lundi 5 mars 2018

Mes chenilles lèvent enfin le camp

Nous sommes le 5 mars et mes chenilles se décident enfin à descendre de leur arbre pour aller chercher fortune ailleurs, quelque part, croient-elles, où elles seront en sécurité sous terre ; malheureusement pour elles, c'est dans un sac qu'elles finiront leur courte existence :

Chenilles piégées.

Pour rappel, en 2016 mes chenilles étaient toutes dans le sac début février, car comme je l'avais remarqué dans mon billet du 27 novembre 2016 :
[...] les processions, qui préludent à l’enfouissement, commencent en principe fin janvier pour se terminer courant juillet (cela dépend de la région) mais l'an dernier les processions de mes chenilles avaient toutes commencé en janvier et en février toutes ces bestioles étaient déjà piégées dans les sacs de terre de mes pièges, mais il faut dire que l'hiver 2015-2016 a été particulièrement doux chez moi [...]
Au passage, c'est pour cela que ma commune a été déclarée en état de catastrophe naturelle due aux mouvements de terrains liés à la sécheresse pour la période du 1er janvier au 31 mars 2016...

En 2017 les chenilles descendirent un peu plus tard, comme je l'expliquais dans un billet du 27 février 2017 :
C'est plus tard que l'an dernier, quand dès fin janvier quasiment toutes mes chenilles étaient déjà ensachées, mais il faut dire que l'hiver 2016-2017 a été plutôt « normal », avec des températures « hivernales » alors que les deux hivers précédents étaient hors normes et particulièrement doux.
Cette année, par contre, nous avons eu un hiver « normal » selon les normes d'il y a plusieurs décennies en arrière, c'est pourquoi mes chenilles ont un peu de retard dans leur planning, elles descendent quelques jours plus tard que l'an dernier, mais bien plus tard qu'il y a deux ans.

A noter quand même que sur un de mes trois arbres infestés, les chenilles semblent avoir déjà fait le voyage il y a quelques jours sans que je m'en rende compte, pour preuve les filaments qu'elles ont laissé dans la gouttière qui les canalise vers leur trépas :

Traces laissées par les chenilles processionnaires.

Excusez la mauvaise qualité de la photo, mais je ne suis pas doué pour régler mon appareil quand il s'agit de faire des prises de vues rapprochées, c'est souvent (toujours ?) flou, mais on distingue quand même assez bien les filaments contre le tronc.

Je me suis amusé à faire un petit tour dans la presse récente sur le sujet, voici ce que j'ai pu glaner ici ou là (avec mes commentaires en bleu).

Depuis une dizaine d'années, les chenilles processionnaires ont investi le département de l'Orne. Une campagne de communication auprès du grand public devrait être lancée en 2018. (mieux vaut tard que jamais)
« Comme toujours, le nerf de la guerre, ce sont les finances », pointe David Philippart, directeur de la Fredon ex-Basse-Normandie qui précise que l’arrivée des chenilles processionnaires dans l’Orne avait été signalée dès 2008 à la DDAF (Direction départementale de l’agriculture et de la forêt devenue depuis DDT – direction départementale des territoires), signalement resté sans suite jusqu’à ce jour. « On savait qu’on allait avoir un problème sanitaire », souligne-t-il. (comme pour le RCA, on sait qu'on va avoir des problèmes, mais on attend, on attend...)
La méthode la plus efficace – mais que les hommes ne maîtrisent pas – reste les gelées précoces, à moins 7-8 ° pendant plusieurs jours, et/ou des hivers très rigoureux, ce que nous n’avons pas eu depuis une dizaine d’années. A défaut, les éco-pièges fonctionnent très bien. « En ce moment, c’est l’idéal. Les chenilles sont dans les nids la nuit et elles sortent la journée mais attention, il faut mettre des pièges dans chaque pin infesté ». (cet hiver 2017-2018 n'a apparemment pas été si rigoureux que ça il faut croire, et je peux confirmer que les éco-pièges, que j'utilise, sont efficaces)
Dangereuse tant pour les hommes que pour les animaux domestiques, la chenille processionnaire concerne l’ensemble des communes du Perche, dans l’Orne. Face à ce problème, nouveau en Normandie, les élus sont contraints de prendre des mesures parfois radicales. (problème nouveau en Normandie, tiens tiens, ça serait dû à quoi d'après vous ?)
Face à ce fléau, jusqu’à présent réservé aux cités du sud de la France, les communes du Perche sont aidées à la fois par l’Agence régionale de santé et par la FREDON de Basse-Normandie, qui tentent vaille que vaille de proposer des mesures appropriées. Il n’en reste pas moins que le problème est difficile à gérer, d’autant que les poils des chenilles peuvent rester présents et être urticants même quand les chenilles ne sont plus visibles. (eh oui, c'était réservé aux cités du sud de la France, mais ça c'était avant ; et les problèmes de santé publique causés par les chenilles ne sont qu'un petit aspect de ce qui nous attend réellement)
Cette année, les premiers signalements de chenilles processionnaires arrivent plus tôt : d’habitude attendus vers la fin de l’hiver, on signale déjà des nids dans les pins maritimes des Landes. Or, cet insecte peut causer des lésions impressionnantes au chien qui a le malheur d'y goûter ! (dans certaines régions, même avec un hiver particulièrement froid, les signalement arriveraient donc plus tôt...)
[...] une étude de l’INRA de Bordeaux a observé un phénomène de pullulation non expliquée tous les 7-8 ans, or le dernier a eu lieu au cours de l’hiver 2010-2011, il se peut donc qu’on soit à la veille d’une nouvelle phase de surpopulation. (ou bien que la température monte graduellement, allez savoir...)
Alors qu’elle gagne de plus en plus de régions françaises, la chenille processionnaire semble faire son offensive en avance cette année… Plusieurs lecteurs et internautes nous ont fait part d’observations massives dans nos communes. En lisière de forêt à Mios, dans les quartiers boisés d’Arcachon en passant par Andernos… La douceur de ces dernières semaines a pu faciliter leur éclosion. Et ce à une date assez précoce puisque la procession se fait normalement au mois de mars. (il y a donc des endroits où cette année la migration s'est faite plus tôt que chez moi, me voilà rassuré...)
Le 23 février 2018, Chenilles processionnaires : sept pins abattus (comme il faut être abonné pour consulter l'article vous n'aurez donc que le titre)

Bien évidemment vous trouverez toujours des gens pour nier que le réchauffement climatique soit en cause pour expliquer cette « montée » vers le nord et en altitude, ainsi que l'apparition de plus en plus précoce de ces charmantes bestioles, et ils vous sortiront des explications de leur sac à malices afin de vous convaincre que le réchauffement climatique n'y est pour rien.

Voyons ce que nous disait Science et Avenir en février 2015, soit trois ans en arrière, dans La chenille processionnaire fait se gratter la France :
Le redoutable insecte urticant poursuit sa conquête du territoire français, bien aidé par le réchauffement climatique. Et par l’homme.
Selon une centaine de chercheurs, réunis lors d'un un colloque international organisé par le réseau d'étude de l'espèce créé par l'Inra, l'expansion de cet animal a de quoi inquiéter : "L'insecte a aujourd'hui atteint, voire dépassé l'Ile-de-France et les conditions climatiques font que désormais toute la France est favorable à son expansion", note Alain Roques au Centre Inra Val de Loire. Outre un climat de plus en plus accueillant, la chenille processionnaire peut aussi compter sur l'homme. Les chercheurs ont ainsi récemment démontré que les individus apparus en Alsace et au nord de Paris en 2013 provenaient bien de populations plus méridionales, preuve que ces chenilles avaient été apportées en camion via la commercialisation de résineux. L'espèce n'a pourtant pas besoin de ce coup de pouce pour coloniser l'ensemble de l'Hexagone.
La chenille processionnaire ne supporte pas les coups de froids à -16°C qui provoquent alors des mortalités complètes, poursuit Alain Roques. De plus, des températures supérieures à 0°C l'hiver permettent aux chenilles de continuer à se nourrir".
Et de nous montrer cette carte :

Depuis 20 ans, la température moyenne de la Beauce a ainsi augmenté d’environ 1°C. Non seulement le froid n’est plus assez vif pour tuer les colonies, mais la douceur permet aux chenilles de se nourrir tout l’hiver. Celle-ci est même en train de coloniser les reliefs du Massif Central qui lui était encore défavorables il y a 20 ans (carte de diffusion ci-contre ©Inra).

Le site du Parc National des Ecrins, dans La chenille processionnaire profite du réchauffement, nous montre lui aussi une carte assez similaires :

A l’origine méditerranéenne, cette espèce est connue depuis longtemps dans la moitié sud de la France. Favorisée par les températures douces, le réchauffement climatique lui est bénéfique. On observe depuis quelques décennies une expansion de son aire de répartition vers le nord, où elle atteint désormais la Normandie et la région parisienne, ainsi qu’en altitude. Elle a été observée jusqu’à plus de 1600 m sur le territoire du parc national des Ecrins. Sa remontée vers le nord est très surveillée et s’avère très rapide, atteignant une cinquantaine de kilomètres par décennie. Source de l'image inra

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, et si vous êtes sages je vous tiendrais au courant dans le cas où mes chenilles décideraient de remonter dans leurs nids plutôt que de crever bêtement dans mes sacs de terre.


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