mardi 13 août 2019

Le Groenland se refroidirait d'après Pierre Gosselin


Préambule


En consultant mon fil d'informations sur Facebook je tombe ce matin sur cet article intitulé Europe’s record heat melted Swiss glaciers (La chaleur record de l'Europe a fait fondre les glaciers suisses) ; un glaciologue suisse du nom de Matthias Huss est mentionné, il aurait dit dans un tweet :
Absolutely exceptional for a period of only 14 days in total!
Absolument exceptionnel pour une période de seulement 14 jours au total !
Il évoquait le fait que les glaciers suisses auraient perdu la bagatelle de 800 millions de tonnes métriques (metric tons) durant les deux seules canicules de juin et juillet derniers, alors vérifions tout de suite s'il a bien écrit cela :
Les #glaciers suisses ont perdu environ 0,8 milliard de tonnes de neige et de glace rien que pendant les deux vagues de chaleur de fin juin et de la semaine dernière. Absolument exceptionnel pour une période de seulement 14 jours au total ! Et l'été n'est pas encore fini..... (source twitter.com/matthias_huss)
Je ne sais pas pourquoi l'article parle de tonnes métriques plutôt que de tonnes tout court, si quelqu'un a la réponse qu'il se fasse connaitre, mais apparemment il s'agit de la même chose, Matthias Huss en tout cas n'a pas rajouté le moindre « métrique » dans son tweet ; bref le problème n'est pas là, il est que cette perte de glace lui a paru « absolument exceptionnelle », et on peut penser qu'en tant que glaciologue il doit savoir de quoi il parle.

Mais il y a encore plus intéressant pour notre propos du jour (l'objet de ce billet en  fait), en effet, dans les « réponses » au tweet de Matthias Huss on trouve celle-ci qui a attiré notre attention :
Tandis que les glaciers d'Islande et du Groenland s'étendent à nouveau....(source twitter.com/poynton_j)

Donc un contestataire (un climatoréaliste ?) arrive avec ses gros sabots (normal, c'est un garçon de la campagne…) afin de moucher le nez du spécialiste Matthias Huss et lui asséner un sous-entendu lourd de sens avec...le blog de l'inénarrable Pierre Gosselin !

Alors allons faire un tour chez notrickszone où nous allons apprendre médusés que
A new analysis of recent trends for the Greenland ice sheet reveals that since 2012 there has been an abrupt slowing of melt rates and a trend reversal to cooling and ice growth.
Une nouvelle analyse des tendances récentes de la calotte glaciaire du Groenland révèle que, depuis 2012, il y a eu un brusque ralentissement des taux de fonte et un renversement de tendance vers un refroidissement et la croissance des glaces.
Ceci est évidemment le résumé de l'article de Pierre Gosselin alias notrickzone, pas le titre d'un des articles qu'il prend comme référence qui s'intitule Unusual weather resulted in an atypical melting season in the Arctic (Des conditions météorologiques inhabituelles ont entraîné une saison de fonte atypique dans l'Arctique)

J'ouvre ici une courte parenthèse : No trick zone peut se traduire approximativement par zone sans astuce/piège/trucage/etc. ; le gars veut donc nous faire croire qu'en allant sur son site on ne sera pas enfumé comme on pourrait l'être avec, au hasard, un rapport du GIEC ou une vidéo du Réveilleur, mais j'ai déjà montré à plusieurs reprises (il suffit de taper gosselin dans la zone recherche de mon blog) qu'il s'agit en réalité d'un clown de plus qui veut faire prendre à ses lecteurs des vessies pour des lanternes. Est-il payé pour cela ? On peut se poser la question comme on se la pose pour des gens comme Anthony Watts, JoAnne Nova, Benoit Rittaud ou Judith Curry, entre autres, et la réponse qui vient spontanément à l'esprit est que s'ils ne sont pas payés alors ce sont de véritables imbéciles qui bossent gratuitement pour le compte de gens qui sont bien contents d'avoir de tels représentants pour diffuser leurs contrevérités (voir aussi à ce sujet Jean-Pierre Bardinet, le VRP du climato-scepticisme)

Revenons maintenant à nos moutons.

Dans l'article de Gosselin il y a un certain nombre d'informations qui ne sont même pas (toutes) fausses ; il y a l'article que j'ai cité, émanant d'un site sérieux, le polarportal, on y trouve aussi une étude intitulée Broad-scale ocean cooling across the continental shelf in Northwest: Does it reach Greenland's glaciers through the fjords? (Refroidissement à grande échelle de l'océan sur l'ensemble du plateau continental dans le nord-ouest : atteint-il les glaciers du Groenland en passant par les fjords ?), ou une autre titrant Contrasting temperature trends across the ice-free part of Greenland (Tendances contrastées des températures dans la partie exempte de glace du Groenland) plus quelques autres que je ne vais pas reprendre pour ne pas encombrer (mais vous êtes parfaitement libre d'aller voir par vous-même)

Je n'ai pas tout vérifié (je compte sur BenHague pour le faire et me trouver le petit détail qui tue) et je me contenterai donc du tout premier document, celui du site danois dont le titre entier est je le rappelle le suivant :
Polar Portal Season Report 2018
Unusual weather resulted in an atypical melting season in the Arctic
Portail polaire - Rapport de saison 2018
Des conditions météorologiques inhabituelles ont entraîné une saison de fonte atypique dans l'Arctique.
Il faut être quelqu'un de tordu comme Pierre Gosselin pour tirer comme conclusion de cet article scientifique que « depuis 2012, il y a eu un brusque ralentissement du rythme de fonte et un renversement de la tendance au refroidissement et à la croissance des glaces » comme il le souligne en gras sous le titre général qui attire le chaland avec Greenland Has Been Cooling In Recent Years – 26 Of Its 47 Largest Glaciers Now Stable Or Gaining Ice (Le Groenland s'est refroidi ces dernières années - 26 de ses 47 plus grands glaciers sont maintenant stables ou ont gagné de la glace)

Que nous dit réellement le site danois en la matière ? Lisons d'abord le résumé figurant directement sous le titre :
The 2017-18 season in the Arctic has once again been extraordinary. A cold summer with high levels of precipitation has benefitted the Ice Sheet, whilst glaciers have continued the development seen during the last six years in which they have more or less maintained their area. The sea ice, on the other hand, has been more vulnerable, with high sea temperatures and warm winds leading to a large area north of Greenland being ice-free in two separate periods – February and August respectively. 
La saison 2017-18 dans l'Arctique a une fois de plus été extraordinaire. Un été froid avec de fortes précipitations a profité à l'inlandsis, tandis que les glaciers ont poursuivi le développement observé au cours des six dernières années, au cours desquelles ils ont plus ou moins maintenu leur superficie. La glace de mer, par contre, a été plus vulnérable, les températures élevées de la mer et les vents chauds ayant fait qu'une grande partie de la zone située au nord du Groenland a été libre de glace en deux périodes distinctes - février et août respectivement.
Nous voyons immédiatement que le « renversement de la tendance au refroidissement et à la croissance des glaces » de Pierre Gosselin est en fait un simple maintien durant six ans de la superficie des glaciers, mais surtout que la banquise, elle, et Gosselin se garde bien de le mentionner, « a été plus vulnérable » en raison de températures d'eau de mer élevées et de vents chauds qui ont permis à une zone située au nord (pas au sud !) du Groenland d'être libre de glace de manière tout à fait exceptionnelle !

Evidemment vous l'avez compris (enfin, ceux qui ne font pas semblant d'avoir compris) Gosselin ne reprend des références qu'il cite dans son article que les éléments, et uniquement eux, qui vont dans le sens qu'il lui plait de montrer à ses lecteurs, tout en ignorant tout ce qui pourrait nuire à sa « démonstration ».

Il ne vous parlera pas, par exemple, de ce qui crève les yeux car c'est écrit en gros dès la première page :
The heatwave in Europe and the cold Greenlandic summer are connected through the Atlantic “seesaw” 
La canicule en Europe et le froid de l'été groenlandais sont reliés par la "balançoire" atlantique.
On fera remarquer que l'article a été écrit...le 20 mai 2019, soit bien avant que les deux canicules ne sévissent sur la France, dont la dernière qui a voyagé (malgré les dénégations de certains) jusqu'au Groenland en passant pas la Scandinavie et l'Islande (voir Confirmation) ; la balançoire atlantique produit donc du froid sur le Groenland et du chaud dans le même temps sur l'Europe, le tout s'équilibrant peu ou prou, mais on a vu récemment que le chaud pouvait atteindre le Groenland de manière marquée (c'est le moins qu'on puisse dire avec la pluie de records qui en a résulté)

Donc le Groenland serait plutôt froid ces derniers temps alors que l'Europe serait plutôt chaude, comme l'indique l'article :
Many people in the Northern Hemisphere – and in particular northern Europe – will remember the record-breaking heat and drought of the summer of 2018. In contrast, Greenland had a rather cold and snowy summer, particularly in June and at the end of August, when a major storm dumped large amounts of snow on the Ice Sheet.
Beaucoup de gens dans l'hémisphère Nord - et en particulier en Europe du Nord - se souviendront de la chaleur et de la sécheresse record de l'été 2018. En revanche, le Groenland a connu un été plutôt froid et enneigé, en particulier en juin et à la fin août, lorsqu'une tempête majeure a déversé de grandes quantités de neige sur l'inlandsis.
L'article nous informe également que les Danois connaissent ce phénomène de balançoire depuis très longtemps (en 1770 avec des indices dès 1230) car ils avaient observé que quand il faisait très froid au Danemark l'hiver au Groenland était doux, et inversement, d'où le qualificatif de balançoire ; et 2018 était un clair exemple de ce phénomène illustré de manière très convaincante avec cette carte :
Figure 1: Temperature anomaly for May 2018 relative to the average for 1981-2010. Credit: Copernicus Climate Change Service / ECMWF (source polarportal)

On y voit nettement la formation en oméga (Ω) au-dessus de l'Europe, provoquant un blocage de l'air chaud sous ce « dome » mais aussi de l'air froid qui reste stationnaire sur le Groenland notamment.

Maintenant que nous avons vu la situation globale avec ce quasi-équilibre entre Groenland et Europe (selon le principe pourrait-on dire des vases communicants) qui ne prouve donc rien de particulier, surtout pas que le monde s'acheminerait vers un nouvel âge de glace (thèse que Gosselin essaie de faire passer par tous les moyens à sa disposition y compris cet article inepte qui ne donne qu'une version des faits) ou que le Groenland lui-même se mettrait subitement à regagner de la glace pour ne plus en perdre (ce dont Gosselin encore une fois tente de convaincre ses benêts de lecteurs), voyons en détail ce que nous dit le site danois sur sa possession dont il surveille jalousement le moindre des mouvements, et pour cela regardons les cartes qu'il met à notre disposition sur le site polarportal.dk/en/greenland.


Conditions de surface

Conditions de surface le 11 août 2019.

On remarque tout de suite que la courbe bleue est généralement, sur la période 2018-2019, au-dessous de la moyenne 1981-2010, par conséquent on se demande où est ce fameux « brusque ralentissement du taux de fonte » évoqué par Gosselin...

A noter également que les conditions de surfaces font le bilan uniquement des gains et pertes de la calotte elle-même, sans tenir compte du déversement des glaciers dans la mer (ce que l'on appelle le vêlage, calving en anglais), ce qui est clairement précisé dans le texte de droite :
It does not include the mass that is lost when glaciers calve off icebergs and melt as they come into contact with warm seawater. 
Cela ne comprend pas la masse perdue lorsque les glaciers vêlent les icebergs et fondent lorsqu'ils entrent en contact avec l'eau de mer chaude.
En complément de la courbe la carte montre en couleurs les endroits où le bilan est négatif (en rouge, ça fond) ou positif (en bleu, la neige tombe plus que ça ne fond) et le moins que l'on puisse dire est que le rouge l'emporte haut la main sur la journée du 11 août ! Alors voyons en cumulé depuis le 1er septembre 2018 :
Conditions de surface du 1er septembre 2018 au 11 août 2019.

Cette fois la situation est un peu plus contrastée, de larges zones bleues apparaissent clairement au sud-est, d'autres sont disséminées un peu partout comme des confettis, essentiellement sur la partie est de l'ile, mais on arrive à en trouver un peu à l'ouest, cependant ce qui domine encore largement sur l'ensemble du Groenland c'est bien la couleur rouge, voire rouge très foncé, indiquant un bilan de masse nettement négatif, même s'il s'est fait battre fin juin début juillet par l'année 2012 qui avait vu le record d'extension minimale de la banquise arctique en septembre ; quoi qu'il en soit la saison 2018-2019 est dans la partie basse de la moyenne 1981-2010, alors que 2012 était au dehors encore plus bas (ce qui signifie au passage qu'une ou deux saisons étaient plus basses que 2018-2019)

Donc là non plus, en cumulé, on ne voit pas sur cette saison de tendance au « brusque ralentissement du taux de fonte », et de plus il ne s'agit que du bilan de surface qui ne prend pas en compte le vêlage des glaciers, autrement...!

La carte suivante nous montre où a eu lieu la fonte (au minimum d'un millimètre à la surface) du jour précédent :
Fonte du 11 août 2019.

Le graphique au bas de la carte indique le pourcentage de surface ayant expérimenté une fonte jour après jour, et on remarquera le splendide pic fin juillet début août correspondant à la vague de chaleur que nous avons généreusement léguée au Groenland ; à remarquer également que si en mai et début juin la fonte était plutôt timide par rapport à la moyenne 1981-2010, par contre c'est à un « brusque redressement » que nous assistons ensuite courant juin, ce qui n'a pas dû manquer de surprendre notre ami le charlatan Pierre Gosselin au point qu'il a oublié d'en parler dans son blog (cela dit si vous arrivez à trouver un article entre le 20 mai et aujourd'hui dans lequel il ferait amende honorable merci de me le faire savoir, je ne me suis pas donné la peine de tout passer en revue...)

A l'heure actuelle on ne sait pas ce que va devenir ce bilan de masse et quelle sera la situation en septembre avant que le froid ne revienne, mais mon petit doigt me dit que l'année 2019 ne devrait pas être très éloignée de 2012, nous verrons bien.

Cela dit d'autres années ont enregistré des pics comme celui observé fin juillet 2019, ce n'est donc pas uniquement ce critère-là qui doit conduire à nous inquiéter !

Passons rapidement sur la carte suivante.


Positions du front glaciaire

Principaux glaciers du Groenland.

Si vous voulez connaitre l'évolution d'un glacier en particulier vous cliquez dessus et vous obtenez par exemple ceci pour le plus connu d'entre eux, le Jakobshavn :
Evolution du front glaciaire du Jakobshavn de 1980 à 2014, photo prise le 23 mars 2000.

Evolution du front glaciaire du Jakobshavn de 1980 à 2014, photo prise le 11 juin 2000.

En vert le front glaciaire à la fin septembre 1980 et en rouge à fin septembre 2000 ; le cadre bleu figure sa position à la fin de la saison 2014.

Sur la deuxième photo prise en juin 2000 le front est légèrement plus avancé que la ligne rouge qui figure son retrait maximum de septembre de la même année.

Quatorze ans plus tard le front s'est considérablement retiré :
Evolution du front glaciaire du Jakobshavn de 1980 à 2014, photo prise le 30 septembre 2014.

Il est en fait très difficile de le repérer tellement il se confond avec la banquise, mais on comprend un peu pourquoi quand on lit ce passage sur Wikipédia :
Les icebergs qui se détachent du glacier sont souvent si grands (jusqu'à un kilomètre de hauteur) qu'ils ne peuvent pas flotter sur le fjord et se retrouvent bloqués pendant des années jusqu'à ce qu'ils soient brisés par la force du glacier et les icebergs en amont du fjord.
C'est pourquoi apparemment le front glaciaire est mentionné dans un rectangle bleu tellement il doit être compliqué pour les spécialistes de dire par où passe précisément la ligne de front ; pour l'heure actuelle voici ce que cela donne :
Evolution du front glaciaire du Jakobshavn de 1980 à 2019, photo prise le 24 juin 2019.

Ici il semblerait que le front soit bien visible, peut-être parce nous ne sommes qu'au 24 juin et qu'en septembre la situation devient moins claire...? En tout cas si quelqu'un note un accroissement du glacier en tendance lourde (= longue) qu'il me le dise et ne se contente pas de me dire qu'en 2017 ou 2018 le glacier a un peu grossi.


Modification de la masse et de la hauteur

Changement de masse du Groenland entre juin 2006 et janvier 2017.

Ici nous avons le changement total de masse incluant la perte des glaciers qui se déversent (= vêlent) dans la mer, avec dans le graphique du bas l'impact sur le niveau des mers ; à noter que 100 gigatonnes de glaces perdues équivalent à une montée des eaux de 0,28 millimètres, et nous voyons qu'entre 2002 et 2017 le niveau marin a monté globalement de 10 millimètres uniquement à cause de la perte de glaces du Groenland durant cette période (ce qui donne à peu près 0,63 mm par an). Il est précisé qu'entre 2003 et 2011 le Groenland a perdu un total de 234 km³ d'eau, ce qui a contribué à une élévation annuelle du niveau des mers de 0,65 mm (voir Barletta et al. (2013) qui considère également l'Antarctique en plus du Groenland)

Evolution de l'épaisseur de la calotte glaciaire du Groenland entre 2014 et 2018.

Cette carte montre à l'évidence que l'épaisseur diminue un peu partout sur l'ile, essentiellement sur la côte ouest, certaines parties de la côte est allant en sens opposé ; à noter le gros point rouge qui se situe à l'emplacement du glacier Jakobshavn que nous avons déjà vu plus haut, indiquant que non seulement le front de ce glacier recule fortement dans le temps mais que son épaisseur diminue également, ce qui est le sort de presque tous les glaciers de la planète. Le centre de l'ile devient très légèrement plus épais en raison très probablement de chutes de neiges importantes qui ne sont pas évacuées vers la mer par les glaciers et/ou qui ne fondent pas suffisamment durant la saison estivale (à rapprocher de la carte du bilan de masse qui ne tient pas compte du vêlage des glaciers)

Evolution de la masse de glace du Groenland entre 2002 et 2017 dans les 8 bassins de drainage.

On peut constater la grande disparité qui existe dans différentes régions du Groenland, celle qui enregistre les plus grande pertes étant le bassin de drainage 8 situé au nord-ouest de l'ile (ce qui corrobore les informations des autres cartes montrées plus haut) alors que le bassin de drainage 2 au nord-est est quasiment stable sur la période.

Terres gelées

Evolution de la température à 20 cm et 1 m de profondeur dans deux régions du Groenland (nord-ouest et sud-est)

Ces courbes montrent que le permafrost (ou pergélisol en français) se réchauffe partout, du moins dans les deux régions considérées où les courbes de températures sont bien supérieures à la moyenne 1990-2013.

Il est possible de consulter les trois sites indiqués par des cercles noirs, voici par exemple celui de la station d'Ilulissat, celle située le plus au nord des trois :
Profil thermique de la station d'Ilulissat.
La limite du permafrost se situe à 1 mètre de profondeur, là où la courbe rouge des températures maximales croise 0°C ; au-dessous de cette profondeur le sol reste gelé en permanence, au-dessus il fond et regèle chaque année en fonction des saisons, c'est la couche appelée la couche active (active layer) ; plus bas se trouve une troisième couche où la température redevient positive en raison de la chaleur géothermale, ce que montre le schéma suivant :
Profil thermique typique du sol dans une zone affectée par le pergélisol.
La ligne verticale en pointillés représente le zéro degré Celsius, la courbe bleue les températures minimales et la courbe rouge les températures maximales, la verte étant la moyenne.


Et pour les glaciers de nos chères Alpes ?


Pour en revenir à Matthias Huss, l'auteur du tweet ayant généré comme effet collatéral la stupide intervention d'un garçon de la campagne qui aurait mieux fait de rester tranquille dans son coin au lieu de se ridiculiser en public, Matthias Huss donc est l'un des auteurs d'une étude intitulée Modelling the future evolution of glaciers in the European Alps under the EURO-CORDEX RCM ensemble (Modélisation de l'évolution future des glaciers dans les Alpes européennes sous l'ensemble EURO-CORDEX RCM) dans laquelle on peut voir ces graphiques :
Sensibilité du volume (a) et de la surface (b) pour les deux scénarios RCP2.6 et RCP8.5 entre aujourd'hui et la fin du siècle.

Ce que nous apprennent ces courbes c'est que quoi que nous fassions aujourd'hui et dans le futur les glaciers évolueront de manière quasiment identique jusqu'au milieu de ce siècle ; ensuite cela dépendra de nos décisions : soit nous persistons à émettre du CO₂ et autres gaz à effet de serre comme nous le faisons actuellement (scénario RCP8.5 assez peu probable mais dans le domaine du possible) et la courbe rouge montre qu'en l'an 2100 il ne restera plus grand chose de nos glaciers (Alpins dans le cas présent), soit nous consentons à faire quelques efforts qui sont apparemment au-dessus de nos capacités (scénario RCP2.6 hautement irréaliste) et les glaciers continueront de toute façon à fondre comme neige au soleil à cause de leur grande inertie, mais nous aurions encore un peu de glaçons à mettre dans notre whisky.

Comme la réalité se situera probablement entre ces deux scénarios extrêmes à chacun de se faire une idée, en ce qui me concerne je ne pense pas vivre au-delà de l'an 2050, alors...


Et en Antarctique ?


Global Warming Is Changing the Winds Off Antarctica, Driving Ice Melt (Le réchauffement de la planète modifie les vents au large de l'Antarctique, entraînant la fonte des glaces) nous explique qu'il y a « davantage de preuves que le réchauffement de la planète causé par l'homme, plutôt que la simple variabilité naturelle, est à l'origine de l'accélération de la perte de glace de l'Antarctique occidental » selon Eric Rignot (au sujet de West Antarctic ice loss influenced by internal climate variability and anthropogenic forcing), mais on va encore nous dire que Rignot n'y connait rien parce qu'il n'invoque aucun anticyclone mobile polaire à l'appui de ses dires, faute inexcusable aux yeux de climato-irréalistes n'ayant inventé ni l'eau chaude ni le fil à couper les cheveux en quatre.


Pour terminer sur une note optimiste


Afin de ne pas pourrir le reste de votre journée après la lecture de tout ce qui précède (je parle aux deux ou trois qui ont eu le courage d'arriver jusqu'ici) j'ai spécialement sélectionné deux articles qui j'en suis sûr vous réchaufferont le cœur :
'Ecological grief': Greenland residents traumatised by climate emergency (Deuil écologique' : Les habitants du Groenland traumatisés par l'urgence climatique) dans lequel vous apprendrez que « les habitant(e)s de l'île ont du mal à concilier l'impact du réchauffement planétaire et le mode de vie traditionnel » et que « l'Arctique est un indicateur de l'impact inégal du réchauffement climatique sur les systèmes sociaux et économiques. Alors que les pays s'efforcent de limiter les risques futurs et le réchauffement global à 1,5°C (soit une augmentation de 2,7°F), de nombreux habitants de l'Arctique et du Groenland vivent déjà dans des climats régionaux qui ont changé plus que cela, en moins d'une vie » ; mais certains vous diront que les gens qui vivent à des hautes latitudes sont contents du réchauffement climatique, faudrait savoir, hein !
Et
Greenland’s Rapid Melting Is a Hugely Underplayed Story (La fonte rapide du Groenland est une histoire largement sous-estimée) où l'on tient à vous rassurer : « Il est officiellement temps de paniquer. (Ou au moins faire plus attention.) »

Loin de moi l'intention de vous faire paniquer (est-ce que je panique moi ?) ni même de vous enjoindre de faire plus attention (à la marche ?), vous faites comme vous le sentez et si par hasard vous avez froid vous savez maintenant qu'il faut vous rendre en Antarctique pour trouver des températures plus clémentes.



11 commentaires:

  1. C'est marrant parce que justement récemment, un des auteurs publiant sous le pseudonyme "Kenneth Richard" s'est récemment illustré en publiant cet article sur notrickszone: https://notrickszone.com/2019/08/05/for-nearly-all-of-the-last-10000-years-greenland-ice-sheet-and-glacier-volume-was-smaller-than-today/

    Bien évidemment, ça a vite été repris par les désinformateurs de service, à commencer par l'inébranlable Patrick Moore: https://twitter.com/EcoSenseNow/status/1159151034440257536

    Voyant l'interprétation toute personnelle qui en était faite de son papier, voici ce qu'en a répondu l'auteure du fameux papier: https://twitter.com/yarrowaxford/status/1159907781417324547

    Suite à ça, pour rigoler, je suis allé vérifier les fameux "Skeptic Papers" de 2019: https://notrickszone.com/skeptic-papers-2019-3/

    Pas un seul de ceux que j'ai consultés ne portait la moindre conclusion en la réfutation de la théorie du réchauffement climatique anthropique, pas un.

    On peut donc facilement en déduire que les auteurs de ce blog, ont une interprétation bien personnelle des papiers qu'ils citent, en accord avec leurs biais.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Faudrait que je vous embauche ;)

      Ce qui est quand même étonnant c'est le nombre de gogos qui se laissent berner par ces gugusses, cela mériterait qu'un étudiant en psychologie (ou en psychiatrie) fasse une thèse là-dessus, il y a de la matière à revendre.

      Supprimer
    2. Ah ah. Si vous êtes motivés, je pourrai vous envoyer une liste de profils à suivre, on y apprend bien souvent des choses, surtout de la part de ceux qui combattent la désinformation sur les réseaux sociaux.

      Sinon, peut-être un début de réponse par la sur-représentation médiatique des négateurs des sciences du climat, par rapport à leur homologue dont on entend rarement parler de leurs travaux ? https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/08/13/climato-scepticisme-et-medias-la-duperie/

      Supprimer
    3. Mince alors, vous êtes comme Lucky Luke, vous tirez plus vite que votre ombre en mentionnant cet article de Huet qui vient juste de sortir !

      Evidemment il a entièrement raison, que dire de plus, et j'ai bien aimé le rappel au cas Courtillot, le chevalier de la Terre noire et plate, ainsi que son compte-rendu succinct mais tellement vrai du tas de bobards publiés par Valeurs Actuelles, cela fait plaisir d'avoir affaire à un véritable journaliste qui fait correctement son boulot ; le fait que Huet soit méprisé par la gent climato-irréaliste est d'ailleurs comme une médaille attribuée pour faits d'armes au combat !

      Supprimer
  2. "Pas un seul de ceux que j'ai consultés ne portait la moindre conclusion en la réfutation de la théorie du réchauffement climatique anthropique, pas un."

    Je me permets de vous renvoyer au commentaire que j'avais posté à ce sujet l'an passé. Il y a bien dans la liste des papiers de notrickzone des "réfutations" de la théorie du réchauffement climatique, mais de qualité Monckton, ou puisqu'on en parle, Courtillot. Mais ça marche, on voit sur les réseaux sociaux des pseudo-sceptiques poster les liens vers les listes de 300 - 500 - 750 !!! papiers qui "réfutent" la théorie du RCA. Sans le moindre état d'âme, et sans réaliser que 1) ces papiers ne réfutent rien du tout, et 2) même 1000 papiers sur plus de 100 000 publiés annuellement sur le sujet, ... on pourrait presque parler de consensus.

    https://sogeco31.blogspot.com/2018/01/bientot-un-consensus-100.html?showComment=1515709289653#c4073018280643938902

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En fait vous avez raison tous les deux, en effet octal a écrit « Pas un seul de ceux que j'ai consultés », donc s'il en a consultés 10, ce qui est déjà pas mal, quelles étaient ses « chances » de tomber sur un papier climato-pseudo-sceptique ? 1% ? 0,01 % ? Si je reprends vos chiffres 10/100 000 cela fait seulement 0,01% du total des papiers scientifiques sur une année, si parmi ceux-ci les torchons représentent 3% (pour coller avec le consensus des 97%, mais il y en a peut-être encore moins que 3%) est-ce qu'on peut dire que la probabilité serait de 0,01 x 3% = 0,0003% ? Comme je n'ai jamais été bon en math je compte sur vous pour corriger mon calcul ;)

      Supprimer
    2. Merci VB.

      Effectivement, je n'ai pas consulté l'ensemble des papiers. J'ai pris les premiers de la liste du début, et ceux de la fin. Je ne doute pas que parmis ceux que je n'ai pas consultés, certains sont des "réfutations" du réchauffement climatique anthropique. Mais dans ce cas là, je m'attendrais à trouver des papiers du niveau de Scafetta, Ollila ou Gervais, effectivement.

      Quant à Nikolov, lui en est toujours à réfuter le concept même d'effet de serre. Il serait visiblement le seul physicien thermodicien à avoir identifié une incompatibilité entre l'effet de serre et les lois de la thermodynamique. Mais bon, à partir du moment où on a besoin d'être sous pseudonyme pour publier, c'est qu'il y a anguille sous roche.


      Par rapport à ce que vous disiez dans votre autre commentaire:

      > Sinon, pour l'immense majorité des autre papiers "démontant le consensus" !!!, Gosselin est passé maître dans l'art de choisi des articles de paléoclimatologie, étudiant un aspect qui a influencé une région pendant une période données. Pour peu que le CO2 ne soit pas mentionné, Ahah !, l'article va à l'encontre du consensus.

      C'est exactement ça. Il sélectionne tous les papiers retraçant l'historique des variations du climat passé dans une région localisée du globe, ne parlant pas du CO2, pour en conclure que le papier "réfute" la théorie du réchauffement, alors que pas du tout. Un papier que j'ai consulté disait d'ailleurs bien "voilà nos résultats, mais il faudrait d'autres études pour mieux comprendre comment le système va réagir dans un monde en réchauffement global"

      Supprimer
  3. Ah Huet utilise le mot négateur..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh oui, mais cela n'a pas toujours été le cas : https://www.liberation.fr/terre/2013/09/27/des-decisions-guidees-par-l-economie_935362 : « […] entre déclarations enflammées de militants écologistes et négationnisme scientifique de lobbys industriels ou néolibéraux. » ; et c'était en 2013.

      Supprimer
    2. Il a évolué, c'est bien, ne dit-on pas qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ? Voyez nos amis de Skyfall...

      Supprimer
    3. Il y a quelque temps l'expression « négationnisme climatique » était assez souvent employée, c'est vrai qu'aujourd'hui on fait un peu plus dans le politiquement correct en raison des critiques reçues, mais cette expression n'a pas complètement disparu des écrans.

      Souvenez-vous de ce que je vous ai dit (il ne s'agit pas d'une opinion de ma part mais d'une constatation) plus le temps passe et plus un mot ou une expression perd son sens originel, ce sont les gens qui font que le vocabulaire évolue, pas les académies ou les dictionnaires qui ne font que suivre le mouvement ; je vous fiche mon billet qu'avant l'an 2100 tout le monde parlera de négationnistes climatiques pour désigner ceux qui nieront encore (et il y en aura, j'en suis certain) la moindre responsabilité humaine dans le dérèglement climatique, on parie ? (je rigole bien sûr)

      Supprimer