dimanche 11 novembre 2018

La Californie, Trump, les incendies et le réchauffement climatique

La Californie est actuellement ravagée par de multiples incendies dont nous ne pouvons pas avoir idée ici en France, même si l'on habite dans le sud-est et que l'on a l'habitude de voir les Canadairs faire leurs rotations entre plans d'eau et zones en proie aux flammes. Là-bas la situation peut être qualifiée de dantesque.

Source Ouest-France

On pourrait également parler de situation exceptionnelle, sauf que tout cela n'a plus grand chose d'exceptionnel et il semblerait qu'on puisse évoquer maintenant une « nouvelle normalité ».

Déjà en 2016 une étude intitulée Impact of anthropogenic climate change on wildfire across western US forests avait clairement souligné la responsabilité du réchauffement climatique d'origine humaine dans l'augmentation des incendies dans l'ouest des Etats-Unis.

Changes in fire-weather season length and number of high fire danger days. Time series of mean western US forest (A) fire-weather season length and (B) number of days per year when daily fire danger indices exceeded the 95th percentile. Baseline period: 1981–2010 using observational records that exclude the ACC signal. Red lines show the observed record, and black lines show the record that excludes the ACC signal. Bold lines show the average signal expressed across fuel aridity metrics.
ACC = Anthropogenic climate change = Changement climatique d'origine humaine.

Voici les conclusions de cette étude :
Since the 1970s, human-caused increases in temperature and vapor pressure deficit have enhanced fuel aridity across western continental US forests, accounting for approximately over half of the observed increases in fuel aridity during this period. These anthropogenic increases in fuel aridity approximately doubled the western US forest fire area beyond that expected from natural climate variability alone during 1984–2015. The growing ACC influence on fuel aridity is projected to increasingly promote wildfire potential across western US forests in the coming decades and pose threats to ecosystems, the carbon budget, human health, and fire suppression budgets (13, 48) that will collectively encourage the development of fire-resilient landscapes (49). Although fuel limitations are likely to eventually arise due to increased fire activity (17), this process has not yet substantially disrupted the relationship between western US forest fire area and aridity. We expect anthropogenic climate change and associated increases in fuel aridity to impose an increasingly dominant and detectable effect on western US forest fire area in the coming decades while fuels remain abundant.
Bref, l'augmentation des températures ainsi que le déficit en humidité correspondant ont provoqué un doublement de l'occurrence des incendies observés par rapport à la seule variabilité naturelle du climat pour la période 1984-2015, et ce qui attend les forêts de l'ouest des Etats-Unis n'est pas particulièrement réjouissant ; l'étude datant de 2016, « ce qui attend les forêts » commence en fait dès l'année 2017 qui est maintenant du passé et que l'on peut donc contempler du haut de notre fin d'année 2018.

Pour mémoire, quand cette étude parut le site earth.columbia.edu nous parlait dans le même temps des incendies gigantesques (déjà, ou encore...) de juillet et août 2016 :

In July and August, the Roaring Lion fire devoured more than 8,000 acres of forest, along with over 60 homes and outbuildings in eastern Montana’s Bitterroot Range. Here, the fire burns through dense conifers, July 31, 2016. (Courtesy Mike Daniels)

L'un des co-auteurs (Park Williams) de l'étude était cité :
No matter how hard we try, the fires are going to keep getting bigger, and the reason is really clear. Climate is really running the show in terms of what burns. We should be getting ready for bigger fire years than those familiar to previous générations.
Malgré tous nos efforts, les incendies vont continuer à s’aggraver, et la raison est claire. Le climat est vraiment aux commandes en termes de ce qui brûle. Nous devrions nous préparer pour des années d'incendies plus importantes que celles des générations précédentes.
Nous étions donc parfaitement prévenus dès 2016 de ce qui allait se produire en 2017 et 2018 et de ce qui va très probablement continuer à arriver dans les années à venir.

Par exemple il suffit de jeter un œil sur wikipedia afin d'avoir une idée des multiples incendies ayant sévi dans l'Etat de Washington de mai à octobre 2017 :
The 2017 Washington wildfires were a series of wildfires that burned over the course of 2017, a year that set weather records for heat and aridity in both Western Washington and Eastern Washington
Les incendies de forêt de 2017 dans l'Etat de Washington étaient une série d'incendies de forêt qui ont brûlé au cours de 2017, une année qui a établi des records météorologiques de chaleur et d'aridité dans l'ouest et l'état de Washington.
La même année, l'Université de Columbia faisait part de ses préoccupations concernant les incendies californiens :
We are thinking of you in light of wildfires and the state of emergency recently declared in California. The Columbia community shares concern for those who may have loved ones facing evacuations and urgent conditions in several Northern California counties and in Orange County in Southern California
Nous pensons à vous à la lumière des incendies de forêt et de l'état d'urgence récemment déclaré en Californie. La communauté de Columbia partage les préoccupations de ceux qui pourraient avoir des êtres chers confrontés à des évacuations et à des conditions urgentes dans plusieurs comtés de la Californie du Nord et dans le comté d’Orange en Californie du Sud.
On verra plus loin que sur la côte est d'autres individus éprouvent beaucoup moins de compassion…

Toujours en 2017 sur npr.org on s'interrogeait sur la responsabilité du réchauffement climatique :
Wildfires are natural phenomena, and linking any one fire to climate change is difficult if not impossible. Nevertheless, "there is a link between a warmer, drier climate and wildfires," Balch says. For example, today's fire season is three months longer than it was in the 1970s, she says. Annually, there are far more large fires nationwide than there used to be.
Les feux de forêt sont des phénomènes naturels et il est difficile, voire impossible, de relier un seul incendie au changement climatique. Néanmoins, "il existe un lien entre un climat plus chaud et plus sec et des feux de forêt", a déclaré [Jennifer] Balch. Par exemple, la saison des incendies est trois mois plus longue que dans les années 1970, dit-elle. Chaque année, il y a beaucoup plus de grands incendies dans le pays qu'avant.
Et on rappelait également quelques évidences qui échappent toutefois à certains :
"It doesn't take a rocket scientist to figure out that forests burn when it's warm and dry, and we've seen more of those years recently," says John Abatzoglou of the University of Idaho.
"Il n'est pas besoin d'être sorcier pour comprendre que les forêts brûlent quand il fait chaud et sec, et nous avons vu davantage de ces années récemment", a déclaré John Abatzoglou de l'Université de l'Idaho.
Evidemment le réchauffement climatique n'est pas seul en cause, l'aménagement irrationnel du territoire a aussi une grande part de responsabilité, et les vents violents n'arrangent pas les choses, cependant sans la sécheresse causée par les fortes températures la situation serait bien moins grave que ce qu'elle est dans la réalité.

Et que la saison des incendies soit plus longue de trois mois que dans les années 1970 est tout de même un indice assez révélateur il me semble.

Venons-en maintenant à l'année 2018 en commençant en février avec cet article de futurity dans lequel on nous montre une carte des prévisions d'incendies allant jusqu'en 2039 :

Projected change in annual area burned for the period 2010–2039, with red colors indicating areas with the greatest increase in area burned annually in wildfires, and dark blue the least. (Credit: U. Arizona)

Assez symptomatiquement on s'aperçoit que la Bible Belt, là où Donald Trump va pêcher la majorité de son électorat, parait totalement à l'abri de tout incendie, si l'on excepte ceux provoqués par les extrémistes quand ils brûlent un noir ! (oui je sais, on ne brûle plus les noirs, on se contente de les butter avant qu'ils aient eu le temps de lever les bras et de crier don't shoot me please !)

Sur cette carte on voit que les incendies ne vont pas s'arrêter demain, ils s'atténueront très probablement là où ils n'auront plus grand chose à brûler mais le territoire Américain est vaste et beaucoup reste encore à faire, et pompier reste toujours un métier d'avenir (en contractant cependant une bonne police d'assurance)

Je parlais au début de « nouvelle normalité », voici ce que nous dit ce site juste avant de montrer la carte ci-dessus :
While it may have been an exceptional year in some respects, the researchers’ predictions suggest that years like 2017 are likely to become more common over time. States in the interior Western US, in particular, may face large increases in total wildfire area burned, potentially beyond anything that they have experienced in the past.
Même s’il s’agissait peut-être d’une année exceptionnelle à certains égards, les prévisions des chercheurs laissent penser que des années comme 2017 seront probablement plus communes au fil du temps. Les États de l'ouest des États-Unis, en particulier, pourraient être confrontés à une forte augmentation de la superficie totale des feux de forêt incendiés, pouvant aller au-delà de tout ce qu'ils ont connu dans le passé.
Nous voilà rassurés, n'est-ce pas ?

Si vous êtes intéressés par davantage de détails l'étude, intitulée Direct and indirect climate controls predict heterogeneous early-mid 21st century wildfire burned area across western and boreal North America, vous en donnera à la pelle, avec notamment cette carte :

Fig 2. Temporal trends (1972–2006) in instrumental seasonal climate and snow cover duration.
(a) Winter (JFM) temperature (°C), (b) spring (AMJ) temperature (°C), (c) summer (JAS) temperature (°C), and (d) LDPS (days/decade), based on the Theil-Sen median slope estimator. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0188486.g002
JFM = Janvier, Février et Mars.
AMJ = Avril, Mai et Juin.
JAS = Juillet, Août et Septembre.
LDPS = Last Date of Permanent Snowpack = Date du dernier manteau neigeux permanent

On s'aperçoit ainsi que ce sont les températures d'hiver qui ont le plus augmenté, suivies par celles du printemps, celles de l'été fermant la marche mais elles-aussi en augmentation sur la période 1972-2006. Quant aux jours de neige permanente ils sont en nette régression, qui s'en étonnerait ? (ah oui, les climato « réalistes », je les oubliais ceux-là) ; l'étude nous précise d'ailleurs :
Snow cover duration (LDPS) is projected to shorten by >50 days (ca. 10 days/decade) in some areas of the Colorado Plateau and Intermountain West, and by 25–35 days (5–7 days/decade) across the western US and British Columbia (Fig 6D)
La durée de la couverture neigeuse (LDPS) devrait diminuer de plus de 50 jours (environ 10 jours / décennie) dans certaines zones du plateau du Colorado et d'Intermountain West, et de 25 à 35 jours (5 à 7 jours / décennie) dans l'ouest des États-Unis et de la Colombie-Britannique (figure 6D)
Et de nous montrer les projections pour 2010-2039 :

Fig 6. Projected change in seasonal climate variables influencing AAB.
Changes are based are for the period 2010–2039 compared to the baseline period 1961–1990 based on an ensemble of A1B emission scenarios: (a) winter (b) spring, and (c) summer temperature (Δ°C); (d) LDPS (last day of permanent snow cover (in Julian date). https://doi.org/10.1371/journal.pone.0188486.g006

Pas vraiment rassurant en fait…

Plus tard dans l'année le site phys.org nous informait en mai que :
Heat is driving off clouds that dampen California wildfires.
La chaleur éloigne les nuages qui atténuent les feux de forêt en Californie.
Eh oui, les nuages sont indispensables pour apporter un peu d'humidité, faire pleuvoir et empêcher ou du moins atténuer les incendies de forêt, mais voilà, les températures élevées ont pour effet de chasser les gentils nuages afin de rendre le travail des pompiers encore plus difficile.

Low-level clouds over Los Angeles (seen here in early afternoon) and other urban areas of coastal southern California are becoming rarer, leading to increased fire risk. Credit: Park Williams/Lamont-Doherty Earth Observatory (Les nuages bas au-dessus de Los Angeles (ici en début d’après-midi) et d’autres zones urbaines de la côte sud de la Californie se font de plus en plus rares, ce qui augmente les risques d’incendie.)
Le même Park Williams que nous avons vu plus haut s'exprime ainsi :
Cloud cover is plummeting in southern coastal California. And as clouds decrease, that increases the chance of bigger and more intense fires. 
La couverture nuageuse est en chute libre dans la côte sud de la Californie. Et à mesure que les nuages diminuent, cela augmente les risques d'incendies plus importants et plus intenses.
Le chercheur explique aussi que :
[…] the decrease is driven mainly by urban sprawl, which increases near-surface temperatures, but that overall warming climate is contributing, too.
[…] La diminution est principalement due à l'étalement urbain, qui augmente les températures près de la surface, mais le réchauffement climatique y contribue également.
Ainsi l'effet d'ilot de chaleur urbain est bien réel, mais il ne fait qu'accompagner et amplifier le phénomène du réchauffement climatique qui est tout aussi réel ; dans tous les cas, la responsabilité humaine est clairement en cause : émissions de gaz à effet de serre + artificialisation des sols = réchauffement accentué et « fuite » des nuages accélérant le processus dans une boucle de rétroaction positive.

Nous en arrivons au mois de novembre avec ce premier article dans climateandlife.columbia.edu qui nous dit :
Yes, Climate Change is Making Wildfires Worse.
Oui, le changement climatique aggrave les feux de forêt.
On s'en serait douté mais il est toujours utile de la rappeler.

The Camp fire burning in northern California on November 8, 2018. (NASA Earth Observatory image by Joshua Stevens, using Landsat data from the U.S. Geological Survey.)

Plus récemment, pas plus tard qu'hier, le San Francisco Chronicle titrait :
Camp Fire is most destructive wildfire in California history: 9 dead, 6,713 structures incinerated.
Camp Fire est l'incendie le plus destructeur de l'histoire de la Californie : 9 morts, 6 713 structures incinérées.
Les trésors du Paradis...

Et nbcnews revoyait à la hausse le nombre de décès :
Death toll in California wildfires climbs to 25.
Le nombre de morts dans les incendies de forêt en Californie s'élève à 25.
Mais gageons que les « réalistes » qui sont « étreints de tristesse » à la mort d'un scientifique retraité insignifiant ne verseront pas une seule larme en apprenant le décès accidentel de 25 personnes, sans compter les disparus qui seraient une trentaine « seulement » ; après tout ce ne sont que des Américains vivant dans un Etat progressiste et ne niant pas le changement climatique, ils peuvent donc crever la bouche ouverte, pourquoi s'en soucier ?

On comprend d'autant mieux le détachement des Texans et autres Floridiens qui ont d'autres chats à fouetter avec les tornades et les ouragans, lesquels n'ont bien évidemment aucun lien avec le réchauffement climatique, cela va de soi.

Mais il y a des gens qui s'interrogent quand même sur les raisons de ces incendies et sur leur caractère si destructeur.

En août dernier le San Francisco Chronicle déjà cité titrait :
Scientists see fingerprints of climate change all over California’s wildfires.
Les scientifiques voient la marque du changement climatique partout dans les feux de forêt en Californie.
La carte suivante était montrée :

Un vent de changement. Un puissant jet-stream polaire est une bande unique de vent d'ouest rapide et de haute altitude qui se déplace autour du cercle polaire arctique. Il résulte de la rencontre entre la basse pression arctique et la haute pression plus chaude au sud. En juillet, un jet-stream affaibli et vacillant s'est divisé, provoquant des conditions météorologiques extrêmes et stagnantes.

Mais l'article expliquait également qu'il y avait d'autres causes que le réchauffement climatique :
Other factors are influencing wildfire as well, making it difficult to always draw such precise conclusions about the role of climate change. The nation’s longtime policy of wildfire suppression, for example, has created a dangerous buildup of vegetation that’s making fires more intense. Development in rural areas, meanwhile, is increasing the human toll.
D'autres facteurs influent également sur les feux de forêt, ce qui rend difficile de toujours tirer des conclusions aussi précises sur le rôle du changement climatique. La politique de lutte contre les incendies de forêt menée depuis longtemps par le pays, par exemple, a créé une dangereuse accumulation de végétation qui intensifie les incendies. Le développement dans les zones rurales, quant à lui, augmente le bilan humain.
Comme on le voit il n'est pas simple d'attribuer ces incendies à telle ou telle cause, mais en rejeter une d'elle parce qu'elle ne colle pas avec son idéologie et ses croyances n'est pas vraiment faire preuve de « réalisme ».

Sans le réchauffement climatique qui assèche l'air et la végétation, les autres facteurs que sont l'aménagement urbain et la gestion forestière ne prendraient pas autant d'importance, pas besoin d'être bac+30 pour comprendre cela.

Mais si l'on compte bien trois facteurs (le RCA, l'urbanisation délirante et la mauvaise gestion des forêts) expliquant cette claire aggravation des incendies de forêt, pour le futur l'un d'eux est nettement le plus inquiétant car c'est celui sur lequel on aura le moins d'influence ; si l'on peut assez facilement (tout étant relatif) régler le problème de l'urbanisation et de la gestion des forêts (il suffit de réfléchir un peu et de mettre des moyens somme toute pas si gigantesques que cela), par contre la hausse des températures n'est pas près de s'arrêter :
Nevertheless, climate researchers and fire experts agree that global warming is having an impact and that the impact will only grow. 
Néanmoins, les chercheurs en climatologie et les spécialistes des incendies s'accordent pour dire que le réchauffement planétaire a un impact et que cet impact ne fera que grandir.
Nous sommes d'accord et cela relève du simple bon sens.

Alors en parlant de bon sens venons-en à Donald Trump, puisque son nom figurait dans le titre de ce billet.

Nous avons vu qu'en août de cette année The Donald accusait les écolos d'être la cause des incendies de forêt en Californie (voir Les feux en Californie, c'est la faute des écolos !) ; il avait twitté pour dire une de ses habituelles âneries :
Les feux de forêt en Californie sont amplifiés et aggravés par les mauvaises lois environnementales qui empêchent l'utilisation massive de quantités d'eau facilement accessibles. Elles sont détournées [les quantités d'eau, pas les lois environnementales] dans l'océan Pacifique.
Il a été sèchement démenti par politifact ainsi que par climatefeedback, pour ne citer qu'eux.

Mais voilà qu'il récidive et en remet une couche en accusant cette fois le « management des forêts » et en menaçant les Californiens de leur couper les financements fédéraux pour mauvaise conduite !

Evidemment il est applaudi par tout le petit monde conservateur, comme on peut par exemple le constater avec zerohedge qui titre
Trump Threatens To Cut Wildfire Funding Unless Cali Ends "Gross Mismanagement Of Forests" 
Trump menace de réduire le financement des feux de forêt, à moins que la Californie ne mette fin à une "mauvaise gestion flagrante des forêts"
Avec cette mémorable introduction :
As the wildfires ravaging Northern and Southern California destroy billions of dollars worth of real estate, President Trump reminded the world in a Saturday morning tweet that global warming - which many (on the left in particular) have blamed for the fires - isn't the responsible for the fires. Rather, California's inept forest-management strategies have left the state vulnerable as drought-like conditions have transformed the state's densely packed forests into a bed of kindling, just waiting to be set off by a stray cigarette butt.
Alors que les feux de forêt dévastant le nord et le sud de la Californie détruisent des milliards de dollars en biens immobiliers, le président Trump a rappelé au monde samedi dans un tweet que le réchauffement climatique - que beaucoup (à gauche en particulier) ont blâmé pour les incendies - n'est pas le responsable des incendies. Au contraire, les stratégies de gestion forestière inepte de la Californie ont laissé l'État vulnérable, car des conditions semblables à la sécheresse ont transformé les forêts densément peuplées de l'État en un lit de bois d'allumage, n'attendant que d'être déclenchées par un mégot de cigarette égaré.
On remarquera que l'auteur de ce passage est un humaniste convaincu, puisque pour lui ce qui compte avant tout ce sont les « milliards de dollars en biens immobiliers » partis en fumée, les vies humaines n'étant que secondaires car non cotables en bourse.

Heureusement quelques lecteurs n'ayant pas oublié d'allumer leur cerveau ont réagi, par exemple celui-ci :
I'm guessing the 'gross mismanagement of forests' is Trump code for 'didn't open the state up for rampant logging by rapacious logging companies." I see why he used 4 words rather than my less pithy 12 words.
Je suppose que la « mauvaise gestion flagrante des forêts » est le code Trump pour dire « n’a pas ouvert l’Etat à une exploitation forestière effrénée par des entreprises forestières rapaces ». Je vois pourquoi il a utilisé 4 mots plutôt que mes 12 mots moins concis.
Ou celui-là :
Trump is using his control over discretionary spending to force California to cede control to the feds. I don't know if CA forests are mismanaged. I know zealots regularly spike trees. America's lumber companies love to talk about resource management. But I know this. Those guys would strip cut the entire pacific northwest given the opportunity. It's all bottom line and bonus driven. Most of us hate DC because of the Clinton graft, overseas wars, and the 9/11 treason. Probably a permanent loss of trust by 50% of the population and that's why Trump won. There are though in the federal bureaucracy extremely competent people in the various agencies whose gave us product labels, minimum standards of quality, and the strict enforcement necessary to provide for the public safety. If the Forest Service is a competent agency and if they agree with Trump then he's right to call out California.
Trump utilise son contrôle des dépenses discrétionnaires pour forcer la Californie à céder le contrôle au gouvernement fédéral. Je ne sais pas si les forêts californiennes sont mal gérées. Je sais que les fanatiques piquent régulièrement des arbres. Les entreprises forestières américaines aiment parler de gestion des ressources. Mais je sais ça. Ces gars-là décaperaient tout le nord-ouest du Pacifique, si l'occasion se présentait. Tout est axé sur les résultats et les bonus. La plupart d'entre nous haïssent DC à cause de la corruption de Clinton, des guerres à l'étranger et de la trahison du 11 septembre. Probablement une perte de confiance permanente de 50% de la population et c'est pourquoi Trump a gagné. Il existe cependant dans la bureaucratie fédérale des personnes extrêmement compétentes dans les différentes agences, qui nous ont fourni les étiquettes de produits, les normes de qualité minimales et l'application stricte nécessaire pour assurer la sécurité du public. Si le service forestier est une agence compétente et s’ils sont d’accord avec Trump, il a raison de critiquer la Californie.
Dans ce dernier exemple le commentateur a dû éteindre son cerveau en cours de route, dommage, parce qu'il avait plutôt bien commencé.

Evidemment les pompiers qui combattent les très nombreux incendies sur le terrain ne sont pas d'accord avec cette façon de voir les choses ; le site stuff.co.nz (entre autres) nous donne le point de vue des principaux intéressés qui ne font pas, eux, de politique sur le dos de gens qui ont tout perdu, et pour certains la vie :
California Professional Firefighters President Brian Rice said Trump was out of line."The president's message attacking California and threatening to withhold aid to the victims of the cataclysmic fires is ill-informed, ill-timed and demeaning to those who are suffering as well as the men and women on the front lines," Rice said in a statement.
Le président des pompiers professionnels de Californie, Brian Rice, a déclaré que Trump avait dépassé les bornes. "Le message du président attaquant la Californie et menaçant de suspendre l'aide aux victimes des incendies cataclysmiques est mal informé, mal venu et humiliant pour ceux qui souffrent ainsi que pour les hommes et les femmes qui sont sur les lignes de front ", a déclaré Rice dans un communiqué.
Et aussi :
"Mr. President, with all due respect, you are wrong. The fires in So. Cal are urban interface fires and have NOTHING to do with forest management. Come to SoCal and learn the facts & help the victims," the Pasadena Firefighters Association said on Twitter.
"Monsieur le président, avec tout le respect qui vous est dû, vous avez tort. Les incendies en Californie du sud sont des incendies d'interface urbaine et n'ont RIEN à voir avec la gestion des forêts. Venez en Californie du sud et apprenez les faits et aidez les victimes", l'association des pompiers de Pasadena a twitté.
Experts have also said forest management was not a factor in California's two most destructive fires: the Camp fire, which has burned more than 6000 structures this week in Paradise, and the Tubbs fire last year in wine country.

Forest thinning would not have stopped the Camp fire or Tubbs fire. Fuelled by dry grass growing amid scattered pine and oak trees, the Camp fire tore across land thinned by flames just 10 years ago. The Tubbs fire burned grassy oak woodlands, not Timberland.
Les experts ont également déclaré que la gestion des forêts n’était pas un facteur dans les deux incendies les plus destructeurs de la Californie : Camp fire, qui a brûlé plus de 6000 bâtiments cette semaine à Paradise, et l’incendie de Tubbs l’année dernière dans la région viticole.
L’éclaircissement des forêts n’aurait pas arrêté Camp fire ou l'incendie de Tubbs. Alimenté par de l'herbe sèche poussant au milieu de pins et de chênes dispersés, Camp fire a ravagé des terres éclaircies par les flammes il y a à peine 10 ans. L'incendie Tubbs a brûlé des bois de chênes verts, non destinés à l'exploitation forestière.
Que dire de plus sur Trump ?

Ah oui, il a annulé la visite d'un cimetière américain en France parce qu'il pleuvait.

Mais il y a quelque chose de sûr, c'est que Trump est un plus grand président que Macron :

Trump n'aime pas se mouiller.

Je dirais d'une dizaine de centimètres, au moins.


5 commentaires:

  1. Au pays de la liberté et de l'inégalite, l'argent est la pour pour certains quand il le faut.
    https://www.liberation.fr/planete/2018/11/15/les-incendies-en-californie-symboles-brulants-d-un-capitalisme-outrancier_1692260

    Les autres n'ont qu'à s'en prendre a eux même, quelques bonnes coupes de bois organisées par la filière et le problème serait règle !
    Logique trumpienne et de quelques autres simplets visible sur quelques blogs.

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    1. Pour paraphraser Sarkozy (ou Séguéla, je sais plus) si t'as pas tes pompiers à toi t'as pas réussi ta vie.

      En fait c'est une assez bonne définition du capitalisme.

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  2. A la date d'aujourd'hui le bilan des incendies en Californie est le suivant selon Le Monde (https://tinyurl.com/ybm7wpwq) : 71 morts et plus de 1000 disparus (très probablement morts pour la quasi-totalité)

    Par ailleurs ce sont près de 100 000 hectares qui ont été ravagés, qui dit mieux ?

    Le Monde nous informe également (https://tinyurl.com/y8rgo9ep) que 2018 est de loin la pire année sur le plan des incendies en Californie, 2017 se classant troisième derrière 2008 ; depuis 1968 la tendance est sans conteste à une très forte hausse.

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  3. Dans le même temps, l'obscurantiste qui dirige ce pays annonce qu'il veut "un super climat.."
    En bon évangéliste, il doit penser qu'il suffit de prier et qu'une entité cosmique derrière lui va regler miraculeusement la situation... Avec un bolsonaro qui partage les mêmes illusions, on est mal barré !

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    1. Je ne pense pas que Trump soit évangéliste lui-même, il est certes le « président des évangélistes » qui lui pardonnent étrangement toutes ses frasques, mais il ne les considère que comme un électorat utile.

      Eh oui, nous nous acheminons lentement mais sûrement vers une droitisation du champ politique un peu partout, mais avec une forte proportion de progressistes contestataires, ce qui nous promet un clivage sociétal de plus en plus important ; le réchauffement climatique va de plus accentuer ce phénomène avec les futurs réfugiés climatiques qui se compteront en centaines de millions (tous n'arriveront pas obligatoirement chez nous mais ce que nous connaissons actuellement n'est qu'un avant-goût)

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