mardi 7 mai 2019

L'avis d'un skieur suisse

Comme je réside dans le sud-ouest de la France je connais bien mieux les Pyrénées que les Alpes, je sais que « mes » montagnes pâtissent du réchauffement climatique, il ne fait aucun doute que la neige fait de plus en plus défaut et que les glaciers régressent tous, comme j'avais déjà eu l'occasion d'en parler dans Le port de Vénasque depuis l'Hospice de France (et accessoirememnt leçon sur le réchauffement climatique) en montrant ce graphique :
Evolution de la surface englacée totale (chaine pyrénéenne) - Source asso.moraine

De 23km² de surface englacée en 1850 nous sommes passés à 12,8km² en 1950, soit un siècle seulement plus tard, pour en arriver aujourd'hui à 2,6km² avec une perspective de 0km² pour 2050.

Mais les Pyrénées ne sont pas les Alpes qui sont beaucoup plus hautes et plus vastes, qui plus est leurs climats respectifs ne sont pas identiques, les Pyrénées bénéficient directement des influences atlantique et méditerranéenne qui apportent des précipitations mais aussi de la douceur, alors que les Alpes sont enfoncées dans le continent européen et sont davantage sujettes à des influences « nordistes » amenant du froid (un peu comme dans GoT…)

Alors le mieux est non pas d'écouter quelques énergumènes qui prétendent ici ou là que les Alpes se refroidissent en hiver sans vraiment apporter d'arguments convaincants, mais plutôt des spécialistes habitués des lieux, et pourquoi pas, par exemple, un skieur Suisse en la personne de Daniel Yule ?

Daniel Yule a été interviewé récemment (le 4 mai) par le journal en ligne Le Temps, ce qui a donné cet article intitulé Daniel Yule: «Nous, les skieurs, sommes bien placés pour observer le réchauffement climatique».

On pourrait s'arrêter au titre et ne pas aller plus loin, car celui-ci nous fait bien comprendre qu'il y a un souci pour les skieurs avec le réchauffement climatique ; en effet, un skieur a besoin...de neige pour pratiquer son activité, et si cette neige vient à faire défaut cela peut lui poser problème, comment ne pas le comprendre.

Mais allons plus loin et voyons ce qu'il nous dit plus précisément.

L'article commence avec ceci :
Les sports de neige ont vécu un drôle d’hiver. Paradoxal. Jamais davantage que cette année des athlètes n’ont profité des micros qui leur étaient tendus pour dire leur inquiétude quant au changement climatique.
« Jamais davantage que cette année », mais que s'est-il passé cette année qui mette en émoi le milieu du ski alpin suisse ?

Apparemment tout le monde ne se sent pas concerné par l'inquiétude des athlètes :
Mais parallèlement, le président suisse de la Fédération internationale de ski (FIS), Gian-Franco Kasper, s’est laissé aller dans le Tages-Anzeiger à des déclarations climatosceptiques qui ont fait le tour du monde: «Et puis, il y a ce soi-disant changement climatique… Il n’y a aucune preuve.»
La Suisse a donc en haut lieu son lot de bons gros climatosceptiques dont ce président de la FIS dont le portrait nous montre l'image de quelqu'un de manifestement très ouvert d'esprit (et certainement très compétent pour parler du climat) :
Gian-Franco Kasper (source insidethegames)

Mais voila, devant la bronca des skieurs face à une telle cécité sommitale, notre président climatosceptique a finalement fait machine arrière :
Beaucoup d’athlètes en ont recraché leur birchermüesli. Peu ont haussé le ton face au patron. Daniel Yule s’y est collé pour les autres, d’abord en s’élevant contre les propos tenus, ensuite en se présentant comme représentant des athlètes auprès de la FIS (il a été élu), enfin en reversant une partie de ses gains en fin de saison à l’association Protect Our Winters, qui milite pour une responsabilisation des sports de neige.

Depuis lors, Gian-Franco Kasper est revenu sur ses déclarations.
Et Daniel Yule enchaine :
[…] Il me semblait important de me positionner en tant que skieur, de faire savoir que tout le milieu ne pense pas de la même manière que Gian-Franco Kasper, même s’il est notre président. Oui, le réchauffement climatique est une réalité, et nous sommes bien placés pour le constater.
Oui, on peut honnêtement penser que les skieurs sont bien placés pour apprécier et évaluer le réchauffement climatique du moment qu'il a forcément un impact sur leur discipline, et cet impact ne semble pas être particulièrement positif :
J’ai la chance de vivre dans le val Ferret, au plus proche de la nature. Quand j’étais petit, je voyais le glacier juste en face de chez moi… Eh bien, cela doit bien faire dix ans qu’il a disparu. Je remarque aussi que les hivers se raccourcissent. A l’époque, nous pouvions skier à La Fouly dès le début du mois de décembre. Aujourd’hui, si le domaine est entièrement ouvert à Noël, c’est déjà pas mal. Et allez demander aux stations du Jura si elles réalisent les mêmes saisons que par le passé…
« Les hivers se raccourcissent », n'est-ce pas ce que les climatologues nous disent quand ils listent les conséquences du réchauffement climatique ? Et un hiver qui raccourcit c'est peut-être un peu moins de neige et aussi des températures moyennes un peu plus élevées…

Le journaliste demande :
Cet hiver, plusieurs skieurs ont évoqué le réchauffement climatique, les conditions d’entraînement qui se dégradent sur les glaciers en été, la nécessité de faire évoluer certaines habitudes. Ressentez-vous une prise de conscience générale dans le milieu?
Mais Daniel Yule, s'il ne nie pas, bien évidemment, la réalité du réchauffement climatique que le journaliste introduit dans sa question, répond sur la « prise de conscience générale dans le milieu », et ce n'est pas franchement optimiste :
Je ne sais pas. […] je ne peux pas dire que ce sujet soit celui qui anime le plus les discussions d’équipe, le soir, au restaurant. D’abord, il faut être honnête: cela n’intéresse pas tout le monde. Et puis, le sujet peut vite amener des tensions, car tout le monde n’est pas d’accord sur les solutions à apporter au problème.
Ainsi nous comprenons que même si les gens qui gravitent autour du skieur sont conscients du problème, d'une part certains s'en fichent un peu, et d'autre part il n'y a pas consensus sur les solutions.

Pour Daniel Yule il faudrait par exemple
limiter les voyages, en repensant le calendrier.
Et nous voyons que nous avons affaire à quelqu'un de lucide et non-partisan quand il dit :
Pour moi, le changement climatique est un thème qui se situe au-dessus des questions de partis. Nous ne nous entendons pas toujours sur ce qu’il convient de faire, quand et comment, mais l’enjeu – qui aujourd’hui est presque unanimement reconnu – nous concerne tous. J’apprécie que, même en Suisse, dans un pays qui n’est pas encore le plus exposé aux conséquences du changement climatique, on s’en préoccupe aussi fortement.
Et l'estocade finale laisse guère de place au doute, quand le journaliste demande :
Craignez-vous qu’à terme la pratique du ski soit menacée?
Daniel Yule lui répond :
Oui, bien sûr. Est-ce que ce sera à court, moyen ou long terme, ça, je n’en sais rien. Mais le ski, c’est ma passion, c’est le plus beau des sports à mes yeux, et si mes enfants devaient ne pas avoir la chance d’en faire, cela me rendrait extrêmement triste.

Il est quand même encourageant de voir qu'il y a des personnes qui se préoccupent de leur descendance, même si on peut penser que les enfants de Daniel Yule trouveront encore un peu de neige à se mettre sous les spatules, celle-ci ne va pas disparaitre du jour au lendemain.

Daniel Yule (source kleinezeitung)


2 commentaires:

  1. puisqu'on parle de neige et de glace, la photo ci-dessous a été prise lors d'un entraînement qu glacier des bossons en 1985, il y avait à cet endroit au moins 30 mètres d'épaisseur de glace; aujourd’hui il n'y a plus que des cailloux...

    https://imagesia.com/i/CpZw

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    1. Oui et il y en a à la pelle (à neige) des photos-témoignages comme cela, par exemple celles de la Meije que j'avais montrées dans https://sogeco31.blogspot.com/2019/04/la-neige-tombe-les-climatosceptiques.html ; et comme j'y suis moi-même allé en 1982 je peux témoigner qu'à cette date le glacier Carré n'avait pas du tout la même tête qu'il a aujourd'hui.

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