lundi 13 mai 2019

La vigne et le réchauffement climatique vus par des experts en gros rouge qui tache

L'abus de vin est nuisible à la santé, il est avéré que cela nuit aux neurones qui n'arrivent plus à fonctionner normalement, et l'individu se met rapidement à tituber, à délirer puis à collapser si la dose est trop importante.

Sur Skyfall nous en voyons souvent qui flirtent avec la troisième phase, comme celui-ci :
25. micfa | 12/05/2019 @ 10:28

Encore une énormité sur A2, hier au JT de 12h, une application de la logique réchauffiste: si les vignes ont gelé, c’est à cause du réchauffement parce que la végétation était en avance, et le problème devient récurrent. Il me semble qu’en France, au mois de mai, la végétation a démarré depuis longtemps, et que s’il gèle, elle va dérouiller même si elle a un mois de retard. Mais chez les réchauffistes, peut-être que dans le temps, quand il gelait en avril ou en mai, c’était pas grave, car la végétation n’avait pas encore démarré, les arbres n’avaient pas encore fleuri, on vendait le muguet le 1er juillet, rappelez-vous. Maintenant c’est plus pareil, avec le RCA la végétation démarre en mars et avril, on vend du muguet le 1er mai, les arbres ont même des feuilles à la mi-mai, c’est du jamais vu, et quand il gèle tout grille. Encore une catastrophe naturelle à ranger parmi les effets du RCA.
L'émoti-con nous fait redouter le pire, on n'est pas sûr de pouvoir ranimer l'imprudent qui a de toute évidence largement dépassé la dose menant au délire, le voila qui nous parle de muguet vendu le 1er juillet, le pauvre est probablement irrécupérable.

Pour la détoxification la seule solution serait de lui injecter quelque chose dans ce genre, le site covigneron qui évoque notamment le problème de la vigne confrontée au réchauffement climatique, c'est écrit par des « passionnés de Terroirs, amateurs de vin et de produits locaux » qui parrainent, les fous, des pieds de vigne, ils ne doivent donc par conséquent pas connaitre grand chose au sujet en comparaison du dénommé micfa, mais nous allons malgré tout lire ce qu'ils expliquent :
Les vendanges prématurées deviennent de plus en plus fréquentes alors que trois décennies auparavant, on ne s’attelait à cette tâche que 3 voire 4 semaines plus tard [...] Ce phénomène de réchauffement entraine également une fragilisation des ceps. Cette précocité des récoltes est d’ailleurs due au fait que la végétation en elle-même est condamnée à démarrer plus tôt à cause d’un hiver qui n’est plus aussi rude qu’auparavant.
Ce qui signifie que l'hiver s'étant rapetissé (à cause de quoi-vous-savez) le printemps commence plus tôt, avec des conséquences sur la végétation en général et la vigne en particulier, et ce qui doit arriver arrive :
Avec une vigne qui bourgeonne en mars, les risques induits par le gel ne peuvent que l’atteindre puisqu’ils perdurent jusqu’au mois de mai. Le mois d’avril dernier, la majeure partie de la production viticole française a ainsi subi les ravages du froid en pleine floraison.
Eh oui, mais pour micfa il n'y a rien d'anormal à tout cela, il croit qu'il en a toujours été ainsi depuis des millénaires, donc pas besoin de s'inquiéter, hein !

Mais nos vignerons ne sont pas franchement optimistes :
Face à cette situation plus qu’alarmante, force est de constater que les solutions possibles sont loin de couvrir l’ensemble des conséquences néfastes du réchauffement climatique sur les vignes.
« Situation alarmante », « conséquences néfastes », encore des pisse-froid qui ne sont même pas capables de trouver les solutions à leurs problèmes, d'ailleurs il n'y a pas de problème, n'est-ce pas, donc est-ce bien la peine de se fatiguer ?

Mais nous avons mieux que les explications alambiquées (sic) de ces extrémistes sûrement écolos se faisant passer pour des amoureux des bons crus, il y a aussi Le Figaro vin qui vient juste de sortir un article il y a trois jours seulement dont le sous-titre nous dit :
Juste avant l’ouverture du salon Vinexpo à Bordeaux, l’économiste Patrice Geoffron évoque l’avenir du monde viticole sur fond de hausse des températures.
Le Figaro n'est pas à proprement parler un journal de gauche et n'a pas particulièrement démontré la moindre sympathie avec les écologistes que je sache, donc il est peut-être intéressant de voir ce qu'ils ont à dire, vous ne trouvez pas ?
Les organisateurs de ­Vinexpo Bordeaux, qui ouvre ce lundi, ont commandé une étude sur l’impact du réchauffement climatique sur la viticulture à l’économiste Patrice Geoffron qui dirige, à l’université Paris-Dauphine, une équipe spécialisée dans l’économie du changement climatique.
Paris-Dauphine, le temple de l'économie libérale, là où Pascal Salin est professeur émérite, il est difficile de faire moins opposé au progrès, à la consommation, aux ressources fossiles, bref à tout ce qui fait que comme le dit Laurent Alexandre, « la vie n'a jamais été aussi magnifique » qu'aujourd'hui (voir Laurent Alexandre, le nouvel étalon de l'intelligence de notre temps ?) ; au fait vous ai-je dit qu'Alexandre a été secrétaire national du parti Démocratie libérale d'Alain Madelin, un autre libéral pur jus, lui aussi climatosceptique comme de bien entendu ? (voir Deux minuscules grains de sable dans ma chaussure) Je pense utile de remettre les choses dans leur contexte afin d'avoir une vue globale et non biaisée de la situation.

Donc c'est un économiste de Paris-Dauphine, le dénommé Patrice Geoffron, qui s'exprime, vous le croirez ou non, sur le réchauffement climatique et les problèmes qu'il cause au monde viticole (oh non, cela ne peut pas être possible !)

Quand il commence son entretien avec le journaliste du Figaro les choses semblent mal engagées (c'est-à-dire semblent favorables aux thèses climatosceptiques) :
La vigne est cultivée depuis des milliers d’années et a fait la démonstration de sa capacité à s’adapter au fil du temps à différents types d’environnement, avec des variations climatiques. La manière dont la vigne est structurée, en particulier en Europe, est le résultat d’un choc climatique du milieu du précédent millénaire avec le "petit âge glaciaire" qui, pendant cinq siècles, a conduit le thermomètre à baisser d’environ 1 °C, ce qui a considérablement réduit la production en Europe du Nord, assez florissante auparavant.
Nous avons l'impression qu'il va nous ressortir très vite quelque chose du genre « le climat a toujours changé » et « ce que nous connaissons actuellement n'a donc rien d'inhabituel », mais attendons la suite :
[En 2019 et durant les années qui viennent, serons-nous en mesure de reproduire ce même tour de force si le climat l’impose ?] C’est bien la question, d’autant plus que les délais sont très courts. En 2050, si l’accord de Paris est mis en œuvre efficacement, le climat ne sera pas très différent de ce qu’il est aujourd’hui (maximum + 1,5 °C). Dans ce cas de figure, nous aurons la capacité de nous adapter.
Mais…
[si l’accord de Paris n’est pas mis en œuvre ] C’est le scénario le plus pessimiste, avec + 2 °C à 2,5 °C dès 2050. Ces délais très courts interviennent en plus dans un contexte de viticulture mondialisée dont près de la moitié de la production franchit une frontière. Si le climat devait dériver dans les décennies à venir, les sociétés seraient mises à l’épreuve dans beaucoup de domaines d’activité, et bien au-delà de celui de la viticulture.
Ben oui, ya pas que le pinard dans la vie, ya aussi tout le reste qui pousse dans la terre, qu'on doit arroser et protéger des nuisibles divers (insectes malicieux, fourbes champignons, herbes chafouines et arracheurs de plants de maïs OGM), tout cela va morfler avec la hausse des températures, c'est un prof à Paris-Dauphine qui vous le dit !

Mais il insiste lourdement le bougre :
Si nous regardons derrière nous, nous observons qu’en termes de volume, la croissance de la consommation mondiale de vin a été interrompue par la crise en 2008-2009, et stagne depuis. Nous pouvons craindre, dans un monde ­déstabilisé par le changement climatique, que ce type de choc devienne assez banal.
Le gars n'y va pas par quatre chemins, « un monde déstabilisé par le changement climatique », c'est pas moi qui le dis, c'est lui !

Et il se fait le porte-parole des viticulteurs avec qui j'imagine il doit discuter assez souvent (je le soupçonne d'apprécier la dive bouteille…)
La légitimité [de lanceur d’alerte de la viticulture] est fondée sur une réalité indéniable que les viticulteurs observent depuis plusieurs décennies dans leurs vignes. Lorsque je veux faire toucher du doigt la réalité du changement climatique aux étudiants, je leur montre des cartes et des dates de vendanges et je leur explique la manière dont les vins se transforment et, notamment, voient leur teneur en alcool augmenter. Ce qui est bien plus concret que de jongler avec des milliards de tonnes de CO2 émises, pour aborder la problématique climatique.
En voila un prof que micfa aurait dû avoir dans sa jeunesse, il n'en serait pas réduit aujourd'hui à considérer la condition humaine dans le verre de rouge qu'il se tape régulièrement au bistrot du coin en compagnie des pochetrons du voisinage qui viennent là pour refaire le monde.

Mais plus étonnant, c'est quand on apprend ceci :
Ces facteurs sont moins théoriques que ceux qui relèvent des sciences du climat. De plus, lorsqu’on liste les pays qui ont la responsabilité la plus grande à la fois dans les émissions de CO2 et potentiellement dans la lutte contre le changement climatique, on aboutit à l’Europe, les États-Unis et la Chine. Si on fait la somme de ces différents ensembles, cela représente environ 70 % de la consommation et de la production de vin.
Eh oui, les régions du monde les plus responsables des émissions de gaz à effet de serre sont aussi celles où l'on produit et consomme le plus de vin, moralité : c'est le vin qui est responsable du réchauffement climatique ! Non je rigole bien sûr, faut pas croire tout ce que je raconte, cela pourrait vous faire réfléchir.

Et quand on pousse l'économiste dans ses derniers retranchements en lui demandant si on va tous mourir, il répond :
Réussir l’accord de Paris, cela veut dire qu’en 2050 nous n’émettrons pas plus de CO2 qu’en 1950 (5-10 milliards de tonnes par rapport à 35 milliards de tonnes aujourd’hui). Sauf qu’entre 1950 et 2050, le PIB mondial aura été multiplié par 10, la population mondiale aura été multipliée par 3. Donc, quand nous évoquons ces chiffres et le cahier des charges de l’accord de Paris, économiquement, il est tentant de considérer que c’est injouable.
Injouable, c'est bien ce que je pense aussi, il me semble l'avoir déjà écrit à plusieurs reprises et cela ne me réjouit pas spécialement d'être d'accord avec un professeur à Paris-Dauphine, vous pouvez me croire.

Mais voila, notre économiste tient à tout prix à terminer son intervention avec une note optimiste :
Je pense pourtant que le découplage entre la création de richesse et les émissions de CO2 est atteignable : par exemple, entre 2013 et 2016, les émissions de CO2 n’ont pas augmenté, alors que la richesse mondiale produite s’est accrue de 10 % durant cette période. Le Giec a réaffirmé, fin 2018, qu’il est encore possible de contenir la température sous les + 1,5 °C.
Euh, il est sérieux, là ? Il n'est pas au courant qu'en 2018 les émissions sont reparties de plus belle ? Il n'a pas lu le rapport intitulé Global Energy & CO2 Status Report ? Dans les éléments clés (key findings) on peut y lire ceci :
Global energy consumption in 2018 increased at nearly twice the average rate of growth since 2010, driven by a robust global economy and higher heating and cooling needs in some parts of the world. Demand for all fuels increased, led by natural gas, even as solar and wind posted double-digit growth. Higher electricity demand was responsible for over half of the growth in energy needs. Energy efficiency saw lacklustre improvement.
La consommation mondiale d'énergie en 2018 s'est accrue a un taux quasiment le double par rapport au taux de croissance moyen enregistré depuis 2010, sous l'effet d'une économie mondiale robuste et de la hausse des besoins en chauffage et en climatisation dans certaines régions du monde. La demande pour tous les combustibles a augmenté, tirée par le gaz naturel, alors même que le solaire et le vent ont enregistré une croissance à deux chiffres. L'augmentation de la demande d'électricité a été responsable de plus de la moitié de la croissance des besoins en énergie. L'efficacité énergétique a connu une amélioration médiocre.
Mais aussi, et surtout :
Energy-related CO2 emissions rose 1.7% to a historic high of 33.1 Gt CO2. While emissions from all fossil fuels increased, the power sector accounted for nearly two-thirds of emissions growth. Coal use in power alone surpassed 10 Gt CO2, mostly in Asia. China, India, and the United States accounted for 85% of the net increase in emissions, while emissions declined for Germany, Japan, Mexico, France and the United Kingdom.
Les émissions de CO2 liées à l'énergie ont augmenté de 1,7% pour atteindre un sommet historique de 33,1 Gt CO2. Alors que les émissions de tous les combustibles fossiles ont augmenté, le secteur de l’électricité a représenté près des deux tiers de la croissance des émissions. La seule utilisation du charbon dans l’énergie a dépassé les 10 Gt de CO2, principalement en Asie. La Chine, l’Inde et les États-Unis ont représenté 85% de l’augmentation nette des émissions, tandis que les émissions ont diminué pour l’Allemagne, le Japon, le Mexique, la France et le Royaume-Uni.
Et que disait-il déjà, notre économiste de Paris-Dauphine ?
Je pense pourtant que le découplage entre la création de richesse et les émissions de CO2 est atteignable.
Ah oui ? Et comment s'il vous plait ?

Comme il s'est apparemment arrêté en 2016 pour affirmer que « entre 2013 et 2016, les émissions de CO2 n’ont pas augmenté », voici ce graphique qui pourra éventuellement lui être utile afin de reconsidérer sa position :
INTERNATIONAL ENERGY AGENCY
Average annual global primary energy demand growth by fuel, 2010-18 (source iea)

Effectivement, « entre 2013 et 2016 les émissions de CO2 n’ont pas augmenté », on peut dire ça, mais alors pourquoi 2017 et 2018 se situent nettement au-dessus de toutes les précédentes années ? Mystère…

Mais en regardant un graphique des émissions de CO2 et non de la demande en énergie, voici ce que cela donne :
Global energy-related carbon dioxide emissions by source, 1990-2018 (source iea)

On parle bien d'émissions de CO2 là, hein ? On peut effectivement remarquer une légère descente entre 2013 et 2016, puis la reprise du business as usual.

Bien plus parlant, et visible, ce graphique (et on arrêtera là) :
Change in global CO2emissions, 2014-18 (source iea)

Comme quoi quand on travaille à Paris-Dauphine on ne dit pas que des conneries, mais parfois c'est parce qu'« on ne dit pas » qu'on croit avoir évité de dire une connerie, et là c'est raté.

Bon on pourrait aussi citer Le vignoble Français est-il menacé par le changement climatique ?, ou La vigne et le vin seront impactés par le réchauffement climatique, ou La vigne à l’épreuve du réchauffement, ou Adaptation au changement climatique en Bourgogne, etc., toutes lectures qui pourraient éventuellement dégriser notre picoleur skyfalleux qui croit avoir vu une énormité au journal télévisé alors que l'énormité se situait en réalité juste derrière son nez.

Allez monsieur micfa, vous reprendrez bien un verre, on a à peine entamé la troisième bouteille.

2 commentaires:

  1. Si je puis me permettre de rajouter un conseil de lecture sur le sujet ; Si je puis me permettre de rajouter un conseil de lecture sur le sujet :
    http://lavventura.blog.lemonde.fr/2015/12/10/quand-le-bordeaux-sera-suedois/comment-page-2/

    Bugul Noz

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    1. Oui et dans le bordelais on fera peut-être d'excellents vins espagnols;)

      Hors sujet : pourquoi ne pas mentionner votre pseudo à la place de « Unknown » ?

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