lundi 16 octobre 2023

Alors, ça s'accélère ou pas ? Faudrait savoir !

 Il y a actuellement un débat entre deux climatologues bien connus, à savoir Zeke Hausfather et Michael Mann.

Le premier nous explique dans un article du New York Times (I Study Climate Change. The Data Is Telling Us Something New.) que le réchauffement de la planète est en train de s'accélérer, ce que conteste le second notamment dans un tweet publié hier.

Hausfather, qui n'est tout de même pas le premier venu, nous montre le graphique suivant :

Le réchauffement de la planète pourrait s'être accéléré au cours des 15 dernières années

On remarquera tout de même le conditionnel, "pourrait", qui tempère un tantinet son opinion (car il s'agit d'un billet d'opinion, pas du résultat d'une étude scientifique)

Ce qui semble avoir déclenché cette prise de position est ce que nous vivons en cette année 2023 qui s'avère assez exceptionnel et que Hausfather résume en un graphique :

Température globale supérieure aux niveaux préindustriels

L'année 2023 est clairement au-dessus du lot, ce dont nous nous étions rendu compte, hormis les quelques crétins qui nient toujours que la planète se réchauffe parce que chez eux ils ont eu une matinée un peu frisquette et qu'ils ont dû mettre une petite laine pendant une heure ou deux.

Hausfather semble mettre cette accélération en grande partie sur le compte d'une baisse des polluants que nous envoyons en moins grande quantités dans l'atmosphère (traduction par mes soins) :

L'accélération du réchauffement est due à un certain nombre de facteurs. Bien que le monde ait fait de réels progrès pour ralentir la croissance des émissions de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre, celles-ci n'ont pas encore atteint leur maximum et ne diminuent pas. En outre, nous récoltons les fruits de ce que le climatologue James Hansen appelle notre "marché faustien" avec la pollution atmosphérique. Pendant des décennies, la pollution atmosphérique due au dioxyde de soufre et à d'autres substances dangereuses contenues dans les combustibles fossiles a eu un fort effet de refroidissement temporaire sur notre climat. Mais comme les pays du monde entier ont commencé à assainir l'air, l'effet refroidissant de ces aérosols a diminué d'environ 30 % depuis 2000. Les aérosols ont encore diminué au cours des trois dernières années, après la décision d'éliminer en grande partie le soufre des carburants marins en 2020. Ces réductions de la pollution, qui s'ajoutent à l'augmentation continue des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, signifient que nous sommes confrontés pour la première fois à une partie de la force brute du changement climatique.

Et de nous montrer le graphique suivant à l'appui de ces explications :

La réduction des aérosols dans l'atmosphère a accéléré le réchauffement de la planète. Températures mondiales récentes comparées aux estimations de ce qu'elles auraient pu être si la pollution par les aérosols s'était maintenue à son niveau de 2005.

Il y aurait donc une accélération estimée à 0,1°C entre 2005 et aujourd'hui, ce qui n'est pas beaucoup mais ne va pas vraiment dans la bonne direction...

De son côté voici ce que Mann écrit à ce sujet :

Ninety percent (90%) of the heating from carbon pollution is going into the oceans. The trend over the past two decades is upward and remarkably steady, with no sign of either deceleration or acceleration. The truth is bad enough folks: theguardian.com/environment/20 #OurFragileMoment

Quatre-vingt-dix pour cent (90 %) du réchauffement dû à la pollution par le carbone se retrouve dans les océans. La tendance observée au cours des deux dernières décennies est à la hausse et remarquablement stable, sans aucun signe de décélération ou d'accélération. La vérité est déjà assez grave : Oceans were the hottest ever recorded in 2022, analysis shows | Climate crisis | The Guardian

Et de reprendre le graphique montré dans l'article du Guardian en y ajoutant une droite de tendance :

Contenu thermique de l'océan dans les 2 000 mètres supérieurs par rapport à la moyenne 1981-2010 (zettajoules)


Il est hors de question pour moi de dire qui a raison et qui a tort, je remarque simplement qu'Hausfather parle de la température de l'atmosphère alors que Mann fait référence à celle des océans.

Mann a raison quand il dit que 90% de la chaleur additionnelle produite par l'effet de serre de nos émissions part dans l'océan, mais il me semble étrange qu'il ne fasse pas allusion aux remarques d'Hausfather sur la baisse de la pollution atmosphérique pouvant éventuellement avoir une influence sur le réchauffement que nous constatons aujourd'hui, avec une année 2023 qui va probablement devenir la plus chaude depuis que des relevés de températures fiables existent, et même bien avant cela.

Et dire qu'El Niño n'en est qu'à sa phase initiale et n'a pas encore donné toute sa puissance...

L'année 2024 risque d'être épique, mieux vaut nous y préparer plutôt que de nier que des choses désagréables puissent advenir. Il est préférable d'avoir de bonnes nouvelles plutôt que des mauvaises, vous ne croyez pas ?


*****


PS - De son côté James Hansen semble être plutôt du côté de Hausfather...

El Nino Fizzles. Planet Earth Sizzles. Why?

Fig. 2. Température mondiale par rapport à la période 1880-1920 selon l'analyse GISS.




11 commentaires:

  1. Bonjour et merci pour ce billet.
    A la lecture brute des positions de ces 2 chercheurs je ne vois pas vraiment pourquoi ils sont en contradiction. Vu que les océans ont une inertie thermique beaucoup plus importante que l'atmosphère cet effet d'accélération ne sera peut-être pas visible dans les océans avant quelques années ?! Il me semble que le lag entre réchauffement atmosphérique et réchauffement océanique est de l'ordre de 20-30 ans...

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    1. Je suis comme vous, je m'interroge et ne comprends pas vraiment ce qui les oppose.

      Effectivement l'inertie des océans est telle que leur réchauffement est bien plus lent que celui de l'atmosphère, par conséquent il me semble que les deux ont raison mais qu'ils ne parlent pas de la même chose.

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  2. Michael Mann vient juste de préciser son désaccord avec Zeke Hausfather.
    https://twitter.com/MichaelEMann/status/1714040433335005213
    « there's no statistical support here for the claim of a recent acceleration in the rate of global warming »
    Graphique à l'appui il montre que la tendance des 15 dernières années (2008-2022) est identique à celle des 15 années précédentes (1993-2008)

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  3. (Impossible de me logger depuis mon téléphone…)
    Alors oui mais Mann calcule sa tendance sur la période 1993-2008 alors que Hausfather la calcule entre 1970 et 2008. Leur 2 résultats ne sont absolument pas comparables…. C’est étrange que 2 bons chercheurs commencent à argumenter de cette façon…

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    1. Oui très étrange, attendons d'autres réactions qui ne devraient pas tarder à arriver...

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  4. Un autre scientifique s'exprime dans le sens d'Hausfather.
    https://twitter.com/PCarterClimate/status/1714767489039774008
    « GLOBAL WARMING IS ACCELERATING
    Published science and NASA GISS data show global warming on accelerating trend, including recent warming. Quoted climate scientists aren't convinced. Extreme warming rate post 1980 certain. Slash emissions NOW (IPCC AR6 »

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  5. Confirmation que c'est la hausse de la température des océans qui s'accélère.
    https://twitter.com/flowinguphill/status/1719215382094053449
    https://www.nature.com/articles/s41467-023-42468-z

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  6. Zeke Hausfather insiste, il y aurait bien une accélération de la hausse de la température de l'air...
    https://twitter.com/hausfath/status/1719785148600991920

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  7. Confirmation de la position de James Hansen : https://twitter.com/LeonSimons8/status/1719997101537464580
    « We are beginning to suffer the effect of our Faustian bargain. That is why the rate of global warming is accelerating. »

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  8. Réponse de Michael Mann au papier de James Hansen : https://twitter.com/MichaelEMann/status/1720112908179325007
    « The total impact of ALL aerosol forcing (it's mostly coal-fired power plants) is shown in the piece, and the trend is less than 10% of the total trend over past few decades. »
    Donc d'après Hausfather et Hansen l'accélération du réchauffement serait
    due à la baisse des aérosols, alors que Mann nous dit que ceux-ci sont négligeables dans le réchauffement global, lequel ne présente aucune accélération notable.
    J'ai comme l'impression qu'on n'a pas fini d'en parler.

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  9. Hausfather insiste : https://twitter.com/hausfath/status/1720177510531633297
    « I'd personally bet on the AR6 assessed warming over Hansen/CMIP6. But in either case we expect an acceleration in the rate of warming relative to the past 70 years if greenhouse gas emissions do not decline. »

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