-dessus des océans ; ainsi le site insu.cnrs nous explique :
L'océan a une forte inertie thermique : pour une même quantité d'énergie absorbée, il se réchauffe beaucoup moins, et moins vite, que l'atmosphère ou les continents, ce qui lui permet de stocker de grandes quantités d'énergie thermique.
Tableau 2.2. Estimations des tendances décennales de la température dans la basse troposphère (° C décennie-1) à partir de 1958 et 1979 à partir des séries de données disponibles.
Comme par hasard les données UAH, qui montrent la plus faible variation (0,13°C sur 10 ans pour la basse troposphère) sont pratiquement les seules à être mises en avant par les climatosceptiques. Hasard, vraiment ?

Fig. 2.15. Bilan massique annuel des massifs glaciaires alpins mondiaux (mm en poids) des glaciers de référence soumis au WGMS 1980-2017 (voir aussi: http://wgms.ch/latest -glacier-mass-balance-data/)

Graphique dédié à tous ceux qui nient encore que les glaciers soient en retrait.

Fig. 2.22. Anomalies des précipitations moyennes globales (mm an-1) sur les superficies terrestres par rapport à la période de base 1961-90 (sauf GPCP v2.3, 1981-2000)

Et ce graphique est à l'attention de ceux qui affirment (sans preuve bien sûr) que les précipitations n'augmentent pas avec la hausse des températures ; le rapport dit notamment que « les précipitations sur les zones terrestres mondiales en 2017 étaient nettement supérieures à la moyenne à long terme ».

Bon j'arrête définitivement là, autrement ce billet serait exagérément longuet, et comme je l'ai dit vous avez la possibilité de lire vous-même le rapport, alors ne vous gênez pas !



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