dimanche 22 mai 2022

Jacques Henry a perdu ses lunettes, ou bien une trop grande quantité de neurones...

 Nous avons la chance en France d'avoir un duo de choc qui représente fièrement le climato-crétinisme dans toute sa splendeur ; nous connaissons bien Benoit Rittaud pour l'avoir assez souvent mentionné ici, mais il ne faut pas oublier Jacques Henry que j'ai beaucoup moins mis en avant étant donné que lui-même se contente de tenir un blog alors que notre mathématimancien local paye de sa personne sur divers médias où l'on peut admirer sa bouille de lycéen attardé ; l'exposition médiatique de Rittaud appelle évidemment davantage de réactions, plus on le voit et plus on a tendance à vouloir démonter ses inepties, tandis qu'Henry se fait plus discret de son côté.

Cependant avec Jacques Henry il y aurait fort à faire, quasiment chacun de ses opus est une ode à la bêtise et si j'en avais vraiment envie je passerais mon temps à le dézinguer, mais j'ai d'autres chats à fouetter (pardon Brigitte) et puis on finirait par m'accuser de harcèlement à son encontre.

J'ai quand même pas le choix là, à la lecture d'un de ses derniers billets intitulé Depuis 1997 la Terre ne s’est pas réchauffée ! il faut que j'intervienne tel le pompier de service.

Vous avouerez qu'un titre pareil ça interpelle, il n'y aurait donc eu aucun réchauffement depuis 1997, vraiment ?

Non, pas vraiment, mais on s'en serait un peu douté quand on connait l'animal.

Et sur quoi se base monsieur Henry quand il affirme tout de go ce qui suit ?

Depuis 1997 jusqu’à ce jour les données intégrées des archives globales des radio-sondes dans l’hémisphère nord (IGRA en noir) ainsi que celles harmonisées entre les différents centres de collecte de ces données (RHARM, pour Radiosounding HARMonization, en rouge, et la réanalyse selon les critères du centre européen de prédiction météorologique (ERA5) indiquent qu’il n’y a pas eu de « réchauffement » notable entre les latitudes 25-70° nord. L’anomalie relative à la moyenne de toutes ces données n’indique elle aussi aucune tendance, K étant les degrés Kelvin. 

Et de montrer ces graphiques mystérieux en se gardant bien de fournir leur légende :

D'après Jacques Henry, je cite, « résultat [...] plus parlant que n’importe quel discours »

Tout d'abord on constate que la période étudiée part de 1979 et non de 1997, Jacques Henry a de toute évidence inversé les deux derniers chiffres, on mettra ça sur le compte de la fatigue due au grand âge et à une trop grande perte de neurones (d'où le titre de mon billet)

Comme toujours avec Jacques Henry il convient de vérifier attentivement les informations qu'il nous donne, et comme il a la gentillesse (ou l'inconscience ?) de fournir la source en fin de billet je suis allé voir l'étude en question, The New Radiosounding HARMonization (RHARM) Data Set of Homogenized Radiosounding Temperature, Humidity, and Wind Profiles With Uncertainties.

Alors d'abord, et pour tuer le suspense afin éventuellement de vous économiser un peu de lecture, voici un extrait du résumé qui va bien vous faire rire :

RHARM shows warming trends of 0.39 K/decade at 300 hPa in the Northern Hemisphere and of 0.25 K/decade in the tropics.

RHARM montre des tendances au réchauffement de 0,39 K/décennie à 300 hPa dans l'hémisphère nord et de 0,25 K/décennie dans les tropiques.

Si vous n'êtes pas plié de rire c'est que vous n'avez pas été très attentif.

L'étude en question arrive donc à la conclusion que les données des ballons sondes, en extrapolant sur un siècle, fournissent les élévations de températures suivantes au géopotentiel 300 hPa (entre 9 et 10 kilomètres d'altitude) :

  • dans l'hémisphère nord : +3,9°C
  • sous les tropiques : +2,5°C
Et c'est sans compter sur une possible accélération de l'élévation des températures au cours de ce siècle, ce qui n'est pas à exclure !

Et Jacques Henry d'en déduire qu'il n'y aurait plus de réchauffement depuis 1997 ! Mais ce n'est pas tout, il s'enfonce un peu plus dans le ridicule avec ceci :

Mais alors que nous raconte donc l’IPCC, un organisme censé tenir compte d’une telle étude ? Rien, silence total car la mission de cet organisme onusien est d’effrayer les populations afin d’en maîtriser le style de vie pour sauver le climat. 

L'étude ayant été publiée pour la première fois le 21 décembre 2021 on peut aisément penser que le GIEC n'avait pas actionné sa machine à remonter le temps et l'a « oubliée » dans son 6ème rapport ! Il suffit de consulter Wikipédia et l'on a la date de parution du rapport du groupe I :

Le premier volet du sixième rapport, rédigé par le groupe I et intitulé Changement climatique 2021 : les éléments scientifiques, a été publié le  (au lieu d'avril 2021, en raison de la pandémie de COVID-19). Il synthétise les résultats d'environ 14 000 articles scientifiques (publiés ou acceptés pour publication avant le 31 janvier 2021). Ses 234 « principaux » auteurs ont répondu à 78 007 commentaires des gouvernements et d’experts avant la rédaction finale.

Ce sont donc des études datant d'avant le 31 janvier 2021 qui ont pu être prises en compte, mais on peut penser que dans le 7ème rapport ces travaux sur les ballons sondes figureront en bonne place, étant donné que très loin de « prouver » un non réchauffement depuis 1997 ils vont dans le même sens que le consensus scientifique sur le sujet.

Mais le plus comique dans l'affaire c'est peut-être la lecture que Jacques Henry fait des graphiques qu'il nous montre en omettant leur légende, alors comme je suis sympa avec vous je vais vous citer celle-ci en ce qui concerne les graphiques a, b, c et d inclus dans l'étude :

Upper tropospheric interannual variations of 300 hPa temperature for the period 1979–2018 for Integrated Global Radiosonde Archive (black), Radiosounding HARMonization (red), and ERA5 reanalysis (blue) in the Northern Hemisphere and in the tropics. Anomalies are shown in the panels a and c, while in panels b and d differences (to ERA5) are shown. For ERA5 the nearest grid-point to each station and simultaneous vertical profiles on 12 UTC and 00 UTC are selected.

Traduction :

Variations interannuelles de la température de la haute troposphère à 300 hPa pour la période 1979-2018 pour Integrated Global Radiosonde Archive (noir), Radiosounding HARMonization (rouge), et ERA5 reanalysis (bleu) dans l'hémisphère nord et dans les tropiques. Les anomalies sont indiquées dans les panneaux a et c, tandis que les panneaux b et d montrent les différences (par rapport à ERA5). Pour ERA5, le point de grille le plus proche de chaque station et les profils verticaux simultanés à 12 UTC et 00 UTC sont sélectionnés.

Les graphiques a et c sont donc ceux qu'il faut regarder pour visualiser l'évolution des températures pour la période allant de 1979 à 2018, et l'on constate assez facilement qu'entre 1997 et 2018 il y a bien eu une hausse des températures contrairement à ce que Jacques Henry essaie de faire avaler à ses lecteurs.

Et quand il écrit « L’anomalie relative à la moyenne de toutes ces données n’indique elle aussi aucune tendance » il fait apparemment référence aux graphiques b et d qui, encore une fois contrairement à ce qu'il affirme, ne représentent pas une « moyenne de toutes ces données » mais l'écart entre les données issues des ballons sondes et les réanalyses ERA5 ; il est donc normal que sur la période 1979-2018 (et non 1997-2018) on ne constate quasiment aucune évolution, seuls des pics et des creux jalonnant cet intervalle de temps.

Mais comme je suis curieux j'ai quand même voulu vérifier si l'année 1997 était bien mentionnée dans l'étude, avec pourquoi pas un passage qui aurait pu induire Jacques Henry en erreur, et oui, il y a bien l'année 1997 ici :
For temperature (Figure 8) in the NH, IGRA, RHARM, and ERA5 show a similar positive trend of 0.38, 0.39 and 0.43 K da−1, respectively, while in the tropics at 300 hPa the trend is of 0.17, 0.25, 0.20 K da−1, with a more pronounced trend increase starting around 1997.
Pour la température (figure 8) dans l'hémisphère Nord, IGRA, RHARM et ERA5 montrent une tendance positive similaire de 0,38, 0,39 et 0,43 K da-1, respectivement, tandis que dans les tropiques à 300 hPa la tendance est de 0,17, 0,25, 0,20 K da-1, avec une augmentation plus prononcée de la tendance à partir de 1997 environ.
Il y aurait donc, à partir de 1997, une accélération du réchauffement dans les tropiques !

N'en jetons plus, la cour est maintenant pleine et je vais arrêter de tirer sur l'ambulance transportant Jacques Henry, elle a déjà les quatre pneus crevés et le moteur fume dangereusement.

Laissons le mot de la fin aux auteurs de l'étude qui tiennent à remercier un organisme en particulier :
This work was done on behalf of the European Union's Copernicus Climate Change Service implemented by ECMWF.
Ce travail a été réalisé pour le compte du service Copernicus de l'Union européenne sur le changement climatique, mis en œuvre par le CEPMMT.
Eh oui, les auteurs travaillent donc sur le « changement climatique », un petit détail qui aura échappé à la sagacité de Jacques Henry.

Merde j'avais dit que j'arrêtais de tirer...

Bon d'accord, j'avais encore une balle dans le chargeur, fallait bien que je m'en débarrasse.


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