vendredi 13 août 2021

Michel de Lorgeril et la science

 Depuis quelque temps j'en viens à me poser de sérieuses questions sur les véritables compétences scientifiques de Michel de Lorgeril.

Entendons-nous bien, il est docteur en médecine et chercheur au CNRS, donc infiniment plus compétent que moi en médecine, cela me parait évident ; pourtant certaines de ses prises de position récentes et, surtout, certains de ses commentaires sur son blog me font penser qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez lui.

J'ai déjà parlé, par exemple, de sa notion pour le moins « originale » des statistiques quand il pose l'équation suivante :

-50% = -1%

Je rappelle, pour ceux qui n'étaient pas là au début, que j'évoquais son cas dans Michel de Lorgeril semble avoir des problèmes de calcul et que je reprenais un de ses commentaires que je vous remontre dans la foulée :

Michel de Lorgeril 20/07/2021 À 13:40

Ces pourcentages ne veulent rien dire de concret ; c’est de la poudre aux yeux !
C’est une diminution du risque relatif !
Seule une diminution du risque absolu a un sens médical.
je prends un exemple simple : soit un essai clinique comparant 100 vaccinés avec 100 non vaccinés.
Au cour du suivi, 2 nonvaccinés sont PCR+ contre 1 seul vacciné.
Le crétin conclut : 50% de réduction du risque relatif.
Le scientifique évalue le risque absolu dans les deux groupes : 2% dans un cas contre 1% dans l’autre cas.
La diminution du risque absolu est de 1% ou de 0,01…
Compris ?

Ainsi nous avons bien une diminution de 50% ((2 - 1) / 2 x 100 = 50%) que de Lorgeril transforme tel un prestidigitateur en 1% (0,01 = 1%) ; on peut évidemment se poser la question de savoir si 1 sur 100 ou 2 sur 100 sont des valeurs significatives, auquel cas si on répond par non alors la seule chose à dire c'est que...ce n'est pas significatif ! Autrement si les 1 et 2 sur 100 sont représentatifs d'une population, alors là la variation de 50% peut être considérée comme colossale ! Mais étant donné que de Lorgeril ne dit pas dans son exemple si les valeurs qu'il montre sont ou pas significatives, on ne peut raisonnablement rien déduire de ce qu'il raconte ; en tout état de cause la confusion entre pourcentage et point de pourcentage, qui l'entraine de plus à assimiler une baisse de 1 point de pourcentage à -1%, est pour le moins problématique pour quelqu'un qui se dit scientifique.

Nous avons également vu, dans Le naufrage de Michel de Lorgeril, suivi de Michel de Lorgeril ne coule plus, il rame dans son petit canot (qui ne le sauvera pas du ridicule), qu'il avait des problèmes de logique en utilisant les statistiques de l'Université Johns Hopkins à mauvais escient, en leur faisant dire des choses qu'il a lui-même imaginées, à savoir que ce serait dans les pays où l'on compte le plus de vaccinés qu'il y aurait le plus de morts du Covid-19 ; il ne lui était même pas venu à l'idée que l'essentiel des morts était survenu avant toute campagne de vaccination, celle-ci ayant démarré au mieux fin 2020, et que pour beaucoup de pays (pas tous cependant) on voyait une régression des morts en conjonction avec la montée de la vaccination !

Mais ces deux errements ne sont pas isolés apparemment, je viens d'en remarquer un autre avec ce commentaire surréaliste dans COVID-19 ou l’effondrement de la médecine scientifique :

Michel de Lorgeril 01/08/2021 À 08:49

Nous (ceux qui ont travaillé et fouillé les archives pour étudier l’histoire des maladies… 9 livres pour celui qui tient la plume… Qui dit mieux ?) savons à peu près quelle est l’évolution naturelle des maladies infectieuses dangereuses.
Concernant les virus, d’abord elles explosent, tuent les plus fragiles et immunisent les survivants.
Puis elles récidivent mais de façon atténuée car un virus veut (Darwin…) se reproduire pour survivre. S’il tue tout sur son passage, il meurt avec ses victimes.
[...]
Ainsi pour de Lorgeril un virus « veut se reproduire pour survivre » et il invoque Darwin à l'appui de cette affirmation !

Il pense donc qu'un virus est doué de raison et cherche, par d'habiles manoeuvres, à contourner les tirs de missile que nous lui adressons afin de nous en débarrasser ; le virus serait donc intelligent au point de comprendre que s'il veut survivre il a intérêt à nous ménager en mutant et en devenant moins virulent, dans l'espoir qu'on ne fasse plus attention à lui et qu'on lui fiche la paix.

J'ai comme l'impression que de Lorgeril nous fait ici du lamarckisme plutôt que du darwinisme...

Si un spécialiste en biologie passe par ici il pourra réagir en commentaire, cependant ce que je peux dire moi-même, muni de mes très faibles connaissances en la matière, c'est que si je ne me trompe pas le darwinisme c'est l'évolution selon la sélection naturelle qui se produit de manière aléatoire, donc au hasard de mutations sans aucune « volonté » d'aller ici ou ailleurs.

Le commentaire de de Lorgeril m'a immédiatement choqué parce que j'avais en tête des notions basiques qui se trouvaient en contradiction avec ses dires, mais étant d'un naturel prudent j'ai préféré aller me documenter un minimum avant d'écrire ce billet.

Comme de Lorgeril est croyant (ce qui n'est pas une tare en soi, beaucoup de médecins le sont et font pourtant bien leur boulot) ça tombe bien car le premier site sur lequel je suis tombé s'appelle, ça ne s'invente pas, Science & Foi ! On pourrait a priori se méfier quand on lit dans leur Déclaration de foi :

Nous croyons :

  • Que l’Écriture Sainte est la Parole infaillible de Dieu, autorité souveraine en matière de foi et de vie.
  • En un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit de toute éternité.
Etc. Je vous fais grâce du reste.

Ça a l'air de se gâter plus loin avec ;

A propos de la création

  • Dieu est le créateur de toutes choses.

Etc. Idem que ci-dessus.

Mais on est (un peu) rassuré quand il est dit, au sujet de la science :

La science est démontrable rationnellement, et la foi sans s’opposer à la raison la transcende. Nous ne croyons donc pas en la science comme en Dieu (et vice versa). Nous reconnaissons les faits suivants :

  • Un faisceau considérable de preuves issues de la géologie, de la physique, de l’astronomie et de la cosmologie nous montre que la terre et l’univers sont anciens et en changement perpétuel. 


Etc. Dont notamment :
  • La biologie de l’évolution possède une grande puissance explicative et a prouvé son efficacité en permettant de faire et de vérifier un grands nombre d’hypothèses falsifiables dans de nombreuses disciplines scientifiques comme la géologie, la paléontologie, l’écologie, la biogéographie, la biologie du développement, la biochimie et la génétique.
Et c'est là que ça devient intéressant ; dans Le hasard et l’évolution : Partie 2 un certain Pascal Touzet, qui selon son profil est « Ingénieur agronome et Docteur en Génétique [...] enseignant-chercheur dans un laboratoire d’Ecologie et d’Evolution. », ce qui semble tenir la route, nous parle justement de l'évolution avec dans le rôle principal Darwin, Lamarck faisant figure...de figurant :
Tout d’abord, le rôle du hasard dans l’évolution proposé par Darwin, et postulat de base encore aujourd’hui de la théorie de l’évolution, est que les variations qui apparaissent au sein des populations d’individus d’une même espèce sont aléatoires vis-à-vis de l’adaptation qu’elles peuvent conférer à un environnement donné.  Ces variations produites par  le phénomène de mutation ne sont pas des réponses acquises par un individu lui permettant  de mieux s’adapter à son environnement. Darwin allait ainsi à l’encontre de la théorie évolutive de Lamarck.
Ça c'est pour planter le décor. Plus loin :
Que vont devenir ces variations, ces mutations au cours du temps ? Cela dépend de l’effet de la mutation : si elle confère un avantage elle augmentera en fréquence au cours du temps, au cours des générations successives du fait de la sélection naturelle, si elle confère un désavantage elle sera éliminée, là encore par la sélection naturelle. 
On va s'arrêter là et déduire de ces deux extraits qu'un virus, comme tout organisme vivant, mute « au hasard » et que de ce hasard des caractères nouveaux sont générés ; si ceux-ci procurent un avantage ils seront privilégiés dans la descendance et deviendront majoritaires par rapport à ceux qui confèrent un désavantage, lesquels finiront par disparaitre au profit des mieux dotés.

J'ai bien conscience qu'il s'agit là d'une ultra-simplification des processus en jeu et qu'en réalité c'est bien plus complexe que ça, mais si on doit résumer en peu de mots « comment ça marche » alors il me semble que c'est pas trop mal. Vous n'êtes pas de mon avis ?

En tout cas on se rend compte que de Lorgeril, avec son virus qui « veut » muter pour échapper à la mort, n'est pas particulièrement en phase avec la théorie darwinienne (que ce soit celle du début ou la plus récente)

J'ai trouvé une autre source bien plus ardue à comprendre ; dans Évolution et hasard on peut lire :
Lorsque le darwinien dit que les mutations se font au hasard, c’est seulement du point de vue de l’avantage ou désavantage qu[e la mutation] confère dans un environnement donné. La mutation est donc dite fortuite « au sens où la probabilité qu’elle se produise n’est pas affectée par son utilité virtuelle[5] ». Cette doctrine fondamentale est demeurée la même depuis Darwin, au vocabulaire près (Darwin ne parlait pas de mutations, mais de « variations »).
Je vous laisse consulter le reste, c'est pour moi imbuvable mais pour vous ce sera certainement du petit lait ; cependant de cet extrait je pense qu'il est assez évident qu'une mutation (d'un virus par exemple) s'effectue au hasard, sans être « affectée par son utilité virtuelle », et cela n'a pas changé d'un iota depuis que Darwin l'a défini en parlant de variations et non de mutations.

Voici un article plus abordable, Évolution : et si nous descendions du hasard ? de l'Université Lyon1, avec une image amusante :

La place du hasard dans l’histoire de la vie.

Depuis les années 1970, la vision dite “neutraliste” de l’évolution, développée également en écologie depuis une quinzaine d’années, considère le hasard comme un agent à part entière.
Mais on nous précise que le hasard ne fait pas tout :
le poids du hasard dans la formation et l’évolution d’un écosystème dépend sans aucun doute des conditions de cet écosystème : “Plus les conditions sont favorables, plus le poids du hasard est important”, avance Gilles Escarguel.
Et un dernier article, Les hasards variables des émergences virales, écrit il faut le préciser en mars 2020, soit au tout début de la pandémie, qui nous parle justement du coronavirus actuel et de ses mutations en nous précisant ceci qui a son importance :
Certains facteurs peuvent avoir contribué à augmenter ce risque [qu’une catastrophe survienne]. On peut citer l’urbanisation, l’élevage intensif, la forte mobilité (en particulier de la main d’œuvre industrielle) et la dégradation des infrastructures de santé. Certaines des spécificités biologiques du SARS-CoV-2 ont pu contribuer à la pandémie, notamment l’apparition relativement tardive des symptômes. 
L’épidémie étant mondiale, et donc pandémique, nous sommes maintenant à un stade déterministe où le hasard a beaucoup moins de rôle sur la propagation de l’infection. Toutefois, à mesure que les politiques de santé publique et l’immunité des populations feront refluer l’épidémie, le rôle du hasard redeviendra clé.
Donc le hasard n'a finalement joué qu'un rôle secondaire dans l'apparition et la propagation de la pandémie, bien d'autres facteurs ayant eu un poids significatif pour permettre celles-ci, mais maintenant que la pandémie est bien installée, et donc que nous voyons émerger des variants, le hasard revient en force comme il était prévu dans cet article de mars 2020.

Encore une fois si un lecteur avec de bonnes connaissances en biologie veut prendre la parole il est le bienvenu, même si c'est pour me taper sur les doigts pour le cas où j'aurais écrit de grosses bêtises !


1 commentaire:

  1. Merveilleux !

    Après nous avoir dit qu'« un virus veut (Darwin…) se reproduire pour survivre », voilà maintenant qu'il nous affirme le contraire dans https://michel.delorgeril.info/politique-de-sante/vaccin-moderna-pour-les-adolescents-guignol-et-pieds-nickeles-en-vacances-au-pays-de-la-medecine-scientifique/ avec « Il n’y a aucune « volonté » du virus ! » !

    M'aurait-il lu, par hasard ?

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