mardi 6 octobre 2020

Projections économiques : Biden Vs Trump

 Bon on va faire comme si rien de spécial s'était passé récemment, par exemple un internement de Trump dans un hôpital cinquante étoiles ou l'arrivée d'extraterrestres sur un ile déserte, ce qui expliquerait qu'on n'en sache encore rien ; faisons comme si tout était normal et suivait son cours habituel.

Paul Krugman, dans The Very Strong Case for Bidenomics, nous explique pourquoi en matière d'économie non seulement Trump ne serait pas meilleur que Biden, mais aussi que les Républicains n'ont jamais vraiment été meilleurs que les Démocrates sur ce plan-là. Je vous livre quelques extraits avec des commentaires intercalaires permettant d'apporter quelques précisions utiles.

Krugman commence en mettant Biden et Trump directement en lice (et en opposition) :

Joe Biden claimed that his tax and spending plans would create millions of jobs and promote economic growth. Trump claimed that they would destroy the economy.

Well, everything we know suggests that Biden was right and Trump wrong. And I’m not the only one saying this. Nonpartisan analysts like Moody’s Analytics and the not-exactly-socialist economists at Goldman Sachs are remarkably high on Biden’s proposals.
Joe Biden a affirmé que ses plans d'imposition et de dépenses créeraient des millions d'emplois et favoriseraient la croissance économique. Trump a affirmé qu'ils détruiraient l'économie.

Eh bien, tout ce que nous savons suggère que Biden a raison et Trump tort. Et je ne suis pas le seul à le dire. Les analystes non partisans comme Moody's Analytics et les économistes pas-vraiment-socialistes de Goldman Sachs sont remarquablement favorables aux propositions de Biden.

C'est ce qu'on appelle planter le décor.

Regardons tout de suite les deux liens que fournit Krugman, à savoir Moody's (une agence de notation qui ne fait pas de politique) et Goldman Sachs (une banque qui n'est pas précisément un enfant de chœur) 

Moody's


Nous n'allons pas parcourir la totalité du rapport de Moody's, qui est très détaillé, mais nous concentrer sur deux graphiques permettant de façon très imagée de nous faire une idée de ce qu'une agence de notation pense de l'un et l'autre candidats :

Graphique 2 : PIB réel et Graphique 3 : Emplois / selon différents scénarios électoraux

Pas beaucoup à commenter, en cas de victoire de Biden sur Trump tant le PIB que l'emploi sont très nettement supérieurs ; néanmoins voici un extrait qu'il convient de méditer :

Lower- and middle-income households benefit more from Biden’s policies than Trump’s. Biden ramps up government spending on education, healthcare and other social programs, the benefits of which largely go to those in the bottom half of the income distribution.
Les ménages à faibles et moyens revenus bénéficient davantage des politiques de Biden que de celles de Trump. Biden augmente les dépenses gouvernementales en matière d'éducation, de santé et d'autres programmes sociaux, dont les bénéfices vont en grande partie aux personnes se trouvant dans la moitié inférieure de la distribution des revenus.

C'est marrant non ? En favorisant les plus bas revenus au détriment des « riches » Biden arriverait à faire mieux que Trump sur le plan économique !


Goldman Sachs

Ici Krugman nous oriente vers un tweet d'un certain James Pethokoukis, « chroniqueur et analyste de politique économique » selon son profil visible sur le site de l'American Enterprise Institute ; Wikipédia nous dit que cet institut est

interventionniste militairement et est réputé proche du patronat américain et du mouvement néoconservateur.

Proche du « mouvement néoconservateur », on ne peut vraiment pas dire que Biden soit a priori son favori ; tiens au passage, au sujet du climat l'AEI est clairement climatosceptique, par exemple avec 18 spectacularly wrong predictions made around the time of the first Earth Day in 1970, expect more this year) ou alors avec un article de James Pethokoukis (oui le même que celui de Krugman) intitulé Economic growth and technological progress: There is no alternative dans lequel notre bonhomme nous dit le plus sérieusement du monde :

When President Trump tossed out that “I don’t think science knows” line on Tuesday about climate change, he was not totally wrong. Science knows a lot about climate change, but there is also a lot yet to be learned.
Lorsque le président Trump a lancé mardi dernier cette phrase "Je ne pense pas que la science sache" sur le changement climatique, il n'avait pas totalement tort. La science en sait beaucoup sur le changement climatique, mais il y a aussi beaucoup à apprendre.

Nous n'avons donc pas affaire, à l'AEI, à des anti-Trump primaires, qu'on se le dise. Maintenant venons-en au tweet vers lequel Krugman nous dirige, il dit ceci :

James Pethokoukis
@JimPethokoukis

GOLDMAN SACHS: "A Biden win, especially in a "blue wave", would likely mean greater fiscal stimulus, more cyclical upside, less trade policy risk, and a weaker USD/stronger EM FX. Earlier vaccine availability would have directionally similar effects, in our view."
GOLDMAN SACHS : "Une victoire de Biden, en particulier dans une "vague bleue", signifierait probablement une plus grande stimulation fiscale, une conjoncture plus favorable, moins de risques pour la politique commerciale et un dollar américain plus faible/un EM FX plus fort. Une disponibilité plus précoce des vaccins aurait des effets similaires, à notre avis".
La « vague bleue » c'est évidemment si les Démocrates raflaient tout, Sénat et Chambre des représentants, dans ce cas ils auraient bien plus de marge de manœuvre que si les Républicains conservaient le Sénat. Quant au EM FX il s'agit de l'Emergent Market Foreign eXchange, soit la parité du dollar envers les autres monnaies des marchés émergents (voir par exemple La hausse du dollar change la donne pour les émergents, selon l'IIF)

Bref une victoire de Biden serait tout bénef pour le dollar, boostant ainsi les exportations et limitant les importations (d'après ce que j'ai compris, si vous n'êtes pas d'accord faites-le savoir)

Mais le plus intéressant est dans les commentaires qui suivent, par exemple :

Une fois de plus, le GOP a poussé l'économie dans le fossé et Wall Street attend que les démocrates y remédient

Le GOP, Grand Old Party, ce sont les républicains, et l'on voit que ceux-ci ont eu tendance à léguer à leurs suivants Démocrates des situations budgétaires peu enviables que ces derniers ont lentement mais surement rétablies.

Et un certain Mystery VFX Super qui répond ceci accompagné de quatre graphiques dans lesquels la présidence Obama est signalée par une zone grisée :
Mystery VFX Super
@MysteryVFXSuper

Replying to
@aadamoni and
@JimPethokoukis
I mean the stimulus that over the course of the Obama administration, greatly increased business investment, increased wages, increased manufacturing output, created jobs, saved Detroit, kick-started the stock market boom, while incidentally also getting 20M more people insured. 
Je veux parler du stimulus qui, sous l'administration Obama, a considérablement augmenté les investissements des entreprises, les salaires, la production manufacturière, a créé des emplois, a sauvé Détroit, a donné le coup d'envoi du boom boursier, tout en faisant assurer 20 millions de personnes de plus.
Investissements des entreprises américaines

Salaires américains


On voit clairement que Trump n'a pas fait grand chose d'autre que de continuer ce qu'avait commencé Obama la plupart du temps, ce dernier ayant entamé sa présidence juste après la crise financière de 2007-2008, cela expliquant les « creux » de départ, alors que la présidence de Trump s'achemine, elle, vers un abime grandement lié à sa gestion désastreuse du Covid-19 (Obama aurait lui-aussi eu des difficultés, mais il aurait eu du mal à faire pire que Trump)

Reprenons maintenant l'article de Krugman où nous l'avions laissé avant de diverger vers Moody's et Goldman Sachs et nous allons voir que nous retrouverons le même fil sortant de la pelote :

some history.

There’s a widespread perception that Republicans are better than Democrats at managing the economy. But that’s not at all what the record says.
un peu d'histoire.

Il existe une perception répandue selon laquelle les républicains sont meilleurs que les démocrates pour gérer l'économie. Mais ce n'est pas du tout ce que disent les statistiques.
 
Un point de repère : la croissance économique ( du 1er trimestre au 1er trimestre) sous des présidents modernes, sans la dégringolade covidienne (du BEA via FRED)

 On remarque que Clinton a fait aussi bien que Reagan, que les deux Bush, père et fils, ont eu un bilan déplorable, et enfin que Trump n'a pas fait mieux qu'Obama, et ce AVANT que la crise due au coronavirus ne survienne ! 

Krugman poursuit :

The economy did in fact add many jobs under Trump before the coronavirus struck, but this simply represented the continuation of an expansion that began under Barack Obama.
L'économie a en fait créé de nombreux emplois sous Trump avant que le coronavirus ne frappe, mais cela représentait simplement la poursuite d'une expansion qui avait commencé sous Barack Obama. 
 
Emplois non agricoles

 En regardant ce graphique il est impossible de dire quand Trump a succédé à Obama si l'on ne voit pas les années en abscisses ! Par contre on visualise sans problème la période actuelle...

Voici maintenant quelques extraits de l'article de Krugman que je reproduis directement en français :

Les républicains ont également une longue histoire de revendication que les politiques progressistes mèneraient à un désastre économique. Ils ont eu tort à chaque fois.
Ils se sont trompés sur les hausses d'impôts : Lorsque Clinton a augmenté les impôts en 1993, les républicains ont prédit avec confiance une récession, mais ce qui s'est réellement passé, c'est un énorme boom. Lorsque la Californie a augmenté les impôts sous la direction de Jerry Brown, la droite a appelé cela un "suicide économique" ; une fois de plus, l'économie a connu un boom.
Ils se sont également trompés sur les programmes sociaux. Obamacare, a insisté le G.O.P., détruirait des millions d'emplois. Une des douzaines de tentatives d'abrogation de la loi sur les soins abordables s'appelait en fait la "loi sur l'abrogation de la législation sur les soins de santé qui tue les emplois". Pourtant, dans les six années qui ont suivi janvier 2014, lorsque la loi est entrée en vigueur, l'économie a créé près de 15 millions d'emplois.
Pourquoi Moody's et Goldman Sachs sont-ils si favorables aux propositions de [Biden] ?
Tout d'abord, le contexte. Même avant le coronavirus, les bons chiffres de l'emploi pouvaient cacher une faiblesse économique sous-jacente. Depuis au moins dix ans, nous vivons dans un monde d'excès d'épargne : le montant que le secteur privé épargne de manière persistante dépasse celui qu'il dépense en investissements réels. Cette surabondance d'épargne se traduit par des taux d'intérêt bas, même lorsque l'économie est forte.
La réduction d'impôt en 2017 de Trump [...] a augmenté le déficit budgétaire, mais le principal moteur de ce découvert fiscal - une réduction considérable de l'impôt sur les sociétés - n'a pas du tout produit l'augmentation des investissements des entreprises promise.
A propos de ce TCJA (Tax Cuts and Jobs Act) voici un graphique qui dit tout :

Croissance des investissements, moyenne sur 4 trimestres

Reprenons :
Le plan de M. Biden réduirait cette réduction de l'impôt sur les sociétés et la remplacerait par des programmes de dépenses susceptibles de rapporter beaucoup plus. En particulier, une grande partie des dépenses serait consacrée aux infrastructures et à l'éducation, c'est-à-dire aux dépenses visant à renforcer l'économie à long terme et à la stimuler au cours des prochaines années.
Si vous essayez d'évaluer les prétentions économiques des candidats, vous devez savoir que les prédictions de Trump concernant un fiasco de Biden manquent de crédibilité, non seulement parce que Trump ment sur tout, mais aussi parce que les républicains prédisent toujours le désastre d'une politique progressiste, et n'ont jamais eu raison jusqu'à présent.
Et de conclure :
Les affirmations de M. Biden selon lesquelles son plan donnerait un coup de fouet à l'économie sont bien ancrées dans l'économie dominante et sont soutenues par des analyses indépendantes et non partisanes.
Evidemment Krugman est pro-Biden et votera pour lui, il est donc partisan sur le coup, cependant il faut bien avouer que les chiffres semblent être plutôt en faveur de ses arguments, comme j'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de l'exprimer à plusieurs reprises (par exemple ici)

On peut bien sûr faire mentir les chiffres, mais quand ceux-ci viennent d'organismes tels que Moody's ou Goldman Sachs la probabilité pour qu'ils favorisent Biden est extrêmement faible. Pas nulle, mais très très faible.


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