mercredi 21 mars 2018

Le singe se rhabille

Où en étions-nous déjà ?

Ah oui, nous venions de voir que pour Desmond Morris l'homme serait un singe qui aurait perdu ses poils, il disait notamment dans son introduction :
Cent quatre-vingt-douze [espèces vivantes de singes et de gorilles] sont couvertes de poils. La seule exception est le singe nu qui s'est donné le nom d'Homo sapiens.
Dans mon précédent billet j'expliquais pourquoi c'était « n'importe quoi », nous allons voir que ce n'est pas fini.

En effet, toujours dans l'introduction, et afin, je le rappelle, de soi-disant « démontrer » que l'homme serait un singe, Desmond Morris nous explique pourtant que l'homme « est fier d'avoir le plus gros cerveau », et qu'il s'efforcerait (hum) « de dissimuler [...] qu'il a aussi le plus gros pénis », qu'il « utilise de façon intense ses possibilités vocales », « qui a le sens de l'exploration poussé au plus haut point » et qu'il « vit dans une société surpeuplée », rien que ça !

Dans mon billet précédent j'avançais que Morris, tout en tentant de nous prouver que l'homme est un singe, s'évertuait en fait à nous montrer le contraire quasiment à chaque page de son livre, dès l'introduction nous en avons un solide condensé...

Mais nous avons l'explication quelques lignes plus loin quand Morris écrit :
Je suis zoologue et le singe nu est un animal.
Evidemment, si l'on considère l'homme comme un animal c'est mal parti, et quand on se dit zoologue on creuse la question dans le sens de ses « intérêts intellectuels », et comme les singes sont sans nul doute des animaux, alors d'un petit saut de côté, hop ! on en arrive à la conclusion que l'homme est un singe.

Cependant Morris se trouve une excuse, car il nous dit peu après (nous en sommes toujours à la page un de l'introduction de son livre...) :
Mon excuse : en devenant érudit, l'Homo sapiens n'en est pas moins resté un singe nu ; en acquérant de nouveaux mobiles élevés, il n'a perdu aucun de ceux, beaucoup moins nobles, qu'il a toujours eus. [...] ses instincts originaux le conduisent [...]
Le problème avec ce raisonnement, c'est que nous sommes donc toujours des serpents, également, voire des dinosaures ; en effet, nous avons un « cerveau reptilien », qui est le siège de nos instincts et qui assure nos besoins fondamentaux sans que nous ayons même à réfléchir à quoi que ce soit ; le site youbrain nous explique :
Ce cerveau décide instinctivement. Il est le centre de nos comportements primaires (instinct de survie, de conservation,...), de notre contrôle moteur et assure nos besoins fondamentaux (respiration, alimentation,...) [...] 
Le cerveau reptilien, en orange (les autres cerveaux sont le limbique, situé juste au-dessus, et le néocortex, qui recouvre les deux autres), source youbrain


Ainsi les chimpanzés, les gorilles, les ouistitis, non contents d'être des singes sont des serpents puisqu'ils ont eux-aussi un cerveau reptilien...

On pourrait aller très loin sur ce chemin-là, car on nous dit (sur psychotherapie.ooreka) que le cerveau reptilien est apparu il y a 500 millions d'années...chez les poissons, nous sommes donc tous des poissons ! et ainsi de suite.

Et si l'on compare le poids du cerveau par rapport au poids total du corps, l'homme est plus proche du marsouin que du chimpanzé :

Fig.4 : comparaison du rapport entre la masse de l’encéphale et la masse du corps chez les mammifères (d’après Buisseret). Le polygone figure un nuage de points correspondant à autant d’espèces de ce groupe. Source acces.ens-lyon

L'homme serait donc un cétacé, pourquoi pas ?

Mais revenons à notre mouton Desmond Morris, qui se permet, toujours dans son introduction, d'affirmer
que les groupes tribaux vivant aujourd'hui ne sont pas primitifs ; ils sont abêtis.
Ainsi d'après lui les indiens d'Amazonie ou les aborigènes d'Australie, de Nouvelle-Guinée ou d'autres endroits reculés du Monde seraient des humains dégénérés ; on lui laisse cette affirmation en se rappelant que son livre, Le Singe nu, « a cependant fait l'objet de vives critiques pour sa faiblesse méthodologique et ses hypothèses erronées »...

Il nous dit en substance (précédant l'essence ?)
[...] une société qui n'a pas réussi à progresser a, dans une certaine mesure, « mal tourné ».
C'est Raoni qui serait content de savoir qu'il a mal tourné. A mon avis c'est plutôt Desmond Morris qui a pris un tournant un peu trop vite et a effectué une magnifique sortie de route !

Et Morris ne se prend pas pour n'importe qui quand il nous dit :
[...] quand on tente d'établir la nature biologique de notre espèce prise dans son ensemble, il est inopportun de se fonder uniquement sur les premières découvertes des anthropologues et des psychiatres.
Bien sûr, pour lui l'avis des zoologues, dont il est un éminent membre, est primordial pour parler « de notre espèce », les anthropologues ne savent pas grand chose, après tout ils ne sont spécialistes que de l'étude...de l'homme, ce qui les disqualifie automatiquement !

Il nous dit enfin, en conclusion de son introduction (nous en sommes à la page 10 de son livre) :
Certains préfèreront ne pas découvrir ni contempler le côté animal de leur personne.
En ce qui me concerne je n'ai aucune préférence, hormis celle de ne pas être pris pour un imbécile avec des théories fumeuses qui sont très loin de faire consensus chez les scientifiques (nous l'avons déjà vu, et je vous en montrerai un autre exemple avec un certain Jonathan Marks)

Nous en resterons là avec le livre « d'opinion » de Desmond Morris, son introduction est déjà très révélatrice du contenu de l'ouvrage, lequel n'apportera pas grand chose de plus si ce n'est des détails, certains au demeurant plutôt intéressants il faut l'avouer, mais rien qui n'apporte vraiment de l'eau au moulin de l'auteur.

Je ne citerai que la première phrase du chapitre dédié à l'éducation (page 113) :
Le fardeau que représentent les soins prodigués par les parents est plus lourd pour le singe nu que pour toute autre espèce vivante.
Il faut croire que 20 ans d'éducation pour un humain moyen ne sont pas suffisants pour permettre à certains de comprendre le fossé gigantesque, pour ne pas dire l'abime qui nous sépare de notre plus proche parent, le chimpanzé.


La femme n'est pas un singe, qu'on se le dise ! (source jipp)

La prochaine fois (mais pas tout de suite, j'ai des choses à faire) je vous reparlerai d'Yves Coppens puis nous terminerons cette chevauchée simiesque avec Jonathan Marks et son livre Tales of the Ex-Apes (apparemment non traduit en français)

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