samedi 23 novembre 2019

Que savait l'industrie du charbon en 1966 ? Tout !

On cite souvent les rapports Meadows de 1972 et Charney de 1979 pour dater la prise de conscience universelle des risques du réchauffement climatique causé par le CO₂ émis par l'homme, en réalité il faut remonter au minimum 6 ans en arrière pour avoir, de la part des fautifs eux-mêmes, la reconnaissance que leur activité est productrice d'un sérieux problème pour l'humanité entière.

En effet, dans le Mining Congress Journal d'août 1966 on peut lire ceci :
Extrait de la page 56 du Mining Congress Journal d'août 1966.

Transcription de l'extrait:

Emission of CO₂ Under Serious Study

Among the gaseous materials discharged from the stack is carbon dioxide. This is not generally considered to be a pollutant inasmuch as it has never been demonstrated to have any adverse effects on plants or animals. However, to illustrate the far-reaching aspects of the air pollution problem, it should be noted that serious studies are underway to determine whether more restrictions should be placed on the emission of carbon dioxide to the atmosphere. There is evidence that the amount of carbon dioxide in the earth's atmosphere is increasing rapidly as a result of the combustion of fossil fuels. If the future rate of increase continues as it is at the present, it has been predicted that, because the CO₂ envelope reduces radiation, the temperature of the earth's atmosphere will increase and that vast changes in the climates of the earth will result. Such changes in temperature will cause melting of the polar icecaps, which, in turn, would result in the inundation of many coastal cities, including New York and London.
The oxides of nitrogen, notably nitrous oxide and nitrogen dioxide, which are produced as a result of the high temperatures of fossil-fuel combustion, are receiving considerable attention by air pollution officials, although at the present time no restrictions have been imposed. The oxides of nitrogen and the subsequent photochemical reactions which take place in the atmosphere have been demonstrated to be a principal cause of the smog which afflict such cities as Los Angeles.
Emission de CO₂ en cours d'étude sérieuse

Parmi les matières gazeuses rejetées par la cheminée se trouve le dioxyde de carbone. Cette substance n'est généralement pas considérée comme un polluant dans la mesure où il n'a jamais été démontré qu'elle a des effets nocifs sur les plantes ou les animaux. Toutefois, pour illustrer l'ampleur du problème de la pollution atmosphérique, il convient de noter que des études sérieuses sont en cours pour déterminer s'il y a lieu d'imposer des restrictions supplémentaires aux émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Il est prouvé que la quantité de dioxyde de carbone dans l'atmosphère terrestre augmente rapidement en raison de la combustion de combustibles fossiles. Si le taux d'augmentation futur continue tel qu'il est actuellement, on prévoit que, parce que l'enveloppe CO₂ réduit le rayonnement, la température de l'atmosphère terrestre augmentera et qu'il en résultera de vastes changements dans le climat de la Terre. De tels changements de température entraîneront la fonte des calottes glaciaires polaires, ce qui, à son tour, entraînera l'inondation de nombreuses villes côtières, y compris New York et Londres.
Les oxydes d'azote, notamment le protoxyde d'azote et le dioxyde d'azote, qui sont produits en raison des températures élevées de combustion des combustibles fossiles, font l'objet d'une attention considérable de la part des responsables de la pollution atmosphérique, même si aucune restriction n'a été imposée pour le moment. Il a été démontré que les oxydes d'azote et les réactions photochimiques qui s'ensuivent dans l'atmosphère sont l'une des principales causes du smog qui affecte des villes comme Los Angeles.

Le sommaire de la page 3 était lui aussi sans ambiguïté aucune et annonçait clairement la couleur :
Extrait du sommaire de la page 3 du Mining Congress Journal d'août 1966.

Transcription du sommaire :

Air Pollution and the Coal Industry

James R. Garvey

Growing demands for cleaner air have serious implications for the coal industry since more than half of the coal used today goes for generation of electricity and the coal-burning electric utilities are most likely to be affected by any air pollution restrictions. Garvey reviews the pollutants in coal and discusses ordinances that have been passed to restrict use of fuels containing in excess of one percent sulfur.

Discussion: James R. Jones

There is a sense of urgency in the matter of air pollution control, and it is important to the coal industry that any controls established can be complied with technologically. Answers must be found to many unsolved problems, and while much progress is being made to find solutions, are the city councils, health officials, citizens' committees, etc., convinced and willing to wait?
La pollution atmosphérique et l'industrie du charbon

James R. Garvey

La demande croissante d'air pur a de graves répercussions sur l'industrie du charbon, puisque plus de la moitié du charbon utilisé aujourd'hui sert à produire de l'électricité et que les services publics d'électricité au charbon sont les plus susceptibles d'être touchés par toute restriction en matière de pollution atmosphérique. Garvey passe en revue les polluants présents dans le charbon et discute des ordonnances qui ont été adoptées pour restreindre l'utilisation des combustibles contenant plus de 1 % de soufre.

Discussion : James R. Jones

Il y a un sentiment d'urgence en matière de contrôle de la pollution de l'air, et il est important pour l'industrie houillère que tout contrôle établi puisse être respecté sur le plan technologique. Il faut trouver des réponses à de nombreux problèmes non résolus, et alors que beaucoup de progrès sont faits pour trouver des solutions, les conseils municipaux, les autorités sanitaires, les comités de citoyens, etc. sont-ils convaincus et prêts à attendre ?

Que retenir de tout cela ? Essentiellement ceci : en 1966, et même très probablement bien avant, l'industrie du charbon était parfaitement au courant des problèmes causés par l'exploitation et l'utilisation de combustibles fossiles, mais elle avait une certaine confiance dans le « génie » humain pour trouver des solutions permettant de satisfaire « les conseils municipaux, les autorités sanitaires, les comités de citoyens, etc. » qui se montraient impatients à cause des répercutions sanitaires et environnementales ; des solutions techniques ont depuis été trouvées pour réduire certaines émissions sans remettre en cause le « système » productiviste qui demande de l'énergie bon marché pour fonctionner à plein régime, cependant aucune solution n'est encore apparue pour régler le problème des émissions de CO₂ malgré l'immense « génie » déployé par tous les ingénieurs s'employant à la tâche ! Résultat ? Comme le problème des émissions de CO₂ n'a pu être réglé le « génie » humain a trouvé une solution miraculeuse : nier que le CO₂ puisse être la cause de nos soucis, et voilà, le problème était réglé, nous en sommes là aujourd'hui !

Comme quoi quand on veut on trouve toujours une solution, n'est-ce pas ?

H/T climatefiles

5 commentaires:

  1. Eh oui.... Comme je le relatais là (*), les scientifiques savaient déjà et alertaient même - depuis avant 1972 - sur ce qui ne manquerait pas d'advenir si l'on ne modifiait pas notre consommation énergétique :/

    (*) UNE PAGE D'HISTOIRE CLIMATOLOGIQUE !
    (http://2013-continuum.blogspot.com/2019/10/climat-origine.html)

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    1. Exactement, et ce qui a changé c'est qu'à l'époque on pensait pouvoir régler le problème du CO2 facilement comme on a réglé celui des émissions de particules et gaz polluants, alors qu'aujourd'hui on voit bien qu'on n'arrive pas à se débarrasser du CO2 autrement qu'en le balançant dans l'atmosphère ; à l'époque aucun lobby donc pour nier l'existence de l'effet de serre qui était parfaitement admis par tout le monde.

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  2. 1/2
    Bonjour
    J'ai déjà écrit un post sur le charbon en 2018 sur le blog de Monsieur Huet. Dans la mesure ou je ne pense pas qu'il y ait des éléments nouveaux, je me permets de le republier sur votre site. Le charbon est certe dangereux à terme par la production de CO2 mais surtout à très court terme car il contribue fortement à la production de particules fines dont le bilan en vies humaines est dramatique. Les chiffres sont comme souvent assez différents.
    Salutations
    Saumon

    https://www.lemonde.fr/blog/huet/2018/01/12/merkel-et-schultz-pro-charbon-et-anti-climat/
    Par saumon :
    16 janvier 2018 à 11 h 11 min
    Bonjour
    J’ai lu votre article avec attention, vous avez cité 5 fois les GES mais nulle part vous parlez d’un des dangers les plus graves liés à la combustion du charbon : les particules fines . En 2016, vous aviez pourtant parlé de ce grave problème (http://huet.blog.lemonde.fr/2016/07/05/les-morts-du-charbon-en-europe/)
    Cette focalisation sur le CO2 me rappelle l’époque ou le carburant diesel était mis en avant comme le carburant propre et miraculeux. L’argument était la moindre émission de CO2 en oubliant les particules fines.(article de 1997 )http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/03/30/diesel-et-sante-comment-le-rapport-du-cnrs-a-ete-enterre_4892103_3244.html). A l’époque, soit disant tout le monde était d’accord, il y avait le fameux consensus. Aujourd’hui, 20 ans après, le diesel est rejeté. 400000 morts par an en Europe dus aux particules fines, cela donne à réfléchir !! Est ce que les émissions de GES sont le problème prioritaire ?
    Un livre intéressant sur le sujet (je n’ai pas de royalties) : « le climat qui cache la foret »de Guillaume Sainteny (Rue de l’échiquier)
    « seuls les poissons morts nagent avec le courant »
    Salutations

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  3. 2/2

    https://www.planetoscope.com/mortalite/53-nombre-de-deces-prematures-en-europe-dus-a-la-pollution-de-l-air.html
    Pollution atmosphérique : combien de morts en Europe ? 520 400
    Dans son rapport du 11 octobre 2017, l’Agence européenne de l’environnement estime à 520 400 décès prématurés l’impact de la pollution atmosphérique sur le continent européen, dont 487 600 au sein de l’Union européenne. Une lente amélioration dans un contexte de désastre écologique et sanitaire.
    Chaque minute un Européen meure prématurément à cause de la pollution atmosphérique !
    Les polluants qui font le plus de victimes sont dans l’Union européenne :
    • les particules fines (PM2,5, de diamètre inférieur à 2,5 µm micromètres) : 399 000 décès
    • le dioxyde d’azote (NO2) : 75 000 décès
    • l’ozone (O3) : 13 600 décès.
    Pollution atmosphérique par pays.
    Pays le plus peuplé d’Europe, c’est l’Allemagne qui subit le plus grand nombre de décès à cause de la pollution atmosphérique avec 81 160 morts devant l’Italie (79 820), le Royaume-Uni (52 240).
    Quelques articles :
    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/22/en-allemagne-le-charbon-n-a-pas-remplace-le-nucleaire_5066912_4355770.html#bYFwBPSz3sXT23ac.99
    « Une étude publiée le 5 juillet 2016 par quatre ONG précise que l’exploitation des centrales à charbon provoque 23 000 morts prématurées chaque année. La Pologne (4 690 morts) et l’Allemagne (2 490 morts) sont les pays les plus touchés par la pollution au charbon générée sur leurs propres territoires. La France, quant à elle, est le pays le plus touché par la pollution provenant de l’étranger (1 200 décès annuels sur 1 380). »
    http://www.parismatch.com/Actu/Environnement/La-Pologne-se-meure-sous-la-pollution-atmospherique-liee-au-charbon-1182509
    « Selon une étude de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publiée en 2016, la pollution atmosphérique – due en grande partie au chauffage au charbon – a eu pour effet quelque 50 000 décès prématurés par an en Pologne, un pays de 38 millions d’habitants. »
    https://www.chine-magazine.com/charbon-cause-principale-de-deces-lies-a-pollution/
    Selon une étude menée à Beijing par des chercheurs chinois et américains, les conséquences de la combustion de charbon sont néfastes pour la santé, en 2013, la pollution atmosphérique due à la combustion de charbon a causé la mort de 366’000 personnes.
    Ces derniers ont démontré que les fines particules PM 2.5 présentes dans l’air proviennent à 40 % de la houille. Cette étude a été entrepris grâce à la collaboration entre l’Université Tsinghua University, à Beijing et le Health Effects Institute de Boston.

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    1. Merci penseur saumon d'avoir remonté le courant pour retrouver cet article de Huet ; oui les particules sont un problème, mais elles font infiniment moins de victimes que ce que nous aurons à déplorer avec le réchauffement de la planète si la température monte encore de 3° ou plus, là on pourra vraiment se faire du souci à l'échelle mondiale et pas seulement là où les particules font des dégâts ; je pense que les Africains, entre autres, seront assez peu concernés par les particules, par contre ils seront impactés de plein fouet par la hausse des températures ; les particules sont en fait un problème de pays riches (ou faisant tout pour y parvenir, comme la Chine)

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