mardi 26 janvier 2021

Pierre Gosselin (No Trick Zone) lance un message à l'attention des gogos

 Nous connaissons bien ici Pierre Gosselin, ce désinformateur spécialisé dans la transformation des vessies en lanternes à l'attention des gros nigauds du genre de monsieur Antonio qui boit ses écrits illico, comme par exemple ici :

Fil info de sceptiques 2018 - Changement Climatique (skyfall.fr)

2501.  AntonioSan | 29/12/2018 @ 20:07 

Eh oui…
http://notrickszone.com/wp-con.....s-2018.png


Eh oui, et ça m'avait permis de remettre les choses à l'endroit dans Pour finir l'année avec le sourire (ou le fou rire éventuellement) afin de déniaiser les éventuels adeptes de la secte qui seraient passés par là (on peut toujours rêver)

Recenser tous les commentaires de monsieur Antoine dans lesquels il fait référence à Gosselin est quasiment mission impossible, je ne m'y aventurerai donc pas, et puis à quoi sert de tirer sur une ambulance aux pneus crevés qui vient de couler une bielle, ça peut amuser un moment mais comme on dit les plaisanteries les plus courtes...

Aujourd'hui nous allons parler d'un article récent du sieur Gosselin que monsieur Antoine a certainement lu avec avidité, Study Shows Arctic Sea Ice Reached Lowest Point On Modern Record… In The 1940s, Not Today! (Une étude montre que la glace de mer de l'Arctique a atteint son point le plus bas dans les annales modernes... Dans les années 1940, pas aujourd'hui !)

Et comme toujours en pareil cas nous nous poserons la question à deux volets qui nous vient immédiatement à l'esprit : est-ce que Gosselin est sérieux ou bien prend-il vraiment ses lecteurs pour des cons ? Dans le premier cas c'est un simple imbécile, dans le second c'est un charlatan, je vous laisse choisir ce qui vous semble le plus pertinent comme réponse.

Je vais faire court (je n'ai pas piscine mais c'est pareil)

Gosselin reprend dans son article une affirmation d'un certain Kenneth Richards selon laquelle la banquise arctique aurait été moins étendue en 1940 que ce qu'elle est aujourd'hui, et pour cela il nous montre ce graphique arrangé par ses soins :

Graphique montré par Gosselin.

Et il nous dit immédiatement après :
As the chart above shows Arctic sea ice volume in fact reached a low point in the 1940s, before adding 10,000 cubic kilometers (equivalent to 5 million sq km of 2-meter thick sea ice) by 1980. Such a massive rise means there had to have quite a bit of cooling there.
Comme le montre la carte ci-dessus, le volume de la glace de mer arctique a en fait atteint un point bas dans les années 1940, avant d'ajouter 10 000 kilomètres cubes (l'équivalent de 5 millions de km2 de glace de mer de 2 mètres d'épaisseur) en 1980. Une telle augmentation massive signifie qu'il a dû y avoir un certain refroidissement.
Petit problème : le graphique ne dit pas du tout ce que Gosselin prétend qu'il nous dit !

Il ne s'agit pas en effet du volume de la banquise arctique qui serait représenté par ce graphique, mais tout simplement de ce que les auteurs appellent « the wavelet » que l'on traduit en français par vaguelette !

Bien évidemment le terme exact scientifique n'est pas vaguelette, peut-être peut-on le traduire plutôt par quelque chose comme « ondelette » ; voici ce qu'explique Nick Stokes en réaction à cet article de Gosselin repris chez WUWT :
 January 24, 2021 4:00 pm

As usual from Kenneth Richard, a total misreading of the paper. The graph shown is not a historical record of sea ice volume, and the paper doesn’t say it is. As so often, the featured graph has been taken out of a much larger tableau of graphs, and the caption provided comes from KR’s imagination, not the paper. A time axis has been pasted on from somewhere else. It is in fact a modelled reconstruction of the temporal variability, not the volume itself. As to how it relates to the data, as the Methods say
“For the variability analysis, the trend and seasonal cycle are removed from the time series (pan-Arctic SIV and gridded SIT) so that we focus on the interannual variability.”

But even the data is a simulation, using CESM1:
” In practical terms, we will use the last 200 years of this simulation. The historical period has one ensemble member covering the 1850–2005 period and 30 ensemble members over 1920–2005.”

One final clue; they publish an analogous graph for 2005-2100 in the adjacent panel.

Comme d'habitude de la part de Kenneth Richard, une mauvaise lecture totale du document. Le graphique présenté n'est pas un relevé historique du volume de la glace de mer, et le papier ne le dit pas. Comme souvent, le graphique présenté a été extrait d'un tableau de graphiques beaucoup plus vaste, et la légende fournie provient de l'imagination de KR, et non du papier. Un axe du temps a été collé à partir d'un autre endroit. Il s'agit en fait d'une reconstruction modélisée de la variabilité temporelle, et non du volume lui-même. Quant à la façon dont il se rapporte aux données, comme le disent les Méthodes

"Pour l'analyse de la variabilité, la tendance et le cycle saisonnier sont retirés des séries chronologiques (VIS panarctique et SIT quadrillé) afin que nous nous concentrions sur la variabilité interannuelle".

Mais même les données sont une simulation, en utilisant le CESM1 :

” Concrètement, nous utiliserons les 200 dernières années de cette simulation. La période historique compte un membre d'ensemble couvrant la période 1850-2005 et 30 membres d'ensemble sur 1920-2005".

Un dernier indice : ils publient un graphique analogue pour 2005-2100 dans le panel adjacent.

Ainsi le graphique représente, si je comprends correctement, la « variabilité interannuelle », après avoir éliminé « la tendance et le cycle saisonnier » ; de plus il s'agit non pas d'observations mais du résultat de calculs provenant de modèles, ce qui a un certain charme quand on sait que « ces gens-là » n'ont aucune confiance dans les modèles climatiques !

Le véritable graphique issu de l'étude (voir Brief communication: Arctic sea ice thickness internal variability and its changes under historical and anthropogenic forcing), exempt de tout trafficotage à la Gosselin, est le suivant :

Véritable graphique (source The Cryosphere (copernicus.org))

Et voici la légende complète sans omission :

Figure 1Wavelet analysis applied to the Arctic sea ice volume anomaly over the pre-industrial (200 years preceding the historical integration) (a), historical (1850–2005) (b) and future (2006–2100) (c) periods. Each panel (a–c) presents the sea ice volume anomaly time series (top), wavelet power spectrum (bottom left) and time-integrated power spectrum from the wavelet analysis (bottom right). Morlet is used as a wavelet mother. The red lines denote the 95 % significance levels above a red noise background spectrum, while the crosshatched areas indicate the cone of influence where edge effects become important. White areas in the wavelet power spectrum represent values out of the range defined by the colour bar. Horizontal black lines depict the 8- and 16-year periods. Multi-member wavelet analysis (d). The red dots depict wavelet spectrum local maxima for all members. The blue and dashed red lines show the mean normalised wavelet spectrum and 95 % confidence spectrum for all members, respectively. The black line represents the number of wavelet spectrum local maxima at each period.

Traduction (approximative...) :
Figure 1 Analyse par ondelettes appliquée à l'anomalie du volume de la glace de mer arctique sur les périodes préindustrielle (200 ans avant l'intégration historique) (a), historique (1850-2005) (b) et future (2006-2100) (c). Chaque panneau (a-c) présente la série chronologique de l'anomalie du volume de la glace de mer (en haut), le spectre de puissance des ondelettes (en bas à gauche) et le spectre de puissance intégré dans le temps de l'analyse des ondelettes (en bas à droite). Morlet est utilisé comme une mère d'ondelettes. Les lignes rouges indiquent les niveaux de signification à 95 % au-dessus d'un spectre de bruit de fond rouge, tandis que les zones hachurées indiquent le cône d'influence où les effets de bord deviennent importants. Les zones blanches dans le spectre de puissance des ondelettes représentent les valeurs en dehors de la plage définie par la barre de couleur. Les lignes noires horizontales représentent les périodes de 8 et 16 ans. Analyse d'ondelettes multi-membres (d). Les points rouges représentent les maxima locaux du spectre d'ondelettes pour tous les membres. Les lignes bleues et rouges pointillées montrent respectivement le spectre moyen normalisé des ondelettes et le spectre de confiance à 95 % pour tous les membres. La ligne noire représente le nombre de maxima locaux du spectre d'ondelettes à chaque période.
Sur twitter, à la suite du tweet de Kenneth Richards certains commentateurs ne se sont pas laissés piéger, par exemple :

He doesn’t seem to have read the paper. The data were detrended so they could focus on the variability. It’s not really surprising that they see no trend when they’ve removed it!
Il ne semble pas avoir lu le papier. Les données ont été corrigées afin de pouvoir se concentrer sur la variabilité. Il n'est pas vraiment surprenant qu'ils ne voient aucune tendance lorsqu'ils l'ont supprimée !


A noter que dans l'article donné en lien par ce dernier commentateur (voir Arctic Sea Ice Volume Variability over 1901–2010: A Model-Based Reconstruction in: Journal of Climate Volume 32 Issue 15 (2019) (ametsoc.org)) le graphique suivant est sans ambiguïté aucune :

Volume total de la glace de mer (×1000 km3) de PIOMAS-20C et PIOMAS en septembre et avril.

On voit nettement qu'en septembre 1940 la banquise avait un volume d'environ 13-14 mille kilomètres cubes, à comparer avec septembre 2020 et ses 4 200 km3 de moyenne (voir Climactualités - octobre 2020), soit une baisse d'une dizaine de milliers de km3 !

Mais à part cela pour Pierre Gosselin, et très probablement pour monsieur Antoine le gogo de service sur Skyfall, « le volume de la glace de mer arctique a en fait atteint un point bas dans les années 1940 »



La bêtise est infiniment plus fascinante que l'intelligence, infiniment plus profonde. L'intelligence a des limites, la bêtise n'en a pas. (Claude Chabrol)


4 commentaires:

  1. By the way, update récent.
    https://tc.copernicus.org/articles/15/233/2021/

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    1. Merci Goupil, très intéressant, ainsi nous avons la confirmation que même l'Antarctique perd de la glace de manière significative et que le solde n'est pas « pratiquement nul » comme prétendu par certains ; nous apprenons aussi que 68% provient du réchauffement atmosphérique et que 32% sont causés par le réchauffement des océans.

      Plus les jours passent et plus les choses se précisent sans aller dans le bon sens et on se demande ce qu'un Gosselin va encore pouvoir inventer comme fable pour faire croire à ses abonnés que nous allons vers un refroidissement général.

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  2. J'ai contacté les auteurs, dont je connais bien certains, et voici la réponse d'un d'entre eux :

    merci de l’info. Si je me rappelle bien les anomalies sont calculées par rapport à une tendance quadratique qui prend donc en compte les variations forcées, de telle sorte que ces anomalies ne représentent que la partie naturelle des variations:

    "When only one ensemble member is used, as for the temporal analysis, the anomaly is calculated by excluding the individual trend » (p. 3480)

    Des guetteurs attentifs sont là pour recadrer ce genre d’imbéciles:

    [copie d'écran du tweet de Tim Osborn]

    Je ne pense pas qu’il faille lever le petit doigts pour ce genre de futilités.

    François


    Ça se passe de commentaires.

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    1. Merci VB d'avoir transmis le message !

      Effectivement je ne pense pas également que les chercheurs aient à perdre du temps avec ce genre de « futilités », je suis là pour ça puisque j'ai du temps de libre ;)

      Figurez-vous que je n'avais même pas remarqué que les chercheurs étaient tous de l'UCL, où avais-je la tête ?

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