dimanche 13 janvier 2019

Le pré-bilan climatique de 2018 selon Munich Re

Le rapport annuel du réassureur Munich Re n'est pas encore paru, celui de l'an dernier concernant 2017 avait été publié en mars, et déjà il était dit :
2017 was one of the most loss-affected years in the history of our Company. 
Oui, pour les compagnies d'assurance, dont Munich Re est l'un des principaux réassureurs (avec Swiss Re) l'année 2017 avait pu être considérée comme une annus horribilis, « l'une des plus couteuses jamais enregistrées », mais 2018 semble elle-aussi s'acheminer vers une bonne place sur le podium ; le 8 janvier dernier un communiqué de presse annonçait la couleur :
Extreme storms, wildfires and droughts cause heavy nat cat losses in 2018  
    • Eventful second half of the year contributes to high overall loss figure of US$ 160bn. 
    • Half of these losses were insured. Loss burden for insurers substantially higher than the long-term average. 
    • Notably, there are clear indications of the influence that man-made climate change has had on devastating wildfires in California, which, like last year, again caused billions in losses in 2018.
Donc les événements extrêmes sont clairement pointés du doigt, notamment les tempêtes, feux de forêts et sécheresses ; la seconde partie de l'année a essentiellement contribué au total de pertes de 160 milliards de dollars dont seulement la moitié étaient assurées, ce qui fait que les pertes subies et restant à charge des assurés ont été significativement plus hautes en 2017 que la tendance à long-terme ; enfin, l'influence du changement climatique causé par l'homme est reconnue dans la survenue des incendies dévastateurs en Californie à l'automne dernier.

L'événement le plus couteux ? L'incendie Camp Fire en Californie, avec plus de 16 milliards de dollars !

Evidemment certains événements comme les tremblements de terres et tsunamis (mentionnés en partie droite du tableau ci-dessus avec 3100 décès) ont peu de choses à voir avec le réchauffement de la planète, sauf qu'en matière de tsunamis ceux-ci se montreront encore plus dévastateurs dans le futur avec la montée des eaux, par conséquent il ne faut pas s'attendre à une diminution du coût en vies humaines (sans parler des dégâts matériels et financiers) étant donné les fortes densités de populations vivant le long des côtes (les Japonais sont tellement conscients du problèmes qu'ils en sont venus à construire des murs gigantesques très controversés…)

En tout cas les assureurs en viennent à se poser de sérieuses questions :
Given the greater frequency of unusual loss events and the possible links between them, insurers need to examine whether the events of 2018 were already on their models’ radar or whether they need to realign their risk management and underwriting strategies.
Compte tenu de la fréquence accrue des sinistres inhabituels et des liens possibles entre eux, les assureurs doivent déterminer si les événements de 2018 étaient déjà sur le radar de leurs modèles ou s’ils doivent réaligner leurs stratégies de gestion des risques et de souscription.
Les assureurs ne sont pas des philanthropes, ils sont là pour gagner de l'argent et en faire gagner à leurs actionnaires, ils ne font donc pas de politique et considèrent les faits sans tenir compte de la moindre idéologie, si ce n'est celle des profits qu'ils peuvent engranger…

S'ils pensaient que l'ampleur des événements extrêmes tels que les incendies en Californie ou les ouragans dans l'Atlantique nord ou le Pacifique ouest était seulement due à des causes naturelles rien ne les empêcherait de le dire et on ne voit donc pas pourquoi ils mentionneraient dans leurs rapports la plus que probable influence humaine dans les sinistres qui les amènent à mettre la main à la poche et à parfois casser la tirelire.

Ils ont même un spécialiste du climat et des géosciences qui s'exprime ainsi :
Our data shows that the losses from wildfires in California have risen dramatically in recent years. At the same time, we have experienced a significant increase in hot, dry summers, which has been a major factor in the formation of wildfires. Many scientists see a link between these developments and advancing climate change. This is compounded by man-made factors such as burgeoning settlements in areas close to forests at risk from wildfire. The casualties and losses are immense, and measures to prevent fires and damage are vital. Insurers also need to take account of the rising losses in their risk management and pricing.
Nos données montrent que les pertes dues aux incendies de forêt en Californie ont considérablement augmenté ces dernières années. Dans le même temps, nous avons assisté à une augmentation significative des étés chauds et secs, ce qui a été un facteur majeur dans la formation des incendies de forêt. De nombreux scientifiques voient un lien entre ces développements et les changements climatiques en progression. Cette situation est aggravée par des facteurs d'origine humaine, tels que les établissements en plein essor situés dans des zones proches des forêts menacées par des incendies de forêt. Les victimes humaines et les pertes matérielles sont immenses et les mesures visant à prévenir les incendies et les dégâts sont essentielles. Les assureurs doivent également tenir compte des pertes croissantes dans leur gestion des risques et leur tarification.
Ainsi l'assureur mentionne bien que l'un des facteurs entrainant des coûts élevés pour sa compagnie est notamment l'établissement de populations dans des zones à risques, mais le changement climatique provoqué par les activités humaines est la principale cause par exemple de l'« augmentation significative des étés chauds et secs », cette cause étant aggravée, amplifiée, par d'autres paramètres dont l'implantation dans les zones à risque n'est qu'un exemple (on pourrait également citer la gestion des forêts bien que celle-ci ne soit pas la responsable des principaux incendies de Californie contrairement à ce que Trump a affirmé)

Par ailleurs nous nous focalisons ici en Europe un peu trop sur ce qui se passe de notre côté, en incluant les Etats-Unis, pourtant :
Japan hit by an unusually high number of natural catastrophes
In 2018 Japan suffered at the hands of both weather-related disasters and geophysical natural catastrophes: A number of typhoons and two earthquakes caused billions in losses.
Le Japon touché par un nombre inhabituellement élevé de catastrophes naturelles
En 2018, le Japon a été touché tant par les catastrophes météorologiques que par les catastrophes naturelles géophysiques : un certain nombre de typhons et deux tremblements de terre ont causé des milliards de pertes.
Encore une fois, même si les tremblements de terre et les éventuels tsunamis qui les suivent ne sont pas causés par le réchauffement de la planète (même si cela peut être le cas dans certaines proportions…) la montée des eaux induite par celui-ci ne peut qu'amplifier les conséquences dommageables des vagues plus hautes que la normale, qu'elles soient d'ailleurs issues de tsunamis ou d'ondes de tempête lors de la survenance d'un typhon.

Mais rassurons-nous (sic) nos primes d'assurance devraient rester dans les limites du raisonnable, car comme nous l'apprend un récent article des Echos daté du 3 janvier :
Malgré le poids des catastrophes en 2018, les conditions tarifaires pour les programmes de réassurance sont restées stables lors des renouvellement de contrats du 1er janvier.

Vous voyez bien que tout n'est pas si catastrophiste que cela !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire