lundi 1 juillet 2019

Le Jet Stream pour les nuls (ils se reconnaitront)

On ne va pas trop épiloguer sur la dernière sortie de monsieur Antoine qui tente d'avoir le tout dernier mot que nous lui laisserons bien volontiers la prochaine fois où il décidera de s'enfoncer encore davantage (après tout c'est son affaire) :
3862. AntonioSan | 29/06/2019 @ 18:40
AntonioSan (#3857), Batrac a encore frappe!
« On peut raisonnablement penser que ce qui est valable pour la Grande-Bretagne l’est également pour la France et d’une manière générale pour l’Europe » était tout simplement que le Jet Stream était pour toute l’Europe (mais aussi pour l’Amérique du Nord par la même occasion) un élément non seulement important mais aussi essentiel pour comprendre la météo et plus particulièrement les événements extrêmes comme dans le cas présent les fortes chaleurs qui affectent une très grande partie de l’Europe.
C’en est risible d’ignorance… D’ou la reference a Mr Jourdain qui lui a echappe… Visiblement pour notre batracien de service, l’Asie, le Pacifique sont encore exempts de jet stream… Mais ca ne saurait tarder… Attendons le prochain billet
Allons un rappel pour ce nul:
http://squall.sfsu.edu/gif/jetstream_norhem_00.gif
http://squall.sfsu.edu/gif/jetstream_sohem_00.gif
Il essaie de me faire passer pour un imbécile qui ne saurait pas que le Jet Stream fait le tour de la planète alors que dans Le Jet Stream, responsable mais pas coupable ? je montrais cette carte :
Les différents courants-jets de la planète à la date du 26 juin (source earth.nullschool)

Cette carte est une projection de Winker-Tripel qui a l'effet de « minimiser, pour une représentation complète du globe, les distorsions de surface, de direction et de distance » ; l'Asie et le Pacifique sont donc bien inclus, mais on remarquera que le Jet Stream prend toute son importance spécialement sur l'Europe et les Etats-Unis.

Je suis par ailleurs très honoré d'être mis par monsieur Antoine sur le même plan que Michael Mann ; en effet, dans C'est bien le Jet Stream je relatais l'intervention de Mann sur une chaine télé dans laquelle il n'évoquait, lui, que la Californie et l'Europe, en fait deux régions où le climatoscepticisme a un peu de mal à se faire entendre, c'est donc avec grand plaisir que je me vois attribuer avec ce scientifique le titre de monsieur Jourdain, tant il est vrai qu'il est préférable à celui de Bozo le clown que monsieur Antoine revendique depuis si longtemps (mais ce titre est pour l'instant la propriété de Bernard Beauzamy)

Pour redevenir un peu sérieux (mais est-ce vraiment ce que vous désirez cher lecteur ?) voici quelques informations récentes sur le Jet Stream que monsieur Antoine ne manquera pas d'ignorer puisque pour lui hors les AMP il n'est point de salut.

En fait ce n'est pas d'hier qu'on se doute que le Jet Stream est un élément essentiel de notre climat et donc de notre météo, puisque celle-ci n'est qu'une petite composante à très court terme du climat (celui-ci n'est que de la météo moyennée sur une période suffisamment longue permettant de dégager des tendances à long terme), ainsi, sans remonter aux calendes grecques, voici un article de 2013 intitulé Climate Change & The Jet Stream (ça tombe bien, non ?) dont le premier paragraphe plante le décor :
The jet stream. It’s what drives our weather patterns, transporting air masses and creating clashing zones for storm formation. This is the time of year when the jet stream in the Northern Hemisphere makes its seasonal southward shift, sparking extreme swings in the weather – such as an EF-4 in Iowa, record rainfall in Texas, and four feet of snow in South Dakota. Scientists have only recently begun to detect changes in the jet stream that may be tied to global warming. Unraveling the complexities of this emerging scientific research is critical to understanding where our weather is headed.
Le courant-jet. C'est ce qui détermine nos régimes météorologiques, le transport des masses d'air et la création de zones d'affrontement pour la formation de tempêtes. C'est le moment de l'année [l'article est écrit le 1er novembre 2013] où le courant-jet de l'hémisphère Nord effectue son déplacement saisonnier vers le sud, provoquant des variations météorologiques extrêmes - comme un EF-4 en Iowa, des précipitations record au Texas et quatre pieds de neige au Dakota du Sud. Ce n'est que récemment que les scientifiques ont commencé à détecter des changements dans le courant-jet qui pourraient être liés au réchauffement planétaire. Il est essentiel de démêler les complexités de cette recherche scientifique émergente pour comprendre où va notre météo.
L'article n'y va donc pas par quatre chemins, c'est le Jet Stream qui « détermine nos régimes météorologiques » et les scientifiques, par l'observation, pas par la théorie, ont détecté « des changements dans le courant-jet qui pourraient être liés au réchauffement planétaire » ; je rappelle, nous étions en 2013, il y a donc six ans, et déjà un lien entre réchauffement climatique et comportement du Jet Stream était clairement abordé.

Une référence au dernier rapport du GIEC est également indiquée, par conséquent ces informations étaient connues depuis bien avant 2013 puisqu'il faut un « certain temps » avant que les travaux des scientifiques soient repris par le GIEC :
As the globe continues to warm, it is already having an effect on the jet stream and corresponding weather patterns, according to the latest U.N. IPCC climate report, which states: “It is likely that circulation features have moved poleward since the 1970s, involving a widening of the tropical belt, a poleward shift of storm tracks and jet streams, and a contraction of the northern polar vortex. Evidence is more robust for the Northern Hemisphere.” The research that goes into this statement comes from multiple lines of evidence – from analyses of the expansion of the tropical Hadley Cell to satellite measured outgoing radiation, radiosonde observations, and weather pattern reanalyses. But just as certainty builds for a poleward shifting jet, there still remain questions about whether the jet is amplifying and promoting more blocking patterns.
Comme la planète continue de se réchauffer, cela a déjà un effet sur le courant-jet et les régimes météorologiques correspondants, d'après le dernier rapport du GIEC qui dit : "Il est probable que les caractéristiques de circulation se sont déplacées vers les pôles depuis les années 1970, entraînant un élargissement de la ceinture tropicale, un déplacement vers les pôles des trajectoires des tempêtes et des courants jets, et une contraction du vortex polaire nord. Les preuves sont plus solides pour l'hémisphère nord." La recherche à la base de cet énoncé provient de multiples sources de données - de l'analyse de l'expansion de la cellule tropicale de Hadley à l'analyse du rayonnement sortant mesuré par satellite, en passant par les observations de radiosondages et les réanalyses des tendances météorologiques. Mais, tout comme la certitude s'accroît dans le cas d'un jet qui se déplace vers les pôles, il reste encore des questions sur la possibilité que le jet amplifie et favorise des modèles de blocage supplémentaires.
On remarquera que « la recherche à la base de cet énoncé » ne fait JAMAIS allusion aux anticyclones mobiles polaires de feu Marcel Leroux, c'est bien la cellule tropicale de Hadley qui est mentionnée alors que pour monsieur Antoine celle-ci est « dépassée »...

L'article fait référence aux travaux de Jennifer Francis et Stephen Vavrus, Evidence linking Arctic amplification to extreme weather in mid‐latitudes, évoquant le phénomène de l'amplification arctique et sa très probable responsabilité dans le comportement du Jet Stream (voir l'excellent billet de 2018 de Johan Lorck : Amplification Arctique et vagues de chaleur) :
The work of Dr. Jennifer Francis and Steven Vavrus shows that as the Arctic warms faster than the tropics, a lessening of the temperature gradient between the equator and the North Pole slows the jet stream. As the jet stream slows, it supports a “wavier,” more frequently amplifying jet that increases the probability of extreme weather events, known as Arctic amplification.
Les travaux de Jennifer Francis et Steven Vavrus montrent qu'à mesure que l'Arctique se réchauffe plus vite que les tropiques, une diminution du gradient de température entre l'équateur et le pôle Nord ralentit le courant-jet. Au fur et à mesure que le courant-jet ralentit, il supporte un jet plus " ondulant ", qui amplifie plus fréquemment et augmente la probabilité d'événements météorologiques extrêmes, connu sous le nom d'amplification arctique.
On notera qu'on parle d'amplification arctique, par conséquent ce phénomène semble concerner uniquement l'hémisphère nord, mais il est vrai que les deux pôles sont totalement différents dans leurs configurations :
  • pôle nord : mer entourée de continents, de plus située dans l'hémisphère le plus habité et donc le plus pollué de la planète ;
  • pôle sud : continent entouré de mers, avec une banquise plus réduite qu'au nord puisque la place est prise en majorité par des terres gelées (qui le resteront encore très longtemps…)
Mais en 2013 il existait des études contradictoires : 
However, not all research supports Arctic amplification and its impacts on mid-latitude weather patterns. For example, Screen and Simmonds (2013) tried to link the two through planetary wave patterns and did not find any clear trend. And recently, Barnes (2013)found no significant increase in the frequency of blocking events over North America and the North Atlantic, indicating that severe mid-latitude storms cannot simply be understood through Arctic amplification alone. This research does not mean that Francis and Vavrus’ hypothesis is wrong, it simply means that the atmosphere is complex and more research is needed.
Cependant, toutes les recherches n'appuient pas l'amplification de l'Arctique et ses effets sur les régimes météorologiques aux latitudes moyennes. Par exemple, Screen et Simmonds (2013) ont essayé de relier les deux par des modèles d'ondes planétaires et n'ont trouvé aucune tendance claire. Récemment, Barnes (2013) n'a constaté aucune augmentation significative de la fréquence des phénomènes de blocage en Amérique du Nord et dans l'Atlantique Nord, ce qui indique qu'on ne peut pas simplement comprendre les tempêtes violentes aux latitudes moyennes par la seule amplification arctique. Cette recherche ne signifie pas que l'hypothèse de Francis et Vavrus est fausse, mais simplement que l'atmosphère est complexe et que d'autres recherches sont nécessaires.
Plus récemment, en 2018, un article intitulé Polar Vortex: How the Jet Stream and Climate Change Bring on Cold Snaps apportait des précisions et paraissait un peu plus catégorique en ce qui concerne la responsabilité du Jet Stream :
The jet stream—a powerful river of wind high in the atmosphere—shapes the Northern Hemisphere's weather, including bitter cold snaps. Because it plays a key role in weather extremes, climate scientists are striving to understand its changing dynamics.
Le courant-jet, puissant fleuve de vent haut dans l'atmosphère, façonne le climat de l'hémisphère Nord, y compris les vagues de froid mordant. Parce qu'il joue un rôle clé dans les phénomènes météorologiques extrêmes, les climatologues s'efforcent de comprendre sa dynamique changeante.
Une vidéo est associée à cet article en reprenant littéralement le texte mais en l'illustrant et en y rajoutant quelques bonus ; par exemple, quand dans le texte on peut voir la figure qui suit, au même moment dans la vidéo deux scientifiques s'expriment dans une sorte de chassé-croisé :
Illustration du vortex polaire et du Jet Stream (source insideclimatenews)
A 2:10 exactement :
Walt Meier.
You have this big heating in the Arctic area…
Et à 2:15 :
David Barber.
...and that causes the polar vortex which is a byproduct of the high pressure pattern over top of the pole is causing that to break down because if you have more heat coming from the ocean up into the atmosphere [Meier reprend la parole] that essentially changes like the jet stream, it causes the jet stream to kind of do dips farther down [Barber enchaine] the polar vortex IS the jet stream [Meier à nouveau] whenever you see big storms coming or heat waves, if you look at the jet stream you will see these big dip.
On pardonnera l'aspect un peu décousu de l'explication étant donné que mélanger le discours de deux personnes est toujours un exercice périlleux, néanmoins en voici la traduction française approximative :

Il y a ce gros réchauffement dans la région arctique et cela cause le tourbillon polaire qui est un sous-produit de la configuration de haute pression au-dessus du pôle, ce qui entraîne sa décomposition parce que si vous avez plus de chaleur provenant de l'océan dans l'atmosphère qui change essentiellement comme le courant jet, le courant-jet plonge un peu plus bas, le vortex polaire EST le courant-jet, chaque fois que vous voyez arriver de grosses tempêtes ou des vagues de chaleur, si vous regardez le courant-jet, vous verrez ces grosses plongées.

Effectivement c'est bien ce qui s'est passé en cette fin de juin avec la canicule et les grosses chaleurs sur une bonne partie de l'Europe, tout cela associé avec une configuration particulière du Jet Stream que j'ai évoquée à plusieurs reprises ces derniers temps, donc aucune surprise à la lecture de ces lignes (un peu confuses je l'avoue)

Un peu plus loin dans la vidéo un autre scientifique s'exprime à son tour à 3:30 :
John Walsh.
There is what we would call an emerging signal, an association between the loss of sea ice and the warming of the Arctic and the frequency of severe weather events especially during the winter season in mid-latitudes in particular eastern North America and eastern Asia.
Traduction plus commode :
Il y a ce que nous appellerions un signal émergent, une association entre la perte de la glace de mer et le réchauffement de l'Arctique et la fréquence des phénomènes météorologiques violents, surtout pendant la saison hivernale dans les latitudes moyennes, en particulier dans l'est de l'Amérique du Nord et en Asie orientale.

Et justement ça tombe bien, l'est de l'Amérique c'est là où (sé)vit Donald Trump, ça explique beaucoup de choses…

Et là on apprend qu'une jeune scientifique belge, Valérie Trouet, a étudié les cernes d'arbres :
Research into three centuries of European tree ring data by Valerie Trouet of the University of Arizona found evidence of significant changes in the jet stream starting in the 1960s. The recent deviations exceeded normal variations in the past, suggesting a connection to the changing climate. The result: more extreme drought, flooding and heat waves.
Les recherches de Valerie Trouet, de l'Université de l'Arizona, sur trois siècles de données européennes sur les cernes d'arbres, ont mis en évidence d'importants changements dans le courant-jet depuis les années 1960. Les écarts récents ont dépassé les variations normales dans le passé, ce qui suggère un lien avec les changements climatiques. Résultat : des sécheresses plus extrêmes, des inondations et des vagues de chaleur.
Les cernes d'arbres, tout comme Michael Mann avec sa crosse de hockey, nul doute que certains vont trouver ces résultats peu crédibles…

Bon ce billet est déjà assez long, pour qui veut aller plus loin sur le sujet voici quelques liens utiles bien plus intéressants que les vaticinations de monsieur Antoine sur un site anecdotique :

Le 19 décembre 2012 : Climate change and the jet stream (billet de blog par Kaitlin Naughten ) ;
Le 30 août 2013 : Drought, Burning Rings of Fire out West, Severe Flooding in the East: How Climate Change and a Mangled Jet Stream Wrecked US Weather ;
Le 27 mars 2017 : Climate Change-Fueled Jet Stream Linked to Brutal Floods and Heatwaves, Says Study ;
Le 2 février 2018 : Polar Vortex: How the Jet Stream and Climate Change Bring on Cold Snaps (l'article commenté en partie dans ce billet) ;
Le 31 octobre 2018 : Global Warming Is Messing with the Jet Stream. That Means More Extreme Weather. ;
Le 3 février 2019 : Jet Stream [Polar Vortex] and Climate Change Science (la vidéo commentée en partie dans ce billet) ;
Le 10 avril 2019 : The Discovery and Impact of the Jet Stream ;
Le 6 juin 2019 : Arctic sea ice loss affects the jet stream.


D'autres facteurs que le Jet Stream peuvent également avoir une influence importante, par exemple le phénomène ENSO (El Niño/La Niña), il n'est donc pas LA cause unique de tous les événements météorologiques, extrêmes ou normaux, que nous connaissons, mais de toute évidence il apparait de plus en plus comme un rouage essentiel que ceux qui sont restés scotchés sur les AMP n'arriveront jamais à comprendre.

Autres liens sur le sujet :
Plus quelques études :

Et à l'attention toute particulière de monsieur Antoine pour lui montrer que le Jet Stream fait bien le tour de la Terre :
Fig 1: The jet stream is shown in red at its strongest point fading to yellow at its weakest. The STJ is the area where the subtropical jet is flowing, the PJ is an area where the polar jet flows and the P&STJ shows where the jet streams have combined. (source netweather)

Ben oui que voulez-vous, il n'y a pas que les anticyclones polaires dans la vie.

Et en cadeau de fidélité une superbe carte météo comme il les aime mais en couleurs celle-ci :
Cadeau bonus pour monsieur Antoine (source netweather)
The jet stream is shown in pink at its strongest point fading to yellow at its weakest. CA=cold polar air, WA=warmer air, PJ=polar jet, STJ=subtropical jet, JS=jet streak.

From Fig 2. you can see that the polar front jet meanders across the country in a wave like pattern. These waves introduce pockets of colder air southwards and warmer northwards. The temperature change is demonstrated by looking at the air temperature at a high enough altitude in the atmosphere, where ground and sea temperatures do not affect it .around 1500 metres in altitude where the air pressure is around 850 hPa.
Le courant-jet est représenté en rose à son point le plus fort et passe au jaune à son point le plus faible. CA=air polaire froid, WA=air plus chaud, PJ=jet polaire, STJ=jet subtropical, JS=jet streak.

La figure 2. montre que le jet du front polaire serpente à travers le pays en forme d'onde. Ces vagues introduisent des poches d'air plus froid vers le sud et plus chaud vers le nord. Le changement de température est démontré en observant la température de l'air à une altitude suffisamment élevée dans l'atmosphère, où les températures du sol et de la mer ne l'affectent pas : environ 1500 mètres d'altitude où la pression atmosphérique est d'environ 850 hPa.

Aucune référence nulle part au moindre anticyclone polaire, c'est un véritable scandale !

Mais ne vous inquiétez pas, monsieur Antoine saura réagir avec dignité pour rétablir la vérité, il vous suffit d'aller le consulter là où vous savez, à vos risques et périls bien sûr.


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