vendredi 8 mai 2020

Des records de froid sont attendus !

Et si pour changer nous parlions d'autre chose que du coronavirus ?

Actuellement il y a au-dessus des Etats-Unis une situation que nous connaissons bien avec un courant-jet qui ondule outrageusement ; le site Climate Denial Crock of the Week nous rappelle ce que cela implique dans une vidéo introductive de son nouvel article intitulé When May Looks Like December :


On retiendra notamment ce passage :

Les effets d'un jet-stream erratique.

Le scientifique nous dit à ce moment (à environ 2:50) :
If you are on one of the cold sides you will draw down cold air […]
Si vous vous trouvez sur un des côtés froids, vous aspirerez de l'air froid [...]
Evidemment ce n'est pas « vous » qui aspirerez de l'air froid, mais vous aurez compris qu'il s'agit d'une façon de parler, si vous vous trouvez par exemple à Washington DC ou New York c'est de l'air froid que vous allez recevoir sur la tête en provenance du pôle, par contre si vous habitez, au hasard, en Alaska, alors vous bénéficierez de températures bien plus clémentes que ce que la « normale » devrait vous octroyer.

La situation montrée ci-dessus est un exemple, mais voyons ce que nous dit notre carte chérie de ce qui se passe actuellement :

Températures au géopotentiel 500 hPa (source earth.nullschool)

Pourquoi au géopotentiel 500 hPa ? J'ai simplement voulu vérifier ce que disait l'article ici :
In fact, anticipated temperatures at the 500 millibar level — which marks the halfway mark of the atmosphere’s mass with height — would in some cases be record-setting even during December. That illustrates that the air mass, which is originating in the Arctic, would be unusual even during the winter. For this to occur in May is an outlier event.
En fait, les températures prévues au niveau de 500 millibars - qui marque la moitié de la masse de l'atmosphère avec la hauteur - seraient dans certains cas record même en décembre. Cela montre que la masse d'air, qui provient de l'Arctique, serait inhabituelle même pendant l'hiver. Le fait que cela se produise en mai est un événement exceptionnel.
Pour vous faire une idée 500 hPa correspond à une altitude un peu supérieure à celle du Mont-Blanc :

Variation verticale de la pression atmosphérique (source meteofrance)

Ainsi à cette altitude il est prévu qu'il fasse à certains endroits aussi froid qu'en plein hiver, or nous sommes en mai et c'est bien pour cela que cet événement est qualifié d'« exceptionnel ».

Nous voyons sur la carte des températures que les Etats-Unis sont coupés en deux : à l'est des températures très froides pour la saison, à l'ouest au contraire des températures plus chaudes ; voyons ce que nous dit la carte montrant la circulation du jet-stream :

Régime des vents au géopotentiel 250 hPa (source earth.nullschool)

Sans surprise aucune (sauf pour certains) le jet-stream présente de fortes ondulations qui correspondent assez bien avec ce que vivent les populations vivant à la surface près de 10 kilomètres plus bas ; nous notons une magnifique crête de haute pression (ridge en anglais) située sur l'Alaska, ainsi qu'un non moins magnifique creux barométrique (trough) englobant une grande partie du centre et de l'est étatsunien avec une remarquable dépression tournoyant au-dessus des Grands Lacs.

Le résultat de tout cela nous est expliqué en quelques mots :
A contorted jet stream, with a massive bulge of high pressure in the West and a downstream dip, or trough, in the East that resembles tall ocean waves, is cleaving the United States into two seasons. This weather pattern is leading to record heat in the West and Southwest, including California, Nevada, Arizona and New Mexico, while record cold descends upon the Midwest, Ohio Valley, Mid-Atlantic and Northeast thanks to a lobe of the polar vortex.
Un courant-jet tortueux, avec un renflement massif de haute pression à l'ouest et un creux en aval, ou creux barométrique, à l'est qui ressemble à de hautes vagues océaniques, fend les États-Unis en deux saisons. Ce schéma météorologique entraîne une chaleur record à l'ouest et au sud-ouest, notamment en Californie, au Nevada, en Arizona et au Nouveau-Mexique, tandis qu'un froid record descend sur le Midwest, la vallée de l'Ohio, le centre de l'Atlantique et le nord-est grâce à un lobe du vortex polaire.
Les Etats-Unis connaissent donc à la fois l'été et l'hiver en même temps :
Highly amplified jet stream patterns are typically associated with weather extremes, and this one is no exception. It’s leading to a peculiar setup, one in which, on Saturday, Anchorage will be 15 degrees milder than Washington, and a cross-country flight from Los Angeles to New York would be a journey from midsummer to midwinter. (That is, if people were flying amid the coronavirus pandemic.)
Les configurations de jet stream fortement amplifiées sont généralement associées à des conditions météorologiques extrêmes, et celle-ci ne fait pas exception. Il en résulte une configuration particulière, dans laquelle, samedi, Anchorage sera 15 degrés plus doux que Washington, et un vol de liaison entre Los Angeles et New York serait un voyage du milieu de l'été au milieu de l'hiver. ( À supposer que les gens puissent voler au milieu de la pandémie de coronavirus).
Décidément nous ne pouvons pas échapper à ce satané virus ! oui parce que cette situation semble tomber plutôt mal en cette période pandémique :
Given the coronavirus outbreak, cities in the region are having to rethink their heat safety plans, which would normally involve opening up cooling shelters. However, now those shelters could be hotspots for spreading the virus, rather than offering relief from high temperatures, and city leaders from Phoenix to Los Angeles are having to come up with new ways to protect their citizens from America’s greatest annual weather killer.
En raison de l'épidémie de coronavirus, les villes de la région [i.e. du sud-ouest] doivent repenser leurs plans de sécurité thermique, ce qui implique normalement l'ouverture d'abris rafraîchissants. Cependant, ces abris pourraient désormais être des foyers de propagation du virus, plutôt que d'offrir une protection contre les températures élevées, et les dirigeants des villes, de Phoenix à Los Angeles, doivent trouver de nouveaux moyens de protéger leurs citoyens contre le plus grand destructeur annuel des aléas climatiques en Amérique.
Nous allons donc peut-être avoir une collision entre deux phénomènes délétères chacun à sa manière, si cela devait arriver nous aurions un aperçu de ce qui nous attend très probablement dans un futur indéterminé mais pas si lointain que ce qu'on pourrait penser.

Mais à part cela il faut rester optimiste.

*****

Un peu plus sur le sujet :
Les températures à 500mb (près du niveau de la tropopause dans le #TPV) sont prévues autour de -40ºC samedi matin sur Buffalo, NY.

C'est l'un des plus bas niveaux jamais enregistrés en plein hiver. Et ce n'est qu'une énorme aberration pour le mois de mai. (source twitter)



Prévisions pour samedi. L'air le plus froid *par rapport à la moyenne* du monde ici même ? On dirait bien. (source twitter)


Jusqu'ici tout va bien.






3 commentaires:

  1. J'ai du mal à me faire une idée, s'il y a un consensus ou non sur le fait que les perturbations (oscillations très profondes, blocages/pseudo-résonance, éclatement en sous-systèmes) du jet stream sont en partie (quelle proportion ?) ou en totalité liées au réchauffement climatique. Des billes à ce sujet Géd ?

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    1. A ma connaissance (d’humble béotien en la matière) il n’y a aucune preuve que le réchauffement climatique induise un affaiblissement du jet-stream, par conséquent il ne peut y avoir aucun consensus en la matière ; par contre certains scientifiques émettent l’hypothèse que l’amplification arctique, en réduisant le gradient de température entre les hautes et basses latitudes, entraine cet affaiblissement puisque le jet-stream est en principe plus fort, et donc plus « rectiligne », quand ce gradient est élevé ; voir les travaux de Jennifer Francis (https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/10/1/014005) repris dans https://insideclimatenews.org/news/02022018/cold-weather-polar-vortex-jet-stream-explained-global-warming-arctic-ice-climate-change.

      Michael Mann lui-même adhère à cette hypothèse (voir https://insideclimatenews.org/news/31102018/jet-stream-climate-change-study-extreme-weather-arctic-amplification-temperature), extrait : « [That extremely wavy pattern called quasi-resonant amplification] played a key role in the large-scale jet pattern we saw in late July, associated with deep stagnant high pressure centers over California and Europe. »

      Quant à moi je suis un peu comme pour l’hydroxychloroquine du professeur Raoult, j’observe ce qui se dit et j’attends d’avoir davantage d’informations pour me faire une idée définitive. Pour le jet-stream je pense qu’il faudra encore de nombreuses années d’observations corrélant l’amplification arctique avec les ondulations du jet-stream et les événements exceptionnels comme ceux que connaissent les Etats-Unis actuellement pour que l’hypothèse de Jennifer Francis soit validée et qu’il y ait un véritable consensus dans la communauté scientifique. Par ailleurs l’hypothèse initiale peut tout à fait être modifiée sans qu’elle soit fondamentalement remise en question.

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  2. Merci. J'aurais effectivement dû être plus précis en désignant l'amplification arctique, dans le cadre général du réchauffement climatique.

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