mardi 5 avril 2022

Bêtisier russo-ukrainien - Rions avec Olivier Berruyer et Les Crises

 Il est tentant de lire ce qui se disait peu avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février dernier.

 Faisons-nous plaisir afin en même temps de voir qui a fait preuve de « clairvoyance » à la manière de madame Irma.

Dans La Stratégie de Poutine : Échec et mat en Ukraine publié le 18 février (4 jours avant le début de l'« opération spéciale russe ») sur le site Les Crises de l'inénarrable Olivier Berruyer, voici ce qui était donné à becqueter aux lecteurs abonnés à la réinformation :

Les pièces d’échecs sont déjà en train d’être déplacées. Même si les États-Unis risquent de ne pas le voir, on peut prédire un échec et mat russe dans un avenir plus ou moins proche.
Ce magnifique passage est en fait la conclusion de l'article, une traduction d'un texte d'un certain Scot Ritter présenté comme « ancien officier de renseignement du corps des Marines des États-Unis ».

On trouve dans le texte des perles dans ce genre :
Contrairement aux mises en garde répétées de l’Occident, il est très peu probable que la Russie envahisse l’Ukraine
Heureusement pour l'auteur, celui-ci a jugé bon de faire suivre cette malencontreuse prédiction par un bémol salvateur :
– du moins pas encore.
Ouf, l'honneur est sauvé et le ridicule évité, du moins en partie.

Sans surprise c'est le problème de l'OTAN qui est essentiellement mis en avant :
Les réponses écrites [à deux projets de traités envoyés par la Russie aux États-Unis et à l’OTAN] qui sont arrivées le 22 janvier n’ont – comme prévu – abordé aucune des préoccupations de la Russie, y compris la ligne rouge de l’expansion continue de l’OTAN.
L'OTAN est mentionné pas moins de 37 fois (j'ai compté) dans l'article, faisant de l'organisme de défense atlantique la bête noire du Kremlin, alors que nous savons aujourd'hui qu'il ne s'agissait en fait que d'un prétexte des Russes pour agresser son voisin ; la preuve évidente c'est que jusqu'à présent l'OTAN n'a pas levé le petit doigt pour venir à l'aide de l'Ukraine, se gardant bien, tout comme d'ailleurs les États-Unis ainsi que toutes les démocraties occidentales, d'intervenir directement dans le conflit ; l'Ukraine n'étant pas membre de l'OTAN elle n'a qu'à se débrouiller elle-même, avec il est vrai un apport significatif en termes d'armes et de militaires « non officiels » en provenance de plusieurs pays.

Certains médias plus honnêtes (et sérieux) que d'autres avaient d'ailleurs bien analysé la chose, comme on peut le voir par exemple avec Guerre en Ukraine : "Ce conflit prend l'Otan pour prétexte" le 28 février 2022 :
Pour Vladimir Poutine, l'Otan est une menace sur le pas de sa porte. Mais l'alliance défensive a peu de chances de s'impliquer dans le conflit entre l'Ukraine et la Russie. Décryptage avec Amélie Zima, spécialiste de l'Otan.
L'Alliance atlantique n'a pour le moment pas vu "de signe de désescalade" sur le terrain, et exprime donc un "optimisme prudent".

Nous avons même des articles plus anciens, comme Ukraine · L'OTAN face à Vladimir Poutine - Institut Thomas More le 14 avril 2021 (il y a un an !) :

L’Ukraine redoute que le Kremlin ne cherche un prétexte pour l’attaquer et accuse la Russie d’avoir rassemblé plus de 80 000 soldats près de sa frontière orientale.
Pour bien comprendre les raisons de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, mieux vaut lire ou écouter Anna Colin Lebedev ou d'autres spécialistes de la Russie ; cette maîtresse de conférences en science politique, spécialiste des sociétés post-soviétiques, est interviewée dans "Vladimir Poutine a la conviction de jouer un rôle dans l'Histoire" ; à la question « [L]e rôle [de Poutine dans l'histoire], c’est celui qui rendra toute sa grandeur à la Russie ? C’est vraiment la mission personnelle qu’il s’est donnée ? » voici ce qu'elle répond :
Oui, on a quand même l’impression d'un Vladimir Poutine qui n’est pas forcément soutenu, c'est lui, à titre personnel, dans cette histoire, qui porte cette idée d’une mission historique à accomplir. On a l’impression d’un projet qui a une part d’absolu en lui. C’est un projet qui le dépasse, ce n’est pas un jeu de conquête économique, ce n'est pas un jeu pour gagner un couloir pour accéder à la mer Noire, on est bien au-delà. On est dans une redéfinition de ce qu’est la Russie, on est dans un « redessin » de ce qu’est la carte de l’Europe.
A aucun moment la chercheuse cite l'OTAN comme une raison pouvant avoir motivé Poutine, il n'avait en réalité pas besoin de cela, ce qui ne l'a pas empêché de s'en servir comme d'un prétexte ou d'une excuse à mettre en parallèle avec les soi-disant nazis au pouvoir à Kiev, entre autres énormités servies au peuple russe ainsi qu'à tous les fachos et gogos de la planète prêts à gober ce genre de sornettes.

Ainsi, et pour illustrer ce spécial bêtisier, voici ce qu'on peut lire dans les commentaires de l'article du site Les Crises :
Jean // 18.02.2022 à 08h38

Les informations venant du Donbass (est de l’Ukraine) sont alarmantes, Kiev a commencé à faire des provocations, a déclaré ce jeudi devant la presse le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Eh oui, pour Jeannot c'est Kiev qui a provoqué Poutine, à pleurer de rire ou de désespoir devant tant de naïveté.
Jean // 18.02.2022 à 16h39

@un citoyen,

Oui, mauvaise nouvelle, d’autant plus qu’il ne faudra pas compter sur un comportement rationnel pour anticiper les réactions des nazis ukrainiens dans ce conflit, car la réalité n’a aucune prise sur les fanatiques.
Le même Jeannot est lui-aussi persuadé que les Ukrainiens sont des nazis fanatiques, mais il n'est pas le seul :
RGT // 18.02.2022 à 16h25

Le gouvernement ukrainien ne donnera aucun ordre visant à envenimer la situation, c’est certain.

Par contre, des milices néo-nazies ou des militaires extrémistes n’obéissant pas aux ordres pourraient tout à fait le faire en souhaitant déclencher un conflit en pensant que les USA et les occidentaux viendraient à leur secours. [...]

Là c'est sacrément subtil, ainsi les milices Azov, pour ne citer qu'elles, auraient désobéi à Zelensky pour provoquer Poutine en espérant que nous viendrions à leur secours, alors qu'il était très clair qu'il n'était pas question d'intervenir (le 12 février Biden avait assuré qu'« il n’y aura pas de soldats américains sur le sol ukrainien pour combattre l’armée russe si jamais elle venait à envahir l’Ukraine »), mais RGT ne lit que le site Les Crises, on voit le résultat !

Le même RGT fait preuve à la suite d'une clairvoyance qui force le respect :

Zelensky sait très bien qu’en cas d’attaque russe les troupes ukrainiennes (mêmes associées à Azov et d’autres milices néo-nazies) se feraient balayer à la vitesse de l’éclair.

Je ne savais pas que les éclairs pouvaient faire du surplace pendant plus d'un mois...

Mais nous avons encore plus lucide avec celui-ci :

Dorian // 18.02.2022 à 18h47

Les civils sont évacués…
Les gars d’Azov et autre milices nazi sont enfin sur la ligne de contact et font ainsi une magnifique cible.
Vu les systèmes militaires actuels, chaque coordonnées de chaque point de tir est acquis.
Si les troupes de choc font la folie de franchir la ligne de feu, ils seront éradiqués.
J’imagine que le bidasse moyen ukrainien tout comme l’officier régulier, n’ont aucune envie d’aller au hachoir pour permettre aux USA de vendre leur gaz à l’UE…
Donc, si les Russes débarrassent les Ukrainiens de leurs éléments les plus incontrôlables, je pense que les Ukies pourraient même en avoir une certaine reconnaissance .
La destruction de tous les postes de tir se réglerait en moins de trois heures et sans franchir la frontière.
Je serai un des petits chacals des médias occidentaux, je m’éloignerait rapidement de la ligne de contact.
J'ai conservé la totalité du commentaire de Dorian tellement il semble frappé du sceau du bon sens bien de chez nous ; j'imagine qu'aujourd'hui quand Dorian relit ce qu'il a écrit 6 jours avant l'invasion il doit se sentir tout bête, pauvre petite chose.
Ouvrier pcf // 18.02.2022 à 09h21

Encore un bon article Merci les crises Une analyse réelle argumentée Cela change des gros titres tapageurs des médias établis .
Oui c'est vrai ça c'est ben vrai, cela dit de quoi il parle en évoquant les « médias établis » ? Ah oui, ça doit être ceux qui sont plus pertinents que Les Crises, je pense.
martin // 18.02.2022 à 18h37

Très bon article

L’objectif opérationnel de la Russie est de briser l’Otan, le piège est en train de se refermer. Il manque pourtant un développement sur les mesures « techno-miitaires » promises par Poutine. Voici la séquence des derniers jours. [blablabla]
Oui, très bon article quand on n'est pas trop exigeant sur la qualité, ce qui semble être le cas de l'âne Martin. Qui insiste :
martin // 18.02.2022 à 18h59

Ce n’est pourtant que le début.

Ce que nous ne pouvons pas voir, c’est le brouillage et la suppression électronique dont la Russie fait usage sur tout le territoire européen. [blablabla]
Quand on sait que les Russes ont utilisé des moyens de communication non cryptés ce commentaire a un doux parfum de n'importe quoi.
antoniob // 19.02.2022 à 09h54

la Russie ne s’est pas laissé entraîner dans un cul de sac. Des plans d’invasion du Donbass sont annoncés dés l’été dernier par Zelenski et les manoeuvres de l’OTAN ont eu lieu en premier.
Les manoeuvres russes sont justement une réaction à cela. [blablabla]
Ben oui, encore l'OTAN qui oblige les Russes à réagir, ça devient lassant à force. Mais revoilà Martin l'âne :
martin // 22.02.2022 à 08h26

Décidément, les idées fausses ont la vie dure. Répéter sans fin que les USA sont militairement plus puissants que la Russie sous prétextes que leurs dépenses militaires sont dix fois plus importantes que celles des russes n’a aucun sens.
Deux missiles hypersoniques Russes assurent la destruction d’un porte-avions américain. Le rapport des coûts avoisine un pour 150.
Il faut absolument lire Martyanov.
Quant à la faiblesse de l’économie russe, c’est une vaste blague.

La vaste blague c'est Martin à lui tout seul.

Je m'arrête là, plus aucun commentaires après le 22 février et de toute façon il n'est plus possible d'en faire, « comme par hasard ».

Et « comme par hasard » plus aucun article dédié à l'Ukraine depuis le 18 février, alors qu'Olivier Berruyer en avait consacré une floppée avant cette date !

Ah si quand même, il avait écrit le 26 février Quelques mots sur l’invasion russe de l’Ukraine pour dire à quel point il avait « le coeur lourd » ; et il nous promettait :

Demain viendra le temps des explications auxquelles je contribuerai. Nous devrons demander des comptes à nos dirigeants à propos de ce conflit, qui comme beaucoup d’autres aurait pu être évité par l’usage d’une diplomatie rationnelle, consciente de la complexité de l’Histoire et de la fragilité des relations internationales.
Lui qui s'était improvisé géopoliticien de comptoir de bistrot avec la Syrie et l'Ukraine en prenant systématiquement le parti de Moscou et en dénonçant les nazis de Kiev, il doit aujourd'hui se demander comment il va bien pouvoir s'en sortir avec élégance.

Faisons-lui confiance, un clown peut aussi s'avérer être un habile acrobate qui retombe toujours sur ses pattes.


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