mardi 12 avril 2022

Nous sommes foutus, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est François Gemenne

 J'ai souvent dit ici que tant que nous aurions du pétrole et du gaz à notre disposition à des prix acceptables nous continuerions à utiliser des énergies fossiles et qu'il fallait donc s'attendre à ce que la température de la planète monte encore inexorablement ; régulièrement je tablais sur +3°C pour la fin de ce siècle, mais certains sont bien plus pessimistes, comme François Gemenne dans ce tweet :

Ce n'est pas spécifique à la France : dans tous les pays industrialisés, les électeurs ne souhaitent pas donner la priorité au climat, c'est tout. C'est un choix de civilisation. Ce choix me désespère, mais c'est la démocratie. Il faut se préparer à +3,5 / +4 degrés.

Certains gros benêts (il y en a un qui se reconnaitra s'il me lit) croient que c'est par des actions individuelles qu'on arrivera à faire changer les choses, Gemenne dit exactement le contraire : dans nos démocraties, où les individus s'expriment et décident des politiques menées par les dirigeants via leurs votes, rien de significatif ne se passera pour atténuer nos émissions de gaz à effet de serre ou de manière générale pour modifier drastiquement nos modes de vie.

Ce n'est pas parce que quelques originaux vivent quasiment en autarcie pour laisser le moins de traces possibles dans notre écosystème que le CO₂ va baisser au point d'atteindre la neutralité carbone ; celle-ci arrivera un jour de manière forcée, tout simplement parce que nous manquerons de ressources fossiles, non pas parce qu'il n'y en aura plus dans notre sous-sol (il y en aura toujours des quantités gigantesques) mais parce que le coût de leur extraction sera devenu prohibitif et que les gens, même dans les pays riches, n'auront plus les moyens de remplir leur réservoir de carburant ou leur cuve de fioul (ça commence d'ailleurs à venir...)

En ce qui concerne les élections actuelles voici l'amer constat de Gemenne :

1. Trois Français sur quatre ont adressé un signal très clair et voté pour un programme incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Dans ce contexte, je pense qu’il est normal de s’interroger sur la légitimité démocratique de cet Accord.

Les candidats peu (ou pas du tout) intéressés par la question climatique.

Vérifions le calcul de Gemenne avec Wikipédia :

  • Nathalie Arthaud : 0,56%
  • Nicolas Dupont-Aignan : 2,06%
  • Valérie Pécresse : 4,78%
  • Eric Zemmour : 7,07%
  • Emmanuel Macron : 27,84%
  • Jean Lassalle : 3,13%
  • Fabien Roussel : 2,28%
  • Total : 47,72%
Cela fait donc un Français sur deux si l'on en croit les visages affichés et non trois sur quatre, bref cela ne change pas grand chose, d'autant plus que Marine Le Pen ne figure pas sur cette liste, or il ne me semble pas qu'elle ait une sensibilité particulière sur le sujet du climat, autre que quelques paroles peu convaincantes destinées à combler les trous de son programme, surtout quand on lit son projet « écologiste », un mot dont elle ne connait pas le sens ; voici ce qu'on peut lire dans L’ENVIRONNEMENT POUR UNE ÉCOLOGIE FRANÇAISE :
Ce n’est pas aux Français de payer pour les fautes des autres ! L’urgence est de rompre avec une écologie dévoyée par un terrorisme climatique qui met en danger la planète, l’indépendance nationale et plus encore, le niveau de vie des Français.
Mais aussi :
Voilà pourquoi nous sortirons du Green Deal pour évaluer et tracer notre trajectoire de lutte contre le dérèglement du climat, en fonction de la situation de la France, de la trajectoire des pays voisins et des autres continents, en fonction des objectifs fixés par l’accord de Paris.

Le Pen désire donc gérer un problème global (i.e. à l'échelle de la planète entière) par le petit bout de sa lorgnette franchouillarde. De plus elle veut se préoccuper du « niveau de vie des Français », ce qui par exemple augure de bien bonnes choses concernant la crise ukrainienne si elle était élue, sans parler du fait que la solution à la crise climatique doit passer forcément par une diminution du niveau de vie de tous les pays développés qui se sont jusqu'à présent goinfrés sur les dos des autres.


Dois-je préciser pour terminer que je suis très pessimiste sur ce qui nous attend dans les années qui viennent ?

Et il ne s'agit pas uniquement de ce qui se passe actuellement en Ukraine dont nous n'avons pas fini de voir les effets délétères.

Nous sommes presque sortis de la pandémie de Covid-19, sans pour autant être certains que ce soit vraiment complètement terminé, nous entrons dans une période de grande incertitude pouvant très bien mener à un troisième conflit mondial, et en arrière plan la pénurie énergétique alliée au réchauffement climatique attend nos enfants au tournant ; et comme par hasard ce sont les mêmes, quasiment, qui nient que nous ayons le moindre problème sur tous ces sujets.

Et malheureusement il semblerait que ce soient également les mêmes qui ne s'abstiennent pas de voter...


Nous sommes foutus, et là c'est bien moi qui le dis.


12 commentaires:

  1. Nous serions foutus si "nous" existait non ? De quoi s'agit-il ?

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    1. J'ai déjà dit que ce n'est pas en fait de « nous » qu'il s'agit, mais de nos descendants, et plus généralement de notre civilisation telle que nous la connaissons aujourd'hui, laquelle ne peut continuer indéfiniment sur sa lancée.

      Entre la surpopulation, et les problèmes de nutrition que cela va entrainer, sans parler des tensions pouvant provoquer maints conflits, et le réchauffement climatique qui va rendre certaines parties du globe quasiment inhabitables, il y a au milieu de menus problèmes tels que des virus du genre de celui qui nous embête aujourd'hui, la montée progressive des nationalismes et des idéologies extrémistes, et quelques autres soucis qui ne me viennent pas à l'esprit en ce moment.

      Vous avouerez qu'il y a quand même un peu de quoi être inquiet, non ?

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  2. Perso, ce qui m'inquiète ce sont plutôt les affirmations à l'emporte-pièce dont les fondements logiques sont indiscernables. "Nos descendants", "notre civilisation" semblent vouloir englober un groupe unique et homogène d'humains aux intérêts convergents, dont il faudrait d'abord démontrer qu'il existe.
    En définitive, l'affirmation exacte que les émissions de GES provoquent un réchauffement climatique qui va bouleverser la stabilité sur laquelle repose une certaine forme d'organisation humaine est largement insuffisante en tant que telle pour comprendre la racine du problème. Ça effectivement ça m'inquiète.

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    1. Quand je dis « notre civilisation » je parle évidemment de celle des pays développés comme le nôtre, pas de pays comme le Yémen ou le Niger qui finalement de verront pas grande différence.

      Même s'il y a des différence entre des pays comme le Japon, la France, les Etats-Unis ou le Brésil pour ne prendre que ces exemples, ce sont eux qui verront leur niveau de vie baisser drastiquement quand les matières premières viendront à faire défaut parce que trop chères à produire et donc à consommer via nos produits courants ; quand le plastique par exemple viendra à manquer de nombreux produits ne pourront plus être fabriqués, nous utiliserons « autre chose », mais ça sera plus cher, comme au « bon vieux temps ».

      Et je n'ai jamais dit que la seule augmentation des GES allait « bouleverser la stabilité sur laquelle repose une certaine forme d'organisation humaine », c'est bien sûr multi-factoriel, le réchauffement climatique n'est qu'une partie du problème. Mais c'est tout de même un gros morceau à long terme.

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  3. Ok, ça semble plus clair. Mais si ce qui inquiète tant est la survie de ladite civilisation (occidentale donc), je ne pige pas l'inquiétude à propos des destructions multiples que provoque l'existence de cette civilisation elle-même.

    Si ce qui importe est la survie de la civilisation, déplorer ses destructions ne fait pas sens, il vaut mieux souhaiter plus de destructions.

    Si ce qui importe est "moins de destructions", déplorer sa disparition ne fait pas sens, il vaut mieux souhaiter moins de civilisation.

    Souhaiter plus de civilisation et moins de destructions relève tout bonnement de l'injonction paradoxale (et c'est précisément cela qui m'inquiète le plus).

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    1. Là vous me perdez un peu...

      Notre civilisation n'est en rien fautive, elle est, tout simplement.

      On ne peut pas reprocher à nos ancêtres d'avoir voulu se développer en utilisant des énergies fossiles qui nous posent aujourd'hui des problèmes, nous aurions tous fait pareil à leur place et ils ne pouvaient pas imaginer les conséquences.

      Le mieux que nous ayons à faire c'est d'essayer de rectifier le tir, mais il y a trop de contraintes, notamment avec tous ceux qui ne veulent rien changer.

      Et il ne s'agit pas de déplorer la disparition de notre civilisation, seulement de constater qu'elle va mal.

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  4. "nos ancêtres [ont] voulu se développer en utilisant [X, Y, Z]". Ça me paraît très péremptoire comme affirmation. "certains ancêtres" serait déjà plus réaliste, mais évidemment, ça change beaucoup le sens du cours de l'histoire. Pour illustrer, pensez-vous réellement que "nos" ancêtres voulaient s'entasser dans des villes insalubres et passer leur vie dans des ateliers aveugles, qu'ils voulaient l'esclavage ou la bombe atomique ?

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    1. Le fait que certains de nos ancêtres aient subi un changement imposé ne change rien au fait que ce changement était inéluctable.

      Si l'on rembobinait l'Histoire on s'apercevrait qu'elle se déroulerait très probablement de la même façon.

      De plus, si ceux qui ont « subi » avaient été en position de décider par eux-mêmes et d'imposer leurs choix sur les autres ils auraient pris les mêmes décisions qui nous ont menés là où nous en sommes.

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    2. Déterminisme historique, effectivement cela clôt le débat.

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    3. Si vous entendez par « déterminisme historique » que l'Histoire aurait un sens je ne suis pas d'accord.

      L'Histoire n'est faite que de hasards et de possibilités éventuellement exploitées par des personnes (des dirigeants, des scientifiques, des artistes...) plus ou moins inspirées ; elle relève davantage du chaos que d'un ordre « déterminé », déterminé par qui ou par quoi d'ailleurs ?

      Encore une fois si l'on a exploité les ressources fossiles c'est parce que c'était le « bon » moment et que ça servait certains intérêts, ceux de la Grande Bretagne en l'occurence à l'époque. Mais cela aurait pu se passer en France, en Allemagne ou pourquoi pas en Chine ou au Japon si les conditions avaient été différentes.

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  5. Non,non."Si l'on rembobinait l'Histoire on s'apercevrait qu'elle se déroulerait très probablement de la même façon.", le déterminisme est ici.

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    1. « De la même façon » ne veut pas dire « exactement pareil ».

      Mais si vous voulez dire que le déterminisme réside dans la capacité humaine à (re)produire le même type d'erreurs alors là oui, je suis assez d'accord.

      Il n'empêche qu'il n'y a pas de véritable « volonté » des hommes à se comporter comme ils se comportent, c'est pourquoi je pense que le chaos et le hasard, combinés aux multiples besoins des humains quels qu'ils soient, sont le véritable déterminisme qui produit l'Histoire telle que nous la vivons.

      Personne n'avait prévu le Covid-19, l'élection de Trump ou la guerre en Ukraine, pour ne prendre que ces exemples ; dans chacun de ces cas il s'en est fallu peut-être d'un cheveu pour que les choses se passent différemment ; Trump a été élu par quelques milliers de voix dans quelques Etats clés alors qu'il avait au total bien moins de voix que Clinton ; Poutine a décidé d'envahir l'Ukraine peut-être parce que Biden s'est montré pusillanime en déclarant qu'il n'interviendrait pas ; et le Covid-19 aurait pu ne pas se déclarer si...

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