vendredi 12 octobre 2018

Aurélien Barrau n'est pas climatologue

Aurélien Barrau est un jeune (45 ans tout de même) astrophysicien qui a obtenu son doctorat à l'université Joseph Fourier (ça ne s'invente pas…) avec la mention très honorable et les félicitations du jury, ce que certains lui envient peut-être, mais nul n'est parfait.

Aurélien Barrau a aussi une âme d'écologiste, ce que certains lui reprochent peut-être, mais nul n'est parfait.

Il a ainsi publié dans Le Monde, à l'initiative de Juliette Binoche et peu après la démission de Nicolas Hulot, une tribune intitulée « Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité » : l’appel de 200 personnalités pour sauver la planète dans laquelle il est notamment écrit :
Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l’eau et de l’air, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien. Les humains et la plupart des espèces vivantes sont en situation critique.
Les signataires de cette tribune sont en très grande majorité des artistes (pouah !) mais on compte quelques scientifiques (Alain Benoit, Gilles Bœuf, Michel Cassé, Bernard Castaing, Françoise Combes, Philippe Descola, Hervé Dole, Pierre Fayet, Pierre-Henri Gouyon, Julien Grain, Mikhaïl Gromov, Jean Jouzel, Roland Lehoucq, Cécile Renault, Carlo Rovelli, Sabrina Speich, Pierre Vanhove, sans compter les écologues et philosophes que j'ai quelques réticences à classer parmi les scientifiques…) parmi lesquels un seul peut à mon avis porter le titre de climatologue (saurez-vous le retrouver dans la liste des 17 noms cités ?)

Aurélien Barrau s'est également fait connaitre pour cette vidéo que l'on peut visionner dans Aurélien Barrau : "Je n'ai plus peur de parler de fin du monde."

Evidemment parler de « fin du monde » est un tantinet exagéré et mérite une petite précision : il ne s'agit pas de la fin de la Terre (qui de toute façon finira un jour très lointain), ni même de la fin de l'Humanité (qui de toute façon finira bien avant l'extinction de la Terre mais dans un avenir très lointain nous laissant encore un peu de marge), mais simplement, si j'ose dire (et j'ose), de la fin de notre civilisation basée sur le productivisme et le consumérisme débridés.

Le message d'Aurélien Barrau est clair, limpide et « réaliste » au regard de tout ce que l'on sait aujourd'hui, pourtant, bien qu'il évoque le réchauffement climatique (entre autres problèmes auxquels nous allons devoir faire face) Aurélien Barrau n'est pas climatologue.

Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme Fred Singer, physicien de son état ayant commencé sa carrière dans les fusées pour la continuer et certainement la terminer dans le déni de presque tout ce que la science a pu démontrer comme néfaste pour les humains, depuis le lien entre les UV-B et les mélanomes, le rôle des CFC dans la couche d'ozone, l'influence du tabagisme passif dans la survenue des cancers du poumon des non-fumeurs, pour enfin trouver son graal avec le réchauffement climatique d'origine humaine qu'il s'emploie comme un beau diable à nier chaque fois que l'occasion se présente.

Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme Christopher Monckton, titulaire d'un diplôme de journalisme ayant à ses moments perdus inventé un casse-tête dont personne n'a entendu parler sauf les rares à avoir tenté de le résoudre, qui a fait un peu de politique avec Margaret Thatcher et s'est sur le tard découvert une passion pour la contestation du réchauffement climatique avec comme principal dada l'affirmation que les températures auraient fait une pause pendant deux décennies (au pif), passant totalement sous silence les effets de la variabilité naturelle du climat (El Niño, les volcans, le soleil) ainsi que le fait que plus de 90% de l'énergie additionnelle reçue du soleil et capturée par l'effet de serre dû au CO2 d'origine humaine se retrouve dans les océans.

Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme Roy Spencer, qui n'est que météorologue mais qui se prend pour un climatologue, comme d'autres météorologues ou présentateurs météo au journal de 20 heures (pour ne citer que quelques noms : Philippe Verdier, Frédéric Decker, Laurent Cabrol, pour les français, Anthony Watts ou Cliff Mass pour les américains, j'en oublie et certainement des meilleurs), en publiant sur son blog les résultats de « ses données à lui », celles de UAH qu'il partage avec John Christy qui, lui, peut se prévaloir du titre de climatologue (climate scientist) bien qu'il n'ait pas tout à fait la même vision des choses que l'ensemble de la communauté scientifique (Christy est un climatosceptique lukewarmer)
Les lukerwarmers acceptent que la Terre est en train de se réchauffer et que les importantes émissions de CO2 de notre civilisation sont une cause majeure. Ils doutent, cependant, que le changement climatique représente une crise unique parmi les multiples défis auxquels nous faisons face, ou que les projets de réglementation mondiale avancés pour gérer le problème fonctionneront comme annoncé. Et ils se montrent sceptiques devant le contraste entre la rhétorique apocalyptique et absolutiste avec laquelle ces projets de réglementation sont régulièrement défendus et leurs détails réels, qui semblent principalement conçus pour permettre aux hommes d'Etat du globe de satisfaire leurs propres intérêts économiques et politiques avec des arguments écologiques de façade.

Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme Benoit Rittaud, qui n'est qu'un mathématicien sans aucune expérience dans le domaine de la climatologie (tout comme d'autres matheux tels que Bernard Beauzamy ou Claude Brasseur), ce qui ne l'a pas empêché de pondre quelques ouvrages sur le sujet dont on me pardonnera de ne pas faire la promotion ici ; à noter que Rittaud et Barrau, non contents de rimer, sont à peu près du même âge (il me semble que Rittaud approche de la cinquantaine) ce qui prouve…, ce qui ne prouve pas grand chose en fait, Rittaud étant en réalité une exception juvénile dans un monde de has been retraités ou décédés qui seront bien vite oubliés dans le grand trou de l'Histoire où tant d'hommes célèbres de leur temps se sont retrouvés ensevelis.

Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme François Gervais, ancien professeur de physique et accessoirement pote de Benoit Rittaud pour lequel il semble nourrir une affection paternelle, ayant consacré son éméritat non pas en des choses utiles pour ses étudiants mais en deux publications sur le tard, en 2014 et 2016 (il avait donc 69 et 71 ans), tentant de nier l'impact de l'effet de serre sur la hausse des températures et cherchant à prouver que la hausse du CO2 ne pouvait qu'être bénéfique pour l'humanité ; évidemment ses recherches ne seront pas reprises dans le prochain rapport du GIEC, on se demande bien pourquoi (mais on a quand même une petite idée)

Enfin Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme cette pléthore de personnages publiant des livres ou intervenant dans des émissions (non, pas de CO2) de radio ou de télé, ou dans des fils de discussion quand ils ne publient pas eux-mêmes des articles sur des blogs ou sites à tendance (pour être gentil) libérale et/ou extrême droitiste (bizarre ce rapprochement entre libéralisme et fascisme concernant le sujet du réchauffement climatique, pourtant il est bien réel…) ; ainsi, pêle-mêle je pourrais citer Jean-Pierre Bardinet, Jacques Henry, Rémy Prud'homme, Drieu Godefridi, H16, Jacques Duran, Camille Veyres, etc.

Et n'oublions pas, Aurélien Barrau n'est pas climatologue, tout comme ma modeste personne.

Toutes les personnes citées ci-dessus (y compris le dénommé ma-modeste-personne) ne devraient pas avoir à se prononcer, à donner leur avis sur le climat, car, figurez-vous, aucune d'elle n'est compétente en la matière et donc légitime à donner son point de vue.

Ce que nous savons au sujet du réchauffement climatique, son origine essentiellement humaine (on ne rejette pas des quantités astronomiques de CO2 dans l'atmosphère en si peu de temps, en moins de deux siècles, sans qu'il n'y ait la moindre conséquence, sachant que la Nature a mis des millions d'années à stocker ce CO2 et qu'il lui faudra des millions d'années pour se refaire une santé) et les effets divers engendrés (hausse du niveau des mers, acidification des océans, sècheresses accrues, événements extrêmes amplifiés, mouvements de populations menant à des tensions socio/économico/politiques, etc.), tout nous est enseigné par des spécialistes qui ne font pas de politique, et leurs travaux sont résumés dans un document qu'on appelle le rapport du GIEC, publié à intervalles réguliers afin d'actualiser les informations en fonction des avancées de la science.

Nous devrions tous non pas discuter de savoir si tout cela est bien réel ou issu de l'imagination de savants Cosinus ou de prophètes venant annoncer la fin du monde, mais plutôt nous interroger sur la façon de nous y prendre afin que le choc civilisationnel soit le moins rude possible ; pour cela il y a deux mots : atténuation (mitigation en anglais) et adaptation.

Nous serons de toute façon obligés de nous adapter aux changements à venir, des millions de personnes devront se déplacer car elles se retrouveront les pieds dans l'eau, puis les genoux puis la taille puis… D'autres devront quitter des terres devenues trop chaudes et arides, les pays « du nord » devront par conséquent s'attendre à accueillir très progressivement de plus en plus de migrants, avec des conséquences « incalculables » (i.e. qu'il est impossible aujourd'hui de prévoir mais que l'on peut imaginer sans trop de peine) sur leur économie, sur leur politique (attention, ça va pencher sacrément à droite, gare au retournement !), sur leur existence tout court.

Mais nous pourrions dès à présent mettre en place des processus d'atténuation afin de limiter les futurs dégâts ; il est cependant peu probable que nous y parvenions, car, vous savez, nous avons bien d'autres chats à fouetter à court-terme, hein !


Voir également :

2 commentaires:

  1. La réalité c’est que pour agir avec l’urgence qui éviterait de tous griller, il va plutôt falloir passer sur le corps de certains gars.

    https://blog.mondediplo.net/appels-sans-suite-1

    Eux en tout cas, si l'on prend l'exemple brésilien, n'hésiterons pas a tuer père et mère, pour mettre encore d avantage en coupe reglee le planète.

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    1. J'ai lu l'article de Lordon, du grand Lordon comme toujours mais qui ne débouche pas sur grand chose ; pour preuve, regardez cette vidéo récente d'Edgar Morin (https://www.youtube.com/watch?v=jiyMlZauB8c&feature=youtu.be) qui du haut de ses 97 balais nous dit à juste titre que nous sommes tous des somnambules (certains sont des somnambules conscients de ce qui va leur arriver mais qui sont anesthésiés et ne font rien, d'autres se bercent d'illusions et pensent vivre dans le monde des bisounours, d'autres enfin essaient de tirer un maximum de profit tant qu'ils le peuvent)

      Le monde va pencher de plus en plus à droite, le Brésil n'est qu'un des nombreux signes avant-coureurs que nous avons déjà vus ailleurs, mais ce n'est rien à côté de ce qui nous attend ; n'est-ce pas d'ailleurs vous qui m'aviez dit un jour que le libéralisme menait au fascisme ? (je confonds peut-être avec un autre commentateur)

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