dimanche 13 octobre 2019

La conversion (partielle) de Laurent Alexandre

Dans Laurent Alexandre, le nouvel étalon de l'intelligence de notre temps ? je vous avais fait part de l'immense intelligence de celui que l'on commence à voir un peu partout dans les médias, Laurent Alexandre, celui qui nous prédisait dans l'Express que dans « gogol (10 puissance 100) années il faudra empêcher la mort de l'Univers », rien que ça ! Le même Laurent Alexandre qui dans le même billet d'opinion nous avertissait qu'il fallait se préparer à éviter, dans 4 milliards d'années, la collision de notre galaxie avec celle d'Andromède, pas moins ! Et comment cela ? Ben c'est simple, « avec de gigantesques machines », et le tour est (sera) joué !

On se faisait du souci pour la santé mentale de Laurent Alexandre, à moins bien évidemment qu'il ne s'agisse d'un canular de sa part, ce qui est toujours possible avec les hommes super intelligents comme lui ; il avait d'ailleurs été invité par d'autres tout aussi intelligents que lui à présenter sa vision du monde en compagnie d'un scientifique encore plus intelligent en la personne de John Christy, nous avions donc « deux conférenciers exceptionnels » comme les a qualifiés le site mondialement connu des climato-irréalistes qui nous en a fait un compte-rendu qui restera longtemps dans les mémoires.

Mais patatras, voilà que dans le dernier numéro de l'Express notre illuminé de service se fend d'un billet que ceux qui l'ont écouté avec attention lors de cette soirée « exceptionnelle » du 6 mai dernier auront du mal à digérer, certains pourraient même être pris de syncope tellement le choc sera violent, par conséquent il est absolument indispensable soit de leur cacher l'horrible vérité, soit de les préparer lentement à la stupéfiante nouvelle que leur nouveau chouchou leur assène sans ménagement.

Si vous êtes abonné à l'Express c'est ici, voici le début, ça démarre fort, en sous-titre LA (pas Los Angeles, Laurent Alexandre !) nous assomme d'entrée avec :
Il est indispensable de taxer davantage les hydrocarbures pour réduire la production de CO2, principal coupable du réchauffement climatique d'origine humaine.
Je vous avais prévenu, si vous vous êtes évanoui c'est de votre faute, fallait m'écouter, mais la suite n'est pas faite pour vous remettre d'aplomb, l'entame du billet va peut-être vous achever :
Les gaz à effet de serre, présents dans l'atmosphère, absorbent le rayonnement infrarouge des émissions solaires, ce qui réchauffe l'enveloppe terrestre.
Je vois tous ceux qui remettent en cause le rôle du CO₂ commencer à suffoquer, l'apoplexie n'est pas loin, mais c'est loin d'être terminé, je vous livre la suite par petits morceaux, régalez-vous :
le dioxyde de carbone, le fameux CO2, qui vit cent ans
Ca c'est pour ceux qui croient que le CO₂ additionnel ne reste que quelques années dans l'atmosphère puis s'en va se cacher quelque part où on n'entendra plus parler de lui ; en fait une molécule isolée de CO₂ ne reste effectivement qu'une demi-douzaine d'années au maximum dans l'air, mais le surplus de CO₂ que nous injectons par nos activités demeure bien plus longtemps, au moins un siècle, mais en vérité bien plus longtemps que cela pour une bonne partie ; voir par exemple CO2 emissions change our atmosphere for centuries :
Individual carbon dioxide molecules have a short life time of around 5 years in the atmosphere. However, when they leave the atmosphere, they're simply swapping places with carbon dioxide in the ocean. The final amount of extra CO2 that remains in the atmosphere stays there on a time scale of centuries.
Les molécules individuelles de dioxyde de carbone ont une courte durée de vie d'environ 5 ans dans l'atmosphère. Cependant, lorsqu'elles quittent l'atmosphère, elles échangent simplement leur place avec le dioxyde de carbone dans l'océan. La quantité finale de CO2 supplémentaire qui reste dans l'atmosphère y reste pendant des siècles.
Donc même là monsieur LA se montre léger, léger comme une plume au vent...

Mais la plume au vent continue sur sa lancée :
Le dioxyde de carbone est le principal responsable du réchauffement climatique : 70 % des émissions de gaz à effet de serre sont du CO2 issu de la combustion du pétrole, du gaz naturel ou du charbon pour le chauffage et le transport, ainsi que des feux de forêt.
Ce « 70% » se retrouve à plusieurs endroits dans la littérature, ainsi :
100 entreprises responsables de plus de 70 % des émissions mondiales de carbone 
Gaz à effet de serre : les villes responsables de 70% des émissions 
COP24 : Total est-il vraiment à l’origine de 70 % des émissions de gaz à effet de serre en France ?
Mais Wikipédia nous dit aussi que :
En 2007 le quatrième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime qu'entre 1970 et 2004 les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont augmenté de 70 %
Je ne sais pas où LA est allé pêcher ce 70%, Wikipédia nous dit en effet qu'en 2016 le CO₂ pour l'Union Européenne représentait...80,9% ! Bref on va lui faire confiance s'il parle de mon dentier, je n'ai pas de temps à perdre et le point n'est pas essentiel, poursuivons notre lecture captivante afin d'achever définitivement ceux qui auraient survécu jusque là :
De tous les gaz à effet de serre, c'est le CO₂ qui est le plus important en volume : 450 molécules par million de molécules d'air. […] Il est […] celui qui a contribué le plus au réchauffement climatique depuis la révolution industrielle. Lutter contre le CO₂ […] est aujourd'hui le principal levier pour limiter le réchauffement climatique. 
Voilà pour le CO₂, nos amis climato-irréalistes sont tombés comme des mouches et jonchent maintenant le sol, encore secoués par des spasmes qui ne laissent rien présager de bon pour la suite, paix à leur âme et que le dieu des gros niais soit bienveillant et accueille leurs mânes pour l'éternité dans le jardin des délices chimériques qui leur rappellera tant le bon vieux temps où ils se laissaient bercer par les oraisons du chapelain Benoit Rittaud.

Mais là où ça se gâte vraiment dans le billet d'opinion de notre cher LA, c'est quand il croit pouvoir terminer avec ceci :
Le fait que le prix du pétrole ne monte pas prouve bien que la pénurie est, hélas, lointaine.
Ainsi LA, biberonné aux dogmes libéraux de l'économie orthodoxe dont il a appris tous les rouages dans les livres de Friedrich Hayek et de Milton Friedman, semble croire dur comme fer que si les prix du pétrole sont bas c'est parce que l'offre est pléthorique et surpasse donc la demande, seulement la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande ne fonctionne réellement que dans certains livres d'économie, et éventuellement dans le marché de plein air où vous allez acheter vos légumes le dimanche matin, mais rarement dans le monde réel où de multiples facteurs viennent lui mettre des batons dans les roues.

Pour le pétrole il est maintenant couramment admis que le « pic » s'est produit au milieu des années 2000 (on voit 2005 ou 2008) et le site crashoil nous montre ce graphique :
Production mondiale de pétrole par type de produit.

L'« abondance » en trompe l'oeil n'est due en vérité qu'à ce que l'on nomme les ressources « non conventionnelles » qui ont pris le relais très opportunément (surtout pour les Etats-Unis) quand le pétrole « conventionnel » a commencé à chuter, c'était il y a donc un peu plus d'une dizaine d'années.

Il faut ici ouvrir une parenthèse pour bien noter que le « pic pétrolier » ne signifie aucunement qu'il n'y a plus de pétrole à pomper ou que les ressources vont manquer, non, non, les ressources sont immenses et nous avons sous nos pieds et sous le fond des océans très probablement des quantités gigantesques qui pourraient alimenter nos besoins actuels pendant encore des milliers d'années ; en fait le pic pétrolier signifie simplement que les compagnies ne sont plus capables, avec les moyens techniques à leur disposition, de satisfaire la demande à un prix que les consommateurs seraient capables d'accepter.

Dans l'Atlas des énergies mondiales on peut lire page 37 :
Depuis le milieu des années 1980, on découvre du pétrole chaque année, mais on en brûle beaucoup plus que l'on en détecte.
Et si nous comptons sur les « non-conventionnels » pour nous tirer d'affaire, Mathieu Auzaneau douche nos espoirs en nous montrant ce graphique très parlant :
La production d’huile de schiste de l’Etat du Montana décline depuis 2006, après avoir franchi un pic légèrement supérieur à 100 000 barils par jour.
Ce graphique en forme de cloche est d'ailleurs représentatif de toutes les productions de pétrole dans le monde, qu'elles soient conventionnelles ou non, peu importe, la production atteint immanquablement un pic puis décroit lentement mais sûrement.

Le problème vient de ce que nous avons jusqu'à maintenant exploité ce qui était le plus facile à exploiter, et nous nous attaquons à des gisements de plus en plus difficiles d'accès, et donc...plus chers à exploiter !

 Les compagnies pétrolières ne sont pas gérées par des philanthropes qui voudraient le bien de l'humanité et seraient prêts à y laisser leur chemise pour fournir aux consommateurs leur drogue quotidienne, ce sont des entreprises commerciales destinées à faire des profits et à rémunérer des actionnaires.

Mais les dirigeants de ces compagnies, loin d'être des imbéciles, se trouvent cependant confrontés à un grave dilemme :
  • soit ils continuent à investir dans du matériel très couteux afin de trouver de nouvelles ressources jusque là inexploitées, mais dans ce cas ils sont obligés d'augmenter leurs prix afin de préserver leurs marges, ce qui a deux fâcheuses conséquences :
    1. les consommateurs réduisent leurs besoins car ils n'ont pas les moyens de se payer le pétrole devenu trop cher pour eux, entrainant ainsi une contraction de l'économie, ce qui n'est pas particulièrement favorable à l'activité des pétroliers ;
    2. d'autres ressources, comme le nucléaire ou les « renouvelables », deviennent compétitives et marchent sur les plates-bandes des ressources fossiles, ce qui s'appelle se tirer une balle dans le pied en favorisant ses concurrents ;
  • soit ils s'abstiennent d'investir, ou investissent « juste ce qu'il faut», et se contentent d'exploiter ce qu'ils ont déjà.
C'est évidemment la deuxième solution que préfèrent nos hardis entrepreneurs, et c'est l'IEA (International Energy Agency) qui le disait elle-même dans Oil 2018 :
With global demand rising steadily, the response from the supply side is crucial. The recovery from the historic drop-off in investments by 25% in both 2015 and 2016 has barely started. Investment was flat in 2017, and early data suggests only a modest rise in 2018. This is potentially storing up trouble for the future. 
Alors que la demande mondiale ne cesse d'augmenter, la réponse du côté de l'offre est cruciale. La reprise après la chute historique des investissements de 25 % en 2015 et 2016 est à peine amorcée. L'investissement est resté stable en 2017, et les premières données ne laissent entrevoir qu'une hausse modeste en 2018. Cela risque donc de créer des problèmes pour l'avenir.
Avec à l'appui ce graphique :
Les investissements dans les activités d'extraction pétrolières et gazières mondiales, de 2012 à 2018.

On le voit bien, et c'est confirmé dans l'Atlas des énergies mondiales, les compagnies pétrolières « se laissent aller », elles font le minimum pour trouver ici ou là quelques gisements desquels elles pourront encore sortir quelques gouttes de pétrole pour donner l'illusion à Laurent Alexandre que le précieux liquide coule à flots, mais comme toute illusion prend fin quand on se réveille enfin, notre prévisionniste à gogol années, quand il sortira de son long coma, se rendra peut-être compte, tel Hibernatus, que la réalité est parfois douloureuse et qu'il faut être fort pour l'affronter.

Mais il a cependant parfaitement raison quand il écrit :
Il est indispensable de taxer davantage les hydrocarbures pour réduire la production de CO₂, qui est le principal coupable du réchauffement climatique d'origine humaine sur lequel nous avons prise.
Pour le coup, les rares survivants en provenance du monde parallèle des climato-irréalistes qui auraient survécu aux affronts précédents s'effondrent définitivement dans un grand fracas de verre (de gros rouge) brisé, amen !

Pas sûr que Laurent Alexandre soit invité la prochaine fois, on prend les paris ?




5 commentaires:

  1. Notre bon vieux futurologue a fait une rechute. https://pbs.twimg.com/media/EG6BGnEWoAIxyMO?format=jpg&name=4096x4096

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    1. A se taper la tête contre les murs, le gars n'a strictement rien compris au problème !

      Va falloir que j'en fasse un billet, c'est inévitable;)

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    2. San Franscico prévoit de dépenser un milliard de dollars pour construire un mur pour protéger son aéroport de la montée des eaux (https://www.sfgate.com/travel/article/SFO-to-spend-more-than-1-billion-to-hold-back-14520605.php). J'espère qu'ils ont beaucoup de silex.

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    3. Laurent Alexandre, l'homme qui se projette gogol années dans le futur mais raisonne en homme des cavernes;)

      Et comme si les néerlandais ne se sentaient pas concernés (et inquiets) par la future montée des eaux.

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