jeudi 30 avril 2020

Neige et chaleur font bon ménage

Un des nombreux mantras des climatosceptiques consiste à prétendre qu'il n'y aurait pas de réchauffement climatique pour la simple raison que les chutes de neige seraient plus abondantes que la normale ; on dirait que Météo France a publié hier, spécialement à leur attention, un article intitulé Climat : début d’année le plus chaud jamais mesuré en France.

Ainsi durant le premier trimestre de cette année coronavirusienne les températures ont été « exceptionnellement chaudes » et voici ce qu'on nous dit en introduction :
La température depuis le début de l'année 2020 atteint, en moyenne sur la France, 9,6 °C, soit une anomalie de +2,3 °C par rapport à la normale 1981-2010. Cette température est la plus chaude mesurée sur la même période depuis le début du 20ème siècle, devant les années 2007 et 2014 qui avaient également connu des débuts d'année très doux avec une température de 9,4 °C.
Et la carte qui nous est ensuite montrée nous fait voir tout rouge :


Ecarts par rapport à la moyenne des températures de la période 1981-2010.

On voit que c'est essentiellement la partie nord-est qui présente les plus forts écarts, incluant les Alpes, par contre les Pyrénées sont, elles, dans une zone que l'on pourrait qualifier de « normale », c'est-à-dire que les températures sont sensiblement équivalentes à ce qu'elles ont été pendant la période 1981-2010.

Pourtant si l'on regarde les statistiques d'enneigement, et plus précisément l'« équivalent en eau du manteau neigeux », on constate que c'est là où il a fait le plus chaud que l'équivalent en eau est...le plus fort ! La preuve en trois graphiques :
Evolution de l'équivalent en eau du manteau neigeux pour les Alpes du Nord.


Evolution de l'équivalent en eau du manteau neigeux pour les Alpes du Sud.


Evolution de l'équivalent en eau du manteau neigeux pour les Pyrénées.

Pour les Alpes, surtout celles du Sud, la saison a commencé avec des écarts nettement au-dessus de la médiane 1981-2010 ; c'est aussi le cas pour les Pyrénées mais dans ce massif, à la différence des Alpes, c'est à un déficit flagrant que l'on assiste depuis le mois de février.

En ce qui concerne le mois de décembre 2019 on rappellera qu'il a été en France exceptionnellement chaud (déjà !) comme Météo France nous l'indiquait avec Météo : une fin d'année très calme en nous montrant le graphique suivant :

Températures en France durant le mois de décembre 2019 (écarts par rapport à la moyenne 1981-2010 ?)

Un autre article intitulé Enneigement en montagne au 2 janvier 2020 nous indiquait :
[L']enneigement abondant [dans les Alpes du Nord] en altitude pour un début janvier est principalement dû à des précipitations excédentaires en novembre et décembre. Par exemple à Chamonix, les précipitations cumulées sur ces 2 mois de 297 mm (221 mm en moyenne) sont parmi les 20 % les plus arrosés.
Ainsi on constate une chose qui devrait faire réfléchir : des températures plus élevées que la normale ne sont pas incompatibles avec des précipitations elles-mêmes élevées qui en altitude se traduisent immanquablement par des chutes de neige pour peu que la température soit proche de zéro degré, ce qui n'est pas très difficile à obtenir au-dessus de 1 000 mètres en cette période de l'année !

Pour en revenir aux Pyrénées, des températures au premier trimestre 2020 plutôt fraiches par rapport aux autres massifs ne se sont donc pas traduites par des chutes de neige exceptionnelles, bien au contraire, c'est à une véritable pénurie que nous assistons avec de nombreuses stations ayant fermé bien avant la fin de la saison, et sans que le Covid-19 n'en soit la raison principale, même si le virus a apporté le coup de grâce comme on nous le dit ici :
La saison 2020 de ski s'est achevée brutalement, samedi, après l'annonce par le Premier ministre Edouard Philippe du confinement de la France pour cause d'épidémie de coronavirus […]

Peu de temps après cette annonce, une à une, les stations pyrénéennes ont annoncé leur fermeture prématurée : Luchon-Superbagnères, Saint-Lary, Peyragudes, Cauterets, Gourette, La Pierre, Artouste... La veille, les stations de Baqueira Beret, d'Andorre, des Pyrénées espagnoles avaient déjà pris cette même décision de fermeture au vu de l'avancée de la pandémie.

La saison 2020 aura donc été très compliquée pour les Pyrénées avec un manque de neige criant lors des vacances de fin d'année et d'hiver et maintenant cette fermeture précoce des domaines skiables.

Une saison noire pour l'or blanc, surtout pour les stations de moyenne altitude. Vivement qu'elles se transforment en stations "4 saisons"... et pas seulement en "intention politique". Il en va de l'avenir de certains de nos territoires, le luchonnais étant, hélas, en première ligne !


Pour terminer ce billet une petite explication sur ce que l'on appelle l'« équivalent en eau d'une masse neigeuse », une expression que ne semblent pas comprendre les mêmes personnes qui croient que quand cet indice est supérieur à la normale cela signifie forcément que nous nous acheminons vers un nouvel âge glaciaire (j'exagère, mais à peine) 

Sur Wikipédia nous avons la définition d'un nivomètre et on nous dit notamment :
Le nivomètre ne mesure pas la hauteur de la neige tombée mais plutôt la quantité d'eau que la neige contient.
On en déduit qu'un « équivalent en eau » est ce qu'une certaine quantité de neige tombée représente quand on la fait fondre et qu'on mesure ce que cela donne comme résultat liquide ; il ne s'agit donc pas de mesurer la hauteur de neige et encore moins la surface sur laquelle cette neige est tombée.

Mes connaissance en nivologie sont plutôt réduites, mais il me semble me souvenir (du temps où je faisais du ski de randonnée et que j'avais à l'occasion été amené à suivre des cours sommaires sur les différents états de la neige) que quand la température est très froide la neige qui tombe contient très peu d'eau, les cristaux sont légers et principalement composés...d'air ! Par contre quand la température est plus douce la neige est plus lourde, les flocons contiennent davantage d'eau et une chute modeste, donc de faible hauteur, donnera un équivalent en eau plus important que dans le cas d'une neige légère et froide.

En recherchant sur internet pour confirmer mes (lointains) souvenirs je tombe sur Neige lourde et neige humide où je lis :
Cela peut paraître étrange, mais la neige tombe aussi lorsque la température est supérieure à 0 degré. Il peut donc arriver qu’il neige même lorsqu’il fait plutôt doux. Lors des passages de giboulées (plusieurs petits épisodes séparés) avec une température allant jusqu’à 6 degrés, mais aussi lors de perturbations (précipitations plus longues) avec des températures allant jusqu’à 2/3 degrés, il y a de fortes chances pour que cette neige soit humide. Les flocons sont généralement compactés ensemble et tombent sous la forme de petites pizzas. Les caractéristiques de cette neige humide sont : de gros flocons; une température plutôt moyenne, une neige lourde, voire très lourde, et enfin, cette neige est parfaite pour faire des boules de neige.
Donc oui, avec le réchauffement climatique il n'est pas impossible que l'équivalent en eau des chutes de neige augmente, ce qui nous promet encore de belles âneries de la part de ceux qui ont décidé de ne comprendre que ce qu'ils avaient envie de comprendre.


Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

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