dimanche 31 octobre 2021

C'est confirmé, Michel de Lorgeril est vraiment nul en maths

 C'est dimanche et je vais faire court.

Lu dans les commentaires de Le point de la pandémie au 30 Octobre 2021 : panique générale et idiotie généralisée !, un énième billet de de Lorgeril lui permettant de démontrer une fois de plus à quel point il se démarque de la communauté médicale et scientifique par son génie méconnu :

  • Michel de Lorgeril RÉPONDRE

    « Explications et analyse de la rédaction de la VRT »
    Amusant !
    sans doute des chasseurs de « fake news »…
    Cela dit, avec les flamands on peut s’attendre à tout, demandez au grand Jacques !

  • Yves RÉPONDRE

    Sachant que
    – 70 % des Flamands hospitalisés pour cause de Covid sont vaccinés,
    – 90 % de la population générale des Flamands sont vaccinés,
    on peut en déduire que le vaccin a « une certaine » efficacité.
    J’ai juste ?

    • Michel de Lorgeril RÉPONDRE

      C’est votre « certaine » qui nécessite clarification…


L'explication est pourtant claire, elle figure en toutes lettres dans l'article donné en lien :

Il faut savoir qu’au nord du pays, 90% de la population adulte est complètement vaccinée. Seulement 10% ne l'est donc pas. Or, actuellement, parmi les personnes non-vaccinées, 30% de celles atteintes du virus sont hospitalisées, contre 7,8% parmi les patients vaccinés. Les personnes vaccinées ont donc clairement moins de chances de se retrouver à l’hôpital.
On pourrait rajouter que si 100% de la population était vaccinée alors 100% des personnes hospitalisées seraient vaccinées, tout en ajoutant qu'elles développeraient des formes moins graves et seraient contagieuses moins longtemps que si elles n'avaient pas été vaccinées.


Autre chose qui n'a rien à voir avec ce qui précède (quoique), si vous recherchez le mot « idiot » dans le billet en question vous trouverez en tout pas moins de 7 occurences sous la plume du « bon » docteur, certaines incluant idiotie ; pour de Lorgeril on est idiot si l'on ne pense pas comme lui :

Le point de la pandémie au 30 Octobre 2021 : panique générale et idiotie généralisée !

Au moment où se discute la prolongation du passe sanitaire en France (utilité sanitaire, légitimité scientifique, manœuvre politicienne, idiotie caractérisée, panique feinte ou réelle…), l’examen de la situation épidémique s’impose.

C’est ce que j’appelle une « idiotie généralisée » !

Et dans les commentaires :

Vous avez raison ; ce sont les arguments des « idiots » en série…

L’idiot de service dira que c’est grâce à la vaccination que la 4ème vague a été faible au Portugal mais le scientifique, se référant au cas Israël où la 4ème vague a été forte malgré la vaccination, dira plutôt que c’est l’évolution normale de toute épidémie de s’amoindrir avec le temps…

Prétexter un passe sanitaire en France à partir des données roumaines, c’est ce que j’appelle de « l’idiotie généralisée » ; mais ça ne s’applique pas à vous puisque je sais que vous faites exprès de me provoquer !

Si les vaccins étaient efficaces à 85 ou 95% (ça dépend des idiots qui racontent), les données seraient homogènes, les israéliens n’en seraient pas leur 3ème dose et les américains ne seraient pas en train de discuter la 4ème dose…


Tout le monde est l'idiot d'un autre, mais apparemment de Lorgeril en connait bien plus que le commun des mortels. Il doit avoir un don.


samedi 30 octobre 2021

Après Claude Allègre et Vincent Courtillot voici venir Pascal Richet

 L'Histoire (avec un grand H) est condamnée à se répéter, dit-on, et c'est un Belge qui nous dit qu'elle se répète tout comme la bêtise !

Ainsi nous avons eu Claude Allègre, puis dans la foulée Vincent Courtillot qui nous ont affirmé que le réchauffement climatique causé par les humains était une vaste blague, puisqu'il est évident que c'est le soleil qui nous chauffe et non un quelconque gaz satanique. Maintenant nous voyons apparaitre un nouveau venu en la personne d'un certain Pascal Richet qui n'y va pas par quatre chemins : d'après lui c'est la température qui commande au CO₂ et non l'inverse comme on nous le serine à longueur de COP et de rapports du GIEC que personne ne lit vraiment tellement c'est même pas vrai.

Selon Pascal Richet ce serait donc la hausse des températures qui aurait causé la révolution industrielle. Pour le dire autrement, si une centrale à charbon émet du CO₂ c'est parce que la température augmente. Cqfd.

Le plus drôle dans l'histoire (avec un petit h, mais qui se répète aussi) c'est que ces trois éminents scientifiques appartiennent, ou ont appartenu, à l'IPGP, c'est-à-dire à l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Petite parenthèse ici : on en viendrait presque à se demander si l'IPGP et l'IHU de Marseille ne s'entendraient pas en secret afin de disqualifier la recherche scientifique française, l'un dans le domaine des sciences de la Terre et l'autre dans celui de la médecine. Mais je dois m'égarer, donc je m'empresse de refermer cette petite parenthèse.

Il se trouve que Pascal Richet a tenté de publier récemment, en mai dernier, un papier intitulé The temperature–CO₂ climate connection: an epistemological reappraisal of ice-core messages (La connexion climatique température-CO₂ : une réévaluation épistémologique des messages des carottes de glace), malheureusement pour lui sa copie a été retoquée et n'a pas passé le barrage impitoyable de la revue par les pairs, pauvre chou !

Il faut dire qu'il y avait de quoi se poser des questions au sujet du sérieux d'une « étude » qui aurait plutôt eu sa place dans les pages du Gorafi ou, pourquoi pas, dans les colonnes de France Soir, avec quelques commentaires élogieux dispensés sur CNews ou Sud Radio, bref là où la science est mise sur un piédestal...branlant afin d'être à la disposition du plus grand nombre...de gogos...

Hormis l'anecdote sur la poule et l'oeuf qui inverse habilement la cause et l'effet en attribuant la hausse du CO₂ à celle de la température (c'est bien connu, plus vous avez chaud et plus vous émettez des gaz à effet de serre) nous avons droit dans le papier de Richet à une postface grandguignolesque puisque nul autre que Buffon est convoqué pour vous convaincre de ses idées biscornues (celles de Richet, pas de Buffon) :

Regardless of any particular interpretation of the climate record, it seems appropriate to give the last word to the famous naturalist Georges-Louis Leclerc, Earl of Buffon (1749). Himself a mathematician by training, Buffon (1749) voiced a strong warning very early on about the misuses of what are now called models by expounding in the Initial Discourse of his monumental Natural History the “difficulties one finds when attempting to apply geometry or calculations to physical subjects that are too complicated.”
Indépendamment de toute interprétation particulière des données climatiques, il semble approprié de donner le dernier mot au célèbre naturaliste Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1749). Mathématicien de formation, Buffon (1749) a très tôt mis en garde contre les abus de ce que l'on appelle aujourd'hui les modèles en exposant, dans le Discours initial de sa monumentale Histoire naturelle, les "difficultés que l'on rencontre quand on veut appliquer la géométrie ou le calcul à des sujets physiques trop compliqués".

Moi je dis chapeau l'artiste, faire appel à un savant du 18ème siècle pour discréditer les modèles climatiques actuels, faut quand même oser et il a osé, après faut pas s'étonner que sa copie n'ait pas obtenu la moyenne, comme nous l'indique le site History of Geo- and Space Sciences qui avait la charge écrasante d'évaluer le torch..., le brouillon de Richet :

The manuscript HGSS-2021-1, posted as journal article on 26 May 2021, was removed on 10 September 2021 after applying a post-publication review that resulted in a rejection of the manuscript.
Le manuscrit HGSS-2021-1, publié en tant qu'article de journal le 26 mai 2021, a été retiré le 10 septembre 2021 après avoir fait l'objet d'un examen post-publication qui a abouti au rejet du manuscrit.
On nous dit qui a rejeté l'article en question et pourquoi :
The post-publication review was handled by Jean-Claude Duplessy as editor. 7 referees were called and submitted their report – 6 of these anonymous, 1 eponymous – between 28 June and 30 August 2021. In the interest of transparency, the 7 referee reports are provided in 1 merged document. Based on these 7 referee reports, the editor decided on 31 August 2021 to reject the manuscript.
La revue post-publication a été assurée par Jean-Claude Duplessy en tant qu'éditeur. 7 arbitres ont été appelés et ont soumis leur rapport - 6 d'entre eux anonymes, 1 éponyme - entre le 28 juin et le 30 août 2021. Dans un souci de transparence, les 7 rapports des arbitres sont fournis dans 1 document fusionné. Sur la base de ces 7 rapports d'arbitres, le rédacteur en chef a décidé le 31 août 2021 de rejeter le manuscrit.
Les raisons du rejet sont donc exposées dans 2021-08-30_hgss-2021-1_referee-reports-merged.pdf (history-of-geo-and-space-sciences.net), un papier assez long que chacun pourra consulter afin de vérifier la justesse de la décision du jury ; je ne mentionnerai ici que le tout début afin de vous allécher, surtout qu'en seulement quelques mots le pitch de l'histoire (encore !) vous est révélé :
This paper analyses temperature, CO₂ and CH₄ from the Vostok ice core over the last 423 kyr. It comes to some conclusions on cause and effect and argues that there is only a minor feedback from CO₂ on temperature, from which the author concludes: "If not refuted, the demonstration indicates that the greenhouse effect of CO₂ on 20th century and todayʼs climate remains to be documented". This is a very strong statement. Unfortunately, it is wrong in many ways [...] Briefly, in a few words: Just looking at time series of CO₂ and temperature over a few glacial cycles (and their leads/lags and correlations) is a much too simple approch to understand the natural carbon cycle and fails for principle reasons to say anything about the anthropogenic (recent) global warming.
Cet article analyse la température, le CO₂ et le CH₄ de la carotte de glace de Vostok au cours des 423 000 dernières années.  
Il arrive à certaines conclusions sur la cause et l'effet et soutient qu'il n'y a qu'une rétroaction mineure du CO sur la température, ce qui permet à l'auteur de conclure : "Si elle n'est pas réfutée, la démonstration indique que l'effet de serre du CO sur le climat du 20ème siècle et dʼaujourdʼhui reste à être documenté".
Il s'agit d'une déclaration très forte. Malheureusement, elle est fausse à bien des égards [...]. Brièvement, en quelques mots : Se contenter d'examiner les séries chronologiques de CO et de température sur quelques cycles glaciaires (ainsi que leur avance/retard et leurs corrélations) est une approche beaucoup trop simple pour comprendre le cycle naturel du carbone et ne permet pas, pour des raisons de principe, de dire quoi que ce soit sur le (récent) réchauffement climatique anthropique.

Ce qui est tout de même énervant dans l'affaire c'est que nous avons toujours les mêmes abrutis qui relaient l'information en la transformant sur le mode complotiste du « il a été baillonné parce qu'il disait la vérité » qui est le petit frère du « on nous cache tout on nous dit rien » mais « moi je vais tout vous révéler parce que je connais la vérité et que vous méritez de savoir que vous êtes manipulés » !

Ainsi l'inénarrable Jacques Henry ne peut s'empêcher d'y aller de son petit air de pipeau dans Climat : censure à tous les étages :

l’un des derniers articles de synthèse de Pascal Richet au sujet duquel j’avais laissé un billet sur ce blog en juin dernier vient d’être censuré par un organisme allemand basé à Göttingen appelé Copernicus Publications.

Parce que n'est-ce pas, si un article ne passe pas la revue par les pairs c'est que forcément il est censuré, hein ! Dans la même idée si un original essaie de publier un article sur la Terre plate ou la Lune creuse il sera lui-aussi censuré, peut-être même emprisonné, torturé, exécuté, on n'en est pas à une ignominie près.

D'ailleurs Jacques Henry ne s'y trompe pas (il est finaud Jacquot) et il a bien vu que l'on visait tous les immenses scientifiques que la France compte dans ses rangs :

il faut que les articles scientifiques soient conformes aux orientations politiques. Comme dans le cas des avanies mises en ligne par certains investigateurs vicieux au sujet des travaux du Professeur Didier Raoult relatifs au SARS-CoV-2 l’organisme Copernicus, mandaté par les politiciens convaincus de la validité de l’effet du CO2 sur l’évolution du climat, a fini par trouver une faille dans l’article de Richet. [...] Les pays occidentaux sont donc confrontés aujourd’hui à une censure organisée par des officines idéologiquement orientées qui agissent sur ordre des décideurs politiques.
C'est clair comme de l'eau de roche, ce sont les politiques, et tout particulièrement les écologistes, qui tirent les ficelles et harcèlent de braves chercheurs qui ne font que leur travail de chercheur, même s'ils ne trouvent pas grand chose, mais ça c'est accessoire et on ne va pas en faire un fromage.

Et notre brave lanceur d'alerte Jacques Henry a les commentateurs qui vont avec la choucroute qu'il nous sert, par exemple celui-ci  :
Le 2 octobre 2021 à 17 h 24 min, Paul-Emic a dit :

En peu de mots : nous assistons tout simplement à la fin de la science .
Effectivement il n'y a aucune polémique sur le fait que la science ne passera pas par le blog de Jacques Henry, pas plus que chez notre mathématimancien préféré Benoit Rittaud qui a lui-aussi cru bon d'intervenir avec deux articles qui feront date, ALERTE MAJEURE ! Suite à des pressions, l’article de Pascal Richet n’est plus accessible ! et EXCLU : un climategate français a commencé !, qui relatent les déboires du pôvre Richet.

Bon, quand on sait ce qu'il en est du fumeux Climategate de 2009 qui n'avait pour seul but que de torpiller la COP-15 qui allait se tenir à Copenhague, on peut tranquillement dormir sur ses deux oreilles, Rittaud comme d'habitude en fait des tonnes pour aguicher son public de décérébrés, ce qui marche pour la grande majorité de celui-ci comme on peut le voir avec ces quelques exemples :
Le 29 octobre 2021 à 1 h 49 min, Cédric Moro a dit :
Souhaitons courage, détermination et succès à M. Richet et espérons que cet événement hors-norme en Sciences serve prochainement de leçon aux revues scientifiques qui décideraient elles-aussi à s’aventurer dans ce type de censures déliquescentes.
Le 29 octobre 2021 à 13 h 38 min, Philippe Catier a dit :
Bravo. On croise les doigts pour que cette affaire puisse faire assez de bruit de manière à sortir de l’Omerta et eclairer les manipulations qui frappe la science.C’est pas gagné ! L’asphyxie des contradicteurs , leur decredibilisation est toujours à l’ordre du jour.
Il est en effet bienvenu de nous intéresser qu’aux principes de la science et de la liberté d’expression en général sans s’enfoncer dans les arguties climatiques
Le 29 octobre 2021 à 23 h 34 min,aztoros a dit :
Avec le CO2 quasi saturé dès 0.01 %, faut-il encore parler d’effet de serre après cette valeur ?
Il s’agit bien de science et pas seulement de politique : la science se doit d’accepter la controverse et que les réponses à chaque argument soit apportées en toute transparence.
Le 29 octobre 2021 à 19 h 42 min, JR a dit :
Bonjour, cette situation est extrêmement inquiétante. S’agit-il d’un nouveau Climategate en perspective ? Pascal Richet, n’hésitez pas à faire appel à nous pour vous soutenir, diffuser, informer ou le cas échéant, porter plainte au cas ou vous n’obtiendriez la réhabilitation de votre publication. Cette démonstration nous ramène aux heures les plus sombres de notre histoire (ou l’on brulait les livres). Le mélange des genres, science/politique, n’augure pas un lendemain heureux pour la science, la recherche et les scientifiques eux mêmes. Sauf à revenir au temps ou le clergé décidait de tout et même que la terre devait rester plate. Le nouveau clergé ne se nommerait-il pas le Giec, Monsieur Jean Jouzel verrait ce retour en arrière d’un bon œil ! La censure, outils indémodable, serait t-elle l’arme des falsificateurs à cours d’arguments ? Pascal Richet tenez bon, courage à vous, vous avez tout notre soutien. Merci. Bien à vous. JR
Le 29 octobre 2021 à 20 h 24 min, Murps a dit :
« S’agit-il d’un nouveau Climategate en perspective ? » demandez-vous ?
Compte tenu de l’effet du Climategate original, on peut se demander ce que ça va changer…
Les frasques de Mann, Hansen et Jones autour des bidouillages de températures n’ont jamais, au grand jamais, été évoqués dans les média francophones.
Un véritable déni d’information.
Je vous l'avais bien dit, on nous cache tout, on nous dit rien, seul Murps est suffisamment clairvoyant pour apercevoir la petite lueur de vérité qui scintille au bout du tunnel. Le seul problème c'est que Murps ne voit pas que dans son dos le tunnel est éclairé (vous vous rappelez, l'histoire du fou qui cherche ses clefs sous un réverbère parce que c'est là qu'on y voit le mieux, alors que le climatosceptique les cherche dans l'obscurité alors qu'elles sont bien visibles sous le réverbère)


Climactualités - octobre 2021

 Avant d'attaquer les graphiques habituels, ainsi que quelques nouveaux que je juge intéressants, voici quelques bases afin de bien se représenter les véritables enjeux. Je ferai référence ici aux travaux de James Hansen et al. publiés en 2013 : Climate sensitivity, sea level and atmospheric carbon dioxide (Sensibilité du climat, niveau de la mer et dioxyde de carbone atmosphérique) ; j'ai choisi cette étude pour différentes raisons :

  • elle est en accès libre et peut donc être consultée par tout un chacun ;
  • James Hansen est une référence dans le monde de la climatologie ;
  • le sujet traité correspond aux nouveaux graphiques que j'introduis dès ce mois dans mes « climactualités ».
Voici trois ensembles de graphiques qu'il convient de comparer et mettre en perspective :


Evolution du CO₂ durant les 65 derniers millions d'années.

Sur le graphique du haut la barre horizontale représente la moyenne de la concentration en CO₂ durant  la première partie de l'Holocène, fixée à 260 ppm, soit 20 ppm de moins que la concentration « préindustrielle » de 280 ppm.


Evolution de la température en fonction des concentrations en CO₂ du graphique précédent.


Evolution du niveau des mers durant les 35 derniers millions d'années.

Deux constatations importantes à ce niveau :

  1. Durant les 60 derniers millions d'années quand le CO₂ était élevé les températures l'étaient également, et inversement quand le CO₂ a commencé à diminuer il y a 50 millions d'années les températures ont suivi la même voie ;
  2. Pour les 35 derniers millions d'années une diminution de quelques 5°C (de 20°C à 14-15°C environ) de la température de surface a entrainé une baisse du niveau des mers de plus de 100 mètres.
La deuxième constatation est à mettre en regard de la prévision pour l'an 2100 d'une hausse d'environ 3°C par rapport à la période préindustrielle, sachant que durant le 22ème siècle il est assez probable que les +5°C seront atteints...

Ces graphiques sont issus d'un papier dont on peut contester les détails et notamment les calculs concernant la sensibilité climatique, cependant il faut avant tout s'attacher aux grandes lignes et se dire que même si Hansen se trompait de 50% cela ne changerait pas fondamentalement ce qui nous attend.

Maintenant voici les nouveaux graphiques que vous trouverez chaque mois, suivis des anciens dont vous avez l'habitude.

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Concentration de l'atmosphère en CO₂


Moyenne mensuelle récente du CO₂ à l'observatoire de Mauna Loa.


Variation de la concentration en CO₂ depuis 1960.


Les lignes et symboles rouges représentent les valeurs moyennes mensuelles, centrées sur le milieu de chaque mois. Les lignes et symboles noirs représentent les mêmes valeurs, après correction pour le cycle saisonnier moyen.

Taux de croissance annuel moyen du CO₂ au Mauna Loa.

Ce graphique montre les taux de croissance annuels moyens du dioxyde de carbone pour Mauna Loa. Les moyennes décennales du taux de croissance sont également représentées par des lignes horizontales pour les années 1960 à 1969, 1970 à 1979, et ainsi de suite.


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Données de températures du HadCRUT britannique

Temperature data (HadCRUT, CRUTEM,, HadCRUT5, CRUTEM5) Climatic Research Unit global temperature (uea.ac.uk)

Anomalies de température terrestres [CRUTEM5] et marines [HadSST4] combinées sur une grille de 5° par 5° avec une plus grande couverture géographique par remplissage statistique (Morice et al., 2021).

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Données de températures de la NOAA

Climate Change: Global Temperature | NOAA Climate.gov

Température annuelle de surface comparée à la moyenne du XXe siècle de 1880 à 2020.


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Elévation du niveau moyen des mers

Mean Sea Level: Aviso+ (altimetry.fr)

Niveau moyen global de référence (GMSL) basé sur les données des missions TopEx/Poseidon, Jason-1, Jason-2 et Jason-3 de janvier 1993 à aujourd'hui, après élimination des signaux annuels et semi-annuels et application d'un filtre de 6 mois. En appliquant la correction du rebond postglaciaire (-0,3 mm/an), l'élévation du niveau moyen des mers a ainsi été estimée à 3,5 mm/an avec une incertitude de 0,4 mm/an.


Tendance régionale du niveau de la mer sur la période 1993 à aujourd'hui (en mm/an) à partir des données multi-missions Ssalto/Duacs.


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GISS L-OTI anomalies de températures vs 1881-1910

data.giss.nasa.gov

Anomalies de températures pour le mois de septembre 2021 par rapport à la période de référence 1881-1910.

Rappel des années précédentes (à partir de 2016, année la plus chaude) avec leur classement :

  • année 2020 : 1.24 => 2
  • année 2019 : 1.21 => 3
  • année 2018 : 1.08 => 5 
  • année 2017 : 1.17 => 4 
  • année 2016 : 1.26 => 1


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Polar Science Center

psc.apl.uw.edu

Evolution du volume de la banquise arctique de PIOMAS par rapport à la moyenne de la période 1979-2020.

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Arctic Data archive system (ADS)

ads.nipr.ac.jp/vishop/#/extent

Evolution de la banquise arctique.

Evolution de la banquise antarctique.

Evolution globale des deux banquises arctique et antarctique.


Historique des Climactualités (l'Arctique est mentionné en premier ; en bleu les valeurs minimalesen jaune les maximales ; la valeur entre parenthèses est la variation par rapport à l'année précédente)


Moyenne des années 1980 à la même date : 9,71 + 17,51 = 27,21

Octobre 2021 : 7,97 + 16,98 = 24,94 (+0,99)
Septembre 2021 : 5,04 + 18,04 = 23,08 (+0,20)
Août 2021 : 5,05 + 18,57 = 23,62 (+1,14)
Juillet 2021 : 6,38 + 17,39 = 23,77 (+1,48)
Juin 2021 : 9,09 + 14,81 = 23,90 (+0,33) 
Mai 2021 : 11,29 + 11,66 = 22,95 (+0,54)
Avril 2021 : 12,82 + 8,48 = 21,3 (+0,78)
Mars 2021 : 13,62 + 5,53 = 19,15 (+0,65)
Février 2021 : 13,73 + 3,02 = 16,75 (-0,35)
Janvier 2021 : 13,43 + 3,50 = 16,92 (-0,13)
Décembre 2020 : 12,07 + 7,07 = 19,14 (+0,23)
Novembre 2020 : 9,71 + 14,19 = 23,90 (+0,77)
Octobre 2020 : 6,02 + 17,94 = 23,95 (-0,33)
Septembre 2020 : 4,08 + 18,81 = 22,88 (+0,22)
Août 2020 : 4,06 + 18,43 = 22,48 (+0,26)
Juillet 2020 : 5,78 + 16,51 = 22,29 (-0,17)
Juin 2020 : 9,18 + 14,39 = 23,57 (+0,80)
Mai 2020 : 10,83 + 11,58 = 22,41 (+1,35)
Avril 2020 : 12,60 + 7,92 = 20,52 (+1,30)
Mars 2020 : 13,56 + 4,94 = 18,50 (+0,94)
Février 2020 : 14,30 + 2,81 = 17,10 (+0,64)
Janvier 2020 : 13,63 + 3,42 = 17,05 (+0,56)
Décembre 2019 : 12,26 + 6,65 = 18,91 (+0,99)
Novembre 2019 : 9,85 + 13,27 = 23,13 (-0,67)
Octobre 2019 : 7,06 + 17,21 = 24,28 (+0,01)
Septembre 2019 : 4,31 + 18,35 = 22,66 (-0,03)
Août 2019 : 4,34 + 17,89 = 22,23 (-0,27)
Juillet 2019 : 6,08 + 16,39 = 22,46 (-0,65)
Juin 2019 : 9,09 + 13,68 = 22,77 (-1,01)
Mai 2019 : 10,88 + 10,18 = 21,06 (-0,61)
Avril 2019 : 12,56 + 6,66 = 19,22 (+1,07)
Mars 2019 : 13,73 + 3,83 = 17,56 (+0,19)
Février 2019 : 14,02 + 2,44 = 16,46 (+0,47)
Janvier 2019 : 13,48 + 3,01 = 16,49 (+0,35)
Décembre 2018 : 11,85 + 6,07 = 17,92 (-0,97)
Novembre 2018 : 10,54 + 13,26 = 23,8 (+0,48)
Octobre 2018 : 7,18 + 17,09 = 24,27 (-0,82)
Septembre 2018 : 4,68 + 18,01 = 22,69
Août 2018 : 4,8 + 17,7 = 22,5
Juillet 2018 : 6.67 + 16.44 = 23.11
Juin 2018 : 9.19 + 14.59 = 23.78
Mai 2018 : 11.02 + 10.65 = 21.67
Avril 2018 : 12.82 + 6.33 = 18.15
Mars 2018 : 13.87 + 3.50 = 17.37
Février 2018 : 13.68 + 2.31 = 15.99
Janvier 2018 : 12.68 + 3.46 = 16.14
Décembre 2017 : 11.76 + 7.13 = 18.89
Novembre 2017 : 10.07 + 13.25 = 23.32
Octobre 2017 : 7.82 + 17.27 = 25.09
Septembre 2017 : pas de stats


vendredi 22 octobre 2021

Petitesse et décadence d'un docteur antivax

 Quand un article scientifique ne vous plait pas parce qu'il expose quelque chose qui ne va pas dans le sens où vous voudriez qu'il aille, vous pouvez faire alors comme de Lorgeril dans Grandeur et décadence de la modélisation mathématique en santé publique : 

Je vais prendre un exemple simple à partir d’un article récent paru dans la prestigieuse revue scientifique britannique NATURE (ci-dessous).

J’ai pris la précaution de mettre « prestigieuse » en italique tant cette revue a vu son niveau scientifique s’effondrer ces derniers mois.

N'est-ce pas splendide ?

On sait maintenant que de Lorgeril n'aime pas la vaccination contre le Covid-19, entre autres, par conséquent pour lui toutes les études qui tendent à montrer que celle-ci fonctionne sont forcément à jeter à la poubelle, et les revues qui les publient sont forcément en train de s'effondrer, cela coule de source !

L'article en question dont de Lorgeril montre le début est celui-ci : COVID reinfections likely within one or two years, models propose (Les modèles suggèrent une réinfection du COVID d'ici un ou deux ans) ; et qu'est-ce qui déclenche sa moue de mécontentement ? Je vous le donne en mille :

Comme la COVID-19 a moins de 24 mois d’existence, nos puissants statisticiens ne peuvent évaluer le risque de réinfection à deux ans après une première infection sur des données réelles.

Ils vont donc modéliser à l’aide d’outils mathématiques et de quelques données éparses récoltées à tort et à travers dans différentes bases de données récentes ou anciennes.

Dans le langage moderne des académiciens, on appelle ça parfois « intelligence artificielle » ou encore « deep learning » ou encore « autre chose » ; mais je ne retiendrais que les adjectifs « artificiel » et « deep » [profond en français] pour donner mon impression générale : ce type de travail est profondément artificiel !

Notre bon docteur ne croit qu'en la médecine « traditionnelle », celle qui soigne les patients, donc que des modèles soient utilisés par des mathématiciens c'est vraiment trop pour lui, même si, comme il l'explique d'ailleurs très bien, ces modèles ne sont utilisés que parce que nous n'avons pas assez de recul sur la maladie et que les scientifiques ont quand même envie d'avoir une certaine vision de l'avenir pour appréhender l'evolution de l'épidémie, ce qui intéresse par ailleurs également les autorités politiques qui doivent gérer la situation ; rien n'est plus malsain que d'être comme un aveugle qui tenterait de s'orienter une nuit sans lune dans un labyrinthe non éclairé, on préfère avoir une estimation grossière du parcours à emprunter plutôt que de rester dans l'inconnu total.

Comme le dit l'adage utilisé notamment en climatologie, « tous les modèles sont faux mais certains sont utiles » ; en effet, aucun modèle ne représentera jamais exactement la réalité, mais mieux vaut un modèle approximatif que pas de modèle du tout, tout comme une entreprise préfèrera établir un compte de résultat estimatif tout en sachant que la réalité pourra être assez différente, on appelle cela de la saine gestion à comparer avec du pilotage en aveugle (voir au-dessus l'histoire du labyrinthe...)

Mais est-ce que, comme le prétend de Lorgeril, les modélisateurs ont utilisé des « données éparses récoltées à tort et à travers dans différentes bases de données récentes ou anciennes » ?

Je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question mais je note le profond mépris de notre « bon » docteur pour des scientifiques qui ont publié un article révisé par les pairs dans une revue prestigieuse (sans guillemets ni lettres en italiques) telle que Nature dont Wikipédia nous dit qu'elle est

une revue scientifique généraliste de référence, à comité de lecture et publiée de manière hebdomadaire. C'est l'une des revues scientifiques les plus anciennes et les plus réputées au monde.

Mais aujourd'hui il ne fait pas bon pour certains de faire partie du consensus scientifique, c'est comme pour le climat ou d'autres sujets, quand on peut se démarquer et vendre des livres au passage, on sait qu'il y aura toujours suffisamment de « contestataires » pour les acheter, ce qui assurera un appréciable petit pécule qui mettra un peu de beurre dans le pinard quotidien.

Regardons quand même d'un peu plus près ce que nous dit l'étude dont il est question. Voici quelques extraits de l'article de Nature :

People who have been infected with SARS-CoV-2 can expect to become reinfected within one or two years, unless they take precautions such as getting vaccinated and wearing masks. That’s the prediction of modelling based on the genetic relationships between SARS-CoV-2 and other coronaviruses1.
Les personnes qui ont été infectées par le SRAS-CoV-2 peuvent s'attendre à être réinfectées dans un délai d'un ou deux ans, à moins qu'elles ne prennent des précautions telles que la vaccination et le port de masques. C'est ce que prédit une modélisation fondée sur les relations génétiques entre le SRAS-CoV-2 et d'autres coronavirus1.

Le 1 renvoie en fait sur la véritable étude qui est parue non pas dans la revue Nature, qui ne se fait ici que l'interprète, mais dans The Lancet Microbe et relayée par PubMedThe durability of immunity against reinfection by SARS-CoV-2: a comparative evolutionary study (La durabilité de l'immunité contre la réinfection par le SRAS-CoV-2 : une étude comparative évolutive)

La méthode utilisée est « clairement » indiquée, mais peut-être que de Lorgeril ne sait pas ce qu'est une analyse phylogénétique, ce qui expliquerait bien des choses ; voici un extrait des méthodes utilisées pour l'étude :

We conducted phylogenetic analyses of the S, M, and ORF1b genes to reconstruct a maximum-likelihood molecular phylogeny of human-infecting coronaviruses.
Nous avons effectué des analyses phylogénétiques des gènes S, M et ORF1b afin de reconstruire une phylogénie moléculaire de maximum de vraisemblance des coronavirus infectant l'homme.

Les paléoanthropologues utilisent justement cette méthode afin de remonter le passé et combler éventuellement les trous représentés par les fossiles manquants (voir par exemple Les analyses phylogénétiques informatisées : une révolution en Anthropologie ?) ; ces méthodes d'analyses phylogénétiques « informatisées » ne sont donc pas nouvelles, mais il semblerait que de Lorgeril ne soit pas au courant qu'elles existent et donnent d'excellents résultats.

Dans le cas présent qui nous occupe il ne s'agit évidemment pas de remonter dans le passé mais plutôt d'aller dans le futur avec ce système, même si les chercheurs se sont servis du passé pour entrer les données dans leur modèle afin de le faire fonctionner correctement. Ils se sont d'ailleurs inspirés d'autres études passées comme indiqué ici :

To estimate the durability of SARS-CoV-2 immunity, he and his colleagues wanted to understand how antibody levels from a previous infection affect the risk of reinfection. Data from an earlier study2 allowed the team to chart this effect over years for ‘endemic’, or continually circulating, coronaviruses that cause the common cold. But SARS-CoV-2 is too new for such long-term data to be available.

Pour estimer la durabilité de l'immunité contre le SRAS-CoV-2, ses collègues et lui ont voulu comprendre comment les niveaux d'anticorps d'une infection précédente influent sur le risque de réinfection. Les données d'une étude antérieure2 ont permis à l'équipe d'établir un graphique de cet effet sur plusieurs années pour les coronavirus " endémiques ", c'est-à-dire circulant en permanence, qui causent le rhume. Mais le SRAS-CoV-2 est trop récent pour que de telles données à long terme soient disponibles.

Le 2 renvoie vers Seasonal coronavirus protective immunity is short-lasting (L'immunité protectrice contre le coronavirus saisonnier est de courte durée) publié en novembre 2020 ; dans le résumé il est écrit que 

We monitored healthy individuals for more than 35 years and determined that reinfection with the same seasonal coronavirus occurred frequently at 12 months after infection.
Nous avons suivi des personnes en bonne santé pendant plus de 35 ans et déterminé que la réinfection par le même coronavirus saisonnier était fréquente 12 mois après l'infection.

35 ans ! Même si les coronavirus saisonniers (i.e. ceux qui causent les rhumes) ne sont pas exactement identiques au Covid-19, ce sont quand même des coronavirus ! Et 35 ans de recul c'est il me semble légèrement significatif...

Et Nature d'enchainer dans son  article :

The study looked at people who got COVID-19 in 2020, some of whom became reinfected in May or June 2021. It found that those who had not had a vaccine were more than twice as likely to get reinfected in that period as those who had both the virus and a vaccine3.
L'étude a porté sur des personnes ayant contracté le COVID-19 en 2020, dont certaines ont été réinfectées en mai ou juin 2021. Elle a révélé que les personnes qui n'avaient pas été vaccinées étaient deux fois plus susceptibles d'être réinfectées au cours de cette période que celles qui avaient été vaccinées et qui avaient été infectées par le virus3.

Le 3 nous renvoie vers Reduced Risk of Reinfection with SARS-CoV-2 After COVID-19 Vaccination - Kentucky, May-June 2021 (Réduction du risque de réinfection par le SRAS-CoV-2 après la vaccination par le COVID-19 - Kentucky, mai-juin 2021) et il n'est pas question ici du moindre modèle informatique, il s'agit de données issues d'observations réelles ; voici ce que dit le résumé :

Although laboratory evidence suggests that antibody responses following COVID-19 vaccination provide better neutralization of some circulating variants than does natural infection (1,2), few real-world epidemiologic studies exist to support the benefit of vaccination for previously infected persons.
Bien que les données de laboratoire suggèrent que les réponses en anticorps après la vaccination contre le COVID-19 neutralisent mieux certains variants circulants que l'infection naturelle (1,2), il existe peu d'études épidémiologiques en situation réelle pour étayer le bénéfice de la vaccination pour les personnes déjà infectées.
L'étude reconnait donc qu'« il existe peu d'études épidémiologiques en situation réelle », c'est pourquoi elle se propose de
details the findings of a case-control evaluation of the association between vaccination and SARS-CoV-2 reinfection in Kentucky during May-June 2021 among persons previously infected with SARS-CoV-2 in 2020. 
Détailler les résultats d'une évaluation cas-témoins de l'association entre la vaccination et la réinfection par le SRAS-CoV-2 au Kentucky en mai-juin 2021 chez des personnes précédemment infectées par le SRAS-CoV-2 en 2020.
Et de donner les résultats :
These findings suggest that among persons with previous SARS-CoV-2 infection, full vaccination provides additional protection against reinfection. 

Ces résultats suggèrent que chez les personnes ayant déjà été infectées par le SRAS-CoV-2, la vaccination complète offre une protection supplémentaire contre la réinfection.
Mais pour de Lorgeril cela fait partie des « quelques données éparses récoltées à tort et à travers dans différentes bases de données récentes ou anciennes » !


Je laisse à chacun le soin de juger de la pertinence des « réflexions » de notre immense médecin dont le blog surpasse de très loin des revues misérables telles que Nature ou The Lancet.


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Lectures additionnelles :


dimanche 17 octobre 2021

Leçon d'économie à l'attention de Jean-Marc Jancovici

 Dans Jean-Marc Jancovici n'est pas économiste, et ça se voit !, publié il y a près de quatre ans déjà, je me permettais, moi petit têtard pataugeant dans ma petite mare, de mettre en doute les compétences de Jean-Marc Jancovici en matière économique. Aujourd'hui je ne changerai quasiment aucun mot de ce billet, surtout après avoir lu un article d'un certain Louis Fréget, qui dans son profil nous dit :

Diplômé du bachelor et du master de recherche en économie de Sciences Po Paris, je suis actuellement doctorant en économie de la santé et de l'éducation à l'Université de Copenhague au Danemark. Je suis affilié à VIVE, le centre danois pour la recherche en sciences sociales, qui évalue l'impact de politiques publiques pour informer le gouvernement danois et le grand public.

L'article en question, publié le 30 juillet dernier sur le blog de Louis Fréget (Comment faire mentir les chiffres), s'intitule Jean-Marc Jancovici et le meilleur modèle macroéconomique du monde.

Je suis tombé dessus un peu par hasard, en suivant un fil Twitter commençant chez Cédric Villani dans lequel un commentateur lui faisait remarquer ceci :

Replying to
Monsieur , cette corrélation est une corrélation fallacieuse. On ne peut pas faire de régression linéaire sur une série temporelle. Voir ce billet d’ pour plus d’explications :
fairementirleschiffres.com
Jean-Marc Jancovici et le meilleur modèle macroéconomique du monde
Ces derniers temps, j’entends souvent la même musique. Quand j’annonce que je suis doctorant en science économique, on me parle de Jean-Marc Jancovici (JMJ)...

Ce commentaire venait à la suite d'un graphique montré par Villani :

5/7 Également un joli graphique qui nous rappelle que la corrélation entre consommation d'énergie mondiale et PIB mondial est quasiment UNE DROITE jusqu'ici. Les tenants de la croissance verte croient que cette loi va subitement cesser d'être valable, comme par miracle...
Graphique montré par Cédric Villani.

Donc si j'ai bien compris :

  • Cédric Villani avance (affirme ?) que la consommation d'énergie mondiale est intimement corrélée au PIB mondial, les deux marchant parfaitement de pair ;
  • Gabin Guilpain informe Villani que son graphique est trompeur et l'invite à consulter l'article de Louis Fréget « pour plus d'explications ».

En ce qui me concerne je ne sais pas si on peut ou non faire une « régression linéaire sur une série temporelle », mes connaissances en mathématiques étant très limitées, mais ce que j'ai trouvé d'intéressant dans l'histoire c'est justement l'article qui nous parle de Jean-Marc Jancovici et de son « meilleur modèle macroéconomique du monde ».

Tout d'abord il faut que je vous rassure, Jancovici ne dit pas que des bêtises, loin de là !

Pour faire bref voici ce que Janco nous dit à longueur de conférences : tout ce qui nous entoure et qui n'est pas naturel a été produit grâce à de l'énergie. Vous pouvez vous-même faire l'expérience en regardant tous les objets de votre quotidien, il ont forcément été fabriqués en utilisant de l'énergie, ou bien ont utilisé de l'énergie pour être acheminés jusqu'à chez vous. Imaginez un seul instant que les énergies fossiles, que ce soit en provenance du charbon, du gaz ou du pétrole, venaient à disparaitre instantanément, et vous pouvez aussi si vous le voulez y ajouter l'énergie nucléaire et ne garder que les énergies dites « renouvelables » pour satisfaire tous nos besoins, alors vous vous rendrez compte que nous serions dans une panade inimaginable !

Avant la révolution industrielle toutes les énergies étaient renouvelables, le vent et l'eau faisaient tourner les pales des moulins et le bois était brûlé pour se chauffer ou pour construire des objets en métal par exemple ; pour le reste c'était la force musculaire, humaine ou animale, qui était utilisée.

Nous avons donc pendant quelques dix mille ans fonctionné comme cela, ce qui explique la stagnation de ce que l'on appelle aujourd'hui le PIB, censé représenter notre production de richesse...

Puis vint la révolution industrielle avec tout d'abord l'utilisation du charbon puis du pétrole et du gaz, ce qui a permis en un peu plus de deux siècles une augmentation quasi exponentielle de ce PIB comme on peut le voir avec ces graphiques :

PIB mondial par habitant (en dollars de 1990) - source Cairn.info

Evolution et chiffres du PIB de 1500 à 1913 en France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Uni, Japon, Chine et Inde. Source unblog.fr)

Evolution et chiffres du PIB de 1913 à 2006 en France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Uni, Japon, Chine et Inde. Source unblog.fr)


Pour résumer, nous sommes devenus accros aux énergies fossiles, ou plus exactement à l'énergie tout court, mais les « fossiles » représentent l'essentiel de notre consommation et elles ne donnent pas vraiment de signes de faiblesse...comme nous l'indique Le monde de l'énergie :
Les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), sources de l’essentiel du réchauffement climatique, représentaient toujours 80,2% de la consommation d’énergie finale en 2019, contre 80,3% en 2009, pointe ce réseau d’experts dédié aux renouvelables.
Ainsi Jancovici a parfaitement raison en pointant du doigt notre immense dépendance à l'énergie et notamment aux énergies fossiles, et il a également parfaitement raison de nous avertir que dans un futur finalement pas très éloigné nous devons nous attendre à de gros problèmes liés à une production d'énergie qui ne sera plus en phase avec les besoins sans cesse grandissants de notre civilisation que certains nomment « thermo-industrielle ».

Il est en cela secondé par Matthieu Auzanneau qui, dans Métaux critiques, charbon, gaz, pétrole : nous entrons dans les récifs, nous met en garde en élargissant le problème avec l'inclusion de tous les métaux et « terres rares » dont nous sommes de plus en plus friands :
Non seulement les symptômes de limites physiques à la croissance se multiplient, mais ils se conjuguent, faisant entrevoir des impasses et des risques de bouleversement géostratégiques mortels.

Empruntant la voie d’une électrification massive de l’industrie et des transports, la sortie des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) peut aisément se heurter à des limites dans le développement des mines de certains métaux indispensables, à commencer peut-être par le bon vieux cuivre.
A noter que Jancovici est président du Shift Project dans lequel Auzanneau occupe la fonction de directeur, il est donc normal qu'ils aient le même point de vue sur le sujet, et notamment sur quelque chose...qui fait débat...

En effet, tous deux, et c'est sur ce point que je ne suis pas d'accord avec eux, affirment que les crises économiques passées ont été causées par des pénuries d'énergie (essentiellement charbon et pétrole) ! En cela ils sont rejoints par Gail Tverberg dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises.

Dans mes différents billets sur ce sujet je contestais fortement cette approche, car selon moi ces deux crises en particulier avaient d'abord été de nature financière, pour se transformer rapidement en crises économiques, ce qui avait évidemment entrainé une baisse de la consommation tant des ménages que des entreprises, et par conséquent une baisse également de la demande en énergie.

On ne voit d'ailleurs pas pourquoi en 1929 et en 2008 on aurait eu un manque d'énergie qui aurait entrainé les crises économiques correspondantes alors que dans les années qui ont suivi les économies se sont assez rapidement refait une santé ; à d'autres époques il y eut aussi d'autres crises économiques dans lesquelles l'énergie était impactée, par exemple en 1973 et 1979 avec les chocs pétroliers qui ne doivent rien à un manque de pétrole, ou plus récemment en 2020 avec le Covid-19 itou.

Mais je me sentais un peu seul et un peu « petit » face à des géants tels que les susnommés !

C'est là qu'intervient Louis Fréget avec son article intitulé Jean-Marc Jancovici et le meilleur modèle macroéconomique du monde venant apporter de l'eau à mon petit moulin.

Cet article est long et très pointu, je n'en ferai donc pas de résumé ni vraiment de compte-rendu, je me contenterai de quelques remarques, mais vous êtes bien sûr invité à le lire en entier si vous avez le moindre doute sur la pertinence de la contre-argumentation de Louis Fréget mettant à mal la thèse de Jancovici.

Tout d'abord dès le début Fréget plante le décor avec notamment ceci :
ce serait par exemple la réduction de l’approvisionnement énergétique (et notamment en pétrole) qui aurait causé la crise de 2008 et le ralentissement qui en a suivi
On notera le conditionnel (ce serait) employé par Fréget, ce qui déjà nous indique un net scepticisme quant à cette thèse selon laquelle la crise de 2008 aurait été provoquée par une « réduction de l’approvisionnement énergétique ». Et il enchaine avec :
[Jancovici] va parfois jusqu’à expliquer la baisse tendancielle de la croissance depuis 40 ans dans certains pays développés comme l'ltalie ou la France par une pénurie énergétique
D'où le « meilleur modèle macroéconomique du monde » qui lierait énergie et PIB comme la misère du monde serait liée à ceux qui n'ont pas eu la chance de naitre au bon endroit (là c'est moi qui fais cette analogie qui vaut ce qu'elle vaut)

Fréget nous rappelle que Jancovici prévoyait, en 2010, qu'il y aurait « une récession en moyenne tous les trois ans », ce qui ne semble pas s'être avéré, d'autant plus que la récession due au Covid-19 en 2020 ne peut en aucun cas être imputée à un problème énergétique !

De la même façon Jancovici aurait prédit en 2012 (mais le lien fourni par Fréget ne marche pas) une stagnation du PIB européen dans les cinq ans qui allaient suivre, or voici ce que nous dit le site Statista pour la période allant de 2008 à 2018 : 

Produit intérieur brut (PIB) exprimé en prix courants dans l'Union européenne de 2008 à 2018(en billions d'euros)

On ne peut pas vraiment dire que de 2012 à 2017 le PIB ait stagné, ce que fait remarquer Fréget :
Entre 2012 et 2017, le PIB en dollars en parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire corrigé des biais liés à la variation des prix et aux variations du taux de change par rapport au dollar, a crû de 6% en France et de 9% dans l’Union Européenne (Source: Banque Mondiale).
Et c'est à ce moment qu'intervient le fameux « meilleur modèle macroéconomique du monde » de Jancovici que Fréget nous présente ainsi :

Le meilleur modèle macroéconomique du monde : une droite.


Ici je pose mon joker, car Fréget réfute l'assertion de Jancovici selon laquelle cette droite est censée prouver que PIB et énergie sont intimement liés, il nous précise ainsi :
La consommation d’énergie une année prédit très bien le PIB de cette même année.
Mais il enchaine immédiatement avec :
Un statisticien pourrait faire remarquer qu’on ne peut utiliser la méthode statistique que JMJ emploie (les moindres carrés ordinaires) pour analyser le type de données en question - des séries temporelles, des données qui suivent une seule même entité comme un pays au cours du temps. En effet, lorsque les deux indicateurs suivent une tendance significative (comme ici à la hausse), employer la même méthode que JMJ tend à produire des corrélations fallacieuses ou au mieux à les gonfler artificiellement.
Je n'ai pas lu l'article en lien, trop compliqué pour moi, je suis donc incapable de comprendre pourquoi la démonstration de Jancovici est vérolée, par contre je pige parfaitement l'exemple donné dans la foulée par Fréget (qui doit bien se douter que c'est quand même un peu compliqué à expliquer...) :
On pourrait aussi noter que le temps de parole d’un candidat à la présidentielle est très corrélé au nombre de votes qu’il reçoit. Le temps de parole d’un candidat à la télé prédit très bien sa part de voix aux élections. [...] Vous l’avez peut-être deviné à ce stade : l’un des problèmes est celui de la poule ou de l’oeuf. Est-ce que les candidats reçoivent plus de votes parce qu’ils ont eu plus de temps de parole, ou alors est-ce que les médias leur donnent plus de temps de parole parce qu’ils sont plus populaires ?
Les histoires de poule et d'oeuf je connais, j'en avais notamment parlé dans Jean-Marc Jancovici n'est pas économiste, et ça se voit ! :
Il est assez compliqué au vu de ces tableaux de dire qui de l'oeuf ou de la poule a commencé le premier, mais certains indices comme on l'a vu permettent de penser que le pétrole et le charbon ont eu des problèmes à cause de problèmes préalables en économie
J'en viendrais presque à me demander si Fréget ne m'aurait pas lu par hasard...mais en tout cas il explique les choses bien mieux que moi :
La causalité peut aller dans les deux sens entre PIB et énergie. C’est qu’on appelle en économétrie un biais de simultanéité, dont je parle aussi dans cet article sur le confinement. Certes, quand la production d’énergie se contracte, ceci peut tout à fait contraindre la production. Mais symétriquement, une économie en récession consomme moins d’énergie. On peut construire un raisonnement analogue avec une économie en croissance. Une corrélation énergie-économie pourrait s’expliquer complètement par l’effet du PIB sur l’énergie, celui de l’énergie sur le PIB, ou par un mélange des deux.
Bref les choses sont donc un peu plus compliquées que ce que pense Jancovici en montrant son « meilleur modèle etc. ».

Par exemple, et il me semble que Jancovici n'en a jamais parlé, à moins que cela m'ait échappé, pour produire aujourd'hui un point de PIB il nous faut moins d'énergie que ce qu'il nous fallait dans le passé pour produire ce même point de PIB, on appelle cela le progrès technique, ce que résume un auteur cité par Fréget (un certain Paul Romer, « prix Nobel » d'économie en 2018) :
L’histoire humaine nous enseigne cependant que la croissance économique résulte de meilleures recettes, et non simplement de la préparation des mêmes plats. Ces nouvelles recettes (...) génèrent en général plus de valeur économique par unité de matière première.
Et Fréget résume les choses ainsi :
La croissance économique est bien plus qu’une utilisation de plus en plus intensive d’un stock de ressources donné. C’est un processus par lequel on trouve de nouvelles façons d’agencer des matières premières d’une manière qui augmente la valeur totale des échanges.
Plus loin Fréget nous parle des « effets d'anticipation » que Jancovici semble ignorer superbement avec son « meilleur modèle etc. » :
Si les hommes anticipent un phénomène, ils peuvent y réagir avant qu’il se produise.[...] Dans notre cas, les pétroliers ont intérêt à tenter d’anticiper les retournements de la conjoncture ou a minima à réagir à la baisse de demande d’énergie. Lorsque la croissance du PIB ralentit, la demande de pétrole décroît, ce qui tend à réduire le prix du baril. Pour juguler cette baisse des prix, les offreurs ont alors tout intérêt à restreindre l’offre, en ralentissant leur vitesse d’extraction pour réduire leurs stocks stratégiques.
Ainsi Jancovici serait victime d'une illusion, d'un mirage, en confondant la cause et l'effet parce qu'il aurait ignoré notamment le phénomène d'anticipation bien compréhensible de la part d'un pétrolier qui prévoirait une crise économique dans un futur proche et ajusterait sa production en conséquence.

Un peu plus loin Fréget nous embrouille un peu plus :
Que dit la littérature empirique sur lien causal entre énergie et PIB ?

Elle n’est pas tranchée du tout. Parfois, c’est bien la production d’énergie qui semble causer le PIB à court et moyen-terme, mais, parfois c’est l’inverse. Et puis parfois, il semble que la causalité va dans les deux sens. Comme le notent Kalimeris et al. (2016): “les résultats de la littérature sur le lien énergie-économie ne pourraient pas être plus loin d’un consensus, puisqu’on y trouve des indices sur les quatre hypothèses possibles sur le lien énergie-économie à une fréquence presque égale.”
Et de conclure :
Malgré toute sa complexité et ses contradictions, cette littérature sur le lien énergie-PIB montre une chose: l’économie est trop complexe pour être expliquée par un seul facteur. L’hypothèse d’une relation universelle et univoque de l’énergie vers le PIB est rejetée par les données. C'est sans doute ce qui explique l’échec des prédictions de JMJ que je mentionnais au début.
Je vous laisse lire l'article en entier si vous en avez le courage et les compétences pour le comprendre, ce qu'il faut retenir c'est que pour le passé rien ne dit, contrairement à ce qu'affirme Jancovici, que les crises économiques et financières aient été causées par des problèmes énergétiques, au contraire, la plupart du temps ces crises ont eu pour conséquence de faire baisser la production énergétique étant donné que quand l'activité économique diminue les besoins en énergie suivent la même route.

Par contre Jancovici aura raison un jour ou l'autre, il suffit en effet d'être patient pour voir arriver le moment où l'énergie viendra à manquer au regard des besoins de l'humanité, alors un ajustement s'opérera, et il sera d'autant plus douloureux que nous ne nous y serons pas préparés correctement.

Il est d'ailleurs cocasse de constater le porte-à-faux entre énergie et réchauffement de la planète ; nous sommes drogués à l'énergie, qui est essentiellement carbonée et donc génératrice d'effet de serre additionnel, donc soit nous n'arrivons pas à nous sevrer rapidement et nous allons souffrir des conséquences du réchauffement climatique, soit nous adoptons des mesures drastiques et arrivons à limiter ce réchauffement, mais au prix de problèmes économiques qui seront extrêmement difficiles à gérer, sachant qu'il est plus que probable que nous préfèrerons préserver notre cher PIB afin d'éviter tout trouble social, mais qu'au final nous aurons la double peine : le réchaufffement et la grosse récession économique synonyme de régression de nombreuses décennies en arrière.

Je ne peux pas prouver ce que j'avance, mais je le sais, car c'est mon petit doigt qui me l'a dit. Et on ne plaisante pas avec mon petit doigt.

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Voir aussi afin de se rassurer :

Les ressources mondiales d’uranium ne suffiront pas à alimenter la filière nucléaire au-delà de quelques décennies. Au-delà, seul le déploiement de nouvelles technologies pourrait permettre à l’atome de participer significativement au mix énergétique mondial, comme nous l’expliquent des physiciens spécialistes de la question.
La plupart des candidats à l’élection présidentielle prétendent concilier la poursuite de la croissance et la préservation de l’environnement. Une récente note de l’Agence européenne pour l’environnement souligne l’incompatibilité de ces deux projets, relève dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».