mercredi 25 janvier 2023

Le New York Times est d'accord avec moi, l'homme n'est pas un singe !

 Mes vieux lecteurs (ils doivent être une poignée) savent à quel point je suis tatillon en ce qui concerne ma qualité d'être humain qui ne souhaite pas qu'on le prenne pour un singe, qu'il soit grand ou petit.

J'ai écrit un certain nombre de billets dont voici un échantillon sélectif :

Nous n'avons pas dévié des grands singes nous sommes des grands singes quant à votre site... permettez moi d'être sceptique sur sa fiabilité
Douter de la « fiabilité » de mon site m'a évidemment fait réagir :
Si vous voulez (re)lire tous mes billets consacrés au couple homme-singe (si vous avez beaucoup de temps à perdre) vous pouvez faire une recherche dans mon blog sur le mot singe (Résultats de recherche pour singe) et c'est parti !

Aujourd'hui je vais simplement vous montrer à quel point le fait de comparer l'homme à un singe tient de l'équilibrisme de haute volée avec un article du New York Times intitulé Many Humans Can Understand Apes. ; comme il est suggéré dans le titre on vous propose ni plus ni moins d'essayer de deviner le comportement...d'un singe !

Si vous devez deviner le comportement d'un singe il y a de fortes chances pour qu'on ne vous considère pas comme un singe...et c'est plus clair quand on lit l'article dont voici quelques extraits :
The great apes do not have spoken language, but they share many gestures. Can humans like you understand those gestures too?
Les grands singes n'ont pas de langage parlé, mais ils partagent de nombreux gestes. Les humains comme vous peuvent-ils aussi comprendre ces gestes ?
Ceci est l'introduction de l'article figurant juste après son titre. On y oppose clairement les « grands singes » aux « humains ». Si les humains sont des grands singes alors cette phrase n'a pas de sens. Ou du moins elle est extrêmement maladroite si elle a été écrite par quelqu'un qui pense comme Robert et Pascal Picq que l'homme est un singe. Et c'est normal puisque comme je l'ai expliqué à de nombreuses reprises le mot « singe » n'est pas un terme scientifique, il appartient au langage courant, celui employé par le quidam ordinaire qui n'a pas forcément les moindres compétences en anthropologie ou zoologie.

Mais vous pourriez me dire que le journaliste du New York Times qui a écrit cet article n'a pas de légitimité pour parler du sujet et que par conséquent il se trompe. Pourquoi pas ? Sauf que cet auteur, Darren Incorvaia, possède un doctorat en écologie, évolution et comportement obtenu à l'Université du Michigan. Cela évidemment ne l'exonère pas du risque de dire de grosses bêtises, sauf qu'il cite une étude scientifique dont les formulations sont elles-mêmes équivoques et ne participent pas vraiment à clarifier le sujet ; dans l'étude Towards a great ape dictionary: Inexperienced humans understand common nonhuman ape gestures publiée le 24 janvier (hier donc) le titre est déjà un quasi mystère : 
Vers un dictionnaire des grands singes : Des humains inexpérimentés comprennent des gestes courants de singes non humains
Dans ce titre-même on voit apparaitre l'expression « singes non humains », ce qui voudrait dire qu'il y a des « singes humains », sauf que :
Where did the ape gestures go in human communication? Here, we test human recognition and understanding of 10 of the most frequently used ape gestures.
Où sont passés les gestes des singes dans la communication humaine ? Nous testons ici la reconnaissance et la compréhension par l'homme de 10 des gestes de singe les plus fréquemment utilisés.
Encore une fois les humains sont ici opposés aux singes, bien que précédemment il ait été écrit :
Rich repertoires of these gestures have been described in all ape species, bar one: us.
De riches répertoires de ces gestes ont été décrits chez toutes les espèces de singes, sauf une : nous.
Il ne fait donc aucun doute que pour les auteurs l'homme est bien un singe, sauf que des maladresses viennent dans le texte polluer cette certitude.

Par exemple ce passage :
The underlying mechanism that makes gestural communication comprehensible across great ape species, now including humans, remains unresolved.
Le mécanisme sous-jacent qui rend la communication gestuelle compréhensible chez toutes les espèces de grands singes, maintenant y compris les humains, n'est toujours pas résolu.
« Maintenant y compris les humains », ce qui signifie que les humains n'ont pas toujours été assimilés à des singes, alors pourquoi avoir modifié la définition du mot singe qui, j'insiste, appartient au langage courant depuis la nuit des temps ? Est-ce une espèce de wokisme qui aurait incité certains scientifiques à rabaisser l'homme au rang du chimpanzé ou à « relever » le statut du singe afin de faire de lui l'égal de l'homme ? Est-ce que tout cela ne viendrait pas tout bonnement de ce best seller de Desmond Morris, Le singe nu, paru en 1967, que j'évoquais dans Le singe habillé ?

En tout cas l'article du New York Times ne permet pas, c'est peu de le dire, de clarifier le débat ; en voici quelques extraits :
According to a new study, published on Tuesday in the journal PLOS Biology, many humans are pretty good at understanding ape.
Selon une nouvelle étude, publiée mardi dans la revue PLOS Biology, de nombreux humains sont plutôt doués pour comprendre les singes.
Quand on sait qu'il est difficile de comprendre les humains cette phrase est plutôt cocasse, vous ne trouvez pas ?
While all apes vocalize to some extent, no other living ape species has developed human-like spoken language. Instead, our primate cousins communicate using a language of physical gestures.
Bien que tous les singes vocalisent dans une certaine mesure, aucune autre espèce vivante de singe n'a développé un langage parlé de type humain. Au lieu de cela, nos cousins primates communiquent en utilisant un langage de gestes physiques.
Ici les « singes » sont bien distingués des « primates », cette phrase voulant textuellement dire que nous ne sommes pas des singes mais des primates, ce qui est parfaitement correct.
“We’re then wondering,” Dr. Graham said, “if humans retain this ability to use and understand great ape gestures.”
"Nous nous demandons alors", a déclaré le Dr Graham, "si les humains conservent cette capacité à utiliser et à comprendre les gestes des grands singes".
Kirsty Graham, une primatologue, nous explique donc que les humains pourraient comprendre les gestes...des grands singes ! Si les humains sont vraiment des grands singes cela signifie que nous sommes capables de comprendre nos propres gestes, ce dont au passage je ne suis pas vraiment persuadé...
“This study represents an interesting method to get at human interpretation of ape gestures,” said Frans de Waal, a primatologist at Emory University in Atlanta, who was not involved with the study.
"Cette étude représente une méthode intéressante pour obtenir l'interprétation humaine des gestes des singes", a déclaré Frans de Waal, primatologue à l'université Emory d'Atlanta, qui n'a pas participé à l'étude.
Frans de Waal, encore un primatologue, qui étudie donc tous les primates, verse lui-aussi dans la confusion avec son ambiguë « interprétation humaine des gestes des singes » ; encore une fois si l'homme est bien un singe cette phrase est d'une très grande maladresse.

En tout cas certains scientifiques mondialement reconnus sont plus que circonspects au regard de cette manie d'assimiler l'homme à un singe ; j'ai déjà parlé de John Hawks qui parle carrément de bobard (voir Le singe, l'homme et l'animal) ainsi que d'Yves Coppens qui trouve cette assimilation « abusive » dans Pré-ludes où il écrit page 53 : 
Ces grands cousins (il parle des chimpanzés, des bonobos et des gorilles) n'étant véritablement observés dans leur milieu que depuis un petit demi-siècle (le livre de Coppens date de fin 2014), l'étonnement ne cesse de grandir face à ce que l'on découvre et porte naturellement à l'exagération, comme lorsqu'on déclare : « Le singe est un homme » ou « L'homme est un singe », deux propositions tout aussi abusives l'une que l'autre.
Et il ajoutait un peu plus loin page 55 :
Ma grand-mère me disait : « Si toi tu descends du singe, moi pas ! » Mais si, Grand-mère, toi aussi, et le chimpanzé auquel tu pensais est bien de ta famille ! Mais ta dignité d'humaine pensante est sauve puisque, à partir d'un même potentiel nerveux, en un même laps de temps, les singes et nous avons accompli des destins bien séparés.

Je suis comme la grand-mère d'Yves Coppens, je n'apprécie pas qu'on me compare à un singe, ce qui ne m'empêche pas de savoir que je descends bien d'un singe et que je ne suis pas une création divine.



2 commentaires:

  1. si un climato réaliste est de passage ici pour s'énerver , il ne manquera pas de répondre là n'est ce pas ? ;) https://twitter.com/Jloth3/status/1624869004237017089
    Je ne vais quand même pas aller les chercher sur Skyfall ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne sais pas si des climato-irréalistes passent encore me voir, mais cela m'étonnerait de toute façon qu'ils vous répondent ici. Ils sont trop occupés sur Skyfall ou chez Rittaud à débiter leurs sempiternelles âneries.

      Et ne vous fatiguez pas avec Denis Dupuy, vous n'en tirerez rien, il doit avoir son rond de serviette chez les neuneus de la bande à Rittaud, donc c'est comme si vous discutiez avec un mur, avec la différence qu'un mur peut avoir une certaine utilité.

      Supprimer