jeudi 1 mars 2018

N'en déplaise à Susan Crockford et à tous ses adorateurs...

J'ai écrit plusieurs billets dans lesquels une certaine Susan Crockford était mentionnée, car apparemment cette personne est devenue la nouvelle égérie du climatoscepticisme triomphant (enfin, triomphant s'entend dans le cercle restreint des climatosceptiques)

Cette Susan s'est intéressée au sort des ours polaires en prétendant en savoir davantage que les véritables spécialistes sur le sujet ; elle affirme notamment que ces gentilles bestioles ne sont nullement mises en danger par le réchauffement de la planète, on comprend donc son succès phénoménal auprès de gens dont l'idéologie dominante est le libéralisme à tout crin, ce qui veut dire que pour eux aucune réglementation ne peut venir en aide pour limiter les dégâts parmi la population des ursidés maritimes, puisqu'on vous dit qu'il n'y a pas de réchauffement climatique ! 

Il faut rappeler ici que le seul papier de Susan Crockford sur le sujet date de mars 2017 et n'est toujours pas validé aux dernières nouvelles (not peer reviewed) ; Google Scholar nous retrouve les trois versions en preprint, c'est-à-dire en attente de validation.

Comme pour le pitre que j'évoquais hier, « mon petit doigt me dit qu'il doit y avoir un sacré nombre de navettes entre les relecteurs et notre scientifique en herbe. » (cette petite phrase qui ne paye pas de mine me semble pouvoir s'appliquer à de nombreuses études « climatosceptiques » allant « contre le sens du courant » ou, pour le dire autrement, contre le consensus scientifique)

Comme l'a dit un certain Marcello Truzzi, repris par Carl Sagan :
Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires.
Par conséquent bon courage à nos savants amateurs qui se heurtent au mur du consensus sur le réchauffement climatique, il va leur falloir trimer dur pour démolir celui-ci !

Maintenant on se demande qui les climatosceptiques vont pouvoir embaucher dans leurs rangs pour tenter de réfuter la nouvelle étude qui vient de sortir et qui concerne cette fois l'hémisphère sud, une région probablement moins familière aux deux chercheurs dont on attend encore qu'ils trouvent quelque chose ailleurs sur la planète.

Cette étude concerne les manchots dits royaux (à ne pas confondre avec les empereurs) qui sont majoritaires...en France (!) puisque leurs territoires de prédilection sont essentiellement les iles Kerguelen et Crozet (2/3 de la population rien que dans cette ile) ; on en trouve aussi en Géorgie du Sud, donc en territoire britannique :

Manchots royaux adultes en Géorgie du Sud, source wikipedia.org/wiki/Manchot_royal

Wikipédia nous apprend, au passage, que déjà en 2007 on savait ce qu'il en était de leur sort :
Selon une étude de 20075, menée dans l'archipel Crozet, les manchots royaux pourraient prochainement disparaître en raison du réchauffement des eaux de l’océan Antarctique lié au réchauffement climatique. Une montée de la température de la mer, même faible, fait baisser les chances de survie et de reproduction des manchots royaux. Une hausse de 0,20 °C de la température moyenne se traduit par une baisse de 9 % du taux de survie.
Le manchot royal parti s'alimenter en mer descend en fait rejoindre la convergence antarctique — zone de rencontre entre les eaux sub-antarctiques (froides) et polaires (glacées)— durant l'été de l'hémisphère Sud (janvier-février) ce front était auparavant à environ 400 km au sud de Crozet. Avec le réchauffement, à certaines années, ce front se trouve à 600 km, ce qui oblige les manchots royaux à parcourir 200 km supplémentaires aller-retour, avec comme conséquence une fréquence de nourrissage du poussin moins importante.
L'étude qui vient de paraître n'est donc que la confirmation de ce que l'on savait au minimum 11 ans auparavant ; elle est intitulée Climate-driven range shifts of the king penguin in a fragmented ecosystem (Changements de portée liés au climat du manchot royal dans un écosystème fragmenté) et en voici le résumé : 

Abstract - Range shift is the primary short-term species response to rapid climate change, but it is often hampered by natural or anthropogenic habitat fragmentation. Different critical areas of a species’ niche may be exposed to heterogeneous environmental changes and modelling species response under such complex spatial and ecological scenarios presents well-known challenges. Here, we use a biophysical ecological niche model validated through population genomics and palaeodemography to reconstruct past range shifts and identify future vulnerable areas and potential refugia of the king penguin in the Southern Ocean. Integrating genomic and demographic data at the whole-species level with specific biophysical constraints, we present a refined framework for predicting the effect of climate change on species relying on spatially and ecologically distinct areas to complete their life cycle (for example, migratory animals, marine pelagic organisms and central-place foragers) and, in general, on species living in fragmented ecosystems. (Le changement d'aire de répartition est la principale réaction des espèces à court terme aux changements climatiques rapides, mais il est souvent entravé par la fragmentation de l'habitat naturel ou anthropique. Différentes zones critiques de la niche d'une espèce peuvent être exposées à des changements environnementaux hétérogènes et la modélisation de la réponse des espèces dans des scénarios spatiaux et écologiques complexes présente des défis bien connus. Ici, nous utilisons un modèle de niche écologique biophysique validé par la génomique des populations et la paléodémographie pour reconstruire les changements d'aire de répartition passés et identifier les futures zones vulnérables et les refuges potentiels du manchot royal dans l'océan Austral. Intégrant des données génomiques et démographiques au niveau de l'espèce entière avec des contraintes biophysiques spécifiques, nous présentons un cadre raffiné pour prédire l'effet du changement climatique sur les espèces qui dépendent de zones spatialement et écologiquement distinctes pour compléter leur cycle de vie (par exemple, les organismes pélagiques et les butineuses) et, en général, sur les espèces vivant dans des écosystèmes fragmentés.)

Comme l'étude est payante Futura Sciences nous donne des détails dans Climat : le manchot royal devra migrer ou mourir :
70 % de la population des manchots royaux pourrait disparaître si elle ne se déplace pas. Ces oiseaux qui nichent sur des îles subantarctiques voient en effet leurs sources de nourriture s'éloigner de plus en plus vers le sud à cause du réchauffement climatique.
Pour sa nourriture, [le manchot royal] a besoin de poissons qu'il trouve au niveau du front polaire antarctique. Mais, avec le réchauffement climatique, cette zone de résurgence riche en proies se déplace vers le sud et s'éloigne des îles où niche le manchot royal. D'après un communiqué du CNRS, plus de 70 % de la population mondiale des manchots royaux risque, pour ces raisons, de disparaître avant la fin du siècle.
Il faudrait donc que les colonies migrent vers l'Antarctique. Or, comme l'explique Robin Cristofari, principal auteur de l'article, « pour les manchots des régions subantarctiques, le problème est encore plus compliqué car il n'existe qu'une poignée d'îles dans l'océan Austral, et très peu ont la capacité d'accueillir les gigantesques colonies que nous connaissons aujourd'hui ».

Dans le passé ces manchots ont risqué l'extinction à plusieurs reprises, notamment il y a 20000 ans, mais le problème actuel est évidemment que le réchauffement climatique que nous connaissons est bien plus rapide que celui que ces braves petites bêtes ont dû affronter alors, et il n'est pas du tout certain qu'ils puissent s'y adapter.

Alors je lance un appel solennel à la communauté climatosceptique dont quelques éléments fréquentent plus ou moins régulièrement mon blog pour y trouver des choses à critiquer (ou pour se foutre de ma gueule aussi) :
Faites tout votre possible pour trouver LE scientifique bidon, homme ou femme, si possible femme après tout, car dans ce cas on accusera les « réchauffistes » comme moi d'être de vulgaires sexistes phallocrates, afin de ridiculiser au plus vite cette étude encore chaude qui ne demande qu'à être démolie. Si c'est dans vos cordes, je vous suggère énergiquement de nominer les chercheurs auteurs de cette étude au Climathon organisé par notre immense mathématicien Benoit Rittaud afin de porter cette pitoyable arnaque à l'attention du public mal informé et victime du complot écolo-socialo-carbocentriste ourdi par nos médias à la botte des politiques corrompus qui dirigent le GIEC.

Voilà, j'ai fait mon boulot, à vous d'agir maintenant.

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