vendredi 9 août 2019

Changement climatique et changement d'habitudes

Le dernier rapport du GIEC vient donc de sortir, il pèse parait-il un millier de pages et on ne peut le consulter que par petits morceaux ; les fichiers qui le constituent peuvent être téléchargés ici, quant au résumé pour les décideurs (SPM) il est disponible .

De ce résumé la première partie de la première figure est peut-être ce qu'il faut retenir avant tout :
Utilisation des terres et changements climatiques observés.
A. Changement de température observé par rapport à 1850-1900
B. émissions de GES

Le premier graphique montre ce qui avait été prévu par la théorie il y a longtemps déjà (je ne me souviens plus par qui, peut-être Arrhenius…?) à savoir que l'augmentation de température est plus forte au-dessus des terres qu'elle ne l'est au-dessus des océans (comme elle est plus importante aux pôles qu'aux plus basses latitudes ou dans les zones montagneuses qu'en plaine, selon le principe que plus on part de températures basses et plus la température augmente rapidement) ; ces derniers réagissent moins vite à cause de leur plus grande capacité à absorber la chaleur additionnelle, ils accaparent 93% de l'excédent d'énergie causé par les gaz à effet de serre d'origine humaine, contre 3% pour les continents et 1 malheureux % pour l'atmopshère (source ocean-climate) ; celle-ci est donc très réactive, à la hausse comme à la baisse d'ailleurs, ce qui explique les montagnes russes essentiellement dues à la variabilité naturelle du climat.

Pour appuyer ce que nous montre le premier graphique le résumé nous précise que l'augmentation de température entre les périodes 1850-1900 et 2006-2015 a été de
  • 1,53°C au-dessus des terres
  • 0,87°C au global (i.e. terres + océans)
On est donc pratiquement dans un rapport du simple au double, ce qui laisse à penser que pour le futur, l'an 2100 par exemple, si la température globale devait être de +5°C alors au-dessus des terres il faudrait s'attendre à quelque chose comme +10°C !

Et même en se limitant à +3°C globalement pour 2100, une valeur vers laquelle nous nous dirigeons inexorablement, c'est donc +6°C que les terres encaisseraient...

La partie basse du graphique montre également des courbes intéressantes :
Utilisation des terres et changements climatiques observés.
D. Production agricole
E. Demande alimentaire
F. Désertification et dégradation des terres

Ainsi il est confirmé (là-aussi quelque chose que nous savions déjà depuis des lustres) que l'augmentation de la production alimentaire est due à l'accroissement des surfaces cultivées ainsi qu'à l'amélioration (sic) des rendements ; mais cela a un coût que nous sommes en train de payer avec intérêts en laissant au passage une ardoise à notre descendance : l'accroissement des surfaces cultivées s'est fait largement au détriment des forêts et l'amélioration (re sic) des rendements a été essentiellement rendue possible par l'utilisation à outrance d'engrais chimiques ne faisant qu'amplifier le problème (en remplissant quelques poches au passage)

Mais comme les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, les terres agricoles ne peuvent pas s'étendre à l'infini et les rendements atteignent leurs limites ; déjà en 2008 nous étions avertis de la chose avec Les rendements du blé et du maïs ne progressent plus :
Le plafonnement des rendements agricoles est difficile à expliquer. Phénomène durable ou passager? Recherche d’un optimum économique? Les questions restent ouvertes.
Rendements annuels moyens de 1960 à 2007 pour le maïs grain, le blé tendre, l'orge et le blé dur (Source : Agreste - Statistique agricole annuelle)

En faisant un large zoom arrière on peut même voir l'explosion des rendements à partir des années 1950 :
Rendements annuels moyens de 1862 à 2007 pour le maïs grain, le blé tendre, l'orge et le blé dur (Source : Agreste - Statistique agricole annuelle)
Et cette petite forme des rendements depuis les années 1990 n'est pas propre à la France, l'Europe entière est touchée :
Rendements annuels moyens du blé tendre dans l'Union Européenne (source : Eurostat)

Ces données datent de 2007 (et encore 2007 était provisoire) et on peut se demander ce qu'il en est aujourd'hui, les rendements ont-ils repris du poil de la bête ? Pas vraiment si l'on en croit les statistiques consultables ici ; voici ce que l'on nous dit pour le blé tendre en France :
Rendement blé tendre en 2017 et 2018 (source agreste)
Ainsi nous sommes passés de 64 q/ha prévus en 2007, après des pics à près de 80 q/ha les années précédentes, à 74 q/ha en 2017 et 70 q/ha en 2018 ; pour le blé dur, qui a dû terminer l'année 2007 à 44 q/ha après quelques pics à 50 q/ha, c'est un peu mieux, nous avons respectivement 57 et 50 q/ha pour 2017 et 2018,  idem pour l'orge et le maïs grain qui ont un peu augmenté leurs rendements, sans que cela ne soit vraiment très convaincant, tout cela évidemment avec les progrès continuels réalisés par les semenciers dans leurs sélections d'hybrides (pas d'OGM en France)

Bref rien de bien saillant, et les dernières nouvelles datant de juin 2019 ne sont pas particulièrement « rassurantes » ; dans En 2018/2019, redressement du prix des graines sous l’effet de la baisse des productions et du dynamisme de la demande on nous apprend que le rendement du blé tendre a baissé à une soixantaine de quintaux par hectares :
En 2018, baisse de la production et des rendements de blé tendre en France.

Donc ça plafonne, et on remarquera le creux en 2016, année la plus chaude jamais enregistrée, comparable à 2003, année de la pire canicule que nous ayons connu ; à se demander si la chaleur ne serait pas un peu pour quelque chose dans cette baisse de rendements...

Mais un autre graphique, concernant le maïs, est lui-aussi très parlant :
Baisse de production pour le maïs français. 

On y voit que les rendements, tout en augmentant plus ou moins dans la durée, accusent de très gros écarts d'une année à l'autre ; remarquez le gros creux...en 2003 ! Ainsi qu'en 2016... S'il fallait une preuve que les rendements sont tributaires des conditions climatiques ce graphique pourrait être versé au dossier comme indice révélateur s'ajoutant à tous les autres indices que l'on peut facilement trouver par ailleurs sans trop se fatiguer (mais que certains s'obstinent à ne pas voir)

En conclusion on peut dire sans trop de risques de se tromper qu'avec une population mondiale prévue de 10 milliards d'habitants en 2050 (voir lemonde ou lesechos), des terres déjà actuellement très fortement dégradées, un réchauffement de la planète qui ne peut que continuer, voire s'accélérer, et au final des habitudes de consommation (alimentaires et autres) difficiles à changer, d'autant plus que les habitants des pays pauvres (appelé autrement pays « en développement » selon la novlangue en vigueur) voudront avoir leur part du gateau que les pays riches (les pays soi-disant « développés ») auront du mal à leur laisser, on peut dire, donc, que nous sommes vraiment très mal barrés !

Demandez le menu et régalez-vous, l'addition on verra plus tard ! (pour déguster c'est ici)


2 commentaires:

  1. Il n'y a pas que l'alimentation qu'il faut changer, mais tout notre comportement. Il faut quand même qu'un jour l'homme devienne raisonnable et se concentre uniquement sur le nécessaire laissant tout ce qui est superflu de coté car c'est lui et uniquement lui qui en définitive peut avoir le dernier mot.

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    1. Oui, et c'est bien pourquoi j'ai écrit tout à la fin « des habitudes de consommation (alimentaires et autres) difficiles à changer », mais le sujet du billet se limitait aux problèmes d'alimentation qui sont déjà assez compliqués à gérer.

      Cependant vouloir changer nos comportements est une chose, changer notre système productiviste en est une autre qui ne se fera que de manière contrainte...

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