mercredi 3 février 2021

Munich Re fait les comptes de l'année 2020 : 210 milliards de dollars au débit des désastres naturels

 J'ai à plusieurs reprises fait référence aux rapports des réassureurs, par exemple dans La facture du réchauffement climatique sera de plus en plus salée ou Le pré-bilan climatique de 2018 selon Munich Re, car je pense qu'il est très informatif de voir comment des gens qui sont principalement intéressés par l'argent voient le réchauffement climatique ; en effet, qui d'autre que les assureurs, et surtout les réassureurs qui les assurent, est le mieux placé pour constater dans ses comptes la réalité des dommages que les désinformateurs professionnels s'échinent à nier ?

Un assureur ne fait pas de politique et n'est soumis à aucune idéologie quand il fait le bilan de l'année écoulée et qu'il le compare au passé, ainsi dans Désastres et climat: la facture augmente nous apprenons que 

Les désastres naturels en 2020 dans le monde ont causé des dommages évalués à 210 milliards$, un record qui dépasse le record de 166 milliards$ de l’année précédente, et qui est voué à se répéter dans un contexte de réchauffement climatique.

Déjà on peut immédiatement donner un bon coup de pied au cul de tous ceux qui nous disent que si les dommages sont importants c'est parce que les biens assurés ont de plus en plus de valeur et que par conséquent le réchauffement climatique n'y serait pour rien. Vraiment ? Une augmentation de 26% d'une année à l'autre de la valeur des dommages reflèterait ainsi une augmentation de même montant de la valeur des biens concernés ; sérieusement ?

 Le réassureur [Munich Re] a dénombré 980 catastrophes naturelles en 2020, contre 860 l’année précédente.
De 860 à 980 cela nous donne donc une augmentation de 14% du nombre de catastrophes naturelles, ce qui n'est pas incompatible avec l'augmentation de 26% de la valeur des biens touchés ; cela signifie tout simplement que les biens concernés en 2020 avaient davantage de valeur qu'en 2019 « toutes choses égales par ailleurs ».

Le responsable scientifique de Munich Re, un certain Ernst Rauch, explique ainsi que
Ces valeurs extrêmes correspondent aux conséquences attendues d’une tendance au réchauffement de l’atmosphère et des océans de plusieurs dizaines d’années, et qui influence ces risques
Donc le réassureur ne se fait pas d'illusion, il sait quelle est la tendance et quelle en est la cause ; il ne doit pas lire WUWT ou Skyfall pour prendre ses informations, le plus probable est qu'il épluche le rapport du GIEC le plus récent ainsi que la littérature scientifique actuelle sur le sujet, et pas les papiers datant d'il y a dix ans ou plus.

De plus les assureurs semblent également avoir intégré le fait que la température allait continuer d'augmenter, donc que les mesures d'atténuation seraient très limitées et que l'adaptation, douloureuse, allait être la seule solution envisageable :
 Insurance Europe, l’association européenne des assureurs, insiste ainsi sur la nécessité d’accélérer les programmes d’adaptation au changement climatique, afin de réduire les coûts des catastrophes naturelles. Le risque étant que les compagnies d’assurances se désengagent de ces phénomènes extrêmes car trop coûteux pour elles.
En effet, pour les assureurs, qui rappelons-le une fois encore n'ont pour seul et unique but que de gagner de l'argent, la solution est simplissime : si les risques augmentent ils ont deux solutions, qu'ils peuvent très bien mélanger s'ils le veulent (et ils le veulent croyez-moi) :
  1. soit ils augmentent les primes ;
  2. soit ils diminuent les indemnités qu'ils versent en cas de sinistre.
Dans le second cas ils peuvent carrément exclure certains risques qu'ils jugent trop couteux, ou alors ils jouent sur les petites lignes qu'ils incluent dans leurs contrats afin de limiter leur responsabilité aux dépends de l'assuré qui naïvement croyait l'être.

Pour ce qui est du nombre de victimes (les morts quoi) celui-ci est en baisse constante, ce qui fait dire aux « sceptiques » qu'il y aurait de moins en moins de catastrophes (logique imparable hein !), cependant le Portail des assurances, dans Catastrophes : les pertes de 2019 sous la moyenne, nous expliquait début 2020 ce qu'il en était :
À l’échelle mondiale, de 9 000 à 11 000 personnes sont mortes ou portées disparues en raison des catastrophes survenues en 2019, contre 15 000 en 2018. Cela confirme la tendance générale à la baisse du nombre de victimes grâce à de meilleures mesures de prévention. C’est aussi une nette progression comparativement à la moyenne annuelle des 30 dernières années, alors que le nombre de victimes pouvait monter jusqu’à 52 000 par année.
Dans cet extrait le passage important est bien sûr « grâce à de meilleures mesures de prévention », par conséquent n'importe qui ayant plus de deux pois chiches dans la boite crânienne comprendra pourquoi on ne peut pas (ou il ne faut pas) lier le nombre de victimes aux catastrophes naturelles ; par ailleurs si un gigantesque cyclone ne touche pas les côtes il ne fera aucune victime, alors que dans le cas contraire...

Même son de cloche chez le rival Swiss Re ; dans 2020 s’inscrit au top 5 des années les plus couteuses pour l’industrie on apprend que :
L’institut de recherche de Swiss Re s’attend à ce que les changements climatiques exacerbent les événements météorologiques secondaires alors que l’air est plus humide et que la croissance des températures crée des conditions extrêmes. L’apparition et la propagation de feux de forêt, d’ondes de tempête et d’inondations y seront ainsi plus favorables.

Sur le portail officiel de Munich Re il semblerait que les cyclones et les incendies géants ont été les principaux événements ayant entrainé la forte hausse des dommages constatés ; dans Record hurricane season and major wildfires – The natural disaster figures for 2020 Torsten Jeworrek, membre du conseil d'administration, détaille :
  • Record hurricane season: More storms in the North Atlantic than ever before
  • Historic wildfires in the western United States
  • Worldwide, natural disasters produced losses of US$ 210bn, with insured losses of US$ 82bn
  • Floods in China were responsible for the highest individual loss of US$ 17bn, only around 2% of which was insured
  • Five years after the Paris Climate Agreement: 2020 on the way to being the second warmest year on record
Une saison des ouragans record : Plus de tempêtes dans l'Atlantique Nord que jamais

Feux de forêt historiques dans l'ouest des États-Unis

Dans le monde entier, les catastrophes naturelles ont entraîné des pertes de 210 milliards de dollars US, dont 82 milliards de dollars US de pertes assurées

Les inondations en Chine ont été responsables des pertes individuelles les plus élevées, soit 17 milliards de dollars US, dont seulement 2 % environ étaient assurés

Cinq ans après l'accord de Paris sur le climat : 2020 en passe de devenir la deuxième année la plus chaude jamais enregistrée

Et comme on peut le voir sur la photo le monsieur n'est pas du genre à rigoler avec les chiffres :

Torsten Jeworrek qui semble dire « votre argent m'intéresse ».

Mais heureusement pour lui toutes les catastrophes ne sont pas assurées, par exemple :

Global losses from natural disasters in 2020 came to US$ 210bn, of which some US$ 82bn was insured. 

Les pertes mondiales dues aux catastrophes naturelles en 2020 s'élevaient à 210 milliards de dollars, dont 82 milliards de dollars étaient assurés.

Et gageons que sur les 82 milliards assurés nos mécènes arriveront à en gratter quelques uns afin de limiter les pertes, on ne plaisante pas avec les actionnaires qui peuvent vous virer si la bottom line ne leur convient pas !

Pour les inondations c'est pas de bol pour ceux qui se retrouvent les pieds dans l'eau ou qui carrément voient leur maison voguer au fil du courant :

it was notable that only a small portion of losses was insured in the growing economies in Asia. The year’s costliest natural disaster was the severe flooding in China during the summer monsoon rains. Overall losses from the floods amounted to approximately US$ 17bn, only around 2% of which was insured.

il est à noter que seule une petite partie des pertes était assurée dans les économies asiatiques en croissance. La catastrophe naturelle la plus coûteuse de l'année a été les graves inondations en Chine pendant les pluies de la mousson d'été. Les pertes globales dues aux inondations se sont élevées à environ 17 milliards de dollars, dont seulement 2 % environ étaient assurés.

J'ai comme l'impression que les assureurs ne vont pas se presser au portillon pour trouver de nouveaux clients dans certaines régions du globe...

Peut-être que la carte suivante va permettre de mieux visualiser les endroits où les assureurs devront focaliser leurs efforts et là où ils feront mieux de lever le pied (on n'est jamais trop prudent) :

Les catastrophes naturelles ont causé des pertes globales de 210 milliards de dollars (source Munich Re)


Les assureurs ne veulent plus rien assurer sans avoir l’assurance que le risque qu’ils garantissent est devenu inexistant. (Philippe Bouvard)



Mais un concurrent sérieux a vu récemment le jour pour damer le pion (du moins à court terme) au changement climatique ; dans La Minute Durable : Pandémie et climat, deux risques majeurs qu’il faut prendre en compte on nous montre ceci :

Source novethic

Ainsi le réchauffement climatique arrive en tête des risques les plus probables (colonne de gauche), mais se fait passer devant par le risque épidémique en matière d'impact.

Au final nous serons tous morts comme dirait l'autre, à court terme le Covid-19 est de toute évidence le grand gagnant mais sur le long terme par sûr que ce soit une épidémie qui fasse le plus de dégâts. Qui vivra verra, moi je ne serai pas là en 2100, par contre Greta Thunberg a quelques chances de ressentir à l'aube de ses cent ans les « bénéfices » de l'augmentation du taux de CO₂, lequel gaz est, c'est bien connu, le gaz de la vie...


4 commentaires:

  1. William Nordhaus doesn't approve this message.

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    1. Nordhaus estime que l'augmentation idéale de température est de 3,5°C (voir figure 4 de https://www.nber.org/system/files/working_papers/w22933/w22933.pdf) ce qui est largement au-dessus de ce que tous les scientifiques sérieux pensent (le GIEC donne 1,5°C à ne pas dépasser si possible et 2°C à ne surtout pas dépasser)

      En ce qui me concerne en 2100 je ne serai plus que molécules et atomes se baladant quelque part dans la terre et dans l'air, mais j'ai comme un pressentiment qu'avec 3,5°C en 2100, auxquels il faudra rajouter plusieurs degrés supplémentaires durant le 22ème siècle, notre descendance, ou ce qu'il en restera, aura quelques menus problèmes à régler ; ils auront toujours la possibilité d'aller cracher sur certaines tombes, par exemple celles de Benoit Rittaud ou de François Gervais parmi quelques autres.

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