mardi 19 janvier 2016

Sapiens et le troisième chimpanzé

Je viens de terminer la lecture du livre de Yuval Noah Harari, Sapiens : Une brève histoire de l'humanité.

Je ne compte pas ici en faire une critique ou un résumé, je laisse cela à plus doués que moi, mais je ferai quelques remarques à son propos.

Il se trouve que j'avais lu très peu de temps auparavant le livre de Jared Diamond, Le troisième chimpanzé : Essai sur l'évolution et l'avenir de l'animal humain. Or j'ai été, du moins dans la première partie de Sapiens, confronté à un sentiment de déjà vu, quelque chose comme du plagiat habilement présenté, comme si Harari avait fait du copié/collé de Diamond en reformulant simplement ses propos.

En fait le seul avantage de Sapiens semble être sur beaucoup de plans son plus jeune âge, prenant en compte en 2014 des connaissances inconnues lors de la sortie en 1992 du Troisième chimpanzé, même si Jared Diamond avait ajouté en 2006 quelques notes sur les découvertes effectuées depuis la sortie de son livre, par exemple que Neandertal n'était pas la brute épaisse qu'il décrivait dans sa version initiale (mais en 1992 tout le monde pensait comme cela et Jared Diamond ne faisait que reproduire l'état de la science à cette époque)

Cela dit la deuxième partie de Sapiens est plus originale et représente un excellent complément au Troisième chimpanzé.

Un point m'a cependant gêné chez Harari, c'est quand, dans le chapitre 18 intitulé Une révolution permanente, il affirme :
  • Les ressources à la disposition de l'humanité (voir chapitre 17) ne cessent de croitre et continueront probablement sur cette lancée. Aussi les prophètes de malheur qui invoquent la rareté des ressources se fourvoient-ils vraisemblablement.
Dans le chapitre 17 précédent Harari nous explique que l'homme (i.e. Sapiens) a toujours su faire preuve de l'imagination nécessaire afin de se sortir de chaque problème nouveau posé par son évolution et notamment par la croissance quasi exponentielle existant depuis le début de la Révolution industrielle.

Il me semble que ce genre d'explication ressemble plus ou moins à ce que par exemple les climatosceptiques nous sortent quand ils disent que "le climat a toujours changé" et que par conséquent nous n'avons pas à nous préoccuper du réchauffement climatique actuel (que Harari ne conteste d'ailleurs pas, soit dit au passage)

Je ne vois pas pourquoi, du fait que jusqu'à présent l'homme a su se débrouiller et trouver les ressources nécessaires afin de satisfaire ses besoins toujours croissants, il devrait obligatoirement en être de même jusqu'à la fin des temps.

D'ailleurs on peut remarquer qu'Harari finit sa phrase par l'adverbe vraisemblablement...qui n'a pas tout à fait le même sens que l'adverbe certainement...On peut par conséquent en déduire qu'Harari prend quelques précautions de langages au cas où dans un proche avenir (et Harari n'a que 40 ans...) on pourrait lui reprocher de s'être fourvoyé sur ce point particulier.

Mais dans l'ensemble Harari reste toujours très factuel et ce qu'il expose dans Sapiens est solidement argumenté, même si ses références font pâle figure par rapport à celles de Diamond!

Je conseillerais donc à tout lecteur intéressé de lire en premier Le troisième chimpanzé avant d'attaquer Sapiens. A chacun ensuite de tirer ses propres conclusion sur les "analogies" entre les deux.

A noter quand même que Jared Diamond, beau joueur quand même, laisse ces mots en quatrième de couverture de Sapiens :
  • Sapiens s'est rapidement imposé partout dans le monde, parce qu'il aborde les plus grandes questions de l'histoire moderne dans une langue limpide et précise.
Et Jared Diamond sait de quoi il parle, puisqu'il semble être le principal inspirateur de Yuval Noah Harari!

Pour finir, je conseillerais également de compléter la lecture de ces deux ouvrages par le livre de Joseph Stiglitz, Le prix de l'inégalité, afin de faire un zoom avant sur la condition humaine de nos jours, même si Stiglitz parle essentiellement de son pays, les USA, mais ce qu'il écrit est largement applicable à quasiment la terre entière; où l'on verra que Sapiens, le troisième chimpanzé, est sur le point d'atteindre le but que craignent et anticipent Diamond et Harari, à savoir porter des coups fatals à la civilisation telle que nous la connaissons actuellement. Un peu de patience, attendons encore quelques décennies (une décennie, qu'est-ce que c'est au regard de l'histoire de l'humanité?) et nous serons fixés sur la clairvoyance, ou l'aveuglement, de nos auteurs et du genre humain.