Bon, nous arrivons presque à la fin de notre série sur l'homme et/ou le singe ; précédemment je vous avais fait une promesse de gascon, en commençant mon billet par
L'affirmation en question étant, je le rappelle, que « l'homme est un singe », selon certains parce que Pascal Picq l'aurait dit !
Dès le début, dans la présentation de l'auteur, celui-ci est désigné comme « spécialiste du comportement animal » ; si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou (Abraham Maslow), donc si vous êtes spécialiste du comportement animal, il y a de fortes chances pour que vous voyiez des animaux un peu partout...
Mais Morris nous donne déjà un indice de la faiblesse de sa théorie, quand dans les remerciements il cite notamment...Konrad Lorenz...qui, nous l'avons vu, avait une vision diamétralement opposée à la sienne ; mais Morris dit bien, à la fin de ses remerciements :
Maintenant voyons un peu en détail ce que je reproche à Desmond Morris.
Dans son introduction il y a déjà beaucoup de matière à critiquer ; à la quatrième ligne il nous dit :
Pourquoi tout d'abord distinguer les singes et les gorilles, comme si les gorilles n'étaient pas des singes ; on pourrait arguer qu'en anglais ils ont la distinction monkey (singe avec queue) et ape (singe sans queue ou grand-singe) et que le mot « singe » dans la phrase est traduite du mot monkey, mais même cela ne tient pas debout, car les gorilles ne sont pas les seuls représentants des apes, il y a aussi les chimpanzés et les orang-outangs, entre autres.
Ensuite Morris nous dit naïvement que « le singe nu [...] s'est donné le nom d'Homo sapiens », avouant par là que seul l'homme est capable de donner des noms et d'opérer des classifications ; il avoue également que l'homme est un Homo sapiens (en vérité Homo sapiens sapiens pour désigner l'homme moderne) et non un singe, puisque, faut-il le rappeler, le mot « singe » ne fait pas partie du vocabulaire scientifique, c'est un terme utilisé dans le langage courant ; pour mieux s'en rendre compte il suffit de consulter n'importe quel cladogramme, comme celui-ci par exemple :
A aucun moment le mot singe n'est mentionné.
Il faut à cet instant faire un court aparté concernant Wikipédia qui nous dit aussi que
Fin de l'aparté.
Et la suite pour un peu plus tard (oui j'aime bien faire durer le plaisir)
aujourd'hui je vais tenter d'expliquer d'où vient cette affirmation
Je vous avais fait languir en ne vous dévoilant pas le fin mot de l'affaire, nous en étions restés à Konrad Lorenz et quelques uns de ses contemporains pour lesquels l'homme ne faisait même pas partie du monde animal...
Donc jusqu'au moins dans les années 1950s il me semble que pas beaucoup de gens (si vous en trouvez merci de me le faire savoir) affirmaient que « l'homme est un singe », en fait personne ne devait vraiment se poser la question, en tout cas pas grand chose n'est transparu dans le grand public.
Et c'est bien pour cela que le livre de Desmond Morris, Le Singe nu, paru en 1967, a fait un si grand bruit !
Ce livre, nous dit-on, a été vendu à plus de dix millions d'exemplaires dans 23 langues (source Wikipedia), ce qui en fait pour sûr un véritable blockbuster, sachant que les livres sur l'anthropologie sont en général loin de passionner les foules.
Wikipedia nous dit également que « ce livre a cependant fait l'objet de vives critiques pour sa faiblesse méthodologique et ses hypothèses erronées », ce que je peux, à mon très modeste niveau, confirmer, bien que n'étant ni zoologiste (la spécialité de Desmond Morris), ni anthropologue, ni quoi que ce soit hormis un simple quidam qui donne son avis sur la question après avoir lu son livre.
Déjà il est assez étrange de baptiser l'homme de « singe nu », alors que le premier reflexe serait plutôt, en supposant qu'il s'agit bien d'un singe, de le qualifier de « singe habillé », car à ma connaissance il est le seul être vivant à non seulement s'habiller de vêtements de toutes formes et coloris, mais de le faire en plus avec une imagination dont aucun animal sur Terre ne peut se montrer capable.
On trouve bien des chimpanzés affublés des vêtements les plus divers, mais ce sont bien des humains qui ont conçu et confectionné ces vêtements et qui les ont mis sur ces pauvres animaux qui ne doivent même pas se rendre compte de la signification de ce qu'ils portent !
Ils ne leur manque que la parole... |
En fait si Desmond Morris qualifie l'homme de « singe nu » se serait parce qu'il aurait perdu...ses poils !
Bizarre non, quand on pense que lorsque nous sommes nus nous disons que nous sommes « à poil », c'est-à-dire que seuls nos poils nous habillent (même si l'expression semble plutôt venir du cheval que l'on montait « à poil », à même le poil, sans selle ; aujourd'hui on dit plutôt à cru) ou que nos poils sont ainsi visibles.
Ce n'est pas la seule incohérence, ni la plus grande, que l'on trouve dans le livre de Morris.
Ainsi on a l'impression qu'il cherche à nous « prouver » que l'homme est en tous points différent des singes, alors qu'en fait sa « thèse de départ » serait que nous aurions tant de points communs que nous ne pourrions nous considérer que comme faisant partie du monde simiesque.
En effet, en lisant la quatrième de couverture on peut lire :
Non, déclare le zoologiste Desmond Morris, nous ne sommes pas une espèce nouvelle née du processus de l'évolution, nous sommes toujours des singes. Et il le démontre.Il ne démontre en fait rien du tout.
Dès le début, dans la présentation de l'auteur, celui-ci est désigné comme « spécialiste du comportement animal » ; si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème comme un clou (Abraham Maslow), donc si vous êtes spécialiste du comportement animal, il y a de fortes chances pour que vous voyiez des animaux un peu partout...
Mais Morris nous donne déjà un indice de la faiblesse de sa théorie, quand dans les remerciements il cite notamment...Konrad Lorenz...qui, nous l'avons vu, avait une vision diamétralement opposée à la sienne ; mais Morris dit bien, à la fin de ses remerciements :
Je m'empresse d'ajouter que la mention d'un nom dans cette liste ne signifie pas nécessairement que la personne en question partage toujours les opinions que j'exprime dans cet ouvrage.Nous sommes donc avertis, et valons ainsi au moins deux singes, il y a des scientifiques qui ne sont pas d'accord avec Morris et ce que ce dernier avance dans son livre ce ne sont après tout que des opinions !
Maintenant voyons un peu en détail ce que je reproche à Desmond Morris.
Dans son introduction il y a déjà beaucoup de matière à critiquer ; à la quatrième ligne il nous dit :
Cent quatre-vingt-douze [espèces vivantes de singes et de gorilles] sont couvertes de poils. La seule exception est le singe nu qui s'est donné le nom d'Homo sapiens.Rien que dans cette phrase on peut dire que Morris raconte n'importe quoi.
Pourquoi tout d'abord distinguer les singes et les gorilles, comme si les gorilles n'étaient pas des singes ; on pourrait arguer qu'en anglais ils ont la distinction monkey (singe avec queue) et ape (singe sans queue ou grand-singe) et que le mot « singe » dans la phrase est traduite du mot monkey, mais même cela ne tient pas debout, car les gorilles ne sont pas les seuls représentants des apes, il y a aussi les chimpanzés et les orang-outangs, entre autres.
Ensuite Morris nous dit naïvement que « le singe nu [...] s'est donné le nom d'Homo sapiens », avouant par là que seul l'homme est capable de donner des noms et d'opérer des classifications ; il avoue également que l'homme est un Homo sapiens (en vérité Homo sapiens sapiens pour désigner l'homme moderne) et non un singe, puisque, faut-il le rappeler, le mot « singe » ne fait pas partie du vocabulaire scientifique, c'est un terme utilisé dans le langage courant ; pour mieux s'en rendre compte il suffit de consulter n'importe quel cladogramme, comme celui-ci par exemple :
Phylogénie des genres actuels d'hominidés, d'après Shoshani et al. (1996)3 et Springer et al. (2012), source wikipedia.../Homo |
A aucun moment le mot singe n'est mentionné.
Il faut à cet instant faire un court aparté concernant Wikipédia qui nous dit aussi que
Les Hominoïdes (Hominoidea) ou grands singes1,2 constituent une super-famille de primates simiiformes du micro-ordre des Catarrhiniens. Ils sont aussi nommés singes anthropomorphes3. Ce groupe comprend notamment l'Homo sapiens.Rappelons simplement ce que nous dit John Hawk au sujet de Wikipédia :
Nom d'un chien ! Mais je ne suis pas d'accord avec Coyne et Wikipedia. Les [grands] singes ne sont pas un clade. (MISE À JOUR du 18 mars 2012 : mon article original disait quelque chose de sarcastique sur les biologistes qui s'appuient sur Wikipédia pour leur systématique. Plus tard, j'ai décidé que les chances de ne pas consulter Wikipedia pour la taxonomie des mouches sont statistiquement impossibles à distinguer de zéro.)Cela pour relativiser l'information que l'on trouve sur Wikipédia, certes de grande qualité, mais parfois à prendre avec les précautions d'usage.
Fin de l'aparté.
Et la suite pour un peu plus tard (oui j'aime bien faire durer le plaisir)
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