jeudi 27 mai 2021

Un peu de wishful thinking hydroxychloroquinien

 Les croyances ont la vie dure. Je ne fais pas spécialement allusion à la religion, ou au père Noël, mais de manière générale, et en ce moment pandémique, à la tisane raoultienne censée guérir du méchant virus qui nous cause actuellement bien des soucis.

Ainsi je tombe un peu par hasard sur ce billet de blog intitulé Ivermectine, hydroxychloroquine : chute des cas de Covid en Inde grâce à un nouveau traitement.

Sans blague !

Evidemment, et comme je m'y attendais un peu, en allant à la source de l'info on ne trouve pas précisément la même chose que ce qui est annoncé dans le titre...

En effet, dans ce billet voici ce qu'on peut lire :

Alors que l’OMS s’efforce de promouvoir le vaccin, l’Inde bat lentement le virus tandis que le nombre de cas commence à chuter. Et ils l’ont fait sans campagne massive ni restrictions farfelues. L’Inde a prouvé que l’ivermectine et l’hydroxychloroquine peuvent non seulement combattre le Covid-19, mais en fait le tuer dans les heures ou les jours suivant leur administration.

Sans blague !

Ce qu'il y a de marrant c'est que l'auteur nous donne le lien vers lequel nous sommes invités à vérifier l'information :

Cette bonne nouvelle est accueillie avec une certaine amertume par les médias d’hommes d’affaires qui ont sans doute des actions dans les laboratoires. « L’Inde lutte contre une crise sanitaire d’une ampleur inimaginable avec une science terriblement dépassée » titre qz.com.

Et pour faire bonne mesure il nous en donne un autre dans le paragraphe qui suit :

« Le gouvernement indien continue à encourager les traitements Covid-19 qui ont été bannis par les scientifiques », ça on le trouve sur un site d’information numérique créé par le milliardaire fondateur d’ebay, Pierre Omidyar. Siège social dans le Delaware (paradis fiscal).

Alors allons gaiement suivre les deux liens fournis gracieusement pour rigoler un peu.

Le premier nous mène sur India is still using a woefully outdated Covid-19 treatment plan — Quartz India (qz.com) et nous pouvons y lire en toutes lettres dès le début :

The official Covid-19 treatment protocol in India continues to encourage the use of treatments that many scientists across the world have written off.
Le protocole officiel de traitement du Covid-19 en Inde continue d'encourager l'utilisation de traitements que de nombreux scientifiques du monde entier ont écartés.

On nous dit donc que les autorités indiennes préconiseraient des traitements écartés par « de nombreux scientifiques du monde entier » ; sans surprise, dans ces traitements figure notre potion magique concoctée sur la Canebière à l'abri de la bonne mère :

Using drugs without evidence

Among the covid-19 treatments that have been heavily used in the last 12 months despite question marks about their efficacy are the anti-inflammatory drugs tocilizumab and itolizumab and the antivirals favipiravir and hydroxychloroquine.

Utilisation de médicaments sans preuves

Parmi les traitements covid-19 qui ont été fortement utilisés au cours des 12 derniers mois malgré les points d'interrogation sur leur efficacité, on trouve les anti-inflammatoires tocilizumab et itolizumab et les antiviraux favipiravir et hydroxychloroquine.
Et on nous précise bien que cette potion n'a jamais prouvé la moindre efficacité :
While the manufacturers of favipiravir and itolizumab have claimed efficacy of these drugs based on inconclusive clinical trials, large randomised trials have shown no benefit on mortality from hydroxychloroquine.
Alors que les fabricants du favipiravir et de l'itolizumab ont revendiqué l'efficacité de ces médicaments sur la base d'essais cliniques non concluants, de grands essais randomisés n'ont montré aucun bénéfice sur la mortalité avec l'hydroxychloroquine.

Qui plus est :

K S Sathish, a pulmonologist who helped develop Karnataka’s guidelines, agreed that hydroxychloroquine and itolizumab had no place in covid-19 treatment and would be removed from the guidelines soon. At the time of writing, Karnataka state guidelines have not been updated since October 2020, and continue to recommend these drugs.
K S Sathish, un pneumologue qui a participé à l'élaboration des directives du Karnataka, a convenu que l'hydroxychloroquine et l'itolizumab n'avaient pas leur place dans le traitement du covid-19 et seraient bientôt retirés des directives. Au moment de la rédaction de cet article, les directives de l'État du Karnataka n'ont pas été mises à jour depuis octobre 2020 et continuent de recommander ces médicaments.

Ainsi un pneumologue indien nous dit explicitement que l'hydroxychloroquine n'est pas à sa place dans les « Directives de l'Etat du Karnataka », celles-ci ne seraient donc « pas à jour » !

Mais ce n'est pas tout, nous apprenons également ceci :

Another doctor, who helped develop Kerala’s guidelines and spoke to The BMJ under anonymity, said the Kerala government was forced to include hydroxychloroquine in their recommendations because the health ministry was continuing to recommend it. He said that it was difficult to rely entirely on randomised controlled trials carried out in other countries for treatment decisions in India, and that the lack of trials in the Indian population made it harder to create guidelines.

Un autre médecin, qui a participé à l'élaboration des directives du Kerala et qui a parlé au BMJ sous couvert d'anonymat, a déclaré que le gouvernement du Kerala a été contraint d'inclure l'hydroxychloroquine dans ses recommandations parce que le ministère de la santé continuait à la recommander. Il a déclaré qu'il était difficile de s'appuyer entièrement sur des essais contrôlés randomisés menés dans d'autres pays pour les décisions de traitement en Inde, et que le manque d'essais sur la population indienne rendait plus difficile l'élaboration de directives.

Etonnant, non ?

Ainsi nous voyons d'abord qu'il y a des décisions par Etat, et non pas au niveau global indien comme tente de nous le faire croire notre affabulateur, mais que toutefois le ministre de la santé fait pression sur chaque gouvernement local afin qu'il inclue la fameuse tisane marseillaise dans ses recommandations ; il est vrai qu'en 2019 le ministre de la santé avait recommandé, pour lutter contre la pollution, de manger...des carottes ! Avec un tel ministre de la santé les Indiens sont, il faut bien l'avouer, en de bonnes mains.

Nous voyons ensuite qu'il y a en Inde un « manque d'essais », ce qui nous fait nous poser la question suivante : comment notre tartuffe sait-il, dans ces conditions, ce qui est bon pour les Indiens étant donné qu'eux mêmes n'en ont aucune idée ?

Ainsi, en revenant sur notre article dont le lien nous a été négligemment donné, nous avons la confirmation que si l'hydroxychloroquine figure encore dans les recommandations c'est uniquement parce que celles-ci n'ont pas été mises à jour :

A delay in updating these guidelines has led doctors to continue prescribing drugs such as hydroxychloroquine, favipiravir, and ivermectin, which showed early promise but were quickly found to be ineffective. 

Le retard pris dans la mise à jour de ces directives a conduit les médecins à continuer de prescrire des médicaments tels que l'hydroxychloroquine, le favipiravir et l'ivermectine, qui étaient prometteurs au départ mais se sont rapidement révélés inefficaces.

Au passage nous notons, mais ce n'est pas vraiment une surprise, que l'ivermectine est comprise dans le lot à jeter à la corbeille.

Un tableau nous est montré dans lequel on peut faire un focus sur cette partie :

Extrait du « Guide clinique pour la prise en charge des patients adultes atteints de Covid-19 » (source qz.com)

Donc l'ivermectine et l'hydroxychloroquine sont mentionnées dans la partie « MAY DOs » (que l'on peut traduire par « pourquoi pas si on n'a vraiment rien d'autre et que le patient en demande ») ; on remarquera le sous-titre souligné afin de bien le repérer et qui nous dit : « Thérapies fondées sur un faible degré de certitude des preuves » ; juste pour le cas où l'on n'aurait toujours pas compris.

Cette partie provoque le commentaire suivant de l'auteur de l'article :

Curiously, though it is not a “must do,” anti-malarial drug hydroxychloroquine features as a “may do” in that category. This much-talked-about drug, commonly known as HCQ, has shown no impact on death outcomes in Covid-19. In fact, it can have severe cardiac side-effects when given to Covid-19 patients. The EU had banned its use.

Curieusement, l'hydroxychloroquine, un médicament antipaludéen, n'est pas un "must do", mais un "may do" dans cette catégorie. Ce médicament dont on parle beaucoup, communément appelé HCQ, n'a montré aucun impact sur l'issue des décès dans Covid-19. En fait, il peut avoir des effets secondaires cardiaques graves lorsqu'il est administré aux patients du groupe Covid-19. L'UE avait interdit son utilisation.

Oui, juste pour le cas où l'on n'aurait toujours pas compris (je me répète mais c'est nécessaire pour certains...) ; et si vous avez encore des doutes :

What is also alarming is that the health ministry’s latest guidelines (pdf) on home isolation, continue to recommend HCQ as a “prophylaxis” or preventive measure. There is no proof that HCQ works in those circumstances.

Ce qui est également alarmant, c'est que les dernières directives du ministère de la santé (pdf) sur l'isolement à domicile, continuent de recommander de l'HCQ comme "prophylaxie" ou mesure préventive. Il n'y a aucune preuve que l'HCQ fonctionne dans ces circonstances.

Ainsi dans l'article dont le guignol du début nous a donné le lien nous découvrons, oh surprise, que les traitements qu'il nous vantait, et à qui les Indiens devaient supposément l'amélioration de leur condition sanitaire, sont en réalité non seulement inefficaces mais également dangereux ! Ne nous disait-il pas fièrement :

Alors que l’OMS s’efforce de promouvoir le vaccin, l’Inde bat lentement le virus tandis que le nombre de cas commence à chuter. Et ils l’ont fait sans campagne massive ni restrictions farfelues. L’Inde a prouvé que l’ivermectine et l’hydroxychloroquine peuvent non seulement combattre le Covid-19, mais en fait le tuer dans les heures ou les jours suivant leur administration.

Oui je sais, je me répète en replaçant cet extrait une deuxième fois, mais il est indispensable de toujours savoir d'où l'on vient afin de ne pas perdre le fil de la conversation.

Mais nous avons il me semble oublié l'azithromycine, n'est-ce pas ? Oubli vite réparé :

“Misused drugs include azithromycin, doxycycline, favipiravir, Itolizumab, and Coronil. These are not mentioned in the guidelines, but practitioners are busy prescribing them. This may cause more harm than good,” Dr Anup Agarwal, the lead author of ICMR’s plasma trial, wrote in The Hindu newspaper.

"Les médicaments mal utilisés comprennent l'azithromycine, la doxycycline, le favipiravir, l'Itolizumab et le Coronil. Ces médicaments ne sont pas mentionnés dans les lignes directrices, mais les praticiens s'affairent à les prescrire. Cela peut causer plus de mal que de bien", a écrit le Dr Anup Agarwal, auteur principal de l'essai sur le plasma de l'ICMR, dans le journal The Hindu.

Ça aurait été dommage de passer à côté, hein !

Mais vous vous souvenez sans doute qu'un deuxième lien nous a été soumis par notre gugusse à l'appui de ses déclarations fantaisistes, il nous mène vers Indian government is still encouraging Covid-19 treatments that have been written off by scientists (scroll.in) ; et ici même son de cloche que précédemment, pour la bonne raison...qu'il s'agit exactement de la même source !

Quant à l'affimation selon laquelle « le nombre de cas commence à chuter » on ne sait pas où notre charlot a pris ses informations, mais euh...comment dire, selon India's Real Death Toll May Be Many Times Higher Than The Official Count : NPR du 29 avril dernier :

Many Indians are dying without COVID-19 tests or medical care. Crematoriums are overwhelmed, and scientists say India's real death toll may be many times higher than the official government count.

De nombreux Indiens meurent sans tests COVID-19 ni soins médicaux. Les crématoriums sont débordés, et les scientifiques affirment que le nombre réel de morts en Inde pourrait être bien plus élevé que le décompte officiel du gouvernement.

Sans blague !

Remarquez, quand un site met en avant l'immense humoriste Jean-Marie Bigard, c'est quand même un signe de grand sérieux, n'est-ce pas ?

Vous pouvez compter sur Bigard pour vous la mettre bien profond.

Et quand il nous fourgue dans la même livrée la folle du labo, c'est cadeau :

Alexandrie Alexandra chantait Claude François, mais là c'est Alexandra Henrion-Caude et ça balance bien moins.

Bref, encore un site de « réinformation » dont vous voudrez bien retenir le nom : Le Média en 4-4-2 : un média par le peuple et pour le peuple.

Pour l'éviter quand vous le rencontrerez.


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