Nous apprenons aujourd'hui que le prix Nobel d'économie (ou si vous préférez le
Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel) a été attribué à trois économistes (on s'en serait douté) dont Ben Bernanke, qui fut président de la FED de 2006 à 2014.
The final prize announced this year was given to the former Federal Reserve chair and others for their research “on banks and financial crises.”
A ma connaissance aucun des trois lauréats (Philip Dybvig et Douglas Diamond en plus de Ben Bernanke) n'a jamais émis l'hypothèse que les crises financières passées ont pu être provoquées par un quelconque problème énergétique, c'est-à-dire par une pénurie de carburant (pétrole, gaz ou charbon) qui aurait entrainé lesdites crises financières (et économiques par la même occasion), contrairement à ce qu'affirment certains « non spécialistes » comme, entre autres, Jean-Marc Jancovici (voir par exemple mon billet Jean-Marc Jancovici n'est pas économiste, et ça se voit !)Le dernier prix annoncé cette année a été attribué à l'ancien président de la Réserve fédérale et à d'autres personnalités pour leurs recherches "sur les banques et les crises financières".
Ou pour le dire autrement, et afin que ce soit plus clair pour tout le monde, est-ce un problème de production de nature énergétique qui cause une crise financière ou bien est-ce une crise financière qui entraine un ralentissement économique causant à son tour une contraction de la demande et par voie de conséquence une baisse de la production énergétique ?
Il y a pourtant des exemples où des baisses de production pétrolière ont pu causer des crises passagères, il s'agit bien sûr de ce que l'on a appelé les chocs pétroliers au nombre de deux jusqu'à présent si je ne m'abuse, le premier en 1973 et le deuxième en 1978-1981. Wikipédia nous parle même d'un troisième choc pétrolier en 2008, mais celui-là dû à une hausse artificielle des cours (et ce sont apparemment les journalistes et hommes politiques qui parlent dans ce cas de choc pétrolier, pas les économistes...)
Si pour le premier de ces chocs pétroliers le pic de production de pétrole aux Etats-Unis est évoqué, c'est surtout l'embargo de l'OPEP suite à la guerre du Kippour qui a entrainé l'augmentation des prix du baril (lequel a quadruplé entre octobre 1973 et mars 1974) ; il y avait donc bien pénurie au niveau des Etats-Unis, mais pas au niveau mondial, le pétrole était en principe disponible, mais pour des raisons purement politiques le robinet était fermé en partie, causant la tension sur les prix. Pour le deuxième choc pétrolier c'est la révolution iranienne, suivie par la guerre entre l'Iran et l'Irak, qui en sont à l'origine, avec comme facteur aggravant le redémarrage de la demande mondiale suite au premier choc de 1973 ; encore une fois il s'agit de causes géopolitiques et non de problèmes d'extraction, les entreprises pétrolières limitant évidemment leur production en périodes d'incertitudes afin de ne pas gonfler leurs stocks inutilement.
Bref jusqu'à présent les économistes, les vrais, ne semblent pas vraiment lier la moindre crise économique et financière à des problèmes de disponibilité énergétique, cette dernière pouvant être provoquée par des facteurs purement politiques et non à des difficultés d'extraction des ressources ; ce qui ne veut pas dire que dans le futur nous n'aurons pas de problème de ce type, bien au contraire !
Les ressources fossiles étant par définition limitées (elles ont mis des millions d'années à se constituer et nous les épuisons à la vitesse grand V) il arrivera un moment où leur extraction ne pourra plus s'effectuer à un prix « convenable », nous devrons apprendre à nous en passer car nous ne pourrons tout simplement plus nous les offrir, sauf quelques privilégiés (parmi eux les Etats qui se garderont des réserves suffisantes pour alimenter leurs armées...)
Il faudra alors « faire avec » les énergies renouvelables et le nucléaire, pas sûr que cela suffise à maintenir notre train de vie actuel !
Voici quelques articles avec des extraits significatifs pour appuyer mon point de vue (que vous n'êtes pas obligé de partager, mais alors il va falloir argumenter)
Le 10 mars 2022 : Ce qu'a été le choc pétrolier de 1973 - Transitions & Energies (transitionsenergies.com)
Les économistes attribuent le choc pétrolier [de 1973] a deux facteurs principaux. L’un structurel, la dévalorisation du dollar, monnaie d’échange des produits pétrolier, après la fin en 1971 des accords de Bretton-Woods et de la convertibilité en or de la monnaie américaine dont la valeur devient «flottante». Et l’autre conjoncturel, la guerre de Kippour qui a valu aux pays occidentaux des embargos temporaires pour les alliés d’Israël et une hausse généralisée des prix du baril.
Donc aucune cause liée à un manque de pétrole...
Le 28 septembre 2022 : How did the 2008 financial crisis affect the oil and gas sector? (investopedia.com)
The 2008 financial crisis and the Great Recession that followed had a pronounced negative impact on the oil and gas sector as it led to a steep decline in oil and gas prices and a contraction in credit. The decline in prices resulted in falling revenues for oil and gas companies.
« impact négatif prononcé sur le secteur pétrolier et gazier », est-il utile d'insister ?La crise financière de 2008 et la grande récession qui a suivi ont eu un impact négatif prononcé sur le secteur pétrolier et gazier, car elles ont entraîné une chute brutale des prix du pétrole et du gaz et une contraction du crédit. La baisse des prix a entraîné une chute des revenus des compagnies pétrolières et gazières.
The financial crisis started in the real estate market in 2006 as defaults on subprime mortgages started to rise. At first the damage was contained. However, it ended up severely reducing economic activity as the rot spread through the economy.
Le marché immobilier est donc ici clairement désigné comme la cause première de la crise de 2008.La crise financière a débuté sur le marché de l'immobilier en 2006, lorsque les défauts de paiement des prêts hypothécaires à risque ont commencé à augmenter. Dans un premier temps, les dégâts ont été contenus. Cependant, ils ont fini par réduire gravement l'activité économique à mesure que la dégradation se propageait dans l'économie.
The crisis eventually unveiled a wave of deflation and liquidation that took all assets lower, including oil and gas.
La crise a finalement dévoilé une vague de déflation et de ventes qui a fait chuter tous les actifs, y compris le pétrole et le gaz.
Le pétrole et le gaz sont donc les victimes de la crise...
Le 26 octobre 2018 : How the 2008 Financial Meltdown Shaped Clean Energy | Greentech Media
The drama was high in energy. Oil prices collapsed. Carbon prices cratered.
Pas vraiment un problème de production...Le drame s'est joué dans le domaine de l'énergie. Les prix du pétrole se sont effondrés. Les prix du carbone se sont effondrés.
Le 10 février 2022 : 2008 Financial Crisis: Causes, Costs, How It Could Happen Again (thebalancemoney.com)
Two laws deregulated the financial system.
Et si c'était la dérégulation, ou plutôt le manque de régulation (des banques en particulier) qui étaient la cause principale des crises financières ?Deux lois ont déréglementé le système financier.
They allowed banks to invest in housing-related derivatives. These complicated financial products were so profitable they encouraged banks to lend to ever-riskier borrowers. This instability led to the crisis.
On y voit un peu plus clair n'est-ce pas ?Elles ont permis aux banques d'investir dans des produits dérivés liés au logement. Ces produits financiers compliqués étaient si rentables qu'ils ont encouragé les banques à prêter à des emprunteurs toujours plus risqués. Cette instabilité a conduit à la crise.
Le 19 novembre 2020 : The Financial Crisis of 2008: Problem and Causes | Free Essay Example (studycorgi.com)
there is still no agreement concerning primary causes of the crisis.
On dirait cependant que le consensus n'est pas parfait...il n'y a toujours pas d'accord sur les causes primaires de la crise.
The financial crisis has been followed by a prolonged recession that resulted in the rapid decrease of employment rates.
La crise financière a été suivie d'une récession prolongée qui a entraîné une baisse rapide des taux d'emploi.
On comprend cependant qu'une récession entraine automatiquement une baisse de la demande qui entraine à son tour une baisse de la production ; la poule, l'oeuf...
Date inconnue : financial crisis of 2007–08 | Definition, Causes, Effects, & Facts | Britannica
Although the exact causes of the financial crisis are a matter of dispute among economists, there is general agreement regarding the factors that played a role
Ah, et quels sont ces fameux facteurs ? Il y en a 5 que je vous laisse découvrir en lisant l'article, mais surprise surprise, aucun de ces facteurs n'est lié de près ou de loin à une quelconque crise énergétique !Bien que les causes exactes de la crise financière [de 2007-2008] fassent l'objet de controverses entre les économistes, les facteurs qui ont joué un rôle sont généralement reconnus.
Date inconnue : 2008 Financial Crisis: Overview, Causes, Impacts & Theory (studysmarter.us)
Then, in 2008, the infamous investment bank Lehman Brothers filed for bankruptcy, causing financial markets to waver. The Dow Jones (a US stock index) fell by 504 points, and oil prices plummeted.
Qui est la poule et qui est l'oeuf ? Est-ce que d'après vous Lehman Brothers a déposé son bilan parce qu'on manquait de pétrole ? Ou au contraire parce que les prix du pétrole se sont effondrés, ce qui aurait dénoté un surplus d'offre par rapport à la demande ?Puis, en 2008, la tristement célèbre banque d'investissement Lehman Brothers a déposé son bilan, ce qui a fait vaciller les marchés financiers. Le Dow Jones (un indice boursier américain) a chuté de 504 points, et les prix du pétrole se sont effondrés.
The immediate trigger was the rapid pace at which mortgages were sold and who they were sold to.
Le coupable est nettement identifié.Le déclencheur immédiat a été le rythme rapide auquel les prêts hypothécaires ont été vendus et à qui ils ont été vendus.
Many argue that the crisis began farther back, with the deregulation in the financial markets.
Nombreux sont ceux qui affirment que la crise a commencé plus tôt, avec la déréglementation des marchés financiers.
Toujours pas à cause d'un manque de pétrole ou de gaz, c'est désespérant !
Le 6 mai 2022 : 2008-2009 Global Financial Crisis - Overview, Market Bubble, Aftermath (corporatefinanceinstitute.com)
The foundation of the global financial crisis was built on the back of the housing market bubble that began to form in 2007. Banks and lending institutions offered low interest rates on mortgages and encouraged many homeowners to take out loans that they couldn’t afford.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,La crise financière mondiale s'est construite sur la base de la bulle du marché immobilier qui a commencé à se former en 2007. Les banques et les établissements de crédit offraient de faibles taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires et ont encouragé de nombreux propriétaires à contracter des prêts qu'ils ne pouvaient pas se permettre.
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Le 16 octobre 2009 : The financial crisis: challenges and responses (europa.eu)
Let me begin with the causes of the turmoil: in the four years leading up to the summer of 2007, macro-financial conditions were very favourable – on the surface, that is. The world economy was growing strongly; inflation was low; liquidity in capital markets was abundant; the financial sector was providing remarkable returns; profitability was high; asset prices were rising, and implied volatilities in equity markets, bond markets, credit markets and foreign exchange markets all very low by historical standards; and finally, risk premia were extraordinarily small.
Commençons par les causes de la crise : au cours des quatre années qui ont précédé l'été 2007, les conditions macrofinancières étaient très favorables, du moins en apparence. L'économie mondiale était en forte croissance, l'inflation était faible, les liquidités sur les marchés des capitaux étaient abondantes, le secteur financier offrait des rendements remarquables, la rentabilité était élevée, les prix des actifs étaient en hausse et les volatilités implicites sur les marchés des actions, les marchés obligataires, les marchés du crédit et les marchés des changes étaient toutes très faibles par rapport aux normes historiques ; enfin, les primes de risque étaient extraordinairement faibles.
En somme tous les ingrédients étaient réunis.
Si vous avez des contre-exemples, si possible ne provenant pas de Jancovici, Auzanneau ou Tverberg que j'ai déjà évoqués ici, vous êtes les bienvenus pour en discuter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire