vendredi 15 mai 2020

« Fin de partie » pour le professeur Raoult ?


La baudruche marseillaise serait-elle en train de se dégonfler sous nos yeux ?

Le Point, ce même journal dans lequel le professeur Raoult tenait une tribune régulière, reprend l'information entendue ce matin à la radio ; dans Coronavirus, deux études remettent en cause l'efficacite de l'hydroxychloroquine le journal en ligne nous dit :
deux études publiées vendredi viennent contredire les dires du professeur Raoult à Marseille. Selon elles, l'hydroxychloroquine ne semble pas marcher contre le coronavirus, et ce, dans différents cas de figure : à la fois avec des formes de maladies graves ou moins dangereuses.
Les deux études ont été publiées dans le BMJ britannique, une référence mondiale en matière de santé, « l'une des revues de médecine générale les plus lues dans le monde » nous précise Wikipédia, on peut donc penser que les deux papiers en question seront scrutés sous tous les angles par de nombreux spécialistes et que si des « failles » existaient elles seraient vite mentionnées.

Les deux études sont consultables sur le site du BMJ :

La première, menée par une équipe française, traite de l'efficacité de l'hydroxychloroquine dans les cas que l'on pourrait qualifier de « désespérés », c'est-à-dire que cela concerne des patients qui sont admis à l'hôpital et à qui l'on doit administrer de l'oxygène afin de les maintenir en vie (i.e. sans respirateur ces patients mourraient faute de pouvoir respirer par eux-mêmes) ; comme le professeur Raoult nous explique que dans ces cas-là il est trop tard et que son traitement ne sert à rien c'est plutôt la deuxième étude, réalisée par une équipe chinoise, qu'il faut considérer, puisqu'elle évalue, elle, des cas pris « à temps », quand les symptômes viennent d'apparaitre et que la maladie en est à un stade « léger à modéré » tout en incluant quelques cas plus « graves » ; voici ce qui est précisé pour cette dernière étude :
Interventions Hydroxychloroquine administrated at a loading dose of 1200 mg daily for three days followed by a maintenance dose of 800 mg daily (total treatment duration: two or three weeks for patients with mild to moderate or severe disease, respectively).
Interventions - Hydroxychloroquine administrée à une posologie de 1200 mg par jour pendant trois jours, suivie d'une dose d'entretien de 800 mg par jour (durée totale du traitement : deux ou trois semaines pour les patients atteints d'une maladie légère à modérée ou grave, respectivement).
De ce que je comprends de ce passage, tous les patients ont reçu les trois premiers jours une dose quotidienne de 1200 mg, puis les cas « légers à modérés » ont reçu 800 mg par jour pendant deux semaines alors que les cas plus « graves » ont vu ce traitement d'« entretien » renouvelé pendant une semaine supplémentaire.

Cet essai clinique a apparemment été mené dans le respect des règles en vigueur, à savoir randomisation mais sans double aveugle :
Design Multicentre, open label, randomised controlled trial.
Conception - Essai contrôlé multicentrique, ouvert, randomisé.
On peut penser que le double aveugle n'était pas possible ou alors très difficilement praticable, il ne s'agit pas d'une véritable obligation pour qu'un essai soit validé, ce n'est qu'une assurance supplémentaire qu'aucun biais ne viendra entacher les résultats de l'étude (nous verrons si cette absence de double aveugle sera critiquée ou pas)

On remarquera au passage qu'aucun placebo n'a été utilisé :
No placebo was used, and drugs were not masked.
Aucun placebo n'a été utilisé, et les médicaments n'ont pas été masqués. 
Ainsi TOUS les patients se sont vu administrer une substance active, la moitié d'entre eux « bénéficiant » de l'hydroxychloroquine :
Participants 150 patients admitted to hospital with laboratory confirmed covid-19 were included in the intention to treat analysis (75 patients assigned to hydroxychloroquine plus standard of care, 75 to standard of care alone).
Participants - 150 patients admis à l'hôpital avec une covid-19 confirmée en laboratoire ont été inclus dans l'analyse avec intention de traiter (75 patients affectés à l'hydroxychloroquine plus la norme de soins, 75 à la seule norme de soins). 
Malheureusement pour ceux ayant « bénéficié » du traitement préconisé par le célèbre professeur à barbe blanche :
Main outcome measure Negative conversion of severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 by 28 days, analysed according to the intention to treat principle. Adverse events were analysed in the safety population in which hydroxychloroquine recipients were participants who received at least one dose of hydroxychloroquine and hydroxychloroquine non-recipients were those managed with standard of care alone.
Mesure du résultat principal - Conversion négative du syndrome respiratoire aigu sévère coronavirus 2 dans les 28 jours, analysée selon le principe de l'intention de traiter. Les effets indésirables ont été analysés dans la population de sécurité où les bénéficiaires de l'hydroxychloroquine étaient des participants ayant reçu au moins une dose d'hydroxychloroquine et où les non-bénéficiaires de l'hydroxychloroquine étaient ceux qui avaient été pris en charge uniquement avec des soins standard.

Ma traduction est certainement maladroite, il faut dire que le texte en anglais est un peu alambiqué, cependant ce qu'il faut comprendre de tout cela c'est que des « effets indésirables » ont été majoritairement constatés chez ceux à qui l'hydroxychloroquine avait été administrée :
In the safety population, adverse events were recorded in 7/80 (9%) hydroxychloroquine non-recipients and in 21/70 (30%) hydroxychloroquine recipients. The most common adverse event in the hydroxychloroquine recipients was diarrhoea, reported in 7/70 (10%) patients. Two hydroxychloroquine recipients reported serious adverse events.
Dans la cohorte de sécurité, des événements indésirables ont été enregistrés chez 7/80 (9 %) des non-bénéficiaires d'hydroxychloroquine et chez 21/70 (30 %) des bénéficiaires d'hydroxychloroquine. L'événement indésirable le plus fréquent chez les receveurs d'hydroxychloroquine était la diarrhée, signalée chez 7/70 (10 %) patients. Deux receveurs d'hydroxychloroquine ont signalé des effets indésirables graves.
Je dois avouer que j'ai du mal à comprendre ce qu'est la « safety population », j'ai l'impression qu'il s'agit de tous les patients qui ont été inclus dans l'étude si j'en crois cette définition tirée de What is a Safety Population in a Clinical Trial? :
The Safety Population is used for the analysis of safety, including adverse events, toxicity and laboratory evaluations. A patient should be included if, and only if, they actually received a study treatment (even if it is a placebo). This set of patients are grouped for analysis according to the treatment they actually received, as opposed to the treatment they were allocated to receive at randomisation.
La population de sécurité est utilisée pour l'analyse de la sécurité, y compris les événements indésirables, la toxicité et les évaluations en laboratoire. Un patient doit être inclus si, et seulement si, il a effectivement reçu un traitement à l'étude (même s'il s'agit d'un placebo). Cet ensemble de patients est regroupé pour l'analyse en fonction du traitement qu'ils ont effectivement reçu, par opposition au traitement qui leur a été attribué lors de la randomisation.
Il y aurait donc des patients « à risque » qui ne pourraient pas participer à l'étude...?

Si vous avez une autre interprétation merci de me le faire savoir en commentaire car sur ce point précis je suis un peu perdu ; un graphique inclus dans l'étude peut aider à comprendre :

Fig 1
Dépistage, randomisation et suivi des participants aux essais


Bref, il faudra retenir de cette étude ce qui suit :
The results of our trial did not show additional benefits of virus elimination from adding hydroxychloroquine to the current standard of care in patients with mainly persistent mild to moderate covid-19. Adverse events, particularly gastrointestinal events, were more frequently reported in patients receiving hydroxychloroquine [...] Overall, these data do not support the addition of hydroxychloroquine to the current standard of care in patients with persistent mild to moderate covid-19 for eliminating the virus. Our trial may provide initial evidence for the benefit-risk profile of hydroxychloroquine and serve as a resource to support further research.
Les résultats de notre essai n'ont pas montré d'avantages supplémentaires de l'élimination du virus par l'ajout d'hydroxychloroquine à la norme actuelle de soins chez les patients présentant principalement une covid-19 légère à modérée persistante. Des effets indésirables, en particulier gastro-intestinaux, ont été plus fréquemment signalés chez les patients recevant de l'hydroxychloroquine [...] Dans l'ensemble, ces données ne soutiennent pas l'ajout de l'hydroxychloroquine à la norme actuelle de soins chez les patients présentant une covid-19 légère à modérée persistante pour l'élimination du virus. Notre essai pourrait fournir des preuves initiales du profil avantages-risques de l'hydroxychloroquine et servir de ressource pour soutenir les recherches ultérieures.
Mais ne vous en faites pas, ces études n'auront que peu d'influence sur les convertis à la méthode Raoult, comme on peut facilement le constater avec quelques commentaires sur l'article du Point :
Par Franky44 le 15/05/2020 à 09:24

Études bidons sur hydroxychloroquine et faussées : une est faite au stade avancé où il est trop tard ; l’autre n’associe pas l’azithromicine comme recommandé et en plus est faite sur une faible quantité de personnes, 54 avec et 54 sans. Conclusion : on cherche par tous les moyens à démolir Raoult qui a soigné plus de 3000 malades. 
Par Jfachal le 15/05/2020 à 09:16

Résultats étonnants ! Cela fait plus de deux mois et demi que nous sommes dans cette pandémie, un seul véritable protocole simple et peu onéreux a été proposé mais sans justification scientifique malheureusement et personne depuis n’a été foutu de mettre en place une véritable étude scientifique pour évaluer les deux produits préconisés ! Les quelques études mises en place par des médecins de ville ont été sabordées par l’interdiction de prescrire !... Seules restent de grandes études officielles dont discovery ne testant pas le protocole proposé mais comme dans toute étude de recherche, nécessitant 4 à 5 000€ par patient inclu, (incluant la rétribution confortable du médecin hospitalier déjà payé par ailleurs... ) a priori seules, les études à fort retour pour l’investigateur semblent intéresser nos hospitaliers et pas celles pouvant être utiles aux patients, très très inquiétant.
On ne peut pas faire boire un âne qui n'a pas soif, on ne peut pas non plus convaincre quelqu'un qui a décidé une fois pour toute que la vérité « est ailleurs » et que les « autorités » nous cachent tout, ne nous disent rien et sont en cheville avec l'industrie pharmaceutique en laissant mourir des gens qui pourraient « bénéficier » d'un traitement pas cher ; vous ai-je déjà raconté l'histoire du fou qui cherche la nuit ses clefs sous un réverbère parce que c'est là qu'il y voit le mieux ? Je l'avais légèrement modifiée avec ce climatosceptique qui cherche ses clefs dans la pénombre alors qu'elles sont bien visibles sous le réverbère, vous pouvez la transposer avec tous ces raoultdôlatres qui tiennent à tout prix à ce que leur saint patron possède la solution miracle qui sauvera la Terre entière.

Pourtant de nombreux indices étaient venus auparavant qui auraient pu leur indiquer qu'il fallait se méfier du druide phocéen ; Olivier Berruyer, qui n'est pas un aigle en matière de géopolitique, un domaine où il s'est montré régulièrement largement incompétent, a par contre une réelle expertise en tant qu'actuaire, c'est-à-dire expert en analyse de probabilités et statistiques pour le compte notamment des sociétés d'assurance, ce qui le rend par exemple amplement légitime pour parler de la crise financière, ou bien du climat, ou encore du covid-19, par exemple dans un de ses récents billets intitulé Didier Raoult : les graves manipulations scientifiques (il s'agit en fait de plusieurs billets) ; dans le tout premier billet Berruyer retrace dans une courte vidéo tous les plantages du professeur Raoult (je vous laisse consulter cette vidéo que vous trouverez en suivant la source citée en légende) :

Professeur Raoult vs Réalité (source OBerruyer)

Dans son dernier billet (Partie 5) Olivier Berruyer va bien plus loin en qualifiant le professeur Raoult de ...
Il est bien triste de constater la réalité que, derrière le marketing du « plus grand microbiologiste français », qui conseille le gouvernement et Macron, se trouve – pour reprendre ses propres termes selon Science – un charlatan. Un pur charlatan, au sens juridique du terme :
Article R. 4127-39 du Code de la santé publique (reprenant l’article 39 du Code de déontologie médicale – Charlatanisme)

Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.

Toute pratique de charlatanisme est interdite.
Personnellement je n'irai pas jusque là, pour moi un charlatan est un escroc qui sait pertinemment qu'il trompe les gogos qui viennent écouter ses boniments, or il n'est pas sûr que Raoult ne soit pas intimement convaincu qu'il a raison contre tout le monde, c'est pour cela que le terme que je trouve le plus approprié serait quelque chose entre bouffon et guignol, et je vous laisse choisir dans la longue liste des synonymes de ces deux mots (ici ou )

Le problème avec Raoult c'est qu'il aura contaminé un grand nombre de personnes, y compris d'autres professeurs de médecine comme nous l'indique cet article de Futura Science intitulé Chloroquine : encore une nouvelle étude à la méthodologie douteuse :
Concernant l'HCQ et l'AZI, le scandale continue, avec une nouvelle étude à la méthodologie plus que douteuse, réalisée par une équipe française dont un défenseur de la chloroquine : le Professeur Perronne.
Et comme quand on est dans le déni on s'y enfonce toujours chaque jour un peu plus, notre professeur Raoult vient de remettre en cause l'utilité du confinement (voir Le professeur Raoult se sert d'une étude espagnole pour remettre en question l’efficacité du confinement) :
L’infectiologue marseillais […] interroge [...] sur l’efficacité de [la] mesure [de confinement] dans la lutte contre la propagation de la maladie.
Ben voyons !

C'est vrai que quand on montre des courbes en cloche pour « prouver » que l'épidémie est sur le point de se terminer...

La courbe en cloche est la courbe typique des épidémies (dixit Raoult)

Sauf que si la courbe est dans son mode descente c'est peut-être grâce au confinement, non ?

Il est quand même étrange que tant de pays dans le monde, à la suite de la Chine qui a donné l'exemple, aient décidé de confiner tout ou partie de leur population, tous des crétins certainement.

Evidemment nous ne saurons jamais combien de morts auraient été déplorés si aucun confinement n'avait été pratiqué et si l'on avait laissé la maladie divaguer à son gré parmi les populations jusqu'à ce qu'on atteigne l'immunité de troupeau (traduction littérale de herd immunity) et c'est bien cela qui joue en faveur de tous les « sceptiques » ou « réalistes » (suivez mon regard) ; si on arrive à limiter les dégâts nous aurons les habituels neuneus/désinformateurs professionnels (barrez la mention inutile) qui nous diront le plus sérieusement du monde que ce n'était pas si grave que ça après tout. 

On parie ?


7 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'apprécie beaucoup votre site, mais quand je lis :
    « Olivier Berruyer, qui n'est pas un aigle en matière de géopolitique, un domaine où il s'est montré régulièrement largement incompétent »
    Je me permets de vous faire remarque que le site www.les-crises.fr est un agrégateur de news qui me semble essayer de relayer des Fake News.
    Auriez-vous quelques exemples FACTUELS sur le fait que O Berruyer n'est pas un aigle ?
    Merci pour votre retour ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cela fait longtemps que je ne lis plus régulièrement le site Les Crises et que je me désintéresse totalement de tout ce qui peut s'y dire en matière de géopolitique.

      Je n'ai pas d'exemple précis à vous donner, simplement vous dire que mes premières impressions, quand Berruyer a commencé à se lancer dans ce domaine où il s'est montré comme je le disais totalement incompétent, ont été très négatives (c'était en 2011, donc il y a pas mal de temps déjà) ; auparavant il avait toute mon estime avec ses billets sur le climat ou la crise financière, deux domaines dans lesquels je le trouvais (et le trouve toujours) légitime, car en tant qu'actuaire il a des munitions à sa disposition, contrairement à la géopolitique qui demande une expertise qu'il n'a pas.

      Tout ce que je peux vous dire c'est que son traitement des crises syriennes et ukrainiennes était fortement orienté, avec un énorme biais en faveur des Russes et donc de ses alliés, Bachar El Assad ainsi que les Ukrainiens du Donbass entrés en rébellion contre Kiev ; Berruyer n'a fait que relayer des informations en provenances de sources douteuses (des vidéos YouTube ou des gens comme Paul Craig Roberts qui a notamment nié que les attaques du 11 septembre 2011 étaient le fait de terroristes, entre autres exemples qu'il serait fastidieux de retrouver)

      Actuellement avec le covid-19 il me semble également légitime à donner son avis car il sait analyser des données que d'autres présenteraient de manière biaisée (suivez mon regard) et son dernier dossier sur Raoult me semble bien charpenté, en tout cas je suis persuadé que Raoult ne le trainera pas en justice pour avoir été traité de charlatan, car cela impliquerait qu'il se mette à nu sur ses méthodes, ce qu'il n'a pas forcément envie de faire ; il lui faudrait par exemple prouver que tout ce qu'a écrit Berruyer est faux ou malhonnête, je lui souhaite bien du courage s'il devait s'y aventurer.

      Supprimer
    2. Je dois avouer que moi aussi j'ai « un énorme biais en faveur des Russes et donc de ses alliés » quand je me base sur la politique américaines depuis que le l'URSS s'est effondrée.
      - regimes change
      - interventions sanglantes dans des pays souverains
      - chaos au moyen orient
      Je me contente de comparer les méfaits du « sanglant dictateur Poutine » par rapport aux nombreux crime de nos « belles démocraties ».
      Mais ça, ça ne choque que peu de monde ¯\_(⊙︿⊙)_/¯

      Supprimer
    3. Il ne faut pas être naïf, ni les Américains ni les Russes ne sont des enfants de cœur, chacun cherche à pousser ses pions, les Russes le font simplement de façon peut-être un peu plus discrète et sournoise, les Américains font davantage dans le rentre-dedans, mais il n' y pas de raison de favoriser un camp plutôt que l'autre.

      Supprimer
  2. Oups, « qui me semble essayer d'éviter de relayer des Fake News » ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avais compris le vrai sens de votre message, mais vous savez quand on succombe à un lapsus linguae c'est que derrière il y a quelque chose qui se cache ;)

      Supprimer
  3. En complément, au sujet de Berruyer et de la crise syrienne : http://sogeco31.blogspot.com/2019/04/le-conflit-syrien-selon-les-crises.html

    RépondreSupprimer