mardi 9 avril 2019

Lévothyrox, statines, rougeole...quel commun dénominateur ?

Le Lévothyrox


Nous apprenons donc qu'une étude donne raison aux patients qui se plaignaient de la nouvelle version du Levothyrox ; c'est dans le Monde et ça s'intitule Levothyrox : l’étude qui donne raison aux patients.

L'étude scientifique menée conjointement par des Français et des Britanniques, titre Levothyrox® New and Old Formulations: Are they Switchable for Millions of Patients?, et en voici le résumé :
In France, more than 2.5 million patients are currently treated with levothyroxine, mainly as the marketed product Levothyrox®. In March 2017, at the request of French authorities, a new formulation of Levothyrox® was licensed, with the objective of avoiding stability deficiencies of the old formulation. Before launching this new formulation, an average bioequivalence trial, based on European Union recommended guidelines, was performed. The implicit rationale was the assumption that the two products, being bioequivalent, would also be switchable, allowing substitution of the new for the old formulation, thus avoiding the need for individual calibration of the dosage regimen of thyroxine, using the thyroid-stimulating hormone level as the endpoint, as required for a new patient on initiating treatment. Despite the fact that both formulations were shown to be bioequivalent, adverse drug reactions were reported in several thousands of patients after taking the new formulation. In this opinion paper, we report that more than 50% of healthy volunteers enrolled in a successful regulatory average bioequivalence trial were actually outside the a priori bioequivalence range. Therefore, we question the ability of an average bioequivalence trial to guarantee the switchability within patients of the new and old levothyroxine formulations. We further propose an analysis of this problem using the conceptual framework of individual bioequivalence. This involves investigating the bioavailability of the two formulations within a subject, by comparing not only the population means (as established by average bioequivalence) but also by assessing two variance terms, namely the within-subject variance and the variance estimating subject-by-formulation interaction. A higher within individual variability for the new formulation would lead to reconsideration of the appropriateness of the new formulation. Alternatively, a possible subject-by-formulation interaction would allow a judgement on the ability, or not, of doctors to manage patients effectively during transition from the old to the new formulation.
En France, plus de 2,5 millions de patients sont actuellement traités par la lévothyroxine, principalement sous la forme de son produit commercialisé, le Levothyrox®. En mars 2017, à la demande des autorités françaises, une nouvelle formulation de Levothyrox® a été homologuée dans le but d'éviter des problèmes de stabilité de l'ancienne formulation. Avant de lancer cette nouvelle formulation, un essai de bioéquivalence moyen, basé sur les directives recommandées par l'Union européenne, avait été réalisé. La justification implicite était l'hypothèse que les deux produits, étant bioéquivalents, seraient également interchangeables, ce qui permettrait de remplacer le nouveau par l'ancien et éviterait la nécessité d'un étalonnage individuel du régime de thyroxine, en utilisant le niveau d'hormone stimulant la thyroïde comme objectif final, tel que requis pour un nouveau patient au début du traitement. Malgré le fait que les deux formulations se sont révélées bioéquivalentes, des effets indésirables du médicament ont été rapportés chez plusieurs milliers de patients après la prise de la nouvelle formulation. Dans cet article d'opinion, nous rapportons que plus de 50% des volontaires en bonne santé inscrits à un essai réglementaire de bioéquivalence moyen réussi étaient en réalité en dehors de la plage de bioéquivalence a priori. Par conséquent, nous nous interrogeons sur l'aptitude d'un essai de bioéquivalence moyen à garantir l'interchangeabilité chez les patients des nouvelles et anciennes formulations de lévothyroxine. Nous proposons en outre une analyse de ce problème en utilisant le cadre conceptuel de la bioéquivalence individuelle. Cela implique d'étudier la biodisponibilité des deux formulations chez un sujet, en comparant non seulement les moyennes de la population (établies par la bioéquivalence moyenne), mais également en évaluant deux termes de variance, à savoir la variance intra-sujet et la variance estimant l'interaction sujet-par-formulation. Une variabilité plus élevée au sein des individus pour la nouvelle formulation amènerait à reconsidérer le caractère approprié de la nouvelle formulation. Alternativement, une éventuelle interaction sujet-par-formulation permettrait de juger de la capacité, ou non, des médecins à gérer efficacement les patients pendant la transition de l'ancienne formulation à la nouvelle.
Tout cela semble assez confus, on voit qu'il s'agit d'un « article d'opinion » (c'est clairement indiqué par le site Clinical Pharmokinetics : Current Opinion, ainsi que dans le résumé) et personnellement je ne sais pas quelle peut être la différence avec un article qui serait réellement « scientifique », j'imagine que tous les critères ne sont pas remplis, cependant le fait qu'il soit publié doit bien vouloir dire quelque chose…

Les deux journalistes du Monde, Pascale Santi et Stéphane Foucart, expliquent notamment :
[des travaux franco-britanniques] indiquent que les deux formulations du médicament commercialisé par Merck ne sont pas substituables pour chaque individu : près de 60 % des patients pourraient ne pas réagir de la même manière aux deux versions du médicament.
Et ils précisent dans la foulée :
Ces résultats seront difficilement réfutables par le laboratoire [Merck] et les autorités de santé, puisqu’ils sont fondés sur une réanalyse des données fournies par le laboratoire lui-même à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Effectivement, si les données sont fournies par ceux-là mêmes qui jusqu'à présent niaient tout problème, il va leur être difficile de contester, à moins de prétendre que ces données ont été mal interprétées et analysées, il faut s'attendre à tout…

On apprend que cette étude est en grande partie le fruit du travail d'une équipe toulousaine :
Au passage, la crédibilité de l’agence [l'ANSM] en sort écornée : en creux, les travaux conduits par le biostatisticien Didier Concordet (université de Toulouse, INRA, Ecole nationale vétérinaire de Toulouse) et ses coauteurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Université de Londres, montrent que l’ANSM n’a pas procédé à une analyse indépendante des données fournies par Merck à l’appui du changement de formule : elle s’est entièrement reposée sur l’interprétation qu’en a faite la firme. Sollicitée, l’agence n’était pas en mesure de réagir jeudi matin.
Davantage d'information peut être obtenu sur le site de La Dépêche avec Un chercheur toulousain démontre les effets indésirables du Levothyrox :
Les travaux d'un biostatisticien toulousain, au cours desquels ont été repassés au crible toutes les données fournies par le laboratoire Merck à l'agence nationale de sécurité du médicament lors du changement de formule du Levothyrox, démontrent pour la première fois de manière scientifique ses effets indésirables sur de nombreux patients.
Cette fois on nous dit qu'il s'agit de travaux « scientifiques » et non d'une simple « opinion » de la part d'un chercheur, « le biostatisticien toulousain Didier Concordet, professeur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, avec l’appui de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l’université de Londres » ; le journalisme étant ce qu'il est nous savons qu'une information peut être reprise « légèrement déformée », l'essentiel étant qu'elle ne soit pas « complètement dénaturée » ce qui ne semble pas être le cas ici, on pardonnera donc l'emploi du qualificatif « scientifique » là où nous avons vu qu'il s'agissait plutôt d'une « opinion », car il n'en reste pas moins que les moyens et la méthodologie utilisés ont un caractère indéniablement scientifique.

Gérard Bapt (député honoraire et médecin-conseil auprès de l’association française des malades de la thyroïde) s'exprime dans l'article de La Dépêche :
Cette publication démontre les biais de l’étude de bioéquivalence réalisée par Merck en 2014 […] La nouvelle formule est donc de moins bonne qualité que l’ancienne pour de nombreux patients. »
Mais le laboratoire Merck se défend « en arguant le fait que cette étude utilise une « approche » basée sur « l’analyse de la variabilité individuelle », qui n’est pas « conforme aux méthodes de référence demandées par les autorités de santé et validées par 23 autorités sanitaires » ; tout cela nous fait présager encore de longs mois ou de longues années de procédures avant que la lumière soit faite définitivement…

Un indice ? Il y a un mois seulement Le Monde publiait, le 5 mars 2019, un article intitulé Levothyrox : la justice déboute 4113 plaignants face à Merck dans lequel on apprenait que
[l]e tribunal d'instance de Lyon a débouté ce mardi les 4113 plaignants qui poursuivaient le laboratoire Merck dans l'affaire du Levothyrox
Ainsi « le tribunal d’instance de Lyon a débouté les plaignants, estimant notamment que Merck avait œuvré dans les règles et de concert avec les autorités sanitaires françaises », retenant également « dans son jugement que « la qualité et la valeur thérapeutique du médicament nouvelle formule étaient certaines » et que sa notice contenait des informations « suffisamment précises et pertinentes » pour les patients concernés. La justice estime ainsi que le laboratoire n’a commis aucune faute. »

Nous voilà prévenus, « le laboratoire n'a commis aucune faute », c'est le tribunal d'instance de Lyon qui l'a dit, en contradiction assez flagrante avec ce que nous venons d'apprendre un mois après ce jugement !


Les statines


J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises les statines (voir le sujet ici) et si je mets ce médicament en parallèle avec le Levothyrox c'est que j'y vois une similitude telle que je ne peux pas laisser passer l'occasion de remettre (brièvement) le couvert.

Une statine est un médicament miracle destiné à faire baisser votre taux de cholestérol dans le sang ; pour cela ce médicament est très efficace, il fait réellement baisser le cholestérol, mais la question qui tue (dans tous les sens du terme…) est celle-ci : est-il (toujours) utile et/ou nécessaire de faire baisser son taux de cholestérol ?

Michel de Lorgeril (ainsi que Philippe Even, parmi bien d'autres) répond à cette question avec notamment un de ses livres : Cholestérol, mensonges et propagande.

En principe je me méfie des livres dont le titre comprend les mots « mensonges » et « propagande », la plupart du temps les « mensonges » et la « propagande » sont très probablement contenus dans une certaine mesure dans les livres en question, nous en avons un exemple éclatant avec Climat, mensonges et propagande !

Mais dans le cas de de Lorgeril nous avons affaire à quelqu'un qui connait réellement son sujet et l'a déjà prouvé, notamment avec son étude publiée dans The Lancet, Mediterranean alpha-linolenic acid-rich diet in secondary prevention of coronary heart disease.

Faut-il également préciser que de Lorgeril « est un médecin praticien français, chercheur au CNRS section physiologie et expert international en épidémiologie (cardiologie, nutrition et immunologie) » (source wikipedia) ?

S'il n'y avait que de Lorgeril...mais de nombreux médecins s'élèvent contre l'utilisation des statines dont ils ne voient pas de réels effets bénéfiques mais au contraire constatent les nombreux effets secondaires pouvant dans certains cas être vraiment invalidants ; pourtant les statines n'ont pas vraiment fait l'objet de la part des « autorités sanitaires » de recommandations indiquant que leur prise régulière pouvait entrainer des conséquences fâcheuses.

Cependant quand on consulte le site de l'ANSM en recherchant sur le mot « statines » on obtient pas moins de 158 résultats dont les tout premiers font état de « risques musculaires » et de « myopathies nécrosantes » !

Et la Haute Autorité Sanitaire s'est fendue d'un communiqué intitulé Pour un bon usage des statines dans lequel on peut lire :
[…] en prévention primaire (avant un accident), les statines sont à réserver aux personnes qui sont à haut risque c’est-à-dire qui cumulent plusieurs facteurs de risque tels qu’un diabète, une HTA, un tabagisme... Par contre, dans le cas d’une hypercholestérolémie non familiale isolée, il n’a pas été démontré que la prescription de statines était efficace. Le traitement par statine n’est alors pas justifié.
Ben voyons !

En ce qui me concerne personnellement mon médecin traitant m'a prescrit en toute bonne foi, en 2001, la prise de statines (Elisor, puis Pravastatine) afin de « corriger » une légère hypercholestérolémie ; pensez donc, j'étais à 2,33 g/l de cholestérol total alors que la fourchette « admise » était de 1,2 à 2,2 g/l, j'étais par conséquent en danger de mort à plus ou moins court terme et il était indispensable de prendre ma petite pilule miracle jusqu'à la fin de mes jours afin de pouvoir prolonger ces derniers !

Peu après avoir commencé mon traitement, l'analyse suivante donnait une valeur  très prometteuse de 1,63 g/l parfaitement imbriquée dans la fourchette salvatrice, avec un LDL à 0,93 g/l alors qu'il avait culminé à une hauteur inacceptable de 1,71 g/l, soit bien au-dessus de la limite fatidique de 1,60 g/l qu'il ne faut surtout pas dépasser.

A ce stade je dois préciser que je n'avais AUCUN facteur de risque : pas de diabète, pas d'HTA (j'ai même une tension basse par nature dont mon médecin me félicitait en me conseillant de la garder comme ça pendant longtemps…) ni de tabagisme (je n'ai jamais fumé de ma vie) ou d'antécédent familial, par ailleurs j'ai toujours fait du sport et mangé sans excès, donc j'entrais parfaitement dans la catégorie des personnes à « hypercholestérolémie non familiale isolée » pour laquelle « [l]e traitement par statine n’est alors pas justifié » !

Il est vrai que cette recommandation de la HAS date du 14 février 2013 et que j'ai arrêté mon traitement...la même année ! Mais ne croyez pas que ce fut à cause de (ou grâce à) cette annonce, non, j'ai pris ma décision après avoir lu le livre de Philippe Even La vérité sur le cholestérol paru le 21 février de l'année 2013 justement ; remarquez la concordance de ces deux dates, le 14 et le 21 février de la même année, et demandez-vous pourquoi la HAS a cru utile d'apporter un « correctif » au moment même où sortait un livre qui révélait pas mal de choses sur le sujet ; le livre de de Lorgeril, lui, date de 2008, soit 5 ans auparavant, et une réédition a très opportunément été faite en mars...2013...c'est cette réédition que j'ai lue à la suite du livre d'Even et qui a terminé de me convaincre d'arrêter mon traitement ; depuis lors, depuis donc six ans maintenant, je ne prends plus de statine et je ne demande plus à aucun laboratoire d'analyser mon sang, je me fiche complètement du taux de cholestérol que je peux bien avoir dans mon sang et je ne m'en porte que mieux.

Au passage signalons quand même, car cela vaut la peine d'être mentionné, ce que la prise de statines implique, outre les effets secondaires, sans parler des très hypothétiques effets bénéfiques :
  • 2 consultations annuelles chez le médecin afin de renouveler l'ordonnance qui ne dure que six mois ;
  • 2 visites annuelles chez le pharmacien afin de se procurer le produit ;
  • 1 analyse de sang par un labo tous les un à deux ans ;
  • la statine produite et vendue par le laboratoire pharmaceutique.
Faites le compte de ce que tout cela coûte, sachant que tout m'était intégralement remboursé, et vous aurez une idée de ce que j'ai fait économiser à la sécurité sociale et aux mutuelles depuis six ans.

La rougeole


Oui je sais , c'est bizarre de faire suivre l'affaire du Levothyrox et le « scandale » des statines par un chapitre concernant une maladie à la mode et qui fait souvent la une des journaux.

Car en effet qui pourrait douter que la rougeole est une maladie bien réelle et faisant un grand nombre de victimes, n'est-ce pas ?

J'ouvre une parenthèse ici afin d'avertir tout lecteur qui me traiterait d'anti-vaccinaliste, son commentaire a toutes les chances d'aller directement à la poubelle sans aucune explication de ma part ; je ne suis pas médecin ni pharmacien et n'ai aucune compétence pour décider si tel ou tel médicament (et un vaccin est un médicament) est utile ou non, sans parler de savoir s'il peut être dangereux, tout ce que je peux faire étant de récolter toutes les informations qui sont à ma disposition en essayant de trier le bon grain de l'ivraie sans aucune certitude de ne pas me tromper ; et quand on voit que parmi les professionnels de la santé on trouve tout et son contraire, comment un simple néophyte pourrait-il y voir clair et démêler le vrai du faux ?

C'est donc en tant que messager que je vous livre une information qui m'a parue intéressante, elle émane de l'AIMSIB, à laquelle de Lorgeril participe au passage en même temps que Philippe Even, et s'intitule Une épidémie de rougeole qui accablerait la population française en 2019 ?

On y apprend que les médecins de l'association ont reçu dans leur boite mail le message suivant émanant d'un journaliste du magazine « Envoyé Spécial » (source citée à la fin de l'article) :
…/… Nous préparons un long reportage sur l’épidémie de rougeole en France pour l’émission « Envoyé spécial » sur France 2. Nous sommes en tournage cette semaine et la semaine prochaine. Notre voulons expliquer pourquoi cette épidémie qu’on pensait oubliée ressurgit, comment elle se propage et comment la contenir. Notre objectif n’est pas de multiplier les interviews d’experts dans des bureaux. Nous essayons de nous rendre sur le terrain, pour filmer concrètement la situation dans les régions françaises les plus concernées. Nous voulons rencontrer les malades, leurs familles, leurs médecins et montrer la réponse concrète des autorités de santé (recensement des cas, diagnostiques (sic), campagnes d’information, de vaccination…). Pourriez-vous nous aider à rencontrer des malades et des médecins concernés ? Nous sommes une émission sérieuse, nous ne voulons pas faire du sensationnalisme (sic), mais sur ce sujet de santé publique il semble important de montrer la réalité de l’épidémie à nos téléspectateurs partout en France, pour les (sic) faire prendre conscience de l’importante (sic) des mesures de prévention.
Nous pouvons nous déplacer partout en France. Nous sommes un peu pressés par le temps. N’hésitez pas à reprendre contact avec moi dès que possible pour en rediscuter.
Merci d’avance pour votre aide, indispensable sur ce sujet important. Bien cordialement, Olivier S…. »
On passera sur les approximations orthographiques mais pas sur le « sérieux » de l'approche du journaliste en question ; en effet, celui-ci semble partir de l'a priori qu'il y aurait une « épidémie de rougeole » sur le territoire français et il cherche donc des témoins capables de le conforter dans cette certitude.

Le petit problème, mais il semble de taille, c'est que les médecins approchés ne paraissent pas être au courant de la moindre épidémie de rougeole, en tout cas « personne parmi [eux] n’a plus vu un rougeoleux depuis des lustres »...

Et de montre un graphique tiré du site santépubliquefrance.fr :

Figure 2: Cas de rougeole déclarés par semaine (date d’éruption), France, semaines S01-2018 à S12-2019 (données provisoires) - source invs.santepubliquefrance)

Le site nous précise :
  • Depuis le 1er janvier 2019, 561 cas de rougeole ont été déclarés (vs 1532 cas sur la même période en 2018), dont 174 (31%) hospitalisés (10 en réanimation), 48 (9%) compliqués de pneumopathies, 1 décès (encéphalite).
  • 91% des cas sont survenus chez des sujets non ou mal vaccinés.
  • 67 départements ont déclaré au moins 1 cas au cours de la période.
Un autre graphique présent sur le site n'est pas repris par l'AIMSIB, le voici :

Figure 3 : Passages hebdomadaires aux urgences et consultations SOS médecins, pour rougeole, France, semaines S01-2018 à S12-2019, France métropolitaine.

Donc durant la semaine 12 de l'année 2019 (du 18 au 24 mars) il y aurait eu environ 70 cas de rougeole déclarés alors que pendant la même semaine de 2018 on en aurait compté quelques 170, soit une centaine de plus ; le deuxième graphique montre une nette diminution entre 2018 et 2019, avec cependant une légère remontée pour les passages aux urgences (ligne rouge) entre fin 2018 et mars 2019, alors que les consultations SOS médecins (ligne bleue) présentent un profil quasiment plat nettement plus bas qu'à la même époque de 2018.

Alors que faut-il penser de tout cela ?

Pour le premier trimestre 2019 nous avons 561 cas déclarés avec un seul décès, si nous faisons un rapport avec la population française (environ 67 millions d'individus) nous obtenons respectivement, euh...ma calculette me dit pour la première valeur 8,37e-4 et j'ai bien du mal à me représenter ce que cela signifie (je n'ai jamais été bon en maths)...s'il s'agissait de 561 000 cas on aurait 0,84%, donc j'en déduis que 561 font 0,00084% du total...quant à l'unique décès je préfère même pas en parler.

Peut-on qualifier d'épidémie 561 cas sur un trimestre, soit environ 2250 cas dans l'année, quand dans le même temps on comptabilise 700 000 cas de varicelle, soit quelques 300 fois plus ? Et l'AIMSIB nous indique que la varicelle cause 20 décès par an avec une statistique surprenante :
  • 90% des malades ont moins de 10 ans ;
  • 75% des malades hospitalisés (3000 hospitalisations au total) ont moins de 10 ans ;
  • 30% des décédés ont...moins de 10 ans !
Ce qui veut dire que si la totalité moins 10% des malades sont des enfants, qui sont en majorité hospitalisés, la plupart des morts se trouvent chez les adolescents et les adultes ; on en déduirait presque que la varicelle est une maladie relativement bénigne de la petite enfance mais que par contre elle est très dangereuse dans la population plus âgée.

Et pourtant vous n'allez pas le croire mais la vaccination généralisée contre la varicelle...n'est pas recommandée pour les enfants après 12 mois ! Voir le site professionnels.vaccination-info-service :
Chaque année, près de 700000 cas de varicelle surviennent en France (90% ont moins de 10 ans), dont 3000 hospitalisations (75% ont moins de 10 ans) et 20 décès (30% ont moins de 10 ans). Ces données reflètent le caractère fréquent et le plus souvent bénin de la maladie mais aussi la gravité de la varicelle qui augmente avec l’âge.
La vaccination généralisée contre la varicelle des enfants à partir de l’âge de 12 mois n’est pas recommandée dans une perspective de santé publique. Cette vaccination concerne les adolescents et les adultes qui n’ont jamais eu la varicelle dans l’enfance, ainsi que les professionnels - non immunisés - de la santé et de la petite enfance. La vaccination est contre-indiquée chez la femme enceinte.
La très grande contagiosité de la maladie explique sa diffusion pendant l’enfance. Elle est maximale dans les vingt-quatre à trente-six heures avant le rash et se poursuit jusqu’à l’apparition des croûtes (en moyenne cinq-sept jours après l’éruption). L’incubation de la maladie est de quatorze jours en moyenne, avec des extrêmes allant de dix à vingt et un jours. Plus de 90% des jeunes adultes sont immunisés.
Et l'AIMSIB de s'interroger :
Ces données peuvent être interprétées de façon variable mais, pour les médecins de terrain comme pour les rédacteurs du texte ci-dessus, ils (sic) reflètent le caractère fréquent et le plus souvent très bénin de la maladie; mais aussi le fait que la gravité de la varicelle augmente avec l’âge.

Mais alors pourquoi cette rougeole si rare (par rapport à la varicelle) n’a pas « le caractère le plus souvent bénin » attribué à la varicelle qui tue pourtant, en moyenne, 20 fois plus que la rougeole ?
Je dois avouer que je suis totalement incapable de répondre à cette question, et s'il y a un médecin dans l'assistance ce serait bien qu'il donne son avis de professionnel dans un commentaire argumenté.

Mais comme cela n'est pas assez compliqué, l'AIMSIB nous dit que les Italiens ont inclus la varicelle dans leurs  obligations vaccinales alors que les Japonais, eux, l'en auraient retirée « pour cause d’inefficacité et de toxicité » !

Comme je suis curieux j'ai essayé de vérifier les dires de l'AIMSIB ; pour l'Italie le site pourquoidocteur nous dit en effet « feu vert pour la vaccination obligatoire » en date d'août 2017, mais pour le Japon je n'ai rien trouvé de récent montrant qu'ils auraient retiré l'obligation vaccinale contre la varicelle (si quelqu'un a une info…), par contre, plus étonnant, le site initiativecitoyenne.be nous informe que « [l]e gouvernement japonais continue d’interdire le vaccin ROR (Rougeole – Oreillons - Rubéole) » (c'était en 2016) ; cependant il faut noter que initiativecitoyenne.be est un site que certains pourraient aisément qualifier d'antivaccinaliste, alors regardons simplement quels sont les vaccins obligatoires pour se rendre au Japon, et le site avant-de-partir nous dit :
Aucun vaccin n’est obligatoire pour partir au Japon.
Alors pour creuser un peu plus et ne pas me fier à un seul site, fût-il belge et citoyen, j'ai essayé en anglais et suis tombé sur japantimes où l'on pouvait lire le 25 juin 2018 :
The number of people infected by measles in Japan has already exceeded 100 this year and the total appears to be rising.
Le nombre de personnes infectées par la rougeole au Japon a déjà dépassé 100 personnes cette année et le nombre semble augmenter.
Fichtre ! Déjà 100 cas de rougeole à mi-année au Japon, ça c'est une véritable épidémie ou je ne m'y connais pas, mais c'est la suite qui est intéressante :
Those born between 1977 and 1990 have been vaccinated against measles just once. Experts in infectious diseases say that at least two vaccinations are needed to attain immunity. That generation has been hit the hardest by measles this time.
Les personnes nées entre 1977 et 1990 ont été vaccinées contre la rougeole une fois seulement. Les experts en maladies infectieuses affirment qu’au moins deux vaccinations [i.e. le vaccin initial plus un rappel] sont nécessaires pour atteindre l’immunité. Cette génération a été la plus touchée par la rougeole cette fois.
Ceci semble à première vue en totale contradiction avec l'affirmation selon laquelle « [l]e gouvernement japonais continue d’interdire le vaccin ROR », mais le vaccin trivalent ROR est bien interdit pour le moment au Japon, cependant il existe un vaccin bivalent contre la rougeole et la rubéole, le vaccin MR, quant aux oreillons je n'ai pas l'impression qu'il existe un vaccin dans ce pays ; mais s'il apparait que le gouvernement japonais n'interdit pas vraiment la vaccination, il s'avère qu'il ne fait rien pour l'encourager :
In the event that diseases like measles and rubella become epidemics, the government has the power to give vaccination shots to people of all ages by importing vaccines from abroad, outside the framework of regular vaccinations for particular age groups. But the ministry has shown no signs of doing so. 
Au cas où des maladies comme la rougeole et la rubéole deviendraient épidémiques, le gouvernement aurait le pouvoir de vacciner des personnes de tous âges en important des vaccins de l'étranger, en dehors du cadre de vaccinations régulières pour certains groupes d'âge. Mais le ministère n'a montré aucun signe de le faire.
Et nous apprenons ceci :
A university professor of medicine says that Japan is more than 10 years behind European and North American countries in its inoculation policy and his view is widely shared.
Un professeur de médecine à l'université affirme que le Japon a plus de 10 ans de retard sur la politique d'inoculation des pays européens et nord-américains et son point de vue est largement partagé.
Alors cela voudrait dire que la santé des Japonais serait en grand péril ? Pas vraiment…

Selon Wikipédia le Japon se trouve en tête des pays dans le classement de l'espérance de vie :

Espérance de vie dans le monde : liste des dix premiers pays du classement.

Où l'on voit également que la France, très mauvais élève sur le plan de la vaccination parait-il, se classe honorablement à la 9ème place ex aequo avec la Suède…

Tout cela est bien compliqué n'est-ce pas, aussi je me retiendrai de tirer la moindre conclusion personnelle sur la nécessité de se vacciner contre la rougeole ou de faire vacciner ses enfants contre onze maladies, soit huit de plus qu'avant 2018 ; je rends donc la parole à l'AIMSIB qui récapitule ce qu'ils appellent « les faits » que je vous laisse digérer comme bon vous semble :
1- la rougeole mortelle avait quasiment disparu chez nous avant la vaccination de masse[en 1983]
2- la rougeole adulte et celle du nourrisson sont apparues chez nous de manière préoccupante depuis la vaccination de masse [donc depuis 1983]
3- la rougeole adulte et celle du nourrisson sont beaucoup plus dangereuses que celle de l’enfant.
4- la rougeole adulte mortelle est chez nous probablement une conséquence de la vaccination de masse.
5- la vaccination anti-rougeole peut générer des complications individuelles qu’il faudrait sérieusement étudier.
6- la vaccination anti-rougeole est responsable de complications communautaires type « phénomène de déplacement », correspondant aux modifications des âges des victimes : autrefois, la rougeole se vivait sereinement à l’école primaire : maladie bénigne de l’enfance ; mortalité faible (ou nulle) et généralement en relation avec des cas d’immunodéficience primitive ou secondaire.
7- le nombre des contre-indications à la vaccination ROR a été récemment revu à la hausse par le CDC américain en Décembre 2018, sans qu’aucune directive de prudence supplémentaire n’ait été édictée par notre Ministère à ce jour, Avril 2019.

Le dénominateur commun


Alors qu'y a-t-il de commun entre le Levothyrox, les statines et le vaccin contre la rougeole ?

Pas grand chose de prime abord vous me direz, le premier médicament concernant des problèmes de thyroïde bien réels, les seconds des problèmes cardio-vasculaires eux aussi bien réels qui seraient soi-disant liés à un taux de cholestérol trop élevé, et le dernier une maladie très contagieuse qui peut faire quelques victimes (i.e. des morts) dont le nombre est infiniment moindre que celui des décès entrainés par d'autres affections pour lesquelles on n'a pas l'impression que ciel et terre soient remués pour autant.

Mais en y réfléchissant un peu le dénominateur commun apparait bien en arrière plan, il s'agit ni plus ni moins de l'industrie pharmaceutique qui produit et commercialise tous ces produits.

Loin de moi l'idée que dans ces groupes le plus souvent internationaux et plus rarement familiaux (comme Servier ou l'indispensable Boiron…) l'ensemble du personnel soit pourri au point de vendre son âme au diable, en vérité je suis persuadé du contraire.

Mais à la tête de ces labos il y a des dirigeants qui, pour la plupart, ont des comptes à rendre à des actionnaires, or un actionnaire est quelqu'un d'amoral, c'est-à-dire indifférent aux questions de morales, la morale n'étant pas un paramètre, à peut-être quelques exceptions près, qu'un actionnaire met en action pour décider d'investir ou, par exemple, de conserver ou de renvoyer un dirigeant selon les bénéfices que celui-ci est capable de générer.

Imaginez un dirigeant qui reçoit son directeur de la recherche et que celui-ci lui annonce que le nouveau médicament qui va bientôt sortir se révèle inefficace/superflu/redondant/dangereux (barrez les mentions éventuellement inutiles sachant que vous pouvez aussi décider de toutes les conserver), mettez-vous à sa place en sachant que vous allez devoir rendre des comptes à la prochaine assemblée générale et prenez votre décision après mûres réflexions, comment vous sortiriez-vous de ce pétrin ?

Il est aussi possible que le directeur de la recherche ait peur de la réaction de son dirigeant et cherche par tous les moyens à sa disposition à enjoliver le produit afin qu'il passe mieux, après tout plus le dirigeant sera content et plus le directeur de la recherche le sera aussi, si vous voyez ce que je veux dire.

Evidemment je n'ai aucune idée de comment ça se passe dans les hautes sphères du pouvoir de ces gros machins compliqués, je ne fais que faire travailler mon imagination ; cela-dit deux décennies passées dans un grand groupe international (un temps pharmaceutique…) m'ont appris certaines choses qui ont le don de stimuler mon imagination.

Au fait, le laboratoire Merck qui commercialise le Levothyrox et qui se bat en justice pour « faire valoir ses droits » contre des enragés qui veulent lui faire la peau, ne serait-ce pas le même qui commercialisait le Vioxx ?

Conclusion ?


Difficile de conclure avec pareil imbroglio, quand d'une part on n'est pas spécialiste du sujet (la santé) et que d'autre part on constate que les spécialistes sont partagés à ce point, avec parmi eux des gens honnêtes et sincères et d'autres dont les conflits d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique feraient pâlir d'envie les climatosceptiques appointés par les grands pétroliers, gaziers et charbonniers de la planète, sans parler des extrémistes partisans des médecines douces qui par principe sont toujours contre tout ce qui vient de Big Pharma sans distinguer le vrai du faux, le bon du mauvais, il y a vraiment de quoi se perdre.

Et si l'on compare justement avec le réchauffement climatique qui est un problème similaire, on voit bien que dans ce cas nous avons affaire à un très large consensus qui fait face à une armée mexicaine dont les arguments ne contiennent pas une once de véracité, le travail effectué par le GIEC, même s'il est peut-être par endroits imparfaits (nul n'est parfait en ce monde), restant une référence en la matière alors que du côté de la médecine sous tous ses angles le flou est souvent de rigueur ; même chez les « orthodoxes » les études peuvent se suivre sans se ressembler, combien de fois n'ai-je pas entendu que le café était bon pour la santé, puis qu'il était néfaste, puis que non finalement...La même chose pour le chocolat, et je n'insisterai pas sur les produits dits « allégés » surtout quand ils sont « anticholestérol », de magnifiques arguments de vente n'ayant aucune légitimité scientifique, ou si peu.

Pour le réchauffement climatique les industriels sont essentiellement du même bord que les climatosceptiques, même s'il existe bien sûr des industriels qui font dans le renouvelable en mettant en avant leur côté « propre », tout étant relatif (un barrage hydroélectrique n'est pas si propre que cela à  l'usage, pas plus que les panneaux solaires ou les éoliennes qu'il faut bien fabriquer…), mais en ce qui concerne la santé, là, les industriels vont main dans la main avec les autorités sanitaires qui dictent les réglementations en leur faisant un pont d'or, par exemple en abaissant les limites acceptables de cholestérol dans le sang afin d'augmenter le nombre de gens qu'il faut « soigner » alors que la majorité d'entre eux sont bien portants ou du moins pourraient améliorer grandement leur santé en ne fumant pas (que fait-on réellement contre le tabagisme ?), en faisant un peu plus d'activités physiques (combien de médecins prescrivent des séances de sport à la place de médicaments ?) et en mangeant plus sainement (qu'attend-on pour limiter voire supprimer l'usage des plats transformés ?)

Ah oui, bien sûr, c'est compliqué de saper toute une industrie : le tabac, les plats cuisinés, les médicaments, tout cela fait vivre tellement de monde, c'est forcément bon pour le PIB et ça permet de combattre le chômage ; c'est là que nous nous retrouvons avec les industries fossiles, elles aussi sont bonnes pour l'économie, elles produisent de l'énergie qui est indispensable pour alimenter la croissance, on ne peut donc pas les restreindre, il faut au contraire les encourager, et quelqu'un comme Donald Trump s'y emploie dans son pays…

Et puis, n'est-ce pas, tout cela nous permet d'avoir une espérance de vie qui augmente de manière générale, c'est donc positif au final ; sauf que, à y réfléchir, au Japon, où la population vit le plus longtemps dans le monde, il parait que la vaccination, comme on l'a vu, n'est pas particulièrement favorisée par le gouvernement, allez y comprendre quelque chose.


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