jeudi 10 octobre 2019

Comment se tirer une deuxième balle dans le pied en moins de 24 heures

Il y a des jours où quand ça veut pas ça veut pas.

Dans Comment se tirer une balle dans le pied avec un seul graphique je relatais la mésaventure d'un certain Paul Aubrin, que nous appellerons monsieur Paul, qui montrait sur le blog de son mentor un graphique censé prouver que la tendance au réchauffement aurait été plus « rapide » dans le passé que ce qu'elle est aujourd'hui, mais qui ne faisait en fait que (dé)montrer que la température du centre de l'Angleterre avait bien monté de près d'un degré et demi depuis le 17ème siècle, ce qui évidemment n'était pas prévu par lui !

Disons tout d'abord que qualifier une tendance de « rapide » est à mon humble avis une véritable ânerie ; une tendance est forte, faible, nulle, elle est positive ou négative, mais dire qu'elle est rapide montre que l'on n'a pas bien compris ce qu'est censé représenter une tendance.

D'ailleurs monsieur Paul tient à nous montrer dans son graphique des tendances sur 10 ans. Pourquoi 10 ans ?

En climatologie les tendances s'évaluent sur des périodes d'au minimum 30 ans, et quand on possède des informations sur une durée plus longue on regarde les tendances sur beaucoup plus long que 30 ans ; par exemple, dans Emmanuel Le Roy Ladurie et Guillaume Séchet climatosceptiques, vraiment? (2) je montrais le graphique suivant à mettre en parallèle avec ce qu'écrivait Le Roy Ladurie :
Evolution des températures depuis 1860 avec les différentes tendances signalées par Emmanuel Le Roy Ladurie : de 1861 à 1900-1910 : fin du petit âge glaciaire (en vert), de 1900-1910 à 1950 : première vague de réchauffement, « relativement modérée » (en bleu foncé), de 1950 à 1970-1980 : « rafraichissement », avec la date charnière de 1976 (en violet) et de 1970-1980 jusqu'à 2001-2007 inclus » (en bleu clair)

Dans ce graphique plusieurs tendances sont mentionnées, chacune indiquant une particularité du climat pendant la période considérée, et seule la période de 1950 à 1970-1980 comporte environ une trentaine d'année, toutes les autres sont plus longues et il ne viendrait à personne l'idée de dire qu'une de ces tendances a été rapide ou lente, ou a fait du surplace !
  • d'abord tendance nulle à la fin du 19ème siècle ;
  • puis tendance forte au réchauffement du début du 20ème siècle jusqu'à sa moitié ;
  • ensuite tendance modérément à la baisse entre 1950 et 1970-1980 ;
  • enfin tendance extrêmement forte au réchauffement depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui (Le Roy Ladurie s'arrêtait en 2007 mais la tendance a continué par la suite)
Mais ce n'est pas tout, monsieur Paul en a sous la chaussure et quand un lecteur un peu plus perspicace que les autres lui met le nez dans son caca voici ce que cela donne :
Le 10 octobre 2019 à 9 h 18 min, Antisceptique a dit :

Je pense que paulaubrin est encore en train d’essayer d’enfumer le client.
Le Met Office ne semble pas vraiment d’accord avec son analyse.

http://www.metoffice.gov.uk/hadobs/hadcet/
Le 10 octobre 2019 à 10 h 42 min, paulaubrin a dit :
Antisceptique a dit:«Je pense que paulaubrin est encore en train d’essayer d’enfumer le client.»
Le graphique correspond aux données publiées par le CRU, récupérées il y a quelques années et auxquelles j’ai ajouté pour chaque date la tendance sur 10 ans.
Je conçois que le résultat ne correspondent pas à vos préjugés. Mais c’est le résultat que donnent les calculs : les vitesses de réchauffement n’ont pas tellement varié au fil des siècle et, si l’on cherche bien, ont été plus élevées dans le passé.

Si vous souhaitez me répondre, veuillez étayer vos affirmations par des éléments factuels. Vos affirmations péremptoires sont lassantes.
Le dénommé Antisceptique est meilleur que moi, il a trouvé facilement un graphique des températures du centre de l'Angleterre alors qu'hier je n'ai pas été foutu d'y mettre la main dessus, voici ce que cela donne :
Anomalies de températures (par rapport à la moyenne 1961-1990) du centre de l'Angleterre (source metoffice)
On remarquera deux choses dans ce graphique :
  1. il s'agit d'anomalies de températures (i.e. d'écarts par rapport à une moyenne calculée sur 30 ans) et non de températures absolues, ce qui permet de voir l'évolution des températures sans être embrouillé par des gribouillis destinés à cacher la poussière sous le tapis ;
  2. la hausse des températures est d'environ 1,5°C (de -0,5 à +1) sur toute la période, et d'environ 1°C depuis les années 1970, ce qui donne une projection de tendance de 2°C sur un siècle.
Nous voyons ici l'exercice préféré des climato-négateurs/gogos/irréalistes tels que monsieur Paul qui consiste à prendre les données d'un organisme sérieux et à les tordre afin qu'elles lui fournissent une mélasse dont il va se servir pour essayer d'empapaouter ceux qui le lisent.

Mais le pire (pour monsieur Paul) est plus loin, quand il répond à un autre commentateur, essayez de ne pas vous écrouler de rire en vous arrimant fermement à votre chaise :
Le 10 octobre 2019 à 9 h 15 min, Antisceptique a dit :

@Benoit

A propos de votre intervention d’hier que j’ai réussi à trouver, j’avais une petite question.
Pourquoi continuez-vous à propager la fable des postes météo « mal placés » qui ne représenteraient pas (voire biaiseraient) la vision que nous avons des changements de température ?
Cette hypothèse très ancienne des climato-sceptiques (notamment américains) a très largement été étudiez (et invalidée), notamment par Müller.
Merci.
Le 10 octobre 2019 à 9 h 26 min, paulaubrin a dit :

Une station météo qui a enregistré des records en juillet.

Mort de rire !

Pour ceux qui n'auraient pas suivi les actualités je vous invite à lire La station baladeuse de Météo France, cela devrait vous éclairer sur « la station météo qui a enregistré des records en juillet. »

Maintenant que monsieur Paul a ses tongs complétement trouées de toutes parts je me demande ce qu'il va bientôt pouvoir nous tirer comme munition, à mon avis ça va être du gros calibre.


15 commentaires:

  1. La création de graphique pipeau est un art qui atteint des sommets de popularité chez les amateurs de tout est bon pour raconter n'importe quoi , mentions spéciale à un de WUWT que j'avais commenté là -> comment effacer une hausse (fictive) de 6°
    https://www.skipass.com/forums/enmontagne/meteo/sujet-129850-2300.html
    descendre à post du 17 sept. 2018 - 14:21

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    1. C'est effectivement...très intrigant !

      Ce procédé semble pouvoir être rajouté à ma liste de « graphiques pour les cons » (voir http://sogeco31.blogspot.com/2017/11/apprenons-avec-benoit-rittaud-comment.html) !

      Merci pour ce cadeau, il faudra en faire part à monsieur Paul, il devrait apprécier et le refourguer à la première occasion.

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    2. Je me suis livré à un petit exercice de nettoyage et rationalisation du graphique de Paul Aubrin.

      https://imgur.com/q9SJ8Pg

      D'abord, j'ai pris les moyennes annuelles de HadCET, parce que calculer des tendances sur des données qui ont un comportement cyclique n'a pas vraiment de sens. J'aurais pu aussi prendre les anomalies mensuelles.

      Ensuite j'ai calculé pour chaque année la régression linéaire de la série de 30 ans centrée autour de cette année (repréentée en rouge sur le graphique, en °C/décennie). Pourquoi 30 ans ? Parce que 10 ans est une période beaucoup trop courte pour tenter d'analyser quoi que ce soit sur un signal aussi bruité (p.ex. la période de 1986 à 1995 montre une tendance linéaire de 11°C par siècle, tandis que celle de 1987 à 1996, une tendance de 1°C !). Même les tendances de 30 présentent des disparités liées à la grande variabilité des mesures. Mais effectivement, on peut voir que lors des années 1700, il y a eu une période de hausse des températures, peut-être liée à la fin du petit âge de glace, et peut-être aussi à mettre en regard de l'imprécision des mesures à la fin du 17e siècle. Quoi qu'il en soit, le dataset HadCET ne concerne qu'une zone limitée du centre de l'Angleterre, et même des tendances sur 30 ans vont dépendre énormément de la variabilité interannuelle : on peut voir une tendance de 5°C par siècle entre 1691 et 1720, et aussi entre 1978 et 2007 mais quelle signification peut-on accorder à ces tendances ? Il y a bien eu aussi une tendance de -4°C par siècle entre 1863 et 1892. Tout peut dépendre de deux années extrêmes qui vont influencer la régression. Je précise également qu'à cause du bruit, aucune de ces tendances n'est significative.

      Finalement, j'ai représenté en bleu une régression non paramétrique lowess qui est essentiellement la seule information que l'on doit retenir de ces mesures : il y a eu effectivement une hausse des températures à la fin du 17e siècle (voir plus haut pour les raisons), puis une stagnation pendant près de 200 ans, puis une hausse nette des températures depuis le milieu du 20e siècle.

      Malheureusement, la physique semble nous indiquer que contrairement à ce qui s'est passé en 1700, la hausse actuelle ne devrait pas s'arrêter de sitôt.

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    3. En général je ne m'adresse qu'à des gens que je ne fuirais pas en courant dans la vie en me demandant "d'où sort cet abruti ?"
      J'évite donc de perdre mon temps à poster au milieu du fan club de tous les crétins qui sévissent sur internet, bon courage à ceux qui se tapent le boulot, (qui me parait totalement vain . j'ai posté un commentaire " Tony Heller (and clones ) is a 100% credible "scientist" for any people who likes to hear any fake who fits their point of view. he give's them the food they want , they like it , no evidence of its lies or distorsions has a chance to change that ." sur une des vidéos de potholer54 sur youtube pas sur la chaîne de ce genre de faussaire dont la moitié de la clientèle gobe des absurdités telles que Groenland sans glace en l'an 1000

      Je relève quand même quelques nuances. Rittaud a raconté bcp moins de conneries dans une de ses pages sur les glaciers que certains de sa clique (JC-PONT par ex. complètement à la ramasse , pourtant géographiquement bien placé à Zinal (CH) ) . Et d'autres "sceptiques " ont quand même un fond de cervelle en marche pour ne pas tout gober et refuser d'être associé aux élucubrations d'un Jacques Henry, de Iceagenow ou de tant d'autres.

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    4. @VB

      Merci pour votre graphique qui est évidemment bien plus honnête que celui de Paul Aubrin, cependant j'ai du mal à piger la courbe rouge qui va à contre-sens des températures… Par contre la bleue est parfaitement compréhensible !

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    5. « Rittaud a raconté bcp moins de conneries »

      Je vous trouve très indulgent envers Rittaud, mais peut-être a-t-il raconté moins de conneries parce qu'il s'en est tenu au strict minimum !

      A part cela Rittaud est un bouffon qui permet à ce Paul Aubrin de raconter n'importe quoi sur son site sans réagir ; pourtant Rittaud est mathématicien à ce qu'il parait, il est donc armé pour effectuer l'exercice auquel VB s'est livré, s'il ne l'a pas fait il y a deux hypothèses : 1/ Rittaud est un malhonnête qui laisse ses commentateurs chéris écrire des âneries sur son blog sans les corriger, ou 2/ Rittaud n'y connait rien en statistiques ; à mon avis le /2 est fort peu probable, donc...

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    6. Ged,
      La courbe rouge représente, en chaque point, la valeur (en °C/décennie) de la pente de la tendance linéaire pour la fenêtre de 30 ans centrée sur ce point. Visualisez cela comme si j'avais divisé la courbe des anomalies en autant de fenêtres de 30 ans se chevauchant, et que pour chaque fenêtre j'avais tracé la tendance linéaire. La courbe rouge représente les valeurs de ces tendances. Le fait qu'elle semble aller à l'encontre des températures traduit le fait que la tendance linéaire d'une fenêtre centrée sur le sommet d'une bosse, par exemple, sera probablement proche de zéro, puisque les valeurs de part et d'autre de la bosse s'équilibrent, tandis que la tendance linéaire d'une fenêtre centrée sur un passage à zéro entre un creux et une bosse sera probablement fort positive.

      C'est une sorte de vitesse instantanée de variatioN. On peut voir cela comme une dérivée, et un exemple de ce comportement à contre courant est la balançoire : quand le déplacement par rapport au point d'équilibre est le plus grand, la vitesse est nulle tandis que quand le déplacement par rapport au point d'équilibre est nul, la vitesse est maximale.

      C'est ce qu'avait fait Paul Aubrin, mais sur les données mensuelles et pour des fenêtres de 10 ans, ce qui rendait son graphique illisible. Je l'ai refait pour le rendre lisible, mais aussi pour relativiser un peu : il y a effectivement eu des moments ou la tendance sur 30 ans était aussi positive qu'aujourd'hui, mais aucune de ces tendances calculés sur 30 ans n'est significative, ce qui n'est pas surprenant compte tenu du bruit de la série. Ce serait par contre intéressant de faire ce travail pour un set de données globales, mais je ne pense pas que ça intéresserait notre ami sceptique.

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    7. Merci pour ces précisions, c'est beaucoup plus clair maintenant !

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  2. PS "je ne m'adresse qu'à des gens ...." je répondais à "il faudra en faire part à monsieur Paul" même si j'avais perçu l'ironie ;)

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    1. En vérité je ne m'adressais pas à vous mais aux quelques lecteurs qui me lisent et qui viennent de Skyfall ou de chez Rittaud, à eux de transmettre à ce monsieur Paul, cependant je vois qu'il a quelques contradicteurs (Antisceptique et Zimba) qui lui mènent la vie dure mais ne reçoive bien évidemment aucun soutien de Rittaud...

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  3. Je pense que la question sur l'adéquation de l'instrumentation de mesure de la température pour identifier le signal anthropique était légitime dans les années 90 .
    Depuis un énorme travail de métrologie a été mené et désormais on peut affirmer que le travail de quantification par la mesure du réchauffement climatique est clair. La preuve en est les nombreuses révisions des courbes de temperatures qui eurent lieu ... au grand dam des climato-gogos qui crient á la manipulation . Et c'est ce qui est étrange chez eux : d'un coté ils se plaignent que les calibrations modifient les courbes et de l'autre, ils se plaignent que, soi disant, les mesures n'intégrent pas certains effets biaisant les mesures ... Paradoxal ...

    Aujourd'hui la situation est saine et ce n'est pas une ou deux stations defectueuses ou bien mal positionnées qui invalident l'index de temperature mondiale... D'ailleurs ces stations sont peu á peu éliminées , c'est le travail de l'ombre des metrologues ....

    Donc , comme souvent , combat d'arriere garde (qui fut en son temps légitime) des climato-sceptiques ....

    Personnellement je ne fais pas mumuse avec les courbes car c'est bien plus complexe que l'on ne pense et c'est trop facile de faire du cherry-picking . Je pense qu'il y a un cahier des charges á respecter que je ne connais pas ... Je fais totalement confiance aux differents organismes générant ces courbes ..

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    1. Moi j'aime bien faire mumuse avec les courbes, mais sans tenter de leurrer mes lecteurs ; j'aime aussi, comme dans ce cas, montrer la supercherie dans les courbes trafiquées ou arrangées de telle sorte qu'elles montrent une « certaine réalité », la spécialité des climato-irréalistes !

      Et heureusement que j'ai quelqu'un comme VB pour m'aider dans cette tâche:)

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  4. 1/ Rittaud est un malhonnête qui laisse ses commentateurs chéris écrire des âneries sur son blog sans les corriger,
    2/ Rittaud n'y connait rien en statistiques

    Il est parfaitement possible que Rittaud n'y connaisse rien en statistique. C'est comme dire qu'un physicien devrait être parfaitement au fait de la mécanique, de l'électricité, des phénomènes ondulatoires, du magnétisme, de la thermodynamique, etc. D'ailleurs on connait peu les spécialités de BR puisqu'il ne publie pas grand chose (cf. Scholar), est peu cité et n'a même pas de "profil google scholar". Bref

    Plus ses commentateurs écrirons n'importe quoi plus il y aura une petite chance que ça discute (vous aurez remarqué que BR ne met plus les contradicteurs à la porte) et si ça discute, ça fait gonfler les stats de son site. That's all. BR avec sa chronique journalière veut devenir THE site climato-sceptique de référence (comme le journal qu'il aime tant)

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    1. Qu'un mathématicien n'y connaisse rien en statistiques me parait hautement improbable, le moindre scientifique a des connaissances basiques dans ce domaine, la plupart des papiers en comportent, et cela dans toutes les disciplines.

      Si je suis capable avec mes maigres connaissances en statistiques de déceler des entourloupes comment Rittaud ne le pourrait-il pas ?

      Mais je suis d'accord avec la deuxième partie de votre commentaire, en allant même plus loin que vous ; Rittaud se sert de son site et de tout ce qu'il a bâti autour pour faire la promo de ses bouquins, que voulez-vous, un revenu supplémentaire ce n'est pas négligeable dans l'ordinaire d'un médiocre professeur de fac qui n'a comme vous le dites pas montré grand chose de ce qu'il était capable de faire.

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