jeudi 21 novembre 2019

Mais ils sont où les AMP ?

Météo France nous annonce un Nouvel épisode méditerranéen ces prochains jours :
Les précipitations déjà présentes, mais d'intensité modérée, jeudi et vendredi matin vont se renforcer à partir de vendredi après-midi, d'abord sur les Cévennes (et plus généralement le sud du Massif central), puis rapidement aussi sur le littoral provençal avec parfois des orages sous les plus fortes pluies. Ces fortes précipitations vont persister toute la journée de samedi, ciblant particulièrement l'est Languedoc (mais aussi les Cévennes ardéchoises) et l'ouest Provence. Tout au long de l'épisode, les vents de sud-est souffleront fort, avec des rafales possibles à 80/100 km/h dans le domaine de l'autan ou sur les hauteurs du Massif central. Sur 48 heures, de vendredi à samedi, des cumuls de 100 à 150 mm* sont prévus en plaine (localement 200 dans le Var), 250 à 350 mm sur les Cévennes. Ces quantités représentent 1 à 2 mois de précipitations habituelles. Une amélioration notable interviendra dans la journée de dimanche et persistera en début de semaine prochaine.
Pour ce week-end les prévisions de cumuls de précipitations laissent songeur :
Cumuls des précipitations prévues par le modèle ARPEGE sur 48 h (vendredi 22 et samedi 23 novembre 2019) - © Météo-France
On peut s'attendre à quelques gros titres samedi et dimanche pour relater les dégâts qui ne devraient pas manquer à l'appel...

Mais comment expliquer cet « épisode cévenol » qui prend le qualificatif de « méditerranéen » tellement il concerne d'autres régions que les seules Cévennes ?

Météo France nous dit :
Après quelques jours de calme relatif sur la France […] le « toboggan » atlantique va reprendre du service ces prochains jours. À la différence de la situation début novembre, le courant jet (ou « jet-stream ») va cette fois-ci plonger non directement vers la France, mais plutôt en direction du golfe de Gascogne. En fond de thalweg atlantique, une dépression bien creuse va ainsi se diriger vendredi au nord des Cantabriques espagnoles puis rentrer dans les terres sur l'ouest du pays samedi, engendrant ces deux jours un flux de sud rapide sur le pourtour méditerranéen, favorable à un épisode de pluies intenses et durables sur ces régions.
Et nous montre la carte animée suivante :
Animation des champs de pression réduite au niveau de la mer, de la nébulosité basse et des précipitations prévus par le modèle ARPEGE du jeudi 21 novembre à 12 h UTC au lundi 25 novembre 2019 à 0 h UTC - © Météo-France
Pour apercevoir le « fond de thalweg atlantique » qui est matérialisé dans la carte ci-dessus par la dépression au large des côtes françaises voici ma contribution personnelle :
Pressions moyennes à la surface (source earth.nullschool)

A la surface on voit une myriade de pressions basses, dont une très grosse dépression atlantique au large de l'Europe, composée en fait de plusieurs dépressions (3 près de chez nous plus une près des côtes américaines) ; par contre les anticyclones se font très discrets, à part celui bien connu situé sur les Açores (en réalité au sud-ouest de ces iles actuellement) qui ne nous protège en rien du « toboggan des dépressions » qui nous amène les perturbations en file indienne ; on distingue également un anticyclone sur l'Europe de l'est, protégeant les pays concernés des précipitations mais pas du froid mordant (jusqu'à -27°C à Perm aujourd'hui)

Et si l'on regarde la situation au géopotentiel 250 hPa voici ce que cela donne :
Régime des vents à 10 500 mètres d'altitude (source earth.nullschool)
Est-ce vraiment une surprise ?

Les deux « gros » anticyclones repérés sur la carte précédente, l'anticyclone des Açores et celui positionné sur la Russie, sont bien présents à plus de 10km au-dessus de nos têtes ! Ils sont bien évidemment tous les deux situés au sud d'un méandre du jet-stream polaire, celui qui est le plus au nord, le jet-stream sub-tropical étant lui bien plus au sud, louvoyant mollement au-dessus de l'Afrique du nord. Par conséquent ces deux anticyclones ne peuvent en aucun cas provenir du pôle nord.

Quid d'éventuels anticyclones polaires ayant décidé de se mouvoir vers le sud pour mettre la pagaille dans notre météo locale ? On a beau écarquiller les yeux en n'en voit pas la trace d'un seul, à part quelques velléités anticycloniques sur le Groenland ou entre cette ile et le Canada, bien peu de chose comparé aux dépressions qui font actuellement la loi sur l'Atlantique nord.

Une fois de plus les cartes nous confirment ce que nous savons depuis longtemps maintenant : non seulement le jet-stream est bien un acteur majeur dans la météo qui touche nos pays, mais de plus ce sont les dépressions, et non les anticyclones, qui sont les véritables maitres d'oeuvre, ces derniers se contenant de les dévier par leur masse certes imposante mais quasiment inerte.

Et si les anticyclones daignent se déplacer c'est uniquement parce qu'ils sont « aspirés » par des dépressions, sans elles ils resteraient bien sagement là où ils se forment en s'étalant nonchalamment comme un obèse qui s'avachit dans son fauteuil pour regarder Fox News (bon okay je force un peu le trait, mais la caricature est souvent le meilleur moyen de comprendre les choses)

La meilleure preuve que les dépressions sont les reines sur notre Terre c'est ce schéma que j'ai déjà montré dans La circulation atmosphérique pour les nuls :
Qu'est-ce qui fait la météo ? Il s'agit du Soleil et de la répartition de son énergie lorsqu'il atteint l'atmosphère et la surface de la Terre. Les rayons du Soleil atteignent la Terre à un angle perpendiculaire à la surface près de l'équateur et à un angle incliné (moins de 90°) près des pôles. La même quantité d'énergie est donc répartie sur une plus petite surface à l'équateur et sur une plus grande surface aux pôles. Ces différences font en sorte que l'équateur est plus chaud, alors que les pôles sont plus froids. (source meted.ucar.edu)

Tout commence donc à l'équateur, là où l'énergie reçue du Soleil est maximale, entrainant de fortes ascendances qui entament le cycle de la cellule de Hadley :
This uneven distribution of incoming solar energy creates an imbalance of temperatures which in turn is the driver behind a few dominant global circulations. One of these major circulations is the Hadley Cell, which transports heat poleward from the equator to the subtropics. Other major circulation features include the Ferrel Cell at the midlatitudes, and the Polar Cell at the polar latitudes. The Walker Circulation moves air in east-west directions and vertically in the tropics.
Cette répartition inégale de l'énergie solaire entrante crée un déséquilibre des températures qui, à son tour, est à l'origine de quelques circulations mondiales dominantes. L'une de ces circulations majeures est la cellule de Hadley, qui transporte la chaleur vers les pôles de l'équateur aux régions subtropicales. La cellule de Ferrel aux latitudes moyennes et la cellule polaire aux latitudes polaires sont d'autres caractéristiques importantes de la circulation. La circulation Walker déplace l'air dans les directions est-ouest et verticalement sous les tropiques.
Schéma montrant la configuration de base des principales circulations globales et des vents dominants (source meted.ucar.edu)

Bien que le schéma de circulation soit simplifié à l'extrême on comprend aisément que les anticyclones se formant au-dessus des pôles ont peu de chance de jouer un rôle prépondérant dans quoi que ce soit, sauf exception éventuelle venant confirmer la règle.

Alors, ils sont où ces AMP ?

Apparemment le site Comet ne les connait pas, ils nous fournit les informations ci-dessus qui parlent de la circulation atmosphérique sans nous dire un seul mot sur une soi-disant importance de ces anticyclones découverts, ou plutôt « inventés » par Marcel Leroux ; les anticyclones polaires sont bien une réalité, ils sont le résultat de la phase descendante de la cellule polaire qui génère forcément des hautes pressions qui n'ont nulle autre part où aller qu'en direction de l'équateur mais sont stoppées très vite par la barrière infranchissable du jet-stream polaire.

Le jour où vous verrez un anticyclone polaire atteindre l'équateur faites-moi signe, je le relaterai immédiatement ici !



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